Les règles de comptabilité : une question "trop technique"
Lors de l'interview accordée par le Président de la République aux journalistes de France Télévision et de TF1, celui-ci a développé avec insistance les arguments qu'il considère et qu'il avancerait au G20 pour encadrer la pratique des bonus des traders. Il n'a pas parlé des rémunérations des dirigeants d'entreprise, y compris des entreprises bancaires qui attribuent lesdits bonus aux traders. Il a mentionné, par contre, la question des règles comptables, comme l'un des chantiers qu'il faudrait un jour attaquer, mais pour, tout de suite, l'écarter de la conversation, au motif qu'il s'agit d'un sujet trop technique. On lui est évidemment reconnaissant de chercher à ne pas ennuyer le téléspectateur avec des sujets trop techniques.
Pourtant, cela faisait une bonne vingtaine d'années que les partis politiques de droite (et une bonne partie de la gauche aussi) militaient en faveur d'une réforme des normes comptables lorsque celle-ci a été adoptée et mise en oeuvre pour aboutir à la situation actuelle, qui pose des problèmes "trop techniques". De quoi s'agit-il ? Les règles de comptabilité en vigueur le sont depuis 1999, après une longue bataille pour aligner la France (et d'autres pays européens) sur les normes dites anglo-saxonnes. Pour ne pas être trop technique, je ne retiens ici qu'un seul aspect de cette réforme importante, celui des règles de valorisation des actifs dans les bilans.
Les anciennes règles - françaises, mais pas seulement - prenaient comme base de valorisation des actifs (immeubles, stocks, outillage, valeurs financières etc.) leur prix d'achat, éventuellement amorti de provisions pour perte de valeur selon l'ancienneté de l'acquisition. Les nouvelles règles prennent comme base le prix du marché actuel, éventuellement assorti de considérations sur l'utilité du bien ou d'autres indices. Comment mieux inciter les entreprises - financières et autres - à jouer la spéculation sur leurs actifs ?
Ces règles permettent de faire dire aux bilans ce que l'on veut, l'évaluation des actifs étant en effet, en principe, surtout affaire de bon sens et d'opportunité... Elles donnent aussi une prime, en terme de résultat comptable, et donc d'attractivité boursière, aux entreprises qui auront su valoriser leurs actifs sur les marchés, immobilier, matières premières, valeurs financières, c'est-à-dire à celles qui auront su profiter des différentes "bulles".
Les anciennes règles avaient leurs défauts et étaient certainement désuètes par bien des aspects. Les nouvelles sont carrément anti-économiques, puisqu'elles favorisent l'enrichissement sans production correspondante. On le voit, la question est peut-être technique, mais pas si complexe que cela. Le Président ne nous aurait pas ennuyé en nous confiant son point de vue. Mais on comprend que les enjeux, pour les habitués du Fouquet's, sont peut-être trop importants pour être débattus devant tout un chacun.
25/09/09