Camus

 

 

France 2 a diffusé un téléfilm sur Albert Camus. On pouvait y voir, entre autres, la reconstitution d'une conférence de presse qu'il donna à Stockholm, après la remise du prix Nobel. Un partisan du FLN algérien lui demande pourquoi il ne soutient pas leur lutte, qui est pour la justice. Camus répond qu'il ne peut soutenir des attentats, qui tuent des innocents. "Si c'est cela que vous appelez la justice, alors, je préfère ma mère à la justice". Bien entendu, l'opinion, assoiffée de formules simplistes, n'a retenu que le deuxième membre de cette phrase :"je préfère ma mère à la justice". Camus devenait à ses yeux un répugnant petit-bourgeois qui place sa famille au-dessus des valeurs éternelles de la lutte des hommes révoltés. J'ai entendu au café du Commerce et lu dans les courriers des lecteurs des réactions au téléfilm qui reprenaient cette "interprétation". Pourtant, quelle injustice plus grande que le meurtre des innocents ? Celle, peut-être, de la baptiser du nom de justice, justement.

 

A qui la faute ? A cette opinion pressée de salir ? A l'air du temps, heureux de montrer que les idéalistes d'antan ne méritent pas leur gloire et que rien ne vaut le bon pragmatisme de la réussite capitaliste ? A France 2, d'avoir diffusé un film pas très intéressant et dont on pouvait bien imaginer ce que l'opinion en retiendrait ? Ou à Camus lui-même, de s'être laissé aller à une formule provocatrice dont il savait bien qu'elle pouvait être détournée ? Hélas, il est mort.

Janvier 2010