J'ai
délocalisé mes caissiers !
Mais
non, j'écris toujours ce site depuis notre beau pays, Paris,
euh pardon, la France.
Et
oui, depuis que j'habite de nouveau ma ville natale, je reviens un
peu plus souvent au cinéma, et c'est toujours en express, pas
comme pour la sortie dominicale familiale.
Au
bout de trois jours de suite, je me suis bien rendu compte d'une
chose, à Aquaboulevard. Comme il n'y a qu'une seule caisse
ouverte entre 18 et 23h en semaine, il faut faire ... la queue. Ce
n'est pas un problème, sauf quand on calcule au plus juste son
arrivée juste après les pubs de daube et les bandes
annonces pour amateurs cinéphiles (je n'ai pas besoin de les
voir, je verrais tous les films !). Bref, le troisième jour,
un mercredi, j'ai compris, devant une file indienne de 40 personnes,
qu'il me fallait faire un choix.
Un
choix cornélien, dur, triste, difficile.
Très
peu en rapport avec mes prises de position habituelles.
Mais
bon, quand le cochon de patron me met le couteau sous la gorge en
faisant exprès de ne mettre qu'une caisse aux heures de
séances... Et surtout 6 caisses automatiques !
Bref,
j'ai par mon geste de désespoir sous la contrainte musclée,
achevé de mettre au chômage les étudiants de mon
pays. C'est ça où j'accepterais de subir un lavage de
cerveau plus blanc que blanc, alors que je paye une place de cinéma,
pas une séance de TV à la sauce TF1.
Evidemment,
c'est génial, en moins de 15 secondes, j'avais mon ticket dans
la main ! Sans avoir à sourire à un zombie payé
au Smic, sans avoir honte de mon choix (aller voir « Horton »
quand on a 40 ans !), sans avoir à attendre plus que de
raison. Sans parler des conversations idiotes du plan drague de
devant et des débiles qui poussent dans votre dos en croyant
que ça va aller plus vite.
Evidemment
les mecs de droite vont me rassurer en me certifiant que le chômage
étant derrière nous, ce type d'emploi n'est pas amené
à survivre, sans dommage pour la croissance. Mais comme je
suis peut-être de droite sans être idiot, je sais très
bien que le chômage n'a officiellement regressé que
grâce aux départs massifs en retraite, aux embauches
massives dans le secteur public, seule valeur d'ajustement salariale
du gouvernement pour échapper à une gabegie malgré
leurs menaces de supprimer des fonctionnaires, et surtout à
l'augmentation de Rmistes ou autres CES ou éternels étudiants
qui sautent de formations en formations après 40 ans. Plus dur
sera le réveil, quand toute une génération sera
définitivement en retraite, et que la croissance sera vraiment
nulle, en tout cas en dessous de la valeur perdue dans l'inflation
bien réelle. Et que l'on n'aura plus que des caisses
automatiques devant nous. (Pour mon plus grand bonheur il faut bien
le dire, je n'aime les gens que sur grand écran !)
Que
ce soit pour les congés dominicaux, les non-remboursements de
soins, les contraintes multiples sur la voiture ou l'épée
de Damoclès sur les 35 heures, tout est désormais fait
pour le pouvoir de l'argent. Enfin, de ceux qui en ont. Je suis
heureux de n'avoir pas fait d'enfants, car je suis de plus en plus
persuadé que l'avenir qui leur est laissé est de plus
en plus triste. Beaucoup ont essayé de donner une définition
de l'humanité, par rapport à l'histoire ou par rapport
aux animaux qui semblent aussi intelligents, la seule chose à
laquelle je crois, c'est que l'argent n'est pas une mesure de
l'humanité, ni quand on en a, ni quand on en manque. Le
pouvoir qu'il a donné à quelques uns, qui n'aiment pas
la vraie vie, a depuis longtemps tué l'avancée sociale,
scientifique et historique que l'abandon du troc avait permit.
Triste
époque, adieu mes caissiers (il y avait de moins en moins de
caissières soit dit en passant).
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