
RADIKAL CRITIK !
Ne touchez plus
le fond
en allant au cinéma,
donnez une chance
aux bons films !
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- Eric's
Death.
« Bad
news from the stars ».
L'année
2010 commence mal, Lhasa, Mano Solo, l'ex-femme de Cantat, et pour
finir, enfin pour commencer, la mort de Rohmer.
Je
ne suis pas un cinéphile dans le sens entendu du terme, mais
force est de constater que ma construction personnelle de l'amour du
cinéma me vient de quelques films que je voyais en cachette
de ma mère le soir sur France 3. Et ceux qui me touchaient le
plus étaient très certainement ceux de Rohmer. Non pas
qu'ils me plaisaient, mais ils éveillaient en moi la
possibilité d'un autre monde, plus littéraire, plus
complexe, plus lent que mon quotidien de futur graphiste obsédé
par la vérité de l'image et son spectaculaire, en
aucun cas par les tourments inconstants de la psychologie humaine.
Une fois la
surprise du premier Rohmer (ce devait être « la
femme de l'aviateur ») digérée, j'ai petit
à petit appris à secrètement idolâtrer ce
réalisateur, pour tout ce que je ne comprendrais jamais,
comme pour ses dialogues franco-français et son rythme autant
que le kitsch de l'ensemble que je ne pensais pas voulu.
Le
premier qui m'a posé vrai problème fut « Le
rayon vert », cette pétasse était tellement
insupportable, idiote, sentimentaleuse, faible et incongrue au 20ème
siècle que j'ai cru un moment qu'Éric en faisait
l'héroïne du film. J'ai voulu croire pendant longtemps
qu'en fait, il avait tout construit sur une critique en règle
d'une certaine féminité qu'il détestait autant
que moi. Pour plus tard continuer à douter de qu'il voulait
vraiment dire. Car après le kitschissime « Les
nuits de la pleine lune », je compris définitivement
que son œuvre demeurera mystère, la critique d'une
certaine fragilité des intellectuels à la dérive
n'étant pas nécessairement cynique ou méchante.
Bref j'étais perdu dans un univers trop étranger et
trop peu contrasté, pourtant source de bonheurs vibratoires,
seul avec ma jeune conscience et l'écran de TV. Je crois bien
d'ailleurs n'avoir jamais vu un Rohmer au cinéma.
Je
fus enfin pleinement content de Rohmer avec « Le maire,
l'arbre et la médiathèque », je pouvais ne
plus avoir honte de dire que j'avais presque tout vu d'un
réalisateur pas vraiment grand public avec un film qui
réussissait à ne pas le trahir. Tout en ouvrant une
porte ensoleillée sur un autre auditoire. Il a surtout prouvé
qu'un grand réalisateur peut toujours faire un film « comme
tout le monde », ce n'est pas la difficulté, mais
c'est dans son univers qu'il puise sa force d'artiste et non dans
l'industrie du plus grand nombre.
Contrairement
aux films d'auteurs « chiants » à la
française, Rohmer sauve toujours les meubles avec des
dialogues qui posent question. Sur l'intelligence des humains, sur
leur petitesses, sur l'ennuyant néant. Et avec un style
inimitable que l'on reconnaissait presque toujours au premier plan.
Ce que saura
finalement reprendre Emmanuel Mouret avec l'humour et la
décontraction d'un jeune réalisateur qui aime plus le
cinéma que les hommes tout en ayant sans doute le même
bagage culturel que Rohmer.
Il
me manque dans ma cinéphilie de carton sa période
nouvelle vague, je n'ai vu que des extraits du « genou de
Claire » et peut-être entièrement « Ma
nuit chez Maud » à la vidéothèque de
Paris, sans en être sûr, j'étais déjà
trop vieux avec trop de contraintes de jeune salarié pour
prendre le temps de « lire » ces films en
1980. Mais aussi ses derniers films en costumes, trop loin de
« mon » Rohmer. Il m'a toujours semblé
exclusivement contemporain, puisque c'était le seul qui
savait filmer le quotidien des rues et des appartements sans
spectaculaire, juste avec des vrais gens de notre siècle
dedans.
Rohmer
me restera mystère, autant son œuvre multiple que son
itinéraire intellectuel.
Je
me sens à la fois très proche physiquement d'un tel
homme et très éloigné, aimant plus la beauté
visuelle et sensorielle du monde (sans l'humanité par
milliards s'entend) que le processus cognitif disséqué
de notre tribu, seule façade existante pour cet intellectuel
exigeant et déjà d'un siècle passé par
sa morale lointaine de toute religion.
Bref
je suis un débile un peu cultivé et esthétisant
se contentant d'expériences visuelles et auditives là
où Rohmer était capable d'analyses à la
recherche du sens ou de la structure de ce même monde. Il m'a
apporté beaucoup, pas du divertissement, de l'humour, de la
peur ou des larmes de mélodrames, peut-être simplement
de l'« autre ».
Merci
l'artiste et bon vent.
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