LA TV DES NEURONES : MODE D'EMPLOI.

Pour un emploi rationnel et efficace de la télévision il faut savoir que tout sujet qui perçoit un objet  (réel ou représenté) connecte à l'instant dans son cerveau une assemblée de neurones. De ce fait cet objet devient présent à son esprit. Des perceptions répétées créent des assemblées stables. Des perceptions  fortes s'impriment durablement et du premier coup. On procédera en trois phases :

 

Phase 1 : les fondamentaux de la TV.

Considérons un sujet en gestation dans le ventre de sa mère en congé de maternité se reposant devant sa TV. Il entend et enregistre simultanément les réactions de sa mère aux programmes visionnés. Les explosions , les clameurs,  les exclamations et récriminations diverses convoquent des assemblées de neurones rapidement stabilisées renforcées par des musiques frénétiques. En toile de fond les propos lénifiants des informations revenant à heures fixes créent une nébuleuse de connexions floues et évanescentes. Dés la naissance et très rapidement, en suçant son biberon sur le canapé, cet enfant a accès aux formes et aux couleurs correspondantes ; de nouvelles assemblées liées aux visuels émergents sont connectées aux premières renforçant et gravant deux mondes complémentaires : l'un fait de bruit et de fureur, l'autre de quiétude et de sérénité. Dans ce catalogue d'images variées seront imposés les schémas les plus simples provenant des dessins animés, publicités graphiques, mangas… A la fin de cette phase, un univers onirique d'origine médiatique doit hanter son esprit et dominer sa vie intérieure : il doit être peuplé de figures de méchants et de gentils souvent représentées par des animaux, d'horribles mégères et de bonnes fées, sur un fond de nature idyllique genre pays des merveilles…

Phase 2 : la programmation du consommateur, de Dati à Steevy.

Sur la base atteinte, la présence suffisante du sujet devant son récepteur étant assurée, on peut maintenant organiser l'accès au consumérisme radical. Un matraquage sera mis en place qui alternera les visions de récompenses et de punitions selon que les biens présentés seront acquis ou feront défaut. On commencera par ceux qui satisfont à chaque âge les besoins vitaux ( céréales, laitages, boissons sucrées,…) et ludiques (jeux du premier âge) pour aller progressivement vers des produits manufacturés de plus en plus complexes et chers ( jeux électroniques principalement ). On n'oubliera pas de fixer les esprits dans le registre émotionnel en les noyant sous des flots de musiques diverses aux rythmes obsessionnels et on mettra en place les schémas du bonheur privé en s'appuyant sur les success story de personnalités jeunes en vue. A la fin de cette phase le sujet doit pouvoir se repérer sans peine sur une échelle de valeurs allant de Rachida Dati pour les plus dégourdis à Steevy pour les plus sots. Pouvoir se classer grâce à un ensemble de traits partagés avec une galerie de people doit être leur principale préoccupation. Le système des marques l'aidera puissamment.

Phase 3 : la programmation du citoyen : des urnes bien pleines.

Dans cette phase terminale on va évidemment s'appuyer sur les schémas consuméristes pour structurer et pérenniser les comportements institutionnels et sociaux et principalement électoraux. On encensera l'individualisme en magnifiant les réussites individuelles et on illustrera par des exemples édifiants les dangers de lier son sort personnel à celui des autres dans l'action collective, les autres devant toujours être présentés comme des concurrents déloyaux (se gavant de prestations sociales) et des loosers (rêvant de devenir fonctionnaires). On s'attachera à utiliser les mêmes techniques de l'image pour présenter actions commerciales  et action politique afin que, in fine, un lancement de candidature s'appuie sur les mêmes ressorts qu'un lancement de produit. On n'oubliera pas de montrer à profusion des images de foules électrisées et enthousiastes dont les visages extatiques filmés en gros plan témoigneront de la magie opérée par les prétendants au pouvoir.

Il ne restera plus qu'à le conduire aux urnes afin d’assurer en conscience ces larges majorités qui confortent les puissants dans leur pouvoir et les autres dans la certitude qu'ils occupent leur juste place dans un monde parfait.

Robert Marty

11 juin 2007