Il n'y a
pas que Brasillach Il
fallait s'y attendre, l'affaire Brasillach tourne au combat de chefs. Alduy
saisit au vol la bonne occase d'embêter Bourquin, Elie Puigmal marque sa
différence" et Bourquin sort ses poings. Avec ce résultat cocasse que, ces
jours-ci : être pour Brasillach, c'est de gauche, être contre, c'est de droite.
Tous nos remerciements, messieurs les élus pour cette salutaire clarification
du débat ! Car
enfin il ne s'agit point d'être pour ou contre Brasillach. Ce pauvre collabo de
Brasillach a été jugé. Deux fois. Une fois, en tant que journaliste, à la
Libération, pour avoir dénoncé dans ses articles de Je suis partout des
juifs, des communistes, des francs-maçons, etc… Une autre fois, en tant
qu'écrivain, par la "postérité". Brasillach n'est nullement un auteur
maudit. Il a été, est édité, réédite, lu, cité ; aucune de ses œuvres n'a été
interdite ; il a des amateurs et aimer Brasillach n'a jamais été un délit. Si
sa cote littéraire a baissé depuis une vingtaine d'années, c'est tout
simplement parce que sa littérature ne correspond plus au goût des lecteurs
d'aujourd'hui. De ce point de vue là, c'est à Gide qu'on pourrait comparer
Brasillach : Comme le temps passe et La porte étroite faisait
partie des lectures de notre jeunesse, et maintenant ça ennuie nos enfants et
petits-neveux. Le temps passe, justement. Gide et Brasillach font partie de
l'histoire. Il se trouve que, toujours cités mais beaucoup moins lus, ces
auteurs tendent à se réduire à leur trace historique. De Brasillach, on retient
le procès et l'exécution ; de Gide on retient le compagnonnage avec le PC – et
on brode là-dessus. C'est ainsi que l'on peut en arriver à présenter Brasillach
comme une victime d'un des drames de l'épuration en "oubliant"
les aspects de son œuvre et de son action qui lui ont justement valu la
condamnation (ce que fait Bonet), et Gide comme un stalinien, en
"oubliant" Le retour d'URSS (comme l'a fait M. Hœrner dans son
courrier à Robert Marty publié sur le site de Perpignan-toutvabien). La
littérature n'a rien à voir là-dedans. Car enfin, est-ce qu'il est
indispensable pour aimer l'œuvre de Brasillach de bidouiller sa biographie, de
réduire par exemple les 6 ans où il a été rédacteur en chef de Je suis
partout à un "passage" ? Est-ce vraiment un service à rendre
à l'œuvre de Brasillach que de resservir à son sujet les arguments qui furent
précisément ceux de son défenseur, M° Isorni ? Est-ce qu'il ne vaudrait pas
mieux le sortir une bonne fois du petit cercle des "Amis de Robert
Brasillach", des "Amis de Rivarol", et des amis de leurs amis.
Pour cela bien sûr, il ne suffit pas d'ânonner le catéchisme bardéchien, ou de recopier bêtement des
quatrièmes de couverture (d'ailleurs c'est très vilain de copier sans avouer
ses sources). Il ne
s'agit pas d'être pour ou contre Brasillach. Brasillach a existé, il a écrit
une œuvre importante, il était doué, brillant, cultivé, etc… Cela ne suffit pas
à faire un "grand écrivain", encore moins un "génie", mais
cela est. Brasillach était aussi catalan, né à Perpignan. Adolescent, il a participé à la vie littéraire locale en
concourant aux Jeux Floraux, et publiant dans certaines revues. Pour cela, et
même s'il est perçu comme un écrivain "national" sans attache
régionale (à la différence d'un Mauriac par exemple, et même d'un Simon), même
s'il n'a pas vraiment "écrit en Roussillon", il était légitime de
l'inscrire dans un tableau de la littérature roussillonnaise. Il aurait même
été habile, à cette occasion, de lever le malaise qu'il suscite en Roussillon
(et qui fait par exemple que C. Camps dans l'Encyclopédie Bonneton n'en pipe
mot). Et Dieu sait, sur le thème "Brasillach catalan" s'il y en
aurait des choses à dire ! Sur sa nostalgie des paysages de l'enfance, sur ses
débuts littéraires, sur son tropisme hispanique, sur ses références
historiques, etc., bref, sur son enracinement catalan. Mais cela suppose du
travail, et surtout une autre approche et une autre intelligence de ce terreau
roussillonnais. Car il
ne s'agit même pas de Brasillach. Il s'agit d'une page de l'Encyclopédie du
Pays Catalan qui s'intitule "Ecrire en Roussillon" et qui, sous
la plume d'André Bonet, reflète une profonde méconnaissance de la littérature
en Roussillon. Il est vrai que le sujet est difficile. En Roussillon on écrit
dans deux langues, français et catalan. Deux littératures qui participent à des
champs différents et s'articulent entre elles d'une manière extrêmement
compliquée. Mais M. Bonet ne se situe jamais de manière explicite par rapport à
cette problématique. A tel point qu'on comprend mal pas de quoi il nous parle
au juste. S'il nous parle de l'ensemble de la littérature produite en
Roussillon, pourquoi éprouve-t-il le besoin de faire un paragraphe spécial
("des écrivains entre catalanité et expression française") pour les
auteurs bilingues ? S'il parle du point de vue de la littérature d'expression
française, laissant la littérature catalane à M. Valls, deux pages plus loin,
pourquoi cite-t-il Portet ou Cabanas qui, à ma connaissance n'ont d'œuvre
littéraire qu'en catalan et se revendiquent écrivain(e)s catalan(e)s ? Et s'il
se réserve de parler des écrivains qui ont créé dans les deux langues, force est
de constater qu'il en a oublié beaucoup. Les choix de Bonet sont assez
difficiles à comprendre. Par exemple : pourquoi l'immense Jyeffe (Joseph Fons,
vous le connaissez, vous ?) et pas Lucie Sauvy-Cuillé (que vous ne connaissez
pas davantage, n'est-ce pas ?). Codet certes, mais pourquoi passer sous silence
Bernadi, également publié par Gallimard ? Si Lloancy et Bauby méritent
citation, au nom de quoi passer sous silence Camo, Muchart, Orliac, Angliviel,…
Pourquoi 8 lignes dédiées à Tolza (et quelles ! ) et pas même le nom de
Gifreu ? Et que signifie cette impasse sur Pere Verdaguer qui est non
seulement un bon poète (en français), un romancier et essayiste prolifique (en
catalan), mais encore le meilleur connaisseur de l'histoire littéraire du
Roussillon ? Etc… Reconnaissons qu'en revanche Bonet est imbattable sur
les prix littéraires et n'oublie aucune occasion de citer un éditeur parisien.
Et disons à sa décharge que les choix ne sont pas faciles à faire. Car, soyons
francs, passé Simon, Massé et Brasillach qui ont une indiscutable carrure
nationale, le reste devient un peu flou. Une carrure nationale française. Et
les catalans qui ont une carrure nationale catalane ? M. Bonet ignore. Dans son
"panthéon" figure un catalanisant Jean Amade, qui n'a pas écrit grand
chose en catalan, qu'on a guère vu encensé par les histoires des
littératures, et dont les livres ont tellement bien déserté les
librairies qu'ils n'ont jamais été réédités (depuis 1910 pour Pastoure
et son maître, 1934 pour L'Oliveda) – ce qui n'enlève rien
d'ailleurs à l'importance de son rôle historique. Mais ne figurent ni Josep
Sebastià Pons (bilingue, cité dans toutes les histoires de la littérature et
les anthologies, et réédité régulièrement en France comme en Catalogne), ni
Jordi Pere Cerdà, (premi d'Honor de les Lletres Catalanes, Premi nacional de
literatura – s'il faut des prix). Ce "panthéon"-là : Simon,
Massé, Brasillach, Pons, Cerdà, je ne l'invente pas, je viens de le trouver
dans le Dictionnaire historique, thématique et technique des littératures
(Larousse, 1986). Là on n'est plus dans la perspective de la littérature locale
ou nationale, catalane ou française, mais de la littérature universelle. M.
Bonet, qui est président du CML et grand ordonnateurs des fêtes littéraires en
Roussillon, a d'autres critères que le Larousse. Peut-être même n'aime-t-il pas
Pons ou préfère-t-il Guiter à Cerdà. Ou peut-être tout simplement ne lit-il pas
le catalan, ni dans le texte, ni en traduction. C'est son droit… Mais il
ne s'agit pas des goûts personnels de M. Bonet. Il s'agit d'une encyclopédie
que le président du Conseil Général répand partout avec une fierté tapageuse
comme l'expression la plus digne des vertus du département. Et nous
voilà avec une page sur la littérature qui exprime principalement
l'incompétence et l'irréflexion. Et par dessus le marché avec une "affaire
Brasillach" sur les bras. De quoi édifier en effet ceux qui, à
l'invitation de la quatrième de couverture souhaiteraient découvrir dans cette
encyclopédie notre merveilleux pays catalan. Médiocre et en plus fasciste. marie
grau 27
janvier 2003
de Maurice Bardèche,
beau-frère, éditeur et ayant-droit de Brasillach – outre sa propre œuvre
de fasciste, négationniste et critique littéraire.
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