La CGT

Mines-énergie

 

Au sommaire de cette page

60 millions de consommateurs concernés

Haute Tension à EDF

Expression de Bernard THIBAULT

L'Italie plongée dans le noir

60 millions de consommateurs concernés

Le Parlement a entamé le 15 juin l'examen du projet de loi visant à changer le statut d'EDF et de GDF. La transformation des deux entrepri ses publiques en sociétés anonymes engage un processus de privatisa tion qui pourrait coûter cher aux usagers, aux entreprises comme aux particuliers.
L'ANNONCE AU DERNIER MOMENT, par le ministre des Finances, Nicolas Sarkozy, du report de l'ouverture du capital d'EDF et de GDF, pour une durée d'un an et de la mise en place d'une commission consultative chargée de rendre un avis sur la recapitalisation des deux entreprises, ne change rien à l'affaire. Le passage du statut d'Epic (Établissement public à caractère industriel et commercial) à celui de société anonyme obéit bien à une logique de privatisation et l'ouverture du capital d'EDF et de GDF aux investisseurs privés reste à l'ordre du jour. Nicolas Sarkozy prétend que le changement de statut des deux entreprises est imposé par les instances européennes. Rien n'est plus faux. Mario Monti, le commissaire européen à la concurrence, confirme que Bruxelles est complètement neutre sur la question de la propriété des entreprises. 

« D'après l'article 295 du Traité CE, la Commission ne peut imposer de régime de propriété particulier et cela n'a pas été sa ligne de conduite dans l'affaire EDF. Le gouvernement français aurait pu avoir recours à d'autres moyens que le changement de statut pour soumettre EDF à la législation sur le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises», écrit-il, dans une lettre adressée le mois dernier à Frédéric Imbrecht, secrétaire général de la fédération CGT Mines-Énergie (voir encadré). Il remarque d'ailleurs que les autorités allemandes ont conservé le statut de leurs banques publiques. «Ainsi, le changement de statut est la voie qui a été choisie par le gouvernement français et non pas celle imposée par la Commission», souligne-t-il. Bruxelles exige uniquement la suppression de la garantie illimitée de l'État, dont bénéficient actuellement EDF et GDF, qui constitue, à ses yeux, une distorsion de concurrence sur le champ des activités internationales. Il devrait donc être possible d'abandonner la garantie automatique de l'État pour les activités internationales, sans changer le statut des deux entreprises et en garantissant leur capital 100% public.

Le gouvernement annonce qu'il veut faire d'EDF et de GDF des «entreprises comme les autres » pour affronter la concurrence inter nationale. Mais, là encore, l'expérience mon tre que le statut des deux entreprises publiques n'a pas été un obstacle à leur déve loppement puisqu'elles réalisent d'ores et déjà plus du tiers de leur chiffre d'affaires en dehors de l'Hexagone. EDF et GDF ont noué de longue date des coopérations avec d'autres partenaires. Ainsi, plusieurs centrales nucléaires en France ont-elles été cofinan cées par des opérateurs étrangers. C'est le cas, par exemple, de celle de Chooz, de Fesse neim, de Cattenom et d'autres. Les opéra teurs en question, belge et allemand, bénéficient de droits de tirage électrique en échange de leur participation financière, mais EDF reste propriétaire des établissements et en assure seule l'exploitation. La construction de l'EPR, le réacteur nucléaire de la troisième génération, qui est à l'origine un projet franco-allemand, nécessitera inévitablement l'implication de plusieurs partenaires euro péens.

 

En réalité, les conditions du dévelop pement d'EDF et de GDF ne dépendent pas de questions juridiques liées à leur statut., mais de la mise en reuvre d'une stratégie poli tique et industrielle.

Les chantres de l'ouverture du capital déve loppent encore l'idée qu'EDF et GDF auraient besoin de fonds propres pour financer leurs investissements futurs. Comment avancer cet argument alors que le développement des deux entreprises n'est sous-tendu par aucun projet industriel et aucune vision stratégique de long terme ?

 Les capacités d'autofinance ment d'EDF, constituées essentienement par le montant des dotations aux provisions et amortissements, sont de l'ordre de 6 à 7 milliards d'euros par an. Sachant que 2 à 3 milliards sont nécessaires pour assurer la modernisation des réseaux et les grosses réparations sur les centrales existantes, il reste 4 milliards par an pour financer d'au tres investissements. La construction d'une centrale à cycle combiné au gaz coûte 400 millions d'euros, celle d'une centrale à charbon, 750 millions. Le coût d'une tranche EPR de 1500 MW est de 2,5 milliards, mais il s'étale sur une douzaine d'années. Par consé quent, le financement des besoins en inves tissements pour engager la construction de nouveaux moyens de production correspon dant à l'augmentation de la consommation, au renouvenement des centrales THF en fin de vie et à la préparation du renouvenement du parc nucléaire, ne pose pas de problème particulier, au moins jusqu'à l'horizon 
2015. Concernant GDF, les capacités d'autofinance ment sont de l'ordre de 1,8 à 2 milliards d'eu ros. Les besoins techniques de base en matière d'investissement sont relativement stables, autour de 0,75 milliards. Les besoins supplémentaires pour les grands travaux (nouvelles canalisations transports, par exem ple) font monter la note à 1,1 milliards d'eu ros. Donc, là encore, les capacités d'autofi nancement de l'entreprise permettent de faire face aux échéances. Pour conclure, il n'est pas inutile de rappeler qu'EDF n'a béné ficié d'aucune subvention de la part de l'État au cours des vingt-cinq dernières années, tout en pratiquant les tarifs de l'électricité parmi les plus bas d'Europe.

 

Les projets du gouvernement de changer le statut et d'ouvrir le capital d'EDF et de GDF risquent de coûter très cher aux usagers, aux entreprises comme aux particuliers.
On sait qu'EDF vend aujourd'hui l'électricité au prix de revient et pratique des tarifs inférieurs de 14% à la moyenne européenne. Mais l'ouver ture de 30% du marché à la concurrence en mai 2000, a déjà provoqué une hausse des tarifs de près de 60% pour les gros utilisa teurs (les sites industriels consommant plus de 16 millions de kWh). Ainsi, le président de la SNCF, Louis Gallois, a-t-il chiffré à 120 rmllions d'euros la hausse de sa facture d'énergie pour l'année 2004. L'ouverture de 70% du marché de l'électricité au 1er juillet prochain inquiète cette fois-ci les PME-PMI, les collectivités territoriales, les commer çants et les artisans. Une étude récente de Nus Consulting Croup, un cabinet d'experts de renommée internationale, confirme que la déréglementation entraîne une hausse du prix de l'électricité. Du reste, une note de la direction d'EDF prévoit une hausse de ses tarifs de 10 à 15% d'ici à 2007. 

Quelles seront les conséquences de cette politique sur l'emploi ? 

Dans le nord de la France, des employeurs brandissent déjà des menaces de licenciements. L'augmentation de I% minimum par an jusqu'en 2007 concer nerait aussi les usagers. EDF prévoit un ajustement de la structure des tarifs en aug mentant les abonnements des plus petits contrats (3 et 6 kVA), c'est-à-dire les ména ges modestes, les étudiants et les personnes les plus démunies. Le changement de statut de l'entreprise permettrait ainsi à EDF de fIxer sa propre politique tarifaire, jusqu'alors déterminée par l'État dans le cadre de l'intérêt général.

On sait encore que la déréglementation et la , privatisation des entreprises d'électricité augmentent les risques de rupture d'appro visionnement, dont le coût peut être égale ment très élevé. Chacun se souvient de la panne géante qui a touché 50 millions de personnes sur la côte Est des États-Unis et au Canada, le 14 août dernier. Il aura fallu pas moins de 39 heures pour que la vie reprenne peu à peu son cours. A l'origine de cette panne, le manque d'entretien des sys tèmes d'alarme et de sécurité du quatrième électricien privé américain, First Energy Corp. Depuis le début de cette année, la même entreprise est sous le coup d'une inculpation pour non entretien du couvercle en acier de son réacteur nucléaire de Davis Hesse, près de Tolédo. Le secrétaire d'État à l'Énergie, Spencer Abraham, a estimé que les coûts annuels pour l'industrie améri caine des multiples défaillances dans le transport et la distribution d'électricité aux États-Unis s'élevaient à 119 milliards de dol lars, presque la moitié du budget de la France! L'année dernière, l'Europe n'a pas été épargnée non plus. L'Italie a connu d'importantes coupures en juin, suite à un déficit de production. 

La situation a également été tendue en Espagne, en Angleterre, puis en France, sous l'effet de la canicule. Il faut savoir que l'électricité ne se stocke pas. Pour faire face aux fluctuations de la demande, un opérateur doit donc disposer d'un léger «suréquipement» qui, loin d'être un gâchis, constitue une marge de sécurité pour éviter les délestages, dont le coût est élevé.

En Europe, cette marge de sécurité est bien entamée et la relance d'un programme de construction de moyens de production devient urgente.

Le président d'EDF, François Roussely, en convient lui-même: « Chacun voit bien à la lumière des exemples de la Californie, d'Enron, des grandes pannes, que le marché n'est pas l' al pha et l'oméga, notamment dans le domaine des grands services publics, et tout particulière ment dans l'electricité », confie-t-il dans un entretien  

publié parL 'Humanité (11 mai 2004). L'actionnaire privé est plus préoc cupé par la profitabilité de son investis sement sur le court terme que par l'intérêt général proprement dit. Il s'affranchira faci lement des règles auxquelles s'efforcent de répondre les services publics: qualité du service rendu aux usagers, égalité de traite ment, péréquation tarifaire, droit d'accès pour tous, préservation de l'environnement, prévention des risques, etc. Sur ce dernier point, précisons que les biens d'EDF et de GDF bénéficient actuellement d'une protec tion particulière qui caractérise les ouvrages publics. Cette protection disparaîtrait avec la transformation des deux entreprises en sociétés anonymes. Le passage des biens ; d'un régime protégé à un autre sans protec tion spéciale pose avec acuité la question majeure de la sécurité, en particulier pour  les centrales nucléaires.

Enfin, il faut souligner que l'énergie n'est pas une marchandise comme les autres. L'électricité et le gaz sont des produits de première nécessité qui doivent être acces sibles à tous. 

Ainsi, le service publique de l'énergie est conforme au principe constitu tionnel précisant que «la Nation assure à l'in dividu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». De même, la Consti tution édicte que « Tout bien, toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les caractères de service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». La CGT est donc fondée à réclamer l'organisation d'un référendum pour que les citoyens puissent se prononcer sur l'avenir du service public de l'énergie. Plus de 500000 personnes ont d'ores et déjà signé une pétition en ce sens.

      Téléchargez la pétition en format pdf      

Avec la 

Haute tension à EDF

«Ce n'est pas l'Europe qui impose ce projet»

La mobilisation de ce 8 avril est une étape importante dans la construction d'un rapport de forces pour empêcher la pri vatisation d'EDF et de GDF annoncée dès juillet 2002 par Jean-Pierre Raffarin. Ces der niers temps, la situation s'est accélérée puisque le projet de loi, qui devait être examiné en Conseil d'État ce jeudi et qui le sera finalement le 22 avril, est un tout qui enclenche le processus de privatisation et remet en cause le statut des personnels. En particulier il passe en force sur la question des retraites, allant même beaucoup plus loin que le re levé des conclusions que la majorité des gaziers et des électriciens avaient rejeté lors d'un référendum en jan vier 2003. À la CGT, nous sommes totalement opposés à ce projet et exigeons son re trait. J'ajoute qu'on veut nous faire croire que le changement de statut est indispensable compte tenu de l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie à partir du 1er juillet prochain pour environ 70 % des abonnés. Or cela n'a rien à voir. Il n'y a pas besoin de changer de statut pour ouvrir à la concurrence. D'ailleurs le commissaire européen Mario Monti le reconnaît. Répon dant à une lettre que nous lui avions adressée au début de l'année, il nous a écrit le 29 janvier: "D'aprés l'article 295 du traité CE, la Commission ne peut imposer de régime de propriété particulier et cela n'a pas été sa ligne de conduite dans l'affaire EDF. Le gouvernement français aurait pu avoir recours à d'autres moyens que le changement de statut pour soumettre EDF à la législation sur le redressement et la liquidation judiciaire des entreprises. "

Il n'est pas vrai de dire que c'est l'Europe qui impose ce projet. Il faut donc que le gouvernement français prenne la mesure du rejet de son projet parmi les gaziers, les électriciens, les usagers, certains élus et même des entrepreneurs qui commencent à voir la note un peu salée. Pour l'heure, nous n'avons pas dit notre dernier mot, il y aura d'autres initiatives revendicatives, à commencer par le 22 avril, et probablement une grande manifestation nationale unitaire vers la fin de mai ou au début de juin.

Virginie Gensel; Secrétaire Générale adjointe de la CGT des mines et de l'énergie.

 
UN PROJET FACE A LA PRIVATISATION D'EDF ET DE GDF

L'avenir énergétique de notre pays, la place et le statut des entreprises de service publIc que sont Edf et Gdf comme le rôle de toutes les entreprises de la filière, relèvent d'un large débat public dans lequel citoyens, élus, salariés doivent intervenir. Les questions posées sont essentielles.

Les graves ruptures d'approvisionnement en électricité intervenues en Californie, en Nouvelle-Zélande, au Brésil, en Scandinavie, à New York, et récemment en Italie, démontrent que la pénurie guette. Comme l'a montré l'épisode de la canicule cet été, la France n'échappe pas à ce risque. De nouvelles tensions sont prévisibles cet hiver pour peu que le froid s'installe.

Un second enjeu tient au respect des engagements de Kyoto visant à réduire l' émission de gaz à effet de serre. La part des énergies fossiles doit être réduite en même temps qu'il faut rechercher un développement plus économe en consommation énergétique notamment dans l'industrie et les transports. Enfin, il faut garantir la sécurité de fonctionnement des installations de production et de transport. Ce qui va à l'encontre du développement de la concurrence, de la sous-traitance et de la précarité à outrance que l'on constate dans le secteur.

La libéralisation intervenue en matière d'électricité et de gaz met en péril la poursuite de ces trois objectIfs: les prix montent; les grandes pannes se multiplient; les nouveaux investissements, que ce soit dans le nucléaire ou dans les énergies renouvelables, tardent et sont insuffisants. Après une expérience désastreuse, l'Etat britannique doit ainsi reprendre le contrôle de « British Energy», le plus gros producteur anglais d'électricité, privatisé il y a quelques années.

La Cgt est attachée à la conceptIon du service public qui a présidé au développement d'une politique française de l'énergie, porteuse d'efficacité économique, de solidarité sociale et de cohésion territoriale. Aujourd'hui les principes d'égalité de traitement, de péréquation tarifaire, d'adaptabilité demeurent valables. Mais ils se posent aussi à l'échelon européen où, contrairement à ce qui est affiché, on ne voit pas se constituer un marché européen de l' électricité mais seulement un vaste jeu de monopoly au profit du capital pour se partager la propriété des entreprises électriques et gazières.

Nous entendons nous battre pour une Europe de l'énergie qui porte sous des formes appropriées les valeurs et les objectifs d'intérêt général. Au lieu d'envisager la privatisation d'Edf et de Gdf, responsables politiques et directions d'entreprise devraient mener cette bataille essentielle. Non, il n'est pas vrai de dire que «nous sommes au bout de ce que nous savons faire avec des établissements publics comme Edf ou Gdf ». Ils sont, au contraire, un atout pour la France et l'Union européenne.

La Cgt est déterminée à combattre le processus de déréglementation de l'énergie et ses conséquences. Elle prend aussi en compte les besoins et les exigences nouvelles en France et en Europe. Nous avons l'ambition de contribuer à répondre à ces défis avec les citoyens, avec les salariés, avec les élus. Nous mettons en débat un projet de développement industriel et social résolument orienté vers un nouveau progrès social. Celui-ci n'est pas à prendre ou à laisser. Il est la réflexion de la Cgt, celle de la Confédération et de la fédération Mines et Energie à un moment crucial.

A vous la parole.
                                                

BERNARD THIBAULT SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CGT

      

ELECTIONS PROFESSIONNELLES EDF/GDF:

Sur Avignon

CGT : 61% (-4%)

 FO : 14% (+ 6%)

CFDT: 16,3% (- 2,5%)

 

Nationalement

CGT : 53% (+0,1%)

FO : 15,6% (+1, 6%)

  CFDT: 19% (- 3,9%)

 

L'ITALIE PLONGEE DANS LE NOIR

Interview de Denis Cohen, Secrétaire Général de la Fédération des Mines et de l'Energie

Comment expliquez-vous cette nouvelle panne ?

Denis Cohen. On ne connaît pas encore la nature de la panne. L'origine la plus avancée est une rupture d' alimentation sur une ligne Suisse-Italie, qui a conduit à une succession d'effondrements en cascade, à la manière d'un château de cartes. Reste à savoir pourquoi les deux lignes France-Italie ont aussi été rompues. Les Américains n'ont toujours pas rendu publiques les raisons de la grande panne. Je ne sais pas si on aura un jour la version officielle, que ce soit aux Etats-Unis ou en Italie. Nous sommes touchés en Europe depuis trois étés et trois hivers. Il y a eu les grandes pannes d'Espagne, l'année dernière; Londres et l'Italie à deux reprises; La France a failli connaître une insuffisance de production cet été. Il y a suffisamment d'indicateurs au rouge pour dire qu'il faut appliquer le principe de précaution. La multiplication de ces incidents laisse à penser que le problème est le rapport aux investissements. Derrière toutes ces pannes, il y a une logique de marchandisation. Depuis que la Californie et le Royaume-Uni ont inventé la déréglementation, on constate que, partout où elle a été installée, cela ne fonctionne pas. Dans les pays à forte croissance comme dans les pays en voie de développement.

La France est-elle à l'abri de tels incidents ?

Denis Cohen. On a failli avoir une panne en France, au moment de la canicule, où la situation a été délicate pendant vingt-neuf jours. Il peut encore y avoir des problèmes cet hiver. Ne laissez qu'aux intérêts privés le soin de l'électricité, comme veut le faire le gouvernement français, c'est refuser l' investissement à long terme dans les moyens de production et de transport. Nous demandons un référendum sur l'avenir d'EDF et des services publics. L'électricité n'est pas une marchandise comme les autres et ne peut être régie par la loi du fric. Et on ne peut pas réguler ce marché que sur des questions financières d'offre et de demande et de rentabilité. On est à la croisée des chemins en Europe. Même les patrons ont été obligés de le reconnaître. Quand on discute avec les Anglais qui sont nos clients, ils sont d'accord pour dire que le système électrique français est bon. Le pays le plus nationalisé est celui qui exporte aux plus libéralisés.

Comment revenir sur cette déréglementation ?

Denis Cohen. Nous avons déjà proposé, avec d'autres organisations, de faire un bilan réel de la déréglementation, d'un point de vue social et économique. Le but étant de la rendre réversible et de la réorienter pour ne pas aller vers l'ouverture totale du marché prévue en 2007. Il (aut une véritable politique énergétique européenne de réinvestissement et de coopération, fondée sur trois aspects: la sécurité de l'approvisionnement de l'Union qui risque de dépendre de plus en plus de ses importations, le respect des engagements de Kyoto et le droit à l'énergie, puisque 55 millions d'Européens vivent sous le seuil de pauvreté. Il s'agit d'aller vers une véritable construction européenne sur des bases de services publics. L'argument essentiel des dérégulateurs était de dire que le marché de l'énergie est en surcapacité et que la concurrence permettrait de faire baisser les prix. Or, aujourd'hui, il n'y a pas surcapacité mais plutôt pénurie, et la marchandisation de l'électricité s'oppose de plus en plus aux politiques à long terme. On ne va pas faire comme pour les feux rouges ; attendre qu'il y ait vingt morts pour installer des systèmes de protection. Il est urgent de diversifier les sources d'énergie, d'investir dans la recherche sur les énergies renouvelables et d'arrêter de fermer les centrales au charbon parce qu'elles sont des éléments de sécurité dans un réseau perturbé. Il y a déjà eu trois cent mille suppressions d'emploi en Europe et on en attend encore deux cent mille.

Entretien réalisé par Ludovic Tomas

Humanité ; 29 septembre 2003

Déclaration des fédérations du 23 juin 2003(format PDF)