Les négociations annuelles obligatoires

texte issu des pages juridiques de la Nouvelle Vie Ouvrière

NEGOCIATIONS COLLECTIVES: Cela fait bientôt un an que les dernières négociations ont eu lieu dans votre entreprise. Votre employeur doit convoquer les syndicats à des réunions abordant tous les thèmes de la négociation annuelle. A défaut, les syndicats peuvent déclencher ces pourparlers incontournables. 

La négociation annuelle obligatoire dans l'entreprise

TOUTE ENTREPRISE DU SECTEUR PRIVÉ, ainsi que les entreprises nationalisées dépourvues de règles statutaires propres, sont tenues d'engager chaque année des négociations annuelles obligatoires (NAO). Cette obligation suppose l'existence d'au moins une section syndicale dans l'entreprise et la présence d'un ou plusieurs délégués syndicaux, lesquels sont les seuls habilités à signer des accords collectifs. A première vue donc, la NAO n'est prévue que dans les entreprises de 50 salariés, effectif en dessous duquel aucun délégué syndical n'est normalement désigné. Toutefois, un délégué du personnel peut être nommé, pour la durée de son mandat, comme délégué syndical, de même qu'un accord collectif peut abaisser le seuil des 50 salariés. Ces deux hypothèses rendent obligatoire la négociation annuelle.

Constitution des délégations
Du côté salarial, la délégation de chaque syndicat représentatif comprend obligatoirement son délégué syndical ou, en cas de pluralité de délégués, au moins deux délégués syndicaux. Chaque syndicat peut compléter sa délégation par des salariés de l'entreprise dont le nombre est fIxé par accord entre employeur et syndicats. A défaut d'accord, ce nombre est au plus égal, par délégation, à celui des délégués syndicaux de la délégation. Toutefois, dans les entreprises n'ayant qu'un seul délégué syndical, ce nombre peut être porté à deux.
Du côté patronal, c'est l'employeur ou son représentant  -le directeur du personnel- qui mène les négociations.

Sur quoi portent les pourparlers ?
Les négociations doivent impérativement porter sur les sujets suivants:

1.les salaires effectifs, c'est-à-dire les salaires bruts ainsi que tous les accessoires (primes et avantages en nature). Sans viser les salaires individuels effectifs, il est possible de négocier les critères d'augmentation individuelle lorsqu'une telle politique est pratiquée dans l'entreprise en sus de l'augmentation généraIe. D'autre part,  les éléments qui ont des incidences sur la rémunération (mode ou montant) doivent être abordés lors de la NAO. Il en est ainsi d'un nouveau contrat collectif d'assurance modifiant les salaires effectifs d'une catégorie du personnel. Rappelons que les discussions doivent englober tous les salariés. L'employeur qui décide de traiter à part les modifications qu'il souhaite apporter au calcul des salaires d'une catégorie de personnel se rend coupable de délit d'entrave; 

2. la durée effective et l'organisation du temps de travail. Il s'agit tant de la RTT, du temps partiel, des jours de repos et de congés etc.. que de l'aménagement et la répartition des horaires, la modulation, la répartition des horaires, le travail de nuit, le travail par équipe etc. ;
3. le régime de prévoyance maladie,  lorsque les salariés de l'entreprise ne sont pas déjà couverts par un accord de branche ou d'entreprise portant sur cette matière ;
4. L'épargne salariale. lorsque les salariés ne bénéficient d'aucun accord d'intéressement, de participation, de plan d'épargne entreprise etc.;

5. l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. La négociation doit porter sur les objectifs de l'entreprise ainsi que les moyens mis en reuvre pour les obtenir. Le rapport de situation comparée remis au comité d'entreprise en vertu de l'article L. 432-3-1 du code du travail, doit servir de base aux pourparlers. Si un accord collectif a été signé sur le sujet, la périodicité de la négociation passe à trois ans ;
6. l'évolution de l'emploi (nombre de contrats à durée déterminée et de contrats d'intérim, les prévisions annuelles et pluriannuelles d'emploi établies dans l'entreprise, et de manière plus facultative, formation professionnelle).
La loi portant réforme des retraites rend enfin obligatoire la négociation, tous les trois ans, des questions relatives à l'accès et au maintien des salariés âgés dans leur emploi et à leur accès à la formation professionnelle.

L'engagement et le déroulement des négociations

A chaque négociation, toutes les organisations syndicales représentatives doivent être convoquées. Cette règle s'applique dans tous les cas: 

L'employeur ne peut procéder par réunions séparées avec chaque syndicat et soumettre à l'ensemble les résultats ainsi obtenus. De même, si une réunion de signature est organisée, la présence de tous les délégués syndicaux est impérative, même si certains ont marqué leur opposition aux dernières propositions formulées. Les juges ont précisé que, si le projet d'accord final presente des modifications substantielles par rapport au dernier projet dont ont eu connaissance tous les syndicats, tous ces derniers doivent être convoqués pour une ultime séance de signature. Si l'employeur ne convoque qu'une partie d'entre eux, sous prétexte que les autres ont quitté, de manière volontaire, les deux dernières réunions prévues au calendrier, l'accord signé est nul. Normalement, l'employeur impulse les négociations en convoquant les délégués à une première réunion. S'il ne prend aucune initiative alors que douze mois se sont écoulés depuis la dernière NAO, un syndicat peut en demander l'ouverture. 

Dans ce cas, l'employeur est tenu de :
 

Lors de la réunion préparatoire, l'employeur doit préciser :

Les négociations sont entourées de peu de formalisme. L'exigence d'un minimum de loyauté dans les discussions impose à l'employeur de discuter sérieusement et aussi longtemps que nécessaire des revendications qui lui sont présentées, et qu'il ne prenne pas de décisions unilatérales au cours de celles-ci, sur les matières en discussion, « sauf si l'urgence le justifie».
D'autre part, dans le cas où les négociations ne se solderaient par aucun accord, l'employeur devrait appliquer aux salariés les dernières propositions qu'il a faites. Toutefois, certains auteurs estiment que, du point de vue du jeu de la négociation, il n'y est pas tenu. La loi n'impose quant à elle que la rédaction d'un procès-verbal consignant, en leur dernier état, les propositions respectives de l'employeur et des syndicats.
Du côté salarial, des discussions efficaces nécessitent une certaine préparation et des revendications argumentées. La loi prévoit l'attribution, à certaines entreprises, d'un volet d'heures de délégation supplémentaires consacré à la préparation de la négociation annuelle :
          -10 heures par an dans les entreprises occupant au moins 500 salariés ;
          -15 heures par an dans celles occupant au moins 1000 salariés.
Ces temps de délégation sont de plein droit considérés comme temps de travail et payés à l'échéance normale. Ils s'ajoutent au crédit dont bénéficient les délégués à titre individuel. Il est déplorable que seules les grandes entreprises en soient bénéficiaires.

La négociation au niveau de l'établissement est possible

L'article L.I32-19 du code du travail autorise la négociation au niveau de l'établissement, en alternative à la négociation au niveau de l'entreprise. A condition, selon les juges, d'une part, que chacun des établissements concernés dispose d'au moins un représentant syndical et, d'autre part, qu'aucune organisation syndicale présente dans les établissements ne s'oppose à l'engagement de pourparlers à ce niveau.
Des négociations décentralisées peuvent aboutir à l'application d'accords sensiblement différents, sans que les salariés puissent invoquer une quelconque discrimination. Ainsi, la mise en place de la RTT peut se faire sur des modes différents. De même, les salariés d'établissements distincts qui se trouvent dans une situation similaire peuvent constater des disparités dans leur rémunération sans que les juges considèrent cela comme discriminatoire. Ces différences résultent en effet de l'application objective du droit de la négociation collective, selon lequel un salarié ne peut revendiquer les clauses d'un accord d'établissement dans le champ d'application duquel il ne rentre pas.