L'espace

L’espace est une recherche en cours ; c’est à la fois les composants et un lieu précis du projet d’archi. On y travaille dessus toute une vie, à ce stade de la notre, on explique comment un jeune archi doit l’entendre.

Ce qu’ici on entend par espace, c’est avant tout ce que les yeux aperçoivent ; mais pour parler d’espace il faut en considérer son utilisation. Il s‘agit d’un échange matériel entre ce que nous touchons avec ce que nous apercevons, qui ne peut pas se limiter à l’opposition « extérieur et intérieur ».

Un espace est en même temps un décor, visuel et physique. Nos yeux et notre corps entrent en relation avec son interface. Nous recevons de l’espace des informations subliminales ou automatiques sur son utilisation et nous sommes aussi tôt rassurés lors qu’il s’agit d’une représentation visuelle facilement reconnaissable. Evidemment, l’interaction de ce que nous voyons avec notre corps peut être inhabituelle, automatique ou inconsciente, et encore prévisible.

Un couloir vide avec des portes fermées est un endroit limité où à un moment donné on s’arrêtera pour le quitter ; l’éclairage, les matériaux (textures et couleurs), la forme et le style des portes et leurs poignées, complètent les informations que nos yeux aperçoivent et vont caractériser cet espace. Jusqu’ici tout est automatique, car notre imaginaire contient cet espace et avec plusieurs représentations. Mais imaginons que les portes ne sont pas des portes de locaux, on dirait plutôt des portes d’armoires, et que certaines sont des trompe-l’œil et encore que toutes celle d’un coté sont vitrées donnant sur une terrasse en bois. Nous ne somme plus dans le même endroit imaginé, nous recevons d’autres informations de nos yeux et enfin, nous cherchons d’autres relations avec cet espace.

Donc, pour une typologie tout à fait banale, la nature des détails constructifs et la profondeur de l’image percée par nos yeux, modifie la perception de l’espace que nous recevons. Cela c’est un point assez fondamental. Détail et profondeur règlent un espace et ainsi notre vision de cet espace.

La description de l’espace est la même lorsqu’on voit un bâtiment dans le paysage. Généralement, le caractère monolithique d’un bâtiment impose une vision partielle des ses parties (l’entrée, une série de fenêtres, un jardin, un bout d’élévation, les matériaux de façade, un balcon, un creux, une loggia, l’arrête d’angle, le toit, les sous dalle des porte-à-faux, etc...) d’où une relation avec le regard par vues successives. L’addition théorique de ses vues détermine l’espace bâti, mais chaque vue partielle est un espace précis. Ces espaces peuvent présenter des variantes, des oppositions, ou encore des répétitions dans la composition complète du bâtiment, mais leur constitution est une délimitation de notre regard. Lorsqu’on considère ces « vues successives » en phase d’étude, le projet s’enrichit en allant exciter le regard et donc créer une interface des ses espaces avec notre vision. Il ne s’agit pas de faire du maniérisme ni d’imaginer un bâtiment microcosmique (en opposition au caractère monolithique), il s’agit de permettre de voir et de faire interagir les gestes de l’observateur avec l’espace bâti.

Un élément fort intrigant de l’espace d’un bâtiment dans le paysage, est certes son rapport avec la lumière. Réflexion, transparence, translucidité, ombre font vibrer le bâtiment lui conférant plusieurs aspect au fil du jour. Ces variations permettent un contact émotionnel très fort par le regard et leur matérialité réside par abstraction ou déformation du réel (marcher sur le sol blanc, sous un auvent de losanges en bois, à midi en été veut dire marcher sur un damier noir et blanc ; regarder une paroi vitrée permette de voir un miroir de reflets qui se mélangent avec ce qui est au de la de la vitre ; travailler sur le contre jour des parois translucides permette au couché du soleil d’assister de l’extérieur à des mouvements d’ombres chinoises ; la projection des éléments en porte-à-faux sur les parois par les rayons hivernales dessine les façades, etc...).

Notre regard, là où le paysage le permet, trouve des vues panoramique à l’échelle du territoire. Dans ce cas, le regard s’éloigne beaucoup plus vite dans l’imaginaire et privé de l’apport physique (étant donné la distance) développe un travail de recherche entre forme et contenu. La notion d’espace n’est plu ressentie sur notre corps et l’attention se focalise dans le rapport construit et territoire.

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