...Un
oeil juste mais ébloui s'est posé devant ces vies humbles sourcées
pourtant au plus profond. Celui-là savait-il que qui garde les vaches
longtemps dans le même pré ou remue la terre d'un même
champ au fil des saisons et des ans peu à peu perçoit la respiration
fabuleuse et tragique du monde? Peut-être même l'a t-il captée.
Des hommes, des femmes posent devant un mur de pierres, et ces photographies
permettent de bien voir qu'un passage s'effectue. Visages et pierres sont
un même tissu. Ce tissu vit. Une seule et même coulée,
l'invisible ici affleure. Je ne sais si c'est inquiétant ou consolant.
Au-dessus, des nuages déchirés par les vents. Et tout se passe
comme si l'invisible portait à bout de bras ce réel si compact,
si lourd et pourtant si peu consistant...
Roger Planchon