1. Lorraine : Symboles.

Lorraine, prêtresse de Mara

Lorraine observe les allées et venues des chats dans la cour de la déesse.

Elle est brune, aux yeux noirs, la peau bronzée, de taille moyenne. Elle a vingt ans.

- Le grand prêtre te demande.

Lorraine est une novice du temple de la déesse Mara, situé dans l'une des nombreuses criques que forme la côte.

Ce culte, fuyant les persécutions, a traversé la mer intérieure il y a quelques décennies, et a trouvé refuge ici, en Corinthie.

Cette province est faiblement peuplée, et encore à moitié sauvage. Les habitants se sont regroupés en quelques villes côtières. La tutelle du roi et des princes y est légère.

- Lorraine, je te sais impatiente de faire tes preuves. En voici l'occasion : demain tu accompagneras l'expédition financée par maître Amaury, que voici. Tu seras le guide moral de cette entreprise, et la demoiselle de compagnie de sa nièce.
- Quel est le but de cette expédition ?

Maître Amaury lui explique qu'il s'agit d'approvisionner le comptoir de son frère, situé à cent lieues de là, au pied des collines grises, dans le nord. L'expédition ne comporte aucun risque. Lui n'en fera pas partie, trop occupé par son commerce, mais il a aussi engagé cinq hommes d'armes expérimentés pour servir d'escorte. Il fait appel à son culte car les prêtres du prince Corn, dont ils doivent traverser les marches, demandaient un prix vraiment exorbitant pour ce menu service.

Pour subvenir aux rites toujours plus coûteux de leur religion, le temple loue fréquemment ses services : remèdes, soins, augures et protections divines en tout genre. De ce fait les grands prêtres agissent souvent par intérêt, bien que les principes moraux de ce culte soient tournés vers le Beau et le Juste.

Lorraine accepte avec empressement cette mission. Elle ressemble physiquement à ses consœurs, mais n'est pas nées comme elles du petit groupe de colons qui ont traversé la mer. Orpheline, elle a été recueillie, enfant, par le temple. Son seul avenir est d'épouser un obscur acolyte, et de finir gardienne des registres. Mais si elle montre du talent...

Elle rejoint les autres membres de l'expédition. En fait de guerriers expérimentés, ce sont des paysans lourdauds dans leurs armures neuves de piètre facture, et un jeune aventurier. Le tout est commandé par un mercenaire, un ancien marin, sans grande envergure, juge la novice.

La nièce s'appelle Idis. Elle est d'un physique commun, sans personnalité. Lorraine apprend qu'elle devait se marier avec son cousin, mais que celui-ci a préféré s'engager dans la marine.

Ils disposent d'un grand chariot (deux petits eussent été préférables, songe Lorraine), de deux mules de bât, et d'un cheval. La novice, que la conversation insipide d'Idis ennuie, troquerait volontiers sa place dans le chariot contre la place du mercenaire sur l'unique cheval. L'ancien marin accepte de bonne grâce.

Le voyage s'écoule sans problèmes durant deux semaines. Le soir, Lorraine écoute le jeune aventurier parler d'explorations, de châteaux, de trésors, d'aventures. Il est beau. Il s'appelle Jack. Lorraine montre le seul tour vraiment spectaculaire que les prêtres lui ont appris : l'évocation d'une lumière produisant une lueur équivalente à celle d'une torche. Elle s'amuse à lutter avec les paysans : le combat fait aussi partie des enseignements du temple. Elle sait également manier un fléau d'armes : pour des raisons théologiques, l'usage de l'épée, et de toute arme de pointe ou de taille, est incompatible avec les talents d'une guérisseuse.

Ils traversent une région de plus en plus sauvage, faite de bois et de rochers. Et une nuit, alors qu'ils ont quitté les marches du prince Corn :

- Alerte !

Le camp est attaqué par des orques : ces créatures inhumaines qui terrorisent les enfants dans leur sommeil. Mais à cet instant c'est bien réel. Avec leur mâchoire prognathe, leur nez retroussé en forme de groin, leurs canines proéminentes et les poils qui leur poussent sur le visage, ainsi que leur nature barbare, les humains les comparent souvent à des porcs. Mais ils ont des mains et se tiennent sur leurs pieds. Ils ont aussi des armures de cuir, des boucliers et des armes, et savent s'en servir.

Une sentinelle s'écroule, mais le reste de l'expédition réagit vivement. Lorraine trouve une utilité pratique à son charme de lumière en l'invoquant sur les yeux d'un adversaire.

Les orques ne sont que cinq. C'est un petit groupe isolé du reste de la horde. Le combat se fait donc à un contre un.

Lorraine élimine facilement son adversaire aveuglé (les orques sont des créatures nocturnes, qui sont particulièrement sensibles à la lumière), et se retourne pour voir la situation.

En dehors de la deuxième sentinelle, les deux autres paysans n'ont pas eu le temps de mettre leurs armures, et cherchent surtout à éviter les coups en se protégeant derrière le chariot. Le marin, par sécurité, dormait avec son armure de cuir, mais a fort à faire avec deux ennemis. Il ne réussit qu'à parer les coups de ses adversaires, et ne parvient à prendre l'initiative du combat.

Jack a disparu.

Lorraine enfile sa cotte de maille, et vole au secours du marin. Coude à coude, ils résistent péniblement, ignorant le reste du combat, mais imaginant le pire.

Surprise ! Deux paysans arrivent à la rescousse, et... Jack!

Celui-ci s'était caché sous le chariot, et a attaqué un premier, puis un deuxième orque par-derrière, les tuant promptement.

Bref...
A cinq contre deux...
L'affaire est rapidement conclue.

Après la bataille, Lorraine soigne les blessés. Mais il est trop tard pour la première sentinelle. Les orques sont tous morts. Ces êtres combattent toujours ainsi : jusqu'au dernier et sans intelligence. Jack est félicité. Puis l'équipage repart en pleine nuit, de peur de l'arrivée d'autres monstres.

Quelques jours plus tard, ils sortent de cette région sinistre. Le paysage change. Les arbres sont plus verts, les rochers plus érodés. Ca et là apparaissent les ruines d'élégantes tours et de petits châteaux fortifiés.

Et Jack recommence à parler d'explorations, de châteaux, de trésors, d'aventures.
- Un ami m'a dit avoir trouvé une cassette de pierres précieuses dans un donjon abandonné pareil à celui-ci, à peine défendu par deux blaireaux géants.

A deux jours du prochain village, avant-dernière étape de l'expédition, Lorraine ne résiste plus. Malgré les avis du marin, elle supplie Jack d'aller avec elle explorer un de ces fameux "donjons". Ils partent.

L'aventurier marche devant, apparemment joyeux de cette belle journée, et de cette aventure. Lorraine est heureuse d'échapper pour un jour ou deux à cette ennuyeuse mission, et aussi d'être seule avec Jack.

Arrivés à cent pas de leur objectif, une demeure d'un étage, encore en bon état en dehors du toit, elle arrête son compagnon.
- Il faut quand même prendre des précautions. Je vérifie si cet endroit ne recèle pas le Mal.

Elle tient son symbole religieux, un bijou de cuivre et d'argent monté en pendentif, et se concentre pour prier. Jack se tient à quelques pas derrière elle.

Elle termine son incantation et s'apprête à porter le pendentif devant son regard afin d'éclairer sa vision sur les éventuelles auras de forces surnaturelles, lorsqu'elle réalise combien elle a été stupide. En effet elle vient de sentir Jack appuyer la pointe d'un stylet contre sa nuque, en un point que tous deux savent être vital.
- J'aurai déjà pu te tuer vingt fois depuis notre départ. Tu es la seule véritable protection de l'expédition de maître Amaury, et le seul obstacle dangereux à mes desseins, déclare Jack.
- Traître !
- Lève tes mains, avance, et n'essaie pas tes tours sur moi, sinon je tranche ta jolie gorge. Vous pouvez venir vous autres !

Une dizaine d'hommes en armes sortent alors de l'ancienne demeure. Plus précisément pas tout à fait des hommes, leurs faciès porcins trahissent leurs origines : Ce sont des demi-orques, fruits d'unions brutales entre orques et captives humaines.

- Notre gibier est à quelques heures d'ici. Où avez-vous caché les chevaux ?
- Dans une clairière, pas loin.
- Amenez-les et partons tendre l'embuscade. Quant à elle, ôtez son armure et ligotez-la. Un homme suffira pour garder notre repaire.
- Ne ferions-nous pas mieux de la tuer tout de suite ?
- Sans son symbole, elle ne peut nous nuire, mais méfiez-vous tout de même, elle est aussi forte qu'un homme. Je l'ai vu à l'œuvre.

Et avant de partir Jack ajoute : "Nous jouerons avec elle à notre retour." Ceci achève de dérider ses hommes.
Ligotée dans un coin, à demi-nue, Lorraine contient sa rage. Seule avec son gardien, elle peut mettre son plan en action. Les imbéciles ! Ils ignorent que voler un symbole religieux attire les foudres divines.
Elle feint un demi-sommeil, et commence à geindre langoureusement. Son geôlier, intrigué, se rapproche. Mais on l'a mis en garde contre la sorcière.
Les gémissements deviennent de plus en plus équivoques. Excité, le garde s'avance, la prend par les épaules, la retourne sur le dos...

Maintenant il est en position.
Lorraine ouvre brusquement les yeux et le fixe du regard. Elle utilise en un seul mot toute la puissance de la Voix, en se remémorant les leçons de ses maîtres.

- Dors !

Et le garde s'effondre sur elle.
Lorraine sait que ce sommeil surnaturel ne durera pas. Elle a attiré le garde suffisamment près. Là, doucement, pour ne pas le réveiller, elle prend son couteau, coupe les cordes. C'est fait. Et maintenant elle se dégage, toujours doucement...
Puis, enfin libre, elle se saisit d'une masse, revient vers le corps du demi-orque toujours endormi, soulève son arme au-dessus de sa tête, le réveille d'un coup de pied... et abat la masse sur son crâne.
Sa vengeance ainsi partiellement satisfaite, elle court vers le lieu présumé de l'embuscade.
Il fait presque nuit lorsqu'elle y arrive. Le chariot est renversé, les bêtes percées de flèches. Toute l'escorte est décimée. Elle ne voit aucune trace de ses ennemis, ni de la nièce.

Elle entend le râle d'un survivant. C'est le paysan qu'elle avait déjà soigné. Il est sur le point d'agonir.

- Ne parle pas.
Elle examine ses blessures. Ce sont de profondes entailles. Elle n'a ni ses baumes, ni ses herbes, mais la puissance de sa déesse coule encore un peu dans son âme. Elle impose ses mains sur les plaies, et elles se referment.

Fatiguée par cette ultime invocation de sa divinité, Lorraine se dirige ensuite vers le chariot où, entre la troisième et la quatrième planche du fond, oui, il est toujours là ! Elle a caché un deuxième symbole en prévision d'une surprise de ce genre. Le contact du métal sacré, bien que froid, la réconforte un peu.

Et maintenant, il faut emporter le blessé, et fuir vers le village, à travers la nuit, le froid, la peur...

Lorraine progresse par petites étapes, en portant le paysan sur son dos, et se cachant dans les fossés pour dormir quelques heures.

A l'aube, le blessé reprend conscience. Il a soif, la prêtresse aussi.

Elle serre son symbole entre ses paumes. Oui, le flux de pouvoir mystique passe de nouveau.

Lorraine prie avec ferveur, prend l'outre vide qu'elle a emportée, y fait couler un peu de rosée recueillie sur une feuille... et invoque l'eau du ciel. Les gouttes se muent en quelques litres d'eau pure.

Elle fait boire le blessé, s'abreuve elle aussi, et profite du reste pour nettoyer les plaies. Puis elle impose de nouveau ses mains.

Pour la faim, ils verront plus tard !

En trois jours ils arrivent, affamés, épuisés, au village. Une petite troupe du prince Corn y stationne.

Après s'être restaurée, Lorraine supplie le commandant de ce détachement d'envoyer une expédition de secours pour la jeune Idis.

Le chef de cette troupe, Arnus, est étrangement jeune pour sa fonction. Toutefois c'est avec autorité qu'il réplique :
- Je n'ai que quelques hommes. Je ne peux les risquer dans une aventure hasardeuse. Je vais demander des renforts. Il faut attendre. Ces brigands espèrent probablement une rançon.
- Dans ce cas j'y vais seule.
- Je vous accompagne, déclare une troisième voix.
L'homme qui vient d'intervenir est blond, grand, aux muscles longs. C'est un des villageois, un chasseur.
- Pouvons-nous avoir au moins des armes, et des chevaux ? demande-t-il.
- Auriez-vous une armure solide à ma taille ? ajoute la prêtresse.
- Pourriez-vous la porter ? s'étonne Arnus.
- Je suis assez forte.
- Pour ma part, je préférerais une cotte de maille, et un grand bouclier, dit le chasseur.

Plus tard, une fois équipés selon leurs désirs, lui et Lorraine nouent plus ample connaissance :
- Quel est ton nom ?
- Dalor. Pour vous servir.
- Tu sembles plus qu'un simple villageois. D'où te vient cette épée ?
- De mon père.
Puis, peu après, il précise :
- C'était un capitaine du roi. Mes trois frères ont péri à la guerre. A la mort de ma mère, il a promis sur sa tombe que je ne serai jamais soldat, et il s'est retiré ici. Ce n'était alors qu'un poste de la frontière, à la lisière du monde connu. Il a toujours refusé de m'enseigner l'art des armes, mais je l'ai souvent observé lors de partie de chasse, et je lui dérobais son épée pour m'exercer en cachette. A sa mort il me l'a finalement léguée, mais m'a fait jurer de ne jamais m'enrôler.
- Plus tard, j'aimerai que tu me parles un peu plus de cette frontière. Mais pour l'instant, je dois choisir les sorts que je vais pouvoir utiliser aujourd'hui.

Finalement Lorraine opte pour laisser ce choix à l'omniscience de sa déesse. Elle ne dispose que d'un contact limité avec le pouvoir divin, cela elle le sait déjà ; et sa déesse n'est pas totalement omnisciente, cela elle ne le sait pas encore.

Le deuxième jour, sur les conseils de Dalor, ils ralentissent leur allure de façon à pouvoir attaquer à l'aube : "les sentinelles seront moins éveillées". Au début du troisième jour, donc, ils approchent de l'ancienne demeure.

- Reste ici. Je vais essayer de repérer et de surprendre leur guetteur. Il y en a sûrement un.
- Laisse-moi d'abord invoquer la protection de ma déesse pour le combat. Je n'ai plus tous les ingrédients nécessaires, mais cela marchera car notre cause est juste, et la déesse m'a suggéré ce choix.

Dalor consent. Il ne ressent nul effet notable, quoique... mais ceci n'est peut-être qu'une illusion de l'esprit. Il s'éloigne.
Lorraine regarde son compagnon s'écarter dans les bosquets.
Elle attend quelques minutes.
Elle s'impatiente.
Elle prend sa décision.

Elle descend de cheval, car cette bête capricieuse est une cible facile pour un archer, et peut la désarçonner. Elle resserre les sangles de son armure, adaptée à sa taille, ou plutôt elle-même adaptée à son armure à force de molletons et rembourrages. Elle étouffe mais se sent protégée. Puis elle se coiffe de son heaume, se saisit de son grand bouclier et de son fléau d'armes. Elle fait une courte prière et...
...elle s'avance, seule, vers le repaire des brigands.

Le guetteur se découvre enfin, tire une flèche qui vient s'écraser contre le bouclier. Dalor l'aperçoit, lui décoche également une flèche, qui celle-ci atteint sa cible. Le bandit blessé fuit vers le refuge de ses compères en donnant l'alarme. Le chasseur bande de nouveau son arc, touché encore ! Le brigand s'écroule.

Pendant ce temps Lorraine avance toujours. A vingt pas, elle somme ses ennemis :
- Vous êtes cernés d'archers. Rendez-vous !
- Allez-y ! Elle est seule ! retentit la voix de Jack.

Les demi-orques sortent, armés de haches, de crocs et d'épieux. Le chasseur tire une volée de flèches le plus vite possible, et fait reculer l'assaillant. Sur le total, un bon nombre fait mouche, de plus ses adversaires n'ont que des armures de cuir, que les projectiles transpercent facilement

Lorraine n'a pas bougé, et réitère sa sommation.
- Décidément la protection de la déesse fait son effet, songe Dalor.
- Imbéciles ! Servez-vous de vos boucliers. Ils ne sont que deux ! crie le chef des bandits.

Ils ressortent. Le chasseur épuise ses traits contre les boucliers de bois, sans succès : les demi-orques ont adopté une formation groupée et avancent lentement, mais sûrement.
- C'est inutile, recule, tête de mule, ou ils vont te tailler en pièce ! crie Dalor.
Il lâche son arc, saisit son épée, et accourt. Mais Lorraine ne bronche pas.
- Dernière sommation ! Rendez-vous !

Se rendant compte que le barrage de flèches a cessé, les brigands rompent leur formation, et se ruent sur la prêtresse. Ils sont à dix pas, cinq... Dalor se rend compte qu'il n'arrivera pas à temps.

"Meurs !" s'exclame Lorraine en pointant son index sur le premier des demi-orques. Celui-ci s'écroule. Les autres s'arrêtent et regardent ce mort, ébahis. La prêtresse fait un pas vers eux. Ils s'enfuient. Nos deux héros chargent les fuyards qui se bousculent maintenant dans l'étroite porte d'entrée de leur repaire.

Après cette action, ils peuvent compter cinq morts sur le terrain, et eux n'ont reçu aucuns coups.
- Je trouve ton art assez terrifiant.
- Tu crois ? Regarde celui que tu croyais mort.
Stupéfait, le chasseur voit le "mort" bouger et commencer à se relever. Lorraine lui fracasse la tête de son fléau.
- Tu n'en fais pas un peu trop ? Nous pouvions le faire parler.
- Ils ont osé toucher mon symbole !

Ils entrent dans la demeure. Les pièces du bas sont vides. Le cadavre de l'ancien gardien de la prêtresse n'a même pas été enlevé. Des mouches bourdonnent autour de la cervelle répandue à terre.
- Tu es passée par ici, je suppose ?

Il reste l'étage à investir. A mi-chemin de l'escalier, Dalor hésite.
- Ecoute, Jusqu'ici tu as réussi à les intimider. Mais ils ont dû voir ton mort se réveiller. Ils sont peut-être embusqués au sommet de cet escalier...
- J'ai encore des ressources. Prépare-toi à combattre.
Puis Lorraine se met en face de l'ouverture et invoque de nouveau la Voix.
- Avance !
Et un demi-orque, hagard, s'avance dans l'embrasure. Sa hache est toujours tenue à deux mains au-dessus de sa tête, dans la position qu'il avait prise pour les surprendre. Le chasseur charge, embroche le malheureux avec son épieu, le repousse et pénètre dans l'étage. La prêtresse est sur ses talons, son arme à la main, afin de parer toute autre surprise...

Vide !

Ils entendent une cavalcade.

Démoralisée, le reste de la bande a fui par les fenêtres de derrière, emportant la jeune Idis.
- Fais quelque chose, il faut les rattraper !
- Du calme. Pour une fois, laisse-moi faire...
- Mon symbole !
Lorraine aperçoit son sac, mais y cherche en vain son précieux bien. Elle se souvient que Jack avait pris son bagage sur la selle, mais avait gardé le pendentif sur lui. Pour fuir plus vite, il s'est seulement délesté du premier.

- Et maintenant ?
Le chasseur examine avec soin les empreintes des chevaux laissées sur le sol.
- Il en reste quatre. L'un d'eux doit porter Idis, car sa monture est plus lourdement chargée. La trace est nette. Nous les pisterons facilement.

Toute la journée ils suivent les fuyards à distance, sans prendre de risques.
- Lorsqu'ils se croiront hors d'atteinte, nous pourrons les attaquer de nouveau.

Deux jours plus tard, Dalor constate que les brigands ont réduit leur allure. Il fait alors un détour pour s'embusquer devant leur chemin, et a le temps de décocher plusieurs flèches avant qu'ils ne soient hors de portée. Un demi-orque est à terre et le chasseur pense en avoir touché un autre. Mais il n'a pas visé le cavalier qui portait Idis en travers de sa selle de peur de toucher la prisonnière. D'après la description qu'il en fait à Lorraine, il s'agissait de Jack.

Deux autres jours après, ils tentent de nouveau le même coup. Ils ont choisi un meilleur lieu d'embuscade : une sorte de défilé entre des blocs de rochers chaotiques.
- Je suis un peu inquiet. Ils doivent se méfier maintenant.
- Je les entends. Je suis prête.

Dalor est grimpé en observation sur un rocher. Lorraine est cachée derrière un autre, invisible de la route.

Les trois chevaux s'avancent. Sur le premier il y a un demi-orque blessé, et Idis. Et sur les autres il y a... des mannequins !
- Nous avons été bernés ! s'exclame le chasseur en décochant une flèche sur le cheval de tête qui s'écroule. Va délivrer Idis !

Ayant aperçu son mouvement, un autre bandit, qui s'était embusqué lui aussi, vise Dalor. Mais le chasseur évite le trait en descendant promptement de son perchoir.

Lorraine court pour combattre le demi-orque tombé de cheval avec la prisonnière.
L'archer ennemi, lâchant son arc, court pour intercepter Lorraine.
Et Dalor court pour intercepter l'archer.

Après une courte lutte, nos deux héros prennent rapidement le dessus sur leurs adversaires. La prêtresse est à peine touchée.
- Comment va la petite ?
- Des contusions suite à la chute de cheval. Je m'en occupe.
- Très bien.
- Et Jack ? pense soudain la prêtresse. Arrête !

Jack a surgi derrière Dalor tandis que Lorraine soignait Idis. Résistant au charme de la Voix, il a pu frapper le chasseur.
- On dirait que cela ne marche pas sur moi, ma vieille ! dit-il en examinant sa victime à terre. Ton compagnon a bougé au dernier moment, et je ne l'ai pas tout à fait occis. Mais ceci peut être corrigé...
- Je vais te tuer Jack !
- Tu n'es pas plus forte que moi, même dans un combat face à face. Tu es déjà blessée, et tes sortilèges sont sans effets sur moi.
- Mais j'ai d'autres sorts. Voyons voir...
Elle commence une incantation.
- Arrête, ou je l'achève ! Allons, rends-moi la petite et laisse-moi les chevaux.
- Le grand prêtre le ressuscitera.
- Et si je lui crève les yeux ?
- Il les fera repousser. Tu es perdu !
- Ecoute. Je te rends ton symbole. Attrape ! lui dit-il en lui lançant un objet scintillant, et laisse-moi partir. Après tout, tu ignores qui est derrière tout ceci.
Lorraine saisit au vol le pendentif, mais ajoute :
- Il paiera lui aussi !

Les deux adversaires se défient du regard. Le bluff est réciproque : Lorraine n'est pas sûre que son grand prêtre puisse ressusciter Dalor, et encore moins de régénérer ses yeux, Jack n'est pas sûr de pouvoir percer la solide armure de la prêtresse, ni de pouvoir déjouer de nouveau la Voix : cela l'a tout de même fait hésiter le temps d'un éclair dans sa tentative de meurtre contre le chasseur.

Idis gémit. Lorraine détourne un instant son attention. Jack en profite pour s'enfuir. En définitive, même s'il n'a pas eu le dernier mot, sa mission est réussie.

Lorraine respire : il ne lui restait plus qu'un seul sort, et c'était un sort de soin. Elle s'empresse d'en faire profiter Dalor. Une fois celui-ci magiquement guérit, elle lui explique ce qui s'est passé, et aussi comment Jack l'avait trompée. Maintenant que la prisonnière est délivrée, ils renoncent à poursuivre un individu aussi dangereux et rentrent au village.

En repassant devant le repaire des bandits, ils y découvrent les renforts demandés par Arnus, ainsi qu'un fort parti de villageois.
- Je vous félicite d'avoir pu sauver la petite. Notre prêtre va s'en occuper maintenant, déclare le capitaine de la troupe.
- Quel dommage de n'avoir pu éliminer le chef de ces bandits, ajoute-t-il. Mais maintenant que nous sommes là, sur la demande de ces braves gens, nous ne pouvons les décevoir. Dis-moi, Arnus, quel conseil me donneras-tu pour assainir définitivement la région ?
- Rasez ces ruines qui servent d'abri aux bandes errantes, et mettez le feu à ces broussailles. Ainsi nous les verrons venir de loin, et ils se décourageront de venir faire leurs rapines ici.
- Magnifique. Les cultures en seront agrandies et nous pourrons faire venir de nouveaux colons sur ces terres pour la plus grande gloire de notre prince. Il faudra aussi faire venir d'autres troupes pour leur sécurité. Nous y veillerons. Allons ! Ce soir, fêtons dignement la victoire de nos héros !

Les paysans organisent un banquet, bien qu'ils regardent d'un mauvais œil cet afflux promis d'étrangers et de soldats. Plus tard dans la soirée, Lorraine et Dalor commentent les événements en aparté.
- Qui soupçonnais-tu de l'initiative de ce rapt ? demande le chasseur.
- Peut-être le marchand, son oncle, pour un différent d'intérêts avec son frère.
- Je crains qu'il ne faille chercher plus haut à qui profite le crime.
- Je suis de ton avis. Mais dis-moi, me feras-tu visiter avant de partir l'un de ces châteaux dont on m'a tant vanté les mérites ?
- Partons-nous tout de suite ?
- Tout de suite.

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