1. Genèse.

Armée de squelettes de l'ancienne civilisation

- Au début était P'tha. Il est seul depuis des éons et des éons, tout puissant et solitaire. Et puis un jour, de sa propre volonté, il crée l'univers : les quatre éléments, le soleil, les planètes et les étoiles. De son union avec la mère nourricière, Mu, naît les dieux : Aana, la déesse des fleurs, de la beauté et de la fécondité, Zor, le dieu de la pluie, de l'orage et de la vie, Lyr, le dieu de la nuit, du sommeil et de la mort, et Kita, la déesse de la lune et des désirs inassouvis.

Ainsi parle Lorraine, expliquant à Dalor la création du monde, comme ses maîtres lui ont enseigné. Ils sont installés au coin d'un feu, dans un château en ruine qu'ils viennent d'explorer durant la journée.

- Les dieux vivent en paix. Ils créent les différentes races mortelles, les humains, les nains, les elfes et d'autres, pour leur servir de compagnons de jeu. Tous vivent en harmonie, ensemble. C'est l’âge d'or. Ma déesse, Mara, est l'épouse de Lyr.
- C'est le dieu de la mort, non ?
- Oui, mais à cette époque la mort est douce.
- Comment cela se peut-il ?
- Silence ! C'est comme cela qu'on me l'a appris. C'est l’âge d'or. Des fontaines coule l’élixir de vie. Biches et lions vivent en symbiose. Salvon est ressuscité...
- C'est qui celui-là ?
- Je ne sais pas. C'est la légende. Arrête de m'interrompre ! Les dieux vivent donc sur Terre avec les mortels. Ils cohabitent avec les principes élémentaires : Agaer, le prince de la Loi, Gaël, la princesse du Bien, Fafir, le prince du Chaos, Wull, le prince du Mal, et Rhum, l'arbre de vie, seigneur de l’Equilibre.
- De qui sont nés ces seigneurs ?
- Ce sont des principes élémentaires, à la fois mâle et femelle, nés de la volonté de P'tha. Je continue. Par la suite, ravi de sa création, P'tha s'endort. Les choses continuent à aller bien pendant des millénaires. Mais un jour, à l'occasion d'un tournoi, le champion d’Aana est vaincu par traîtrise par le champion de Kita. Les deux déesses en viennent aux mots. Chacun prend parti pour l'une ou l'autre. La guerre éclate. C'est l’âge des ténèbres, et c'est à ce moment que Mara choisit le camp opposé de Lyr, par souci d'esthétisme.
- Pardon ?
- C'est comme cela qu'on me l'a dit. C'est l’âge des ténèbres. Les fleuves charrient des flots de sang, l'air est empesté des cadavres que l'on brûle, nul ne peut prédire de quoi demain sera fait. P'tha fait des cauchemars, car sa création est sa propre chair, et elle souffre. Il se réveille, et devant cette abomination, il s'arrache un œil, pour ne plus voir que la moitié de cette injure. Il décide désormais que les dieux et les mortels vivront sur des plans séparés, et c'est l’âge où nous sommes. Depuis les prêtres des différentes religions s'opposent au nom des dieux, selon de subtiles lignes de démarcations.
- D'où tirez-vous vos pouvoirs ?
- Des dieux eux-mêmes, ou, plus modestement dans mon cas, car je ne suis encore que novice, des servants de ma déesse et de quelques trucs que m'ont enseignés mes guides. Hélas, je ne peux mobiliser ce pouvoir que quelques fois par jour. Mais dis-moi, j'observe ce mur depuis un moment, ne vois-tu rien ?
- Non.
- Il me semble que sous la poussière, il y a des dessins. Passe-moi ta gourde.
Lorraine imbibe un pan de sa cape avec un peu d'eau pour essuyer le mur.
- C'est bien cela. Il y a une fresque sous la couche de suie et de mousse.

A cet instant Zor fait savoir sa colère, et l'orage éclate.

- Malédiction !
Carali est épuisé et excédé. Il pleut depuis deux jours, et la roulotte s'est embourbée. Maudit soit l'Egyptien pour avoir choisi cette route, et pour l'avoir abandonné au plus fort de la tempête. Il descend de son siège avec son habit d'étoiles, le seul qui ne soit pas détrempé, et essaie de pousser la roulotte en encourageant le cheval de la voix. Mais il glisse.
- Et zut ! Voici ma dernière tunique maculée! jure-t-il en tombant dans une flaque.
- Désirez-vous de l'aide ?
Carali se relève, méfiant, prêt à jeter ses sorts contre les inconnus qui viennent de l'aborder.
- Difficile de croire que l'on vous veut du bien dans ces contrées barbares, non ?
Ils sont deux : un homme en cotte de maille, et une femme en armure.
- Allons, allons, nous ne sommes que deux étrangers égarés comme vous, et nous allons vous aider, répond la femme.

A trois ils parviennent à dégager la roulotte.

- Je vous dois un fier service. Comment puis-je vous remercier ?
- Je lis sur votre véhicule "Féerie, Illusion et Cie". Seriez-vous magicien ?
- Tout à fait, et je puis vous offrir une de mes potions de guérison dont j'ai le secret. (Une invention de Carali, plus lucrative dans cette région sauvage, lui semble-t-il, que les jeux intellectuels de l'Egyptien).
- Désolé, mais sans vouloir vous offenser, nous avons besoin d'un vrai magicien.
- Mais je suis un vrai magicien !

Après discussion, Lorraine et Dalor, car ce sont eux, consentent à conduire Carali, et sa roulotte, sur les lieux de leur découverte. Après quelques jours, ils arrivent au pied du château en ruine, et lui montrent la fresque qu'ils ont dégagée.

C'est une scène de chasse. Un homme s'apprête à donner le coup de grâce à une biche, cernée par des chiens. Mais une femme arrête son bras. L'animal a les yeux pleins de larmes, les chiens ont la gueule pleine de bave.
- C'est l'histoire de la déesse Gaël arrêtant le dieu Zor dans sa chasse.
- Je connais la légende. Zor accepte, mais en échange il exige que Gaël devienne sa compagne. Je vais essayer de déchiffrer les inscriptions.
- C'est pour cela que nous faisons appel à vous.
- Et vous avez bien fait.

Carali sort son livre de magie, et, tout en remerciant silencieusement l'Egyptien de lui avoir appris ce sort, il saupoudre les inscriptions d'une pincée de cendre et de quelques grains de sel, prononce la formule...
- C'est curieux, cela n'a aucun rapport avec la scène. Je lis : "Et ce qui devait arriver arriva. A la croisée des quatre batailles, à l'ombre du chêne séculaire, dort l'Œil..." suivi d'un mot que je n'arrive pas à lire.
- Il doit s'agir des quatre batailles qui scellèrent le monde des ténèbres, et réveillèrent le dieu P'tha.
- Ca me semble diablement intéressant. Il y a une espèce de plan, avec des repères.
- Où çà ?
- Là !
- Je l'avais à peine vu. Je croyais que c'était des fissures dans le mur.
- Moi aussi, avant que je n'utilise ma magie.
- Croyez-vous que l'Œil de P'tha soit dans cette région ? demande Dalor.
- Le plan et l'inscription ne semblent pas dater de la même époque, note Lorraine.
- Je vais tout de même procéder à une petite vérification avant la nuit.

Carali utilise son dernier sortilège de la journée, un sort de détection, mais aucune aura magique ne se dégage des lieux.

- Il y a une chose que je ne saisis pas. Qui étaient les habitants de ce château ? demande Dalor.
- Des humains de l’âge d'or, répond Lorraine, d’avant le grand cataclysme.
- C'est la légende, et comme toute légende, elle doit avoir une part de vérité, répond Carali. Nous sommes la deuxième civilisation à conquérir ce pays. Voici probablement les traces de la première.
- Y a-t-il eu des combats entre les deux civilisations ?
- Non, la première a simplement disparu, pour une raison inconnue.
- Mais, excusez mon ignorance, d'où viennent nos ancêtres ?
- Je peux te l'expliquer, intervient Lorraine. La plupart des fondateurs de ce royaume ont fui l'oppression de l'autre côté de la mer intérieure, et sont venus s'installer ici, pour bâtir le nouvel âge d'or.
- Mon maître pourrait le confirmer, ajoute Carali. Lui connaît bien l’histoire de ce pays. La religion de Mara fait partie de la dernière vague de colons.
- Mais je ne comprends pas, les pères de mes pères vivaient déjà ici, s'interroge Dalor.
- Nous te parlons d'une époque datant de plus de cinq cents ans. Seuls quelques elfes peuvent s'en souvenir. (Lorraine)
- Ou quelque magicien (Carali)
- Ou quelque grand sorcier (Lorraine de nouveau)
- Quoi qu'il en soit, ce plan nous indique une forêt, deux collines jumelles, et deux rivières se rejoignant. Une marque particulière est posée à la source d'une des deux rivières. (Carali)
- Peut-être est-ce la marque d'un trésor ?
- Ou peut-être s'agit-il d'un antique point de rendez-vous. Je crois reconnaître la forme des deux collines. Nous sommes passés au loin avec mon maître et la roulotte.

Ils se mettent en route. Leur voyage se déroule sans encombre jusqu'à proximité des deux éminences. Là, Dalor découvre rapidement les deux cours d'eau. Ils veulent remonter à la source qu'ils recherchent, mais il n'y a plus de chemin praticable. Ils choisissent de dormir dans la roulotte, et de l'abandonner le lendemain.
- Cela ne te gêne pas trop au moins ? demande Lorraine à Carali.
- La renommée de mon maître est telle que nul n'osera l'approcher, répond celui-ci.

Ils dorment, chacun montant la garde à tour de rôle. Lorraine prend le second quart. Elle a les pensées ailleurs, des rêveries, qui se transforment en rêves, des rêves de châteaux, de trésors, d'elfes, de kobolds... de kobolds ?
- Des kobolds ! Dalor ! Au secours !

Elle s'est laissée surprendre, à moitié endormie, par des petits êtres d'un mètre de haut, bipèdes, avec des gueules de fox-terrier, à la peau noire et rugueuse, et de petites cornes. Trois d'entre eux la martèlent de coups. Mais, chance, son armure la protège. Elle finit par reprendre ses esprits, et ramasse son arme tombée à terre. Dalor sort de la roulotte, armé de l'épée de son père et de sa dague. Carali sort à son tour.

Le chasseur tue rapidement deux de ses ennemis, mais le troisième lui résiste. La prêtresse met à terre l'un de ses adversaires, mais elle est blessée. Carali lui vient en aide en conjurant une flèche magique qui frappe un kobold. Il veut utiliser un deuxième sortilège, mais il est interrompu par un de ses petits démons qui s'est subrepticement glissé derrière lui.

Après un dur combat, il en triomphe, bien que l'usage de la dague ne soit pas son point fort. Les deux kobolds rescapés s'enfuient dans la nuit. Lorraine a juste le temps d'en assommer un par-derrière.
- Que faisons-nous du prisonnier ? demande Carali.
- Ne peux-tu l'interroger ?
- Hélas, je ne peux que le comprendre, et pas lui parler. Mais je dois d'abord aller dormir pour retrouver mon énergie magique.
- Qu'est-ce à dire ? demande Dalor.
Carali lui explique le principe de base de la magie dans ce monde. Il leur révèle aussi, un peu penaud, qu'il n'est qu'un magicien du deuxième cercle, qui ne dispose que de deux sorts par jour, dont l'un vient d'être gâché par l'attaque indélicate d'un kobold.

Lorraine propose d'utiliser sa magie, spéciale aux prêtres, pour soigner leurs blessures, puis d'aller dormir de nouveau tandis que le chasseur monte la dernière garde. Quant au kobold, il est ligoté et mis au fond de la roulotte, en attendant de statuer sur son sort.

Le lendemain, Lorraine et Carali ressourcent leurs pouvoirs, chacun à leur manière particulière : la prêtresse en priant sa déesse, le magicien en se plongeant dans l'étude de son livre de sorts. Puis ils partent à la recherche de la source de la rivière.

Après quelques heures de marche dans le maquis, ils y parviennent. La petite rivière, qui n'est que ruisseau à cet endroit, débouche du flanc de la colline. Il y a une tour ronde à moitié en ruine sur la droite. Lorraine, Dalor et Carali s'en approchent, sur la défensive.

Soudain la porte s'ouvre, et deux sangliers chargent, droit sur les aventuriers.

Loin de se paniquer, le chasseur a le temps d'ajuster deux flèches sur la première bête avant de sortir ses armes.
Carali lance une flèche ensorcelée.
Le sanglier blessé est sur Dalor.
Le deuxième choisit Lorraine, qui lui projette sa lumière sacrée. Celle-ci se fixe sur les yeux de la bête, éblouissant totalement sa vision.
Le chasseur frappe de nouveau de l'épée, et le magicien lance sa seconde flèche magique. Le sanglier tombe. Ils remarquent qu'il porte un collier.

Reste un animal blessé, aveugle, qui recherche ses ennemis par son seul odorat, qu'il a très développé. Les humains le harcèlent en tournant autour de lui.

La porte de la tour vient de s'ouvrir de nouveau. Un sifflet retentit, et la bête s'en retourne, clopin-clopant, vers son repaire.

Le chasseur l'achève de ses flèches alors qu'elle franchit le seuil.

Sur leur victoire, les aventuriers décident d'investir la tour. Dalor passe en premier et jette un coup d'œil à l'intérieur. Il est assailli par des kobolds qui tentent de le repousser. Il combat sur le pas de la porte avec deux adversaires à la fois. Lorraine et Carali sont derrière lui et le soutiennent du mieux qu'ils peuvent.

Quatre kobolds tombent sous les coups du chasseur, mais sont immédiatement remplacés. L'homme est frappé deux fois, très légèrement heureusement.

Enfin, au cinquième des leurs abattu, les petits démons fuient.

Carali éclaire l'intérieur. Toutes les ouvertures ont été bouchées pour filtrer la lumière, car les kobolds la détestent. Ca sent l'odeur forte du sanglier. Le rez-de-chaussée est séparé en deux. Au milieu de la tour il y a un escalier en colimaçon qui monte et qui descend, et il y a deux portes de part et d'autre de l'escalier.

Les aventuriers avancent dans la pièce et poussent la porte de droite. De l'autre côté il y a le reste des kobolds, sur la défensive. Mais ils n'attaquent plus Dalor car ils se souviennent encore de leur première défaite.
- Si j'avance sur eux, ils risquent de m'encercler, dit le chasseur à ses compagnons.
- Il serait plus sage de revenir demain. J'ai utilisé tous mes sortilèges contre les sangliers, et je ne puis plus vous être utile, annonce Carali.
- Je suis du même avis, ajoute Lorraine, et puis tu es blessé.
Ils reculent et décident de faire le siège de la tour.
- L'inconvénient avec ce système, c'est que nous ne savons pas combien ils sont, ni combien de temps ils peuvent tenir, déplore Lorraine.
- Bah ! Nous pouvons attendre longtemps. Nous avons le sanglier comme victuailles.

Dalor dépèce la première bête. Puis toute la journée il cuit et sale la viande, tandis que Lorraine et Carali surveillent que nul nouveau danger ne sorte de la tour. Mais rien ne se passe.

La nuit tombe, et soudain les kobolds jaillissent en arme. Ils sont équipés de javelines cette fois-ci. La prêtresse se protège de son mieux avec son bouclier et le magicien court se mettre à l'abri des frondaisons. Le chasseur garde son calme, et vise soigneusement les kobolds avec son arc.

Parvenus à quinze pas, les petites créatures projettent leurs javelines. Dalor repère leur chef, et le touche. Celui-ci tombe.

Démoralisés et à court de projectiles, les kobolds se replient dans la tour.

Dalor a de nouveau été blessé, et Lorraine le soigne. Soudain Carali entend une voix derrière lui.
- Sacripant ! C'est ainsi que tu surveilles mon bien !
- Maître... J'ignorais où vous étiez, et que vous me cherchiez, bredouille Carali à l'Egyptien, qui vient d'apparaître aussi subrepticement qu'il a l'habitude de disparaître. J'ai laissé la roulotte en lieu sûr, cachée dans les buissons.
- Tu parles ! J'ai retrouvé un kobold en train de piller mes provisions.
- Le prisonnier ! Ils l'avaient oublié. Il a du se libérer.
- Explique-moi ce que tu fais ici, et qui sont tes compagnons.
Carali lui relate les événements.
- C'est bon ! Après tout, il faut bien que tu fasses tes propres découvertes. Je reprends la roulotte et je t'attendrai au prochain village en direction du nord. Je te laisse ceci.
Il lui tend un livre. Carali reconnaît le tome qu'il avait trouvé chez le mage Antilès, et se confond en remerciements.
- Ne me remercie pas, il est à toi, tu l'as trouvé. J'ai enlevé les pièges et protections magiques qu'il contenait. Etudie-le et fais en bon usage.

Carali, avide, jette un coup d'œil dans le livre, et lorsqu'il relève la tête, l'Egyptien n'est plus là.
- L'avez-vous vu disparaître ?
- Non, j'avais l'esprit ailleurs.
- Moi aussi.
- Incroyable, à chaque fois c'est pareil.

La nuit se passe sans plus d'incidents. Les kobolds ne font pas d'autre sortie.

Le lendemain Carali est absorbé par son nouveau livre. Il tourne les pages avec cérémonie et précautions. Cela dure toute la matinée.
- Je n'ai pas pu comprendre grand chose. Certains sorts ne me sont pas accessibles pour l'instant. Il faut attendre que je fasse partie du troisième cercle. Mais le seul tour que j'ai pu apprendre nous sera très utile contre les kobolds.
- De mon côté, j'ai également réfléchi, dit Lorraine, ces créatures haïssent la lumière. Je doute donc qu'ils occupent le premier étage, car il est à moitié détruit et le soleil y pénètre largement. Si nous nous y installons, notre position sera plus facile à défendre.
- Bonne idée, pouvons-nous y aller, magicien ?
- Oui, mais il ne me reste plus qu'un sort pour la journée, car j'ai utilisé l'autre pour mon étude.

Ils investissent de nouveau la tour. Ils entrent sans problème. Le sol du premier étage est suffisamment solide pour qu'ils puissent s'y installer. Les kobolds ont abandonné le rez-de-chaussée, et se sont probablement barricadés au sous-sol.

Puis Carali va à la rivière chercher de mystérieux ingrédients pour sa magie.

Lorsqu'il revient, il déclare, malicieux :
- Je brûle d'exercer mes talents. Faisons-nous une tentative maintenant ?
- Ca ne me semble pas très raisonnable, mais pourquoi pas ?

Ils descendent au sous-sol. Arrivés au palier, ils entrent dans une pièce de dispositions identiques à celles du rez-de-chaussée. Il y a dix kobolds qui les attendent.
- Ca me semble un peu trop.
- Mais non, mais non...

Carali, confiant, projette une poignée de sable fin. C'est là son mystérieux composant de sort. Les dix petites créatures s'effondrent.
- Vite, ils ne sont qu'endormis et vont se réveiller dans dix minutes.
Les trois humains éliminent rapidement leurs dix ennemis à terre.
- Ils n'ont pas eu le temps de prévenir les autres. Peut-être pouvons-nous profiter de l'effet de surprise ?

Dalor ouvre la porte de droite et jette un œil. Il y a là une pièce qui remplit le quart du sous-sol, et dix autres petites créatures qui le regardent, stupéfaites. Il referme la porte.
- Au secours ! Pendant ce temps Carali n'a pas pu s'empêcher d'ouvrir la porte de gauche. Il est poursuivi par un groupe de kobolds.

Les trois aventuriers fuient au premier étage. Au sommet de l'escalier, et sans autres issues, ils sont bien obligés de se retourner pour faire face.

Le chasseur se bat contre des adversaires déterminés, et reçoit une blessure qui le fait abondamment saigner au visage. Lorraine tente alors de le soigner tandis qu'il continue malgré tout la défense de l'escalier. L'affaire n'est pas aisée car il est obligé de bouger pour parer une nouvelle attaque. Le premier sort de la prêtresse est perdu en vain. Mais elle réussit à employer le second.

Enfin, après de nouvelles pertes dans leurs rangs, les kobolds abandonnent.

- C'était très périlleux cette fois-ci, déclare-t-il tandis que la prêtresse achève de le guérir.

Durant la nuit, pendant son tour de garde, Carali entend de nombreux bruits de pas au rez-de-chaussée. Il réveille Dalor, car il n'a plus de sorts. Sur la défensive, ils s’attendent à une attaque nocturne. Mais rien n’arrive.

Le lendemain, après les habituelles incantations de Lorraine, et la lecture matinale du magicien, ils repartent en exploration du sous-sol.

Le premier est vide, mais l'escalier continue. Ils explorent le second. Vide aussi. Il y a là une petite pièce attenante en dehors de la base de la tour. Des traces de poussière indiquent qu'on y entreposait des coffres. Il reste quelques pièces d'argent. Les kobolds ont du fuir pendant la nuit, emportant leur trésor. D'après le nombre de paillasses trouvées, Lorraine estime qu'ils devaient être entre soixante et quatre-vingts. En comptant ceux que les aventuriers ont rencontrés à la rivière, ils en ont vaincu une trentaine, ainsi que leurs deux sangliers de garde.

L’escalier mène à un troisième sous-sol. Plein d'audace, ils décident de continuer. Ce sous-sol est très haut.
- Jamais je n'aurai cru cette tour si importante, déclare Dalor.
Puis c'est la fin de l'escalier. Ils se trouvent face à une ouverture sur une grotte. Mais elle est fermée par une grille de quatre barreaux solidement encastrés dans la roche. Dalor tente de les tordre. Il échoue au premier, au deuxième, au troisième...

Soudain ils voient de la grotte des êtres sinistres s'élancer vers eux.
- Des goules ! Ce sont des morts vivants dont l'étreinte paralyse. Attention !
Le chasseur les vise avec son arc à travers les barreaux. Ces monstres tentent de l'agripper, mais il s'est mis à distance. Lorraine brandit son symbole et invoque sa déesse pour les repousser, mais ils y semblent insensibles. Carali projette une flèche magique, qui frappe une goule. Déjà touchée par Dalor, celle ci s'effondre. Sentant enfin que leurs tentatives sont vaines, les créatures reculent dans l'ombre. Elles laissent deux des leurs à terre.

- Je connais un autre moyen de les repousser, mais il faut attendre le lendemain.

Après une journée et une nuit sans histoire passées à l'abri du premier étage, ils repartent à l'aventure. A trois ils réussissent à tordre un barreau et à se faufiler. Pas encore de traces de goules. Ils avancent à la lumière de leur lanterne. Ils comptent quatre sorties possibles.

La première est un cul-de-sac. En s'en retournant ils voient une goule s'avancer vers eux. Lorraine prononce alors les Paroles de la Protection contre le Mal, tout en aspergeant son fléau d'eau bénite.
- Suivez-moi !
Les goules sont repoussées par le fléau qui projette l’aura sacrée. Ils essaient la deuxième sortie : une nouvelle grille ! Ils tentent de forcer le passage à trois.
- Vite, ils arrivent !

Lorraine sent la force de son sortilège s'épuiser. Heureusement elle en a prévu d'autres. Ils tirent de toutes leurs forces sur le dernier barreau. Par chance, celui-ci est plus faible que les autres, et cède. Ils se faufilent.

Ils cheminent dans un passage étroit, parfois obligés de ramper à certains endroits.
- Allons-nous découvrir enfin le fond de cette énigme ? s'inquiète Dalor.

Ils pénètrent dans un couloir bordé de niches où les regardent les orbites vides et menaçantes de squelettes allongés.
- Cet endroit me donne la chair de poule, dit Carali, avançons !

Soudain les squelettes se mettent en mouvement et les attaquent de leurs épées rouillées. La prêtresse et le magicien sont blessés. Le chasseur, en tête du groupe, est miraculeusement indemne, mais est assailli par quatre morts vivants. Heureusement Lorraine réagit rapidement, brandit son symbole religieux, et cette fois son évocation réussit, les squelettes reprennent sagement leurs places.
- Les gardiens des lieux sans doute. Continuons-nous? demande-t-elle.
- Je crains d'avoir souillé mes chausses, mais pourquoi pas ? répond Carali.
- Je prends la tête, comme d'habitude, enchaîne Dalor.

Ils débouchent sur une autre salle.
- Magnifique ! s'exclame Carali.

Devant eux s'étend une vaste grotte. En contrebas ils découvrent, alignés dans un ordre impeccable, une armée de squelettes. Certains sont montés sur des chevaux, d'autres sur des chars. Leurs atours, bien que très vieux et recouverts de poussière, sont très beaux. Ils portent des épées, des lances, des heaumes, des écus, des armures.
- Ce sont les armées de l'âge des ténèbres. Je suis heureuse d'être encore en vie pour contempler ceci... dit Lorraine à ses compagnons. Et je souhaite le rester. Aussi je nous préconise de faire rapidement demi-tour.
- Il va nous falloir repasser au milieu des goules.
- Il me reste un sort. Cela suffira si nous nous dépêchons.

Ils refont le chemin en sens inverse. Arrivés derrière la première grille, Lorraine s'exclame :
- Il faut absolument remettre le barreau à sa place, sinon les goules vont se répandre à travers tout le pays.

A trois, en réunissant leurs efforts, ils y parviennent. Heureusement car le sort de Lorraine s'épuise, et les goules s'approchent de nouveau. Dalor tire quelques flèches. Un monstre s'effondre, et les autres refluent.
- Ma foi, nous nous en sommes bien sortis, déclare Carali.

Tapie dans l'ombre, c'est cet instant que choisit une goule pour attaquer Dalor.

Fort heureusement celui-ci, habitué par la chasse à être attentif en toutes circonstances, a le temps de réagir. Il est griffé mais échappe à l'étreinte fatale, puis riposte avec son épée. Carali lance un projectile magique contre le monstre, et celui-ci s'écroule enfin.
- Ouf ! J'ai eu peur, déclare Dalor. Cette goule était sans doute plus rusée que ces congénères, et est passée de l'autre côté de la grille avant nous.
- Souhaitons que ce soit la seule.

Après une journée de repos, les trois amis se concertent.
- Dommage que nous n'ayons pas trouvé de trésor.
- Peut-être n'y en a-t-il pas ?
- Ou peut-être que nous avons mal cherché. Mais je crois que nous reviendrons ici. Et maintenant, que diriez-vous de m'accompagner jusqu'au prochain village ? demande Carali.
- Tu nous as bien aidés, et nous acceptons avec joie, répond Lorraine.

Arrivé au pied de la colline, en suivant la rivière, Carali a une idée.
- Si les deux collines sont jumelles, peut-être y a-t-il quelque chose sur l'autre sommet ?

Ils décident d'aller l’explorer. De ce côté la nature semble plus perturbée. Dalor examine quelques brisées d'animaux.

- Attention, il y a de gros ours dans cette colline, mais je ne reconnais pas cette empreinte.

Au sommet ils ne trouvent pas de tour, ni même de ruine, mais une clairière. Les arbres avoisinants paraissent avoir été soufflés par une explosion.

- Il y a une grosse pierre au centre, allons voir.

Carali découvre qu'il y a des inscriptions gravées autour. Il ouvre son livre de magie pour se remettre en mémoire la même formule magique qu'il avait utilisée pour déchiffrer le plan de la région au début de l'aventure, et la prononce.
- Je lis : "Tout ce qui a été sera, ici les choses vont et viennent". Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire?
- Si nous tentions de déterrer cette pierre ? demande Dalor.

Soudain un grognement sinistre se fait entendre dans la forêt, et ils voient s'avancer une bête fabuleuse. Elle fait dix pieds de haut, a une fourrure et les pattes d'un ours, mais un bec énorme couleur de vieil ivoire et quelques plumes sur le crâne, une grosse queue qui traîne sur le sol et des petits yeux de braise profondément enfoncés dans leurs orbites. Elle se tient sur ses pattes postérieures et sur sa queue. Le chasseur a le temps de décocher deux flèches, mais ceci n'arrête pas la bête, qui fonce sur eux.

Lorraine et Dalor lui font face. Carali reste en retrait. La prêtresse essai d'aveugler le monstre, mais celui-ci détourne la tête au dernier moment, et évite le sortilège.

La créature ne fait pas grand cas des coups du chasseur, et cherche à happer Lorraine de ses pattes antérieures griffues. Celle-ci, malgré son armure, est touchée une fois, puis deux. Bien que le sang du monstre ruisselle sur sa fourrure, il continue de frapper. La prêtresse est blessée une troisième fois, et perd connaissance.

Carali détourne l'attention de la bête en lui lançant son sort de flèche magique, puis il tâche de retirer Lorraine du combat.

Pendant ce temps Dalor lutte seul. Une patte finit par l'attraper, la bête le serre contre son poitrail et le frappe de son bec. Le chasseur plonge son épée dans le corps du monstre, mais n'atteint aucun organe vital. Ses bras sont pris comme dans un étau et il lâche son arme. Il n'évite pas un coup de bec qui frappe son épaule et l'étourdit à moitié. Le prochain coup lui sera probablement fatal.

En désespoir de cause, Carali saute sur le dos de la créature, et lui enfonce sa dague magique dans l'échine.

Est-ce la chance ou la magie ? La bête s'effondre enfin.

- J'ai bien cru mon heure venue, et Lorraine ? demande Dalor.
- Elle respire, mais est toujours inanimée. Je ne parviens pas à la réveiller. Ses blessures sont trop sévères.
- Il faut vite trouver du secours à la prochaine ville.
- Mon maître nous aidera sûrement.

A deux, ils défont l'armure de la prêtresse, improvisent un brancard avec des branches, des cordes et leurs capes, puis repartent de ces lieux maudits.

Malgré leur fatigue, ils rejoignent le prochain lieu habité en deux jours. Lorraine n'a toujours pas repris conscience. Ils trouvent l'Egyptien, devant sa roulotte, en train de jouer aux échecs avec quelques vieux du village.
- Je ne vous attendais pas de sitôt, mais qu'a donc votre amie ?
Il l'examine.
- Ce n'est pas ma spécialité, mais heureusement j'ai toujours sur moi une petite potion de soin pour les cas extrêmes.
Il la lui fait boire, et, quelques minutes après, la prêtresse ouvre enfin les yeux.
- Que s’est il passé ? Où suis-je ?

Ils lui expliquent, puis ils l'installent au fond de la roulotte pour lui permettre de se reposer. Le lendemain elle ressort, fraîche et pimpante.
- J'ai utilisé mes pouvoirs de guérison. Je peux maintenant t'aider à récupérer plus vite, Dalor.
- Volontiers, cette bête m'a meurtri de toutes parts, et je ne sais toujours pas ce que c'est.

Le soir, à la veillée, Carali interroge l'Egyptien, pour une fois présent.
- D'après ta description, il doit s'agir d'un hibours.
- D'un quoi ?
- Un croisement magique entre un hibou et un ours. Le produit d'une expérience d'une de ces anciennes écoles de magie appelée autrefois génétique. Les magiciens d'alors étaient tous un peu fous. Je croyais ces animaux plus au Nord, par-delà les montagnes.
- Et la pierre ?
- Il est dommage que tu n'aies pas eu le temps d'essayer sur elle ta vision de la magie. Il doit s'agir d'une sorte de porte, entre ici et ailleurs, d'où vient ce monstre.
- Et l'armée de squelette ?
- Encore une fois un reste de cette civilisation mystérieuse. Nul ne sait qu'elle a pu être sa puissance. Je te déconseille d'y retourner pour l'instant. Il est des pouvoirs qu'un magicien du deuxième cercle ne peut pas approcher.

La nuit venue, Carali rêva longtemps d'hibours, de porte donnant sur un autre monde, et de magie appelée génétique.

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