1. Trois petits tours.

Arnus et l'hippogriffe

Depuis leur victoire sur les hobgobelins, la situation est calme dans la tribu du roi Noren. Arnus en profite pour explorer le pays des nains, seul.

Cela faillit lui être fatal.

Un jour, alors qu'il voyage à pied dans la montagne, il voit arriver un loup, puis deux, puis cinq. C'est une horde affamée qui l'entoure.

Avec son épée, il les tient à distance, et se dirige vers la partie la plus escarpée de la montagne dans l'espoir d'y trouver refuge. Une bête plus hardie que les autres lui tombe sur le dos, puis une seconde. Il se défend comme il peut, finit par les blesser. Cela refroidit un peu leur ardeur.

Le guerrier en profite pour gagner un petit groupe de rocher qu'il a repéré. Les blocs forment un petit abri naturel. Il y a là quelques fourrés et arbustes qu'il se dépêche de couper pour faire un feu, juste à temps pour éloigner les loups qui reviennent à la charge. Mais le feu ne durera pas éternellement. Le jeune chef espère que l'on s'inquiétera de son absence.

Au bout de quelques heures le feu s'éteint, et les loups se rapprochent. La nuit tombe.

Les deux prédateurs les plus acharnés sautent de nouveau sur lui. Malgré son armure il est profondément mordu. Il se débarrasse néanmoins d'un loup, puis du deuxième. Les autres se méfient, et restent à distance.

Calmement, il charge son arbalète. Dans la clarté de la lune il vise les ombres mouvantes. Mais les loups sont vifs et évitent ses tirs. Après quelques tentatives il réussit toutefois par en toucher un qui s'approchait trop près. Cela suffit pour décourager la horde pour l'instant.

Arnus a veillé toute la nuit. Au petit matin il découvre que les loups ont enfin abandonné la partie. Ils ont sans doute débusqué une proie plus facile. Le guerrier se remet rapidement en marche.

Pour sa prochaine sortie, il se fait accompagner de Nelak. Ils cheminent paisiblement lorsqu'ils voient fondre sur eux un hippogriffe, un monstre fabuleux avec un corps de cheval, un bec, des ailes et les pattes antérieures d'un aigle géant.

Le prêtre parvient à lui jeter un sort de lumière sur les yeux qui l'aveugle. La bête est alors incapable de voler et frappe au jugé. Il ne reste plus qu'à l'achever, ce qui est plus facile à dire qu'à faire. Dans un dernier sursaut d'énergie la créature frappe les deux humains de son bec, mais ils en viennent enfin à bout. Arnus découpe la peau d'une bête aussi extraordinaire.

C'est en revenant avec son trophée qu'il découvre un grand remue-ménage dans l'ambassade. Merle est revenu, avec de bien tristes nouvelles. Hubert et sa troupe ont été capturés par un parti d'hobgobelins dirigé par un magicien. Arnus ne sait que faire : d'un côté il doit garder l'ambassade, de l'autre il aimerait bien aller au secours de son ami. Mais l'ambassadeur Dreuze lui-même se propose de venir avec lui.

- Vous risquez d'avoir besoin d'un magicien pour combattre un autre magicien. De plus un nouvel ambassadeur doit arriver bientôt. Ma présence n'est donc plus indispensable ici.

Cela convainc le jeune chef, et puis une bonne nouvelle arrive : l'armure que les maîtres forgerons nains lui ont promise est terminée. Il ne lui reste plus qu'à l'essayer. Elle lui sied à merveille. Elle est solide, résistante, et lui couvre tout le corps. Malgré son poids elle est bien équilibrée, et il la porte avec aise. Seul inconvénient : elle est un peu longue à mettre et à défaire. Il se renseigne de nouveau à propos des fameuses cottes de maille de mithril.

- Hélas, lui répond le forgeron, le mithril est un métal tendre. C'est effectivement nous qui l'extrayons et tissons les cottes, du moins jusqu'à notre accord passé avec le prince Corn. Mais ce sont les elfes qui y apportent la touche magique finale, sans laquelle les fameuses cottes de mailles en mithril ne seraient pas ce qu'elles sont.

Puis Arnus se fait raconter la capture par Merle.
- Nous nous sommes subitement retrouvés encerclés par une armée d'hobgobelins. Nous ne les avons pas vus venir, ils étaient invisibles. Hubert s'est battu comme un lion, mais un magicien est arrivé, a prononcé une formule magique, et nous nous sommes tous endormis. A notre réveil nous étions dépouillés de nos armes et de nos armures, au fond d'une mine. Ils nous font extraire un minerai noir, qu'ils brûlent dans de grands fourneaux pour je ne sais quelle œuvre diabolique.
- Et comment t'es-tu échappé ?
- Ils nous libéraient de nos liens pour aller travailler. Un jour, alors que la surveillance était endormie, je me suis dissimulé dans l'ombre après l'appel et avant le retour. Puis j'ai escaladé un puits d'aération pour me retrouver à l'air libre. Je ne vous raconterai pas les faims et les peurs que j'ai dû endurer pour revenir jusqu'ici.

Le jeune chef fait part de sa décision au roi Noren. Il va partir avec toute l'ambassade à la recherche d'Hubert. Le souverain lui adjoint deux de ses guerriers.

Arnus, Nelak, Merle, l'ambassadeur Dreuze, Kaloé et Orino, ainsi que les deux nains qui s'appellent Aren et Oten, partent donc vers le nord. Ils mettent six jours pour sortir de la contrée, sans incidents.
- Nous voici aux limites de notre pays. Je vous recommande à tous la prudence à partir de maintenant, déclare Oten.
- Nous sommes encore à une vingtaine de journées de marche de notre but, d'après mes souvenirs, ajoute Merle.

Ils traversent une région de montagne de plus en plus escarpée. Il neige en haut du col. Alors qu'ils pensaient redescendre une fois franchie la crête, ils découvrent une suite impressionnante de montagnes, de pics, et de glaciers. La région doit être totalement recouverte de glace en hiver. Heureusement ce n'est que le début de l'automne, et ils sont chaudement habillés.

Après six jours, la troupe voit arriver en face d'elle un tigre des neiges. Il est grand, avec une épaisse fourrure blanche striée de noir. Arnus ordonne à ses hommes de se déployer. Le tigre passe son chemin.

Le dixième jour Merle aperçoit un troupeau de mouflons. Les arbalétriers de la troupe essaient bien d'en abattre un de leurs carreaux, mais leur gibier s'enfuit à leur approche. Dommage, cela les aurait changés des galettes de blé noir et du mouton séché qu’ils ont pour seule ration.

Le onzième jour, Kaloé repère un homme en grande robe sur la piste. Il est apparemment seul. Ils l'abordent et Arnus essaie de l'interroger.
- Que faites-vous dans cette région inhospitalière ? Pouvez-vous nous aider ? Nous sommes prêts à payer généreusement vos services.

Pour toute réponse l'homme leur projette une poignée de sable à la figure, en prononçant une incantation. Tous s'endorment, sauf heureusement Nelak, Dreuze et Oten. Le nain attaque alors le magicien hostile. Voyant son coup raté, celui-ci se précipite dans le vide.
Dreuze le suit des yeux, s'attendant à le voir se disloquer sur les rochers. Mais il n'en est rien. A quelques pieds du sol, la chute de l'homme est mystérieusement ralentie, puis il se réceptionne gracieusement à terre, avant de s'enfuir à toutes jambes.
- Quelle puissante magie. Tâchons de ranimer nos amis, et partons d'ici en vitesse avant qu'il ne revienne avec du renfort.

Ils ne sont pas poursuivis.

Le douzième jour ils croient apercevoir sur un pic une silhouette qui les observe, puis plus rien...

Une heure après le monstre est soudain devant eux. Il mesure huit pieds de haut, est recouvert de longs poils blancs, et a une allure simiesque. Tous sont surpris par cette apparition, et sont figés d'effroi en croisant le regard glacial de la créature. Tous sauf Orino, à qui la bête s'en prend justement.

L'humain est touché par des coups de griffes, mais résiste vaillamment. Au bout d'un temps qui paraît des siècles à l’arbalétrier, Arnus sort enfin de sa torpeur, et vient prêter main forte à son ami. La bête succombe sous le nombre. C'est un être bipède, avec des mains préhensiles, et une fourrure blanche sur tout le corps qui le rend invisible dans la neige. Peut-être est-ce là l'Abominable Homme des Neiges dont parle la légende.

Le jeune chef fait rapidement activer sa troupe. Il ne s'agirait pas qu'ils soient surpris une nouvelle fois par ce genre de créature. Mais ses craintes sont vaines. Peut-être ce monstre était-il unique?

Le quatorzième jour ils croisent un petit groupe de hobgobelins. Sur le sentier à flanc de montagne qu'ils empruntent, seuls deux hommes peuvent combattre de front.

- Kaloé et Merle, escaladez la paroi pour les prendre à revers !

L'un de leurs ennemis est muni d'un arc et leur tire dessus, mais Arnus et Orino répliquent avec leurs arbalètes. Le jeune chef est légèrement touché par une flèche. Puis, après ces préliminaires, c'est le combat au corps à corps.

Les deux arbalétriers éliminent d'abord leurs adversaires immédiats, mais ils sont blessés à leur tour, et quand Orino affronte un nouvel hobgobelin, il tombe sous les coups. Arnus le protège avec son bouclier de façon que Nelak puisse le retirer de la mêlée pour le soigner. Le jeune chef se défait alors de ses deux adversaires, non sans éviter une profonde entaille. Les deux nains, Oten et Aren, prennent ensuite le relais.

Ils tuent un hobgobelins, mais s’effondrent eux aussi. Ceci redonne courage au reste des ennemis, d'autant que ce sont les plus forts de la troupe qui arrivent maintenant au corps à corps.

Nelak et Arnus font front. Malgré ses blessures, le guerrier pare un coup de hallebarde, et enfonce son épée dans le corps de son vis-à-vis. Le prêtre, qui avait gardé un sort de lumière, aveugle son adversaire.

Les hobgobelins songent à fuir. Pendant ce temps les deux éclaireurs achèvent leur mouvement tournant. Malheureusement pour eux, ils sont repérés avant de pouvoir surprendre leurs cibles par-derrière.

- Tâchez de résister ! Il ne faut pas qu'un seul puisse s’échapper ! s'exclame le jeune chef.

Merle vient à bout de son adversaire, Arnus du sien. Les deux éclaireurs se portent ensuite contre le dernier fuyard. Il ne reste plus que le hobgobelin aveuglé, auquel ils font un sort.

- Les deux nains ne sont pas encore morts, mais vont bientôt l’être, déclare le prêtre. Je ne peux plus utiliser qu’une fois mon pouvoir de guérison avant la prochaine aube et un nouveau contact avec ma divinité. Lequel des deux je soigne ?
- Oten. Je crois que c'est un cousin du roi, répond Dreuze.
- Ne nous illusionnons pas, c'est une dure victoire. Nous sommes tous sévèrement affaiblis, ajoute Nelak.
- Faisons disparaître les corps dans un ravin, puis cherchons un abri pour la nuit, ordonne Arnus.

Une fois ranimé, Oten insiste pour que l'on dresse une mont-joie pour la mémoire d'Aren, ce qui est fait. Puis Merle trouve un amoncellement de rochers en amont, mais c'est pour y découvrir un troll. Trop faibles, ils fuient. Le monstre les pourchasse. Ils lui abandonnent le malheureux Orino, qui n'avait par repris connaissance, et qu'ils portaient sur un brancard.

- J'ai bien peur que cette expédition ne tourne au désastre. Peut-être faut-il s'en aller? demande Dreuze.
- Attendez, je reconnais le chemin. Nous ne sommes plus très loin du but, dit Merle.

Les fuyards finissent par se réfugier dans un coin tranquille. Le lendemain, après avoir imploré son dieu, Nelak peut soigner tout le monde. Arnus ordonne encore une journée de repos avant de reprendre la dernière partie du voyage.

Cette fois ci ils ne font pas de mauvaises rencontres.

Mais Merle ne retrouve pas tout de suite le puits d'aération qui lui avait permis de se sauver. Il fouille la montagne avec Kaloé tandis que Nelak, Arnus, Dreuze et Oten font le guet.

Les jours s'écoulent sans rien de nouveau. Un beau matin, le jeune chef surprend un chamois et l'abat. Voici qui leur fournira des provisions pour un certain temps. Hélas ils ne peuvent pas faire de feu car cela trahirait leur présence. Nelak utilise alors un de ses sorts pour cuire la viande sans fumée.

Le matin du neuvième jour de recherche, ils aperçoivent un homme en robe, qui monte la pente. Tous se dissimulent du mieux qu'ils peuvent. L'homme s'approche d'un trou, fait tomber un caillou, et soudain une bruyante alarme retentit. Satisfait, il commence à prononcer une incantation magique...

- A l'assaut !
Arnus décharge son arbalète, raté ! Puis il s'élance contre le magicien. Il a le temps de frapper le premier coup, mais le sorcier prononce une formule, et le guerrier s'écroule.
- Il ne faut pas qu'il s'échappe ! Encerclons-le et vengeons notre chef ! s'exclame Nelak, qui s'avance à son tour.
Tous sortent de leurs cachettes.

Mais leur adversaire dit encore une autre formule magique, et se transforme en aigle royal, puis prend son essor. Le prêtre essaie vainement de l'aveugler. Merle le touche d'un carreau d'arbalète, mais le trait n'est pas suffisant pour tuer l'animal. Il vole toutefois d'un air mal assuré, et nettement moins vite qu'un véritable aigle. Dreuze ranime Arnus, qui n'était qu'endormi. Celui-ci vise à son tour la cible qui s'enfuit, tire.
- Je ne suis pas certain de l'avoir touché.

C'est alors que surgit de l'horizon un gigantesque lézard volant. Les hommes sont tétanisés de peur, mais le monstre choisit l'aigle comme proie. Tous deux disparaissent derrière la montagne.

- Je pense que notre sorcier est fort occupé maintenant. Il faut en profiter et explorer ce trou.
- Ca doit être un autre puits d'aération, dit Merle. Hélas, il a du le piéger.
- Tout à l'heure il vérifiait que son alarme fonctionnait bien, répond Dreuze. Peut-être n'a-t-il pas eu le temps de la réamorcer. Un petit instant je vous prie...
Il consulte son livre de magie, puis inspecte l'ouverture.
- C'est bon, la voie est libre. Je ne détecte aucune magie.
- Parfait ! Merle et Kaloé, c'est à votre tour de jouer maintenant, ordonne Arnus. Tâchez de délivrer le plus de monde possible et revenez vite ici. Avec mon armure, je ne peux pas vous accompagner dans ce conduit, ni Nelak.
- J'y vais aussi, déclare Oten. Avec ma cotte de maille, je peux passer, et les galeries, ça me connaît.
- Moi aussi, ajoute Dreuze.
- Très bien, nous y allons tous ! répond le jeune chef.
Il défait son armure, pour ne plus être revêtu que de la cotte de maille qu'il porte en dessous.
- Sortez vos cordes, nous descendons.
Ils cherchent un point d'appui où attacher la corde, mais n'en trouvent pas.
- Nelak restera ici pour la tenir. C'est ennuyeux car nous ne pourrons remonter qu'un à un. Etes-vous prêt ? Oui ? Allons-y!
Puis Merle et Kaloé descendent, suivis d'Arnus, Oten et Dreuze.

Une fois en bas, leurs yeux ont d'abord du mal à s'accoutumer à la pénombre, puis ils découvrent une grande salle, qu'ils contemplent du haut d'une petite corniche.
- Nous sommes dans la grotte où ils rassemblent les prisonniers. La galerie éclairée en face, c'est là qu'ils font brûler le minerai noir, reconnaît Merle.
- Probablement une forge. Dans ce cas ce minerai noir a un pouvoir exceptionnel, déclare Oten.
- Je compte cinq gardes pour l'instant. Ca va être très difficile de s'en défaire, note Arnus. Merle et Kaloé, essayez de faire le tour pour les prendre à revers. Nous vous laissons quinze minutes, puis nous descendons les affronter.

Un quart d'heure plus tard, Arnus et Oten s'avancent. Les hobgobelins ne les aperçoivent qu'une fois en bas de la corniche. Les deux éclaireurs tentent alors de les surprendre par-derrière, mais leur manœuvre échoue. Kaloé est touché et tombe. Merle a fort à faire. Heureusement le guerrier et le nain se débarrassent de leurs adversaires et viennent à la rescousse.

- La victoire est chèrement acquise, déclare Arnus. Un garde a réussi à fuir et l'un des notre est à terre. Ambassadeur, montrez-vous utile et voyez ce que vous pouvez faire pour Kaloé. Oten, fais le guet dans le couloir par où s'est enfui le garde. Merle, essaie de trouver les prisonniers, je te suis.

L'éclaireur retrouve la galerie où travaillent ses anciens compagnons. A deux, ils se défont du hobgobelin qui les surveillait. Puis ils font sauter les chaînes des captifs. Il y a là Hubert, Julius et Brenïn. Il y a aussi d'autres humains, des nains et des gobelins. Merle leur donne sa pince pour qu'ils se libèrent également.
- Où sont les femmes ? demande Arnus.
- Le maître des lieux les a emmenées, répond Hubert. Il faut les délivrer.
Il se saisit, ainsi que Julius, d'une épée et d'un bouclier. Puis ils rejoignent Oten.
- Toujours pas de mouvement ?
- Rien.
- Alors avançons sans tarder. Tâchons de profiter de l'effet de surprise.

Ils longent des couloirs, croisent des portes qui donnent sur les cellules d'autres prisonniers, qu'ils libèrent. Puis ils rencontrent des hobgobelins venus en renfort. Arnus et Hubert abattent leurs premiers opposants, mais le combat semble perdu d'avance : leurs adversaires sont encore si nombreux ! Soudain leurs ennemis reculent craintivement : Dreuze vient d'utiliser son deuxième sort et s'avance, une étrange lueur bleutée au bout des doigts.
- Ca a l'air de les impressionner on dirait.
- Vous voyez bien que je suis utile, leur murmure le magicien.

Blanche survient à cet instant, revêtue d’une armure de cuir et munie de la dague magique d'Hubert. Elle aperçoit ses amis, et donne un ordre bref aux hobgobelins. Ceux ci semblent lui obéir. Ils reculent.
- Venez vite ! dit-elle. Pour l'instant ils ne savent comment réagir, et leur maître n'est pas là. Laissons-les s'occuper des autres prisonniers.

Sous la conduite de l'éclaireuse, ils pénètrent dans l'armurerie. Là les anciens prisonniers retrouvent leurs armes et leurs armures. Puis tous se dirigent vers la sortie.
- Et Irina ? demande Hubert.
- J'ai survécu, elle non, répond Blanche.
- Je comprends. Au fait, peux-tu me rendre ma dague ?
- Mais oui.
- Merci.
- Un instant, je voudrais visiter les appartements du sorcier, dit Dreuze.
- Par ici. Mais faites vite. Je ne sais pas si mon autorité sur les hobgobelins durera très longtemps.

Dreuze fouille hâtivement coffres et tiroirs, tandis que l'ancienne voleuse se saisit d'une petite cassette.
- Que cherchez-vous ?
- Ses livres ou parchemins magiques.
- Je l'ai souvent vu très occupé dans ce coin-ci, derrière le bureau.
Merle inspecte les environs, et découvre une cache secrète dans le sol. Lorsqu'il l'ouvre, une sonnerie stridente retentit. Le magicien s'empare du tome qui y reposait, puis ils s'enfuient tous.

Alors qu'ils aperçoivent la lumière du jour, quatre ennemis tentent encore de leur barrer la route. Julius et Hubert forcent le passage, sont blessés, mais en tuent trois. Le dernier se sauve.

Nelak a la surprise de revoir arriver ses amis par où il ne s'attendait pas.
- Tâche de sauver Kaloé si tu peux, lui dit Arnus en revêtant sa cuirasse.
- Tu as une bien belle armure, dis-moi, constate Hubert.
- C'est un cadeau des nains. Tu n'es pas resté suffisamment pour qu'ils t'offrent la même. Comment va le blessé ?
- Il se remet doucement.
- Il faut qu'il soit sur pied rapidement. Nous ne devons pas traîner ici. Je crains un retour du sorcier. Quelque chose me dit qu'il a dû survivre.

Le troisième et quatrième jour de marche, ils trouvent du gibier, ce qui leur permet de se rassasier un peu.

Au bout de quinze jours ils rejoignent le pays des nains, à la grande joie d'Oten, Brenïn, et des compagnons qu'ils ont libérés. Dans ces montagnes ils croisent sur le chemin un ours, un énorme, un véritable grizzly. Ils le harcèlent. L'animal charge. Nelak l'aveugle. A cinq autour de la bête ils l'achèvent.

C'est donc fier de leur trophée qu'ils rencontrent ensuite les nains du roi Noren, et qu'ils sont accueillis. Le nouvel ambassadeur est là. C'est également un magicien, très intéressé par les nouvelles du monde d'au-delà des montagnes. Blanche raconte :
- Les hobgobelins sont dirigés par un sorcier, Chakron, qui dépend lui-même d'un autre humain, encore plus puissant, et qui réside un peu plus loin. Le reste de l'humanité vit dans des conditions affreuses, entourées d'hobgobelins, de gobelins, et de créatures encore plus monstrueuses.
- Au moins y a-t-il une humanité. Ceci est nouveau. D'où proviennent-ils ?
- Je ne sais pas.
- Il est dommage de ne pas en avoir ramené un pour l'interroger.
- Ces hommes sont complètement soumis. Aucun n'a eu le courage de nous suivre, répond Hubert.
- Ils s’intéressent depuis peu à notre monde. Chakron m'a posé des questions sur l'épée magique des nains. Je n'ai su quoi lui répondre.
- L'épée magique des nains ?
- C'est une merveille que vous autorisera peut-être à voir le roi Noren, explique Dreuze.
- Pouvez-vous m'obtenir une audience ? demande l'ambassadeur à Brenïn.
Puis il dit à Dreuze :
- Je crois me souvenir que vous avez trouvé un manuel de magie. Pouvons-nous l'examiner ?
Le magicien fait la moue : après tout c'est sa prise, à lui seul. Mais il est bien obligé de se plier à la volonté de son supérieur.

Le nouvel ambassadeur se fait montrer la salle de cristal, un peu à contrecœur, car les nains préfèrent garder leur trésor hors de toute convoitise. Il fait sur l'épée quelques expériences de sorcellerie, mais sans résultat. Elle est magique, et inaccessible.

La présence de cette nouvelle troupe d'humains, dont au moins une vingtaine de guerriers et de prêtres, provoque un certain trouble chez les nains. Bien sûr les gens du prince Corn nous ont aidés, et une parole est une parole, mais si jamais il leur venait à l'idée de nous coloniser ?

Pour échapper à cette ambiance, Arnus et Hubert passent de longues heures, voire des journées entières, à chasser. Ils sont accompagnés de Nelak.

C'est par un matin froid, alors qu'ils poursuivent un renard, qu'ils découvrent un être fantastique qui surgit du haut de la montagne. Un dragon ! avec de grandes ailes argentées, qui soulèvent l'air en dépassant le sommet. Il fait bien vingt mètres d'envergure.

A cette vue les hommes sont pris de panique, et fuient en tout sens. Après une longue course, Arnus reprend ses esprits. Jamais de sa vie il n'a vu de créature aussi terrifiante. Mais où sont les autres ?

Il finit par les retrouver. Ils sont aussi stupéfaits que lui.

- C'est Erius, le dragon d'argent. Il est loyal et bon. C'est le protecteur de la région, bien qu'il intervienne très peu dans nos affaires, lui répond le roi Noren quand Hubert l'interroge.
- Vous ne m'en aviez pas parlé, sire.
- Vous ne me l'aviez pas demandé. Nos montagnes sont très anciennes, et certains des êtres qui y vivent sont encore plus anciens, explique le monarque au guerrier.

Avec les gemmes qui se trouvaient dans la cassette prise par Blanche, et après le partage, Hubert s'est fait construire une armure sur mesure pareille à celle de son ami. Lorsqu'elle est enfin prête, il va voir le nouvel ambassadeur, et lui annonce son intention de partir à l'aventure.
- Et où comptez vous aller ?
- Vers l'est, en direction du pays des elfes.
- Nous manquons cruellement de renseignements sur cette région. Votre voyage pourrait intéresser le prince. Vous nous avez fort bien servi dans votre précédente exploration en nous ramenant des informations. Je vais autoriser Arnus et Nelak à vous accompagner. Ils en brûlent d'ailleurs d'envie. Mais je garde Blanche avec moi. Nous avons d'autres projets pour elle.

En six jours de marche, ils quittent les montagnes sans encombre. Ils sont sur le haut plateau rocheux qu'ils avaient traversé à leur arrivée, mais cette fois-ci ils vont dans une nouvelle direction. En cinq jours d'une progression facile : le plateau est assez dégagé, ils parviennent à l'orée de la grande forêt elfique.

La pente descend brutalement. Les ormes succèdent aux résineux, auxquels succèdent les chênes majestueux. Le troisième matin ils rencontrent un homme visiblement égaré. C'est un soldat du prince Corn, un éclaireur. Son escouade a été attaquée par des elfes, et il erre depuis sans trêve dans la grande forêt.
- Je ne savais pas que les troupes étaient venues aussi loin, dit Arnus.
- Il faut dire que j'ai perdu mon chemin. Peut-être que je me suis enfoncé dans cet enfer vert au lieu d'en sortir.
- C'est fort probable.
- Tu peux nous suivre, à condition que tu ôtes ton uniforme. Il est trop voyant, dit Hubert. Et rappelez-vous : si nous croisons des elfes, laissez-moi parler. Il n'est pas question d'engager le combat, mais seulement de prendre des informations.
- Nous aurons de la chance s'ils nous laissent vivants, grommelle le nouveau venu.

Ainsi l'éclaireur perdu, qui s'appelle Abel, se joint à la petite troupe déjà composée d’Arnus, Hubert, Nelak, Brenïn, Dreuze, Julius et Merle.

Le lendemain, ils font une curieuse trouvaille : un scarabée géant de deux mètres de long. Dreuze s'approche pour l’observer. Dérangée, la créature lâche un nuage de gaz acide dans un bruit de tonnerre. Le magicien s'effondre. Hubert, Arnus et Nelak sont également pris dans le nuage.
- Que dites-vous ?
- Je n'entends rien. Je crois que je suis sourd.

Les guerriers s'attaquent à la bête. Mais elle se défend, et frappe le jeune chef de ses mandibules. Il succombe à son tour. Heureusement Hubert frappe de grands coups avec sa dague et son épée, et parvient à percer la carapace.

Le prêtre met plusieurs minutes à reprendre ses esprits. Merle aperçoit encore d'autres monstres semblables qui s'approchent. La petite troupe emporte ses blessés et s'éloigne vivement pour trouver un endroit plus calme.

Là, Nelak soigne Arnus et Dreuze. Il est obligé d'user de tous ses sortilèges.
- Restons ici quelque temps, et je pourrai solliciter d'autres sorts de guérison auprès de mon dieu, propose le prêtre.
- Volontiers, d'autant plus que ce nuage acide m'a également atteint, répond Hubert.

Ils se remettent en marche après trois journées de repos complètes. Puis suit une longue période sans rencontre.

- Combien de temps allons-nous tourner dans cette forêt ? demande Merle. A cause des feuillages on n'y voit goutte.
- Je suppose que les habitants sont bien cachés. Progressons encore quelques jours vers l'est, puis nous repartirons.

Quatre matins plus tard, ils gagnent une rivière.
- Ce doit être les sources de l'Euphrain, le fleuve qui rejoint la mer à Uhr, la capitale du royaume. Essayons de le descendre.

Ils marchent. Ils abattent quelque gibier en passant. Puis ils croisent un canoë qui remonte le cours d'eau. Ce sont des trappeurs. Ils confirment que la rivière se jette bien dans le grand lac qui alimente l'Euphrain. Non, ils n'ont besoin de rien. Ils repartent.

Huit jours après avoir commencé de longer la rivière, ils rencontrent un lutin, de cinquante centimètres de haut. Il a des habits d'un ton brun vert, et un large bonnet dont le cône lui retombe sur l'épaule.
- Bonjour. S'il vous plaît, ne perturbez pas ma pêche, dit le lutin, fort occupé à surveiller une ligne qui pend au bout d'une branche de bois mort.
- Bonjour. Dites-moi pourquoi nous ne voyons personne dans cette forêt.
- Parce que vous ne savez pas voir. Je crois que ma pêche est ruinée car vous avez fait du bruit avec vos grosses armures. Bonjour chez vous.
Le lutin disparaît dans une gerbe d'étincelles.
- Mais nous on vous voit ! tonne une grosse voix.
Les hommes se sauvent dans la confusion la plus totale, prenant toutes les directions.

- Ca secoue, n'est-ce pas ?
Julius s’arrête. Il vient d'être interrogé par un elfe.
- Bonjour. Je... euh... suis un peu perdu.
- Etes-vous un ami ou un ennemi ?
- Un... un ami.

Pendant ce temps, Brenïn fait lui aussi une rencontre :
- Bonjour chez vous. Nous nous sommes déjà vus, je crois ?
- En effet.
- Mes amis les elfes aimeraient savoir pourquoi les nains ne les approvisionnent plus en mithril. Mais cela ne me regarde pas. Je crois savoir où sont vos amis. Je vais vous guider.

Il le mène jusqu'à la clairière où se sont regroupés les autres, puis il disparaît de nouveau. Mais Julius manque toujours. Ils ont beau l'appeler, rien n'y fait.
- Je crois que nous devons continuer sans lui, dit Arnus au bout de quelques heures.
- Faisons un feu. Il viendra peut-être, attiré par la fumée, propose Hubert.
- Lui ou quelque créature hostile. Je m'y oppose pour la sauvegarde du groupe.
- Faisons un vote.

Cette méthode surprend un peu le jeune chef. Dans les armées du prince, ils ne sont pas habitués à la démocratie, dans le reste du royaume non plus d'ailleurs. Nelak et Dreuze votent contre, Merle et Brenïn pour.
- Merle, cela m'étonne de toi ! gronde Arnus.
- J'ai envie d'un bon feu pour me réchauffer les os !
Reste Abel. Il s'abstient.
- Je te propose de jouer ça aux dés.
- D'accord. Que les dieux guident nos bras.

Le jeune chef gagne. La troupe repart donc, abandonnant Julius.

Le dix-huitième jour après... après quoi au fait ? Ils ont perdu la notion du temps... ils aperçoivent dans une clairière un être mi-homme, mi-bête. Il a la tête, le torse et les bras d'un humain, les pattes et les cornes d'un bouc. La troupe s'avance, sur la défensive, armes à la main. Ce que voyant la créature commence à jouer un air sur la flûte qu'elle porte au côté.

En l'entendant, ils se mettent tous à trembler d'effroi, et lâchent leurs épées. L'être termine son air, a un petit rire, puis s'en va en continuant de jouer de la flûte. Il faut de longues minutes aux aventuriers pour sortir de leur transe.
- Qu'est ce que c'était ? demande Arnus.
- Une créature magique : un faune. Mes dents en claquent encore, répond Dreuze.

Deux jours plus tard ils sortent enfin de la forêt enchantée.
- Je comprends pourquoi les troupes du prince Corn ont tant de mal à coloniser la région, soupire le jeune chef.
- En effet, et mis à part la disparition de Julius, je ne regrette pas cette expédition. Nous revenons riches d'expérience, ajoute Hubert.
- Nous sommes maintenant dans la région de collines appelée la Frontière, qui borde les territoires du prince, dit le magicien.
- Quelle direction prenons-nous maintenant ? demande le prêtre.
- De l'autre côté du fleuve Euphrain, il y a les montagnes de la Peur, puis la zone des marais, et au-delà les steppes et déserts de l'est, répond le guerrier.
- Ces régions sont très dangereuses. Elles forment une barrière naturelle à la civilisation. Pourquoi n'explorerions-nous pas la Frontière ? propose Nelak.
- Il paraît que cette contrée regorge de châteaux anciens et de trésors enfouis, surenchérit Dreuze.
- Soit, mais je ne renonce pas à mon projet.

Ils marchent tranquillement pendant quatre jours, sans trouver âme qui vive sinon des oiseaux et des lièvres, puis rencontrent des nains. C'est Brenïn qui leur parle :
- Bonjour. Vous êtes diablement loin du pays ici. Je suis du royaume de Noren. D'où venez-vous ?
- Bonjour. Nous sommes de la tribu de Loren. Nous allions chez les elfes, puis nous avons décidé d'explorer la région.
- Désirez-vous vous joindre à nous ?
- Sans façon. Nous allons dans des directions opposées.

Une fois partis, Arnus interroge Brenïn.
- J'ignorais qu'il y avait d'autres tribus de nains.
- Nous avons des relations très distantes, mais nous sommes toujours solidaires en cas de besoin. Ceux-ci vivent plus à l'ouest. Apparemment les elfes les ont approchés pour trouver un autre approvisionnement de mithril.

Deux jours après Merle repère une petite troupe de soldats qui avance vers eux.
- As-tu pu voir de quelle armée ils sont ? demande le jeune chef.
- Ils portent les armes du prince Corn. Mais leur tenue est assez dépenaillée. Je pense qu'il s'agit d'un parti de mercenaires, ou de déserteurs.
- Combien sont-ils ?
- Une dizaine.
- Mieux vaudrait les éviter.

Mais l'endroit n'offre que peu de cachette, à moins de s'agenouiller dans les genêts.
- Après tout, nous sommes redoutables nous aussi. Je me refuse à me dérober, dit Hubert.
- C'est bon. Je suis aussi de cet avis, conclut Arnus.

Ils marchent donc à la rencontre des routiers, armes sorties, mais en évitant d'avoir l'air trop belliqueux.
- Bonjour. Qui êtes-vous ? demande le chef de la bande, monté sur un cheval.
- Nous vous renvoyons la question.
- Nous sommes neuf, et vous n'êtes que six, pardon, sept. Vous avez de belles armures.
- Vous avez fort bien remarqué. Vous avez de beaux chevaux.
- C'est fort spirituel. Mais nous avons l'avantage du nombre. Cédez-nous vos biens.
- Venez les chercher !

Le combat s'engage, nos héros font le cercle et protègent Dreuze et Nelak. D'abord les bandits déchargent leurs arbalètes, sans succès. Le groupe réplique, puis c'est le corps à corps. Abel tombe le premier. Il est remplacé par Nelak. Trois bandits sont tués. La lutte se poursuit néanmoins.
- J'en ai vu un partir. Il a dû aller chercher du renfort ! s'exclame Arnus.
Puis leurs adversaires fuient, du moins ce qu'il en reste maintenant. Ils récupère deux chevaux, Arnus en monte un, et cède le second à Hubert. Le prêtre peut soigner Abel.

Nos héros ne sont pas rejoints.

Le sixième jour, ils rejoignent une rivière.
- Ce doit être un affluent du Tigre, le deuxième fleuve qui borde les domaines du prince. Nous pouvons le redescendre. Qu'en pensez-vous ? demande le guerrier.

Les hommes acquiescent. Il leur tarde de rentrer dans un lieu sûr. Cela fait plus de deux lunes qu'ils marchent.

Six jours plus tard, après avoir croisé un couple de blaireaux qu'ils ont forcé jusqu'à leur terrier, ils rejoignent une embouchure où la rivière se jette dans une autre plus large. Il y a là un petit hameau de cinq maisons, et une quantité de tentes. Lorsqu'Hubert demande le nom du village, on lui répond "Le rendez-vous des deux rivières".

Arnus est stupéfait de voir autant de déserteurs de l'armée de son prince. Apparemment les choses n'ont pas l'air de bien aller sur la Frontière. Mais il est suffisamment sage pour éviter les querelles. Il interroge le tenancier qui tient une des maisons.
- Il y a quelque temps, des aventuriers sont venus à bout d'une bande de hors-la-loi. Ils les ont capturés et sont revenus avec eux et leurs esclaves, puis sont partis, les libérant ici. Depuis les bandits sont restés. Ils n'ont plus de chef, n'osent pas rentrer dans leur repaire à cause des orques, ni retourner dans les pays du prince à cause des éventuelles poursuites.
- Arrivez-vous à les maîtriser ?
- Il s'est formé des petits clans rivaux. Pour l'instant je paie leurs tributs à chacun, et ils savent que s'ils m'agressent, ils risquent de couper leur ravitaillement. Ils m'encombrent, mais d'un autre côté, grâce à leur présence, je ne crains plus les orques.

Pendant ce temps Hubert est allé vendre les peaux de blaireaux au comptoir des fourrures. Il en obtient un bon prix, ainsi qu'à peu près les mêmes renseignements. Puis ils se rejoignent.
- Pensez-vous que nous puissions tirer quelque chose de cette racaille ?
- Ils sont mal armés, indisciplinés, et puis nous ne pouvons leur offrir aucune solde...
- Nous pouvons peut-être leur promettre quelque chose.
- Une part des trésors à venir ?
- Le pardon du prince ?

Hubert va parler de ses projets au chef de la principale bande. Celui-ci est presque convaincu, mais se rétracte finalement au denier moment. Au total, après huit jours d'efforts, un seul des anciens soldats consent à les accompagner jusqu'à leur précédent repaire.

Ils se mettent en route, sauf Abel, le soldat perdu, qui a préféré rejoindre la quiétude de la civilisation, et d'une caserne.

Six jours plus tard, ils parviennent à l'ancien château des brigands. Là ils constatent que la place est de nouveau occupée. L'oriflamme du prince flotte au vent.

Ils se font reconnaître et sont accueillis. Arnus a la surprise de retrouver Mors, son ancien commandant, ressuscité d'entre les morts.
- Que vous est-il arrivé, seigneur ?
- Une affaire personnelle, dont je tirerai vengeance un jour, mais le service du prince prévaut. Qu'a donné votre expédition chez les elfes ?

Hubert lui raconte.

- Cela confirme mes craintes. Cette forêt est dangereuse. Mieux vaut se rabattre sur la région. Je ne dispose malheureusement que de quelques hommes. J'aimerai que vous fassiez les premiers relevés de terrain pour moi. Vous serez grassement payé bien sûr.
- Qu'a révélé la fouille du château ? demande Dreuze.
- Les précédents habitants l'ont déjà pillé. Il n'y a rien de très intéressant, à part quelques fresques et écrits sur les murs. Il y a également un souterrain en partie effondré, que nous sommes en train de déblayer.

Le magicien examine les murs du premier étage, mais il ne découvre rien de particulier.

- Il s'agit d’une scène de cour. On y voit un prince, ou un roi, entouré de ses vassaux, commente Nelak. Notez la dominante rouge du prince. Cela a certainement sa signification. Ce doit être une fresque datant de l'ancienne civilisation, qui est, comme tout ce qui touche à cette civilisation, dans un excellent état de conservation. A l'arrière plan on peut distinguer un château qui ressemble à celui-ci.
- Il y a aussi d'autres châteaux.
- Ce qui laisse supposer que la région en comportait plusieurs.
- Tachez de retrouver ce qu'il en reste, conclut Mors.

Ils repartent le lendemain et explorent systématiquement la contrée, en faisant des cercles de plus en plus large. Le premier mois ils ne trouvent rien d'autre que des blaireaux, un ours, et deux belettes géantes. Ces dernières leur posent d'ailleurs des problèmes, car ces animaux, une fois qu'ils ont happé leur proie, ne lâchent plus prise. Hubert en fait la douloureuse expérience et est mordu au défaut de sa cuirasse. Heureusement les soins de Nelak sont là.

Puis ils rencontrent des elfes. Ils se gardent bien de la moindre agressivité. Opportunément, le prêtre sorcier du prince Corn ne porte pas ostensiblement les insignes de sa religion.
- Holà ! Nous vous souhaitons une heureuse journée, dit Hubert. Vous venez de loin?
- De la forêt proche. Nous patrouillons pour vérifier qu'aucune troupe hostile ne s'aventure ici, répond le chef des elfes.
Ils sont au moins une dizaine, vêtus de vert et armés d'arcs et d'épées. Hubert leur répond :
- Il y a bien un château occupé, à dix jours d'ici. Mais ses habitants restent enfermés.
Arnus veut protester mais le guerrier le pousse du coude pour qu'il se taise.
- Il est bien gardé ?
- Assez oui.
- C'est bon, nous vous souhaitons une bonne journée.
Puis les elfes partent.
- Pourquoi leur as-tu donné tous ses renseignements ? fulmine Arnus peu après.
- Ce ne sont pas des renseignements très précieux. Et de plus ils allaient les découvrir par eux-mêmes. Mais je ne pense pas qu'ils nous auraient laissé passer si je n'avais pas ainsi gagné leur confiance.
- Nous aurions du nous battre.
- A cinq contre dix ? Et puis je parie qu'ils étaient autant cachés aux alentours.

Une semaine plus tard, en élargissant leur cercle de reconnaissance, ils découvrent une région cultivée. C'est une ferme fortifiée dans une vallée. Les paysans leur offrent le repas.
- Vous n'avez pas peur dans cette région sauvage ?
- Les orques nous laissent en paix, et la terre est bonne.
- Avez-vous connaissance de châteaux dans les environs ?
- La ferme est elle-même bâtie sur les ruines d'une ancienne demeure. Nous avons utilisé les fondations.
- Et vous n'avez rien trouvé à votre arrivée ? demande Nelak.
- Il y avait bien des souterrains, mais nous les avons bouchés. On ne sait jamais.
- Dans l'ensemble tout va bien ?
- Tout va bien. Mais nous souffrons un peu du manque de commerce. Avez-vous du sel ?

Hubert leur donne un peu de ses provisions.

- Il y a aussi un autre château, à une journée vers les collines du sud-est, mais il est abandonné.

Ils repèrent le dit château. Ce n'est qu'une ruine où gîte un renard. Puis ils reprennent leurs explorations.

Un mois s'écoule encore. Ils ne découvrent rien de plus qu'un couple de blaireaux et une autre ferme. Ils commencent à perdre patience. L'hiver approche.

Ils tournent encore. Vingt jours. Hubert croit bien discerner les traces d'un lynx, mais il perd la piste. Les premières neiges commencent à tomber. Ils décident de retourner vers la civilisation.

Ils laissent le commandant Mors et sa garnison, et passent par le rendez-vous des deux rivières, puis continuent vers le sud.

Tandis qu'ils se rapprochent des territoires du prince Corn, un soir, alors qu'ils se croient en sécurité :
- Je ne serai pas fâché de pouvoir me défaire de mon armure.
- Et moi de prendre un bain.
- N'avez-vous rien entendu ?
- Excuse-moi, mais depuis notre aventure avec les coléoptères géants de la forêt elfique, je suis un petit peu sourd...
- Il serait peut-être plus sage d'éteindre le feu.

Mais c'est trop tard, ils sont attaqués par un parti d'orques. Merle tente de s'échapper en grimpant dans un arbre, mais il chute.

Le combat est impitoyable. Les orques luttent jusqu'au bout. Les humains forment un cercle. Hubert et Arnus ne ménagent pas leurs coups, mais Merle, déjà blessé, tombe sous le nombre, suivi de peu par Brenïn et Nelak. Protégés par leurs armures, les deux rescapés se défendent dos à dos. Les corps des ennemis s'amoncellent. Enfin les assaillants lâchent prise.

Ils comptent plus de trente orques à terre !

Au petit jour ils constatent que le prêtre n'a pas survécu à ses blessures. Le nain et l'éclaireur respirent encore, mais n'ont pas repris connaissance. Se délestant de tout le superflu, hormis armes et armures, Arnus et Hubert les portent sur leurs épaules, et partent chercher du secours. Ils parviennent à un premier poste de garde. Là ils trouvent un sorcier du prince Corn. Après qu'Arnus lui a déclaré son identité, il soigne les deux blessés, et leur apprend que les orques ont depuis peu tendance à faire des incursions.

- Et oui, les choses vont devenir plus difficiles, même ici, en territoire civilisé. Quoi qu'il en soit, c'est bien d'avoir pensé à ramener le symbole de Nelak, et le temple vous en remercie.
- Il nous avait sauvés maintes fois.
- Et maintenant, que comptez-vous faire ?
- Je compte m'installer dans une ville frontière, et monter une nouvelle expédition au printemps, vers l'est, avec de nouveaux compagnons, répond Hubert.
- Moi je rejoins Berrabès, la capitale du prince Corn. Je porte un message du commandant Mors. J'y attendrai de nouveaux ordres, ajoute Arnus.
- Ainsi nous nous séparons de nouveau.

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