1. Brenus.

Brenus le dragon rouge ancien

Georg a recherché Brand, Jack et Laura dans toute la Frontière, mais ne les a pas retrouvés. Il a peu à peu renoncé à sa vengeance, et s'est joint à un groupe de trappeurs. Ils vont en direction de la forêt elfique. Une nuit, le guerrier se réveille en sursaut, en proie à un cauchemar. Bien lui en prend, car il se retrouve nu, dans la neige, à moitié mort de froid.

Le campement a été dévasté. Tous ses compagnons ont péri, égorgés. Il trouve des vêtements, et attise le feu. Il examine la neige. Il n'a pas de mal à repérer les empreintes griffues d'une créature bipède. Il n'y en a qu'une seule. Il part à sa poursuite.

Il suit la piste, épée au poing, tout le reste de la nuit. Au petit matin il s'aperçoit que les traces ont changé. Ce sont maintenant celles d'un humain sans souliers. Un loup-garou !

Petit à petit, un soupçon se fait jour dans son esprit. Ce soupçon devient certitude lorsqu'il se rend compte que la trace le ramène au campement. Il n'y a plus de doute possible. Hormis les siennes, il n'y a pas d'autres empreintes qui partent du campement. C'est lui le loup-garou.

Il s'enfonce alors seul dans les bois, pour y vivre en ermite. Il trouve une petite grotte abandonnée et s'y réfugie. La vie pourrait s'écouler paisiblement, mais chaque nuit de pleine lune la malédiction le rattrape. Il se transforme, et ne reprend conscience qu'au petit matin, parfois à des lieues de là. Qu'a-t-il fait ? A-t-il égorgé des hommes, des femmes, des enfants, ou seulement des animaux cette fois-ci ? Il ne peut pas le savoir. Il ne veut pas le savoir.

Il tue la nuit. On le pourchasse le jour. On organise des battues. Il est obligé d'aller de plus en plus loin, et toujours solitaire.

Puis une fois des elfes finissent par le prendre avec des filets. Il est emmené à la cour du roi Belnomë.
- Ils ont capturé la bête !
- Il parait qu'il a occis des enfants.
- Mais je le reconnais, il est déjà venu ici avec Elinoëe.
- Pendons-le !
Ces mots lui font mal. Il comparait devant ses juges.
- Tu as tué beaucoup ces derniers temps.
- Je sais. Je vous demande d'en finir vite.
- Tu vas boire ceci.
Georg accepte. Il boit le poison. Il est pris d'un violent soubresaut, lâche le verre, et meurt.

Lorsqu'il se réveille, ou plutôt lorsqu'il renaît, dame Alvina est penchée sur lui.
- Que s'est-il passé ? Je n'étais pas responsable.
- Nous savons.
- Vous m'avez soigné au lieu de me condamner, et je vous en suis reconnaissant. Comment puis-je vous remercier ?
- Tu n'es pas tout à fait sauvé. Nous n'avons fait qu'endormir la bête. C'est à toi d'aller chercher l'instrument de ta rédemption.
- De quoi s'agit-il ?
- De récupérer un objet qui m'appartient. Mais pour l'instant tu dois reprendre des forces. Elles te seront nécessaires.
- Je vois que notre guerrier a repris conscience, dit le roi en entrant dans la hutte. Debout, tu as besoin d'exercice.
Belnomë emmène Georg se restaurer d'un copieux déjeuner séance tenante. Puis il lui tend un arc et des flèches.
- Viens donc t’entraîner et participer au tournoi d'archers que nous avons organisé en ton honneur.

Le guerrier y découvre également un autre humain, Julius.
- Alors, c'est toi le fameux Georg, qui a vaincu un troll à mains nues ?
- Il y beaucoup d'exagération, mais c'est bien mon nom. Que fait un renégat ici ?
- Je suis un déserteur des armées du prince Corn. Je m'étais égaré lorsque des elfes m'ont trouvé. Ils m'ont accueilli comme un des leurs. J'ignore pourquoi. J'ai appris à les connaître. Avec eux, j'ai même combattu les hommes du prince. Tu peux donc m'appeler renégat si ça te chante, mais je ne me sens pas vexé.
- Allons, j'ai moi aussi été en indélicatesse avec les armées du prince. Soyons amis.
- Ce n'est pas si mal, intervient alors le roi en examinant leurs prouesses à l'arc. Tu te défends bien pour un humain. Mais il te manque encore l'adresse des elfes.
Il vise la cible où s'est fichée la flèche de Georg, à cent pas de là, et son trait vient se planter et fendre en deux le bois du précédent projectile.
- Avec un peu de patience, tu pourrais peut-être améliorer ton tir. Viens donc maintenant t’exercer à l'épée.
Le guerrier passe une lune à s'entraîner avec Belnomë et ses elfes. De temps en temps, il s'éloigne et chasse avec Julius.

Une fois, alors qu'ils poursuivent un cerf, ils rencontrent un troll. Le renégat combat vaillament, mais il reçoit deux coups de griffes, et est mis hors de combat. Georg est plus résistant, et répond coup pour coup. Hélas, le monstre commence à se régénérer, et le guerrier subit de nouvelles blessures.

Heureusement les elfes accourent. Ils s'avancent et frappent le monstre, puis se retirent avant qu'il ne puisse répondre. Enfin, après de longues minutes de ce harcèlement, Georg enfonce son épée jusqu’à la garde dans le corps de la créature, et l'achève. Puis ils le brûlent.

L'état de Julius est stationnaire. Avec des bandages, il ne saigne plus, mais il ne reprend pas conscience. Ils le ramènent au village, malheureusement les elfes n'ont pas de guérisseurs. Sous les directives de dame Alvina, ils emportent le blessé dans la forêt. Ils le déposent près d'un grand chêne et se retirent.
- Vous le laissez à la portée des animaux sauvages ? s'étonne Georg. Il n’est pas encore mort.
- N'aie crainte, la reine sait ce qu'elle fait.

Le lendemain, il voit arriver Julius, sain et sauf.
- Je me suis réveillé en compagnie d'un noble vieillard à la barbe blanche. Lorsque j'ai voulu lui parler, il m'a fait signe de me taire en mettant un doigt devant sa bouche. Puis il a disparu.
- Tu peux te vanter de m'avoir fait peur.
- J'ai eu mon compte de frousse moi aussi. Et le troll ?
- En cendre. Ainsi, toi aussi, tu as combattu une de ces créatures. Nous sommes à égalité.

La vie s'écoule ainsi, entre les exercices et les aventures. Puis un jour, un parti d'elfes ramène d'autres prisonniers.
- Mais qui voilà ! Laura, Brand et Jack ! Ceux qui m'ont lâchement vendu au commandant Mors.
- Nous avons pensé qu'ils te seront utiles pour ta mission, lui dit dame Alvina. Mais tu peux te venger tout de suite si tu le désires.
- Je m'en remets à votre sagesse. Ma vengeance attendra. Où les avez-vous trouvés ?
- Ils erraient dans la forêt.
- Ecoute-moi, Georg, intervient Laura. Je n'ai pas voulu ta mort, mais au contraire te sauver. Je te supplie de me croire.
- En m'offrant aux mains de mon pire ennemi ? Bel effort ! Mais tu as suivi ces deux crapules de ton plein gré, il me semble.
- Pour ce que j'en ai reçu ! Nous cherchions le grand druide de la forêt, mais nous n'avons vu que des monstres, des coléoptères géants et puants, et nous avons été harcelés par des créatures invisibles.
- Des génies des bois, pixies, lutins et farfadets, explique Belnomë. Ils haïssent le Mal et les créatures maléfiques. Ils nous ont avertis de votre présence. Sans nous, vous seriez morts à l'heure qu'il est.
- Quel est le but de notre mission ? demande Georg.
- Retrouver un anneau magique, répond la reine. Un jour, j'ai voulu demander de l'aide à Brenus, et il a accepté en échange du bijou. Mais il n'a jamais rendu ce service.
- Qui est ce Brenus ?
- Un dragon rouge. Il est très ancien, presque aussi âgé que moi. Nous avons dû nous débrouiller tout seuls lors de la bataille.
- La bataille contre le prince Corn ?
- Non. Je parle d'un temps bien plus reculé. Je parle de la bataille des Quatre Mondes.
- La bataille des Quatre Mondes, celle qui scella l'âge des ténèbres, et ouvrit la voie au nouveau monde ? C'est cela dont vous parlez ? s’émerveille la prêtresse.
- C'est effectivement ainsi qu'elle vous a été transmise dans vos légendes.
- Et pourquoi nous ? Pourquoi maintenant ? interroge Brand.
- Pour réussir, Georg a besoin d'un magicien, d'un prêtre et d'un voleur.
- Attaquer un dragon d'un âge aussi respectable, ça me semble de la folie !
- Vous allez emprunter un passage qui traverse la montagne, et mène à son repaire. Ce passage est si vieux que Brenus l'a certainement oublié. Avec un peu d'adresse, de force, de ruse et de chance, vous pourrez lui subtiliser l'anneau.
- Si c'est aussi facile que cela, pourquoi n'envoyez-vous pas des elfes ?
- Un sortilège nous interdit l'accès de cette montagne. C'est pour cela que tous les dix ans, nous faisons appel à un groupe d'humains. Je vais vous donner un parchemin dont vous saurez faire bon usage.
Brand prend le rouleau que dame Alvina lui tend. Il consulte son livre de magie, sort un petit prisme de cristal, puis parcourt le parchemin avec avidité.
- Je vous donnerai aussi des pierres lumineuses qui brillent comme des torches, sans jamais se consumer. C'est un cadeau d'un ami. Elles vous éclaireront le chemin.
- Julius, nous suivras-tu ? demande Georg.
- Il était seulement prévu que je vous guide jusqu'au passage. Mais je désire aussi faire partie de la fête.
- Je n'y comprends rien ! se lamente Brand. C'est un parchemin d’illusionniste, à l'opposé de mon école de magie.
- Ainsi vous n'aurez pas la tentation de vous enfuir avec. Allez maintenant, et revenez vainqueurs !
- Pendant que j'y pense, Jack, ajoute le guerrier, peux-tu me rendre mon épée ?
- Mais certainement, avec grand plaisir, bredouille l'assassin.
- N'en fait pas trop quand même. Je ne vais pas te l'enfoncer dans le dos, du moins pas tout de suite.

Ils partent. La montagne est assez loin, et la forêt est dense et difficile à traverser. Le huitième jour ils ont la malchance de croiser un troll. Georg et Julius ont le temps de lui tirer deux flèches avant qu'il ne charge, mais dans la précipitation aucune n'atteint la cible. Arrivée à bonne distance, Laura essaie de l'éblouir par un sort de lumière. C'est raté. Les deux guerriers sortent leurs épées. La lutte commence.

Julius est griffé, mais tient bon. Jack réussit à surprendre l'ennemi par-derrière en effectuant un mouvement tournant. Mais au moment de frapper, il assure mal son coup, et la créature, à peine égratignée, se retourne contre lui. Elle blesse sauvagement les trois aventuriers. De plus, elle commence à se régénérer. Brand prononce une formule, et lui lance deux flèches magiques, mais cela ne suffit pas pour l’abattre.

Heureusement, le monstre s’essouffle. Au péril de sa vie, Georg trouve l'ouverture, et l'achève d'un coup qui le coupe presque en deux.
- C'est le deuxième troll de cette saison. Ca fait beaucoup, déclare Julius.
- Nous avons eu de la chance. Il était plus gros que ceux que j'ai déjà vus, répond Georg. Brûlons le et partons avant que d'autres ne surgissent.

Au bout de plusieurs jours, ils arrivent enfin à la lisière de la forêt, sur les pentes des montagnes du nord.
- C'est par-là. Il y a un petit sentier, annonce le renégat.
- C'est curieux. J'ai cru voir quelqu'un dans les bois. Un homme avec des pattes de bouc, dit Laura. Je me suis retournée vers lui, et il a disparu.
- Un faune ? Après tout, c'est probable. C'est leur forêt. Espérons que nous n'aurons pas affaire à lui, répond Brand.

Ils retrouvent le sentier et le suivent. Celui ci mène à l'entrée d'une grotte.
- Qui passe devant ? demande la prêtresse.
- Je propose Jack, comme d'habitude, répond le magicien.
- C'est trop d'attentions, votre Seigneurie, mais pourquoi ne serait ce pas vous, pour changer un peu ? ironise l’intéressé.
- Fais-le !
- N'aie pas peur, je te suis, ajoute Georg.
- Je me sens tout de suite rassuré.
- Je te suis pour te protéger, et aussi au cas où tu voudrais déserter.

Ils avancent. Laura brandit une pierre lumineuse pour éclairer le chemin. Brand suit. Julius ferme la marche.

La grotte est profonde, et se prolonge par d'autres salles. C'est bien un passage, qui semble s'enfoncer au cœur de la terre, lieux de résidence de la déesse mère Mu.
- Qui a creusé ces galeries ? demande la prêtresse.
- Les elfes parlent de vers géants, qui dévorent le roc, mais ils parlent aussi de créatures habitant le sous-sol, répond Julius.
- Voici une nouvelle bifurcation. Par où allons-nous? demande l'éclaireur.
- A gauche, ça sent horriblement mauvais. Je propose de prendre le couloir du bas, répond le magicien.

Soudain ils sont assaillis par quatre créatures bipèdes à la peau recouvertes d'écailles reptiliennes, et armées de haches de pierre et de grandes javelines ébarbées. Elles se tenaient contre la paroi. Leur peau étant de la couleur de la pierre, elles étaient invisibles.

Les deux sorciers tentent d'exercer leur art, mais ils sont pris de nausées. Ces monstres dégagent en attaquant une odeur insoutenable. Georg, Julius et Jack, surmontant leur répulsion, leur font face. Passé la première surprise, ils finissent par avoir le dessus. Il ne reste bientôt plus qu'un seul adversaire debout.
- Attention ! Il essaie de se sauver !
Sa peau prend la couleur de la roche voisine. Profitant de son don de mimétisme, il tente de s'échapper, mais Georg réussit à l'atteindre avant qu'il ne soit tout à fait invisible et hors de portée.
- Quittons vite cet endroit avant que des secours ne leur viennent !

Ils courent et prennent le chemin allant toujours vers le bas, délaissant les nombreuses ouvertures à gauche et à droite. A chaque bifurcation où ils peuvent hésiter, ils se fient à leur odorat. Ils fuient ainsi l'odeur des troglodytes reptiliens. Enfin, lorsqu'ils pensent avoir quitté leur territoire, ils s’arrêtent pour souffler.
- Quelle course ! J'ai cru vomir.
- Nous sommes bien descendus de deux cents mètres.
- Hé ! Il y a une grotte plus large par-là, et je crois distinguer de la lumière.

Ils redescendent encore Ils arrivent dans une vaste salle. A leur pied, à quelques centaines de mètres, coule de la lave. La chaleur est étouffante.
- Comment allons-nous traverser cela ? demande Jack.
- Longeons la corniche. Nous finirons bien par trouver un passage, répond Brand.
- A gauche ou à droite ?
- A gauche.
- Une intuition ? interroge Laura.
- Cette corniche n'est pas naturelle, explique le magicien. Elle a été taillée. Ceux qui ont fait ça devaient avoir un but. Cela doit mener quelque part. Je suppose que la sortie est en montant, puisque nous sommes en dessous du niveau de la surface. Voyons donc où nous mène la descente, c'est à dire la gauche.

Ils suivent le chemin, parfois très étroit, à peine de quoi poser le pied par endroits. Ils doivent alors surmonter leur hantise du vide.

Au bout de plusieurs heures, ils aperçoivent un pont de pierre qui enjambe la rivière de lave en fusion. Mais au moment où ils veulent le traverser, voici que de l'autre coté surgit un géant.
- Halte ! Vous devez payer le péage !
- Quel est le prix du péage ? interroge Laura.
- Votre vie, répond le géant.
- C'est cher payé. Je vais essayer de marchander, fait Georg en tirant son épée.
- Laisse-moi faire, dit Brand en l'écartant. Qui vous a placé là ? demande-t-il au géant.
- Un dieu oublié. Etes-vous prêt à payer le péage?
- Ca ressemble à une énigme, dit le magicien en faisant trois pas de côté.
- Pourtant ce n'en est pas une. C'est très simple.
- Ayez l'obligeance de m'expliquer cela, prie le magicien en faisant trois pas de l'autre côté.
- Vous vous battez. Je vous tue. Et je transporte votre cadavre sur cette rive.
- Et si c'est moi qui vous bats ? poursuit Brand en refaisant son manège.
- Ca me semble peu probable. Mais je vois qu'à force de me distraire, et de marcher de-ci de-là, vous êtes sur mon pont. Combattons donc ! dit le géant en s'avançant d'un pas menaçant.
- Et pourtant je vous tiens !
Le magicien prend possession de l'esprit du géant, dont il a pu prendre la mesure par ses approches de biais. Impitoyable, il le force à enjamber le parapet. Puis ils poursuivent leur chemin.

Ils entrent dans une série de grottes au sol recouvert de champignons noirs. Ils progressent rapidement, quand soudain Brand se prend la tête à deux mains, et tombe à genoux.
- A moi ! On m'attaque. Au secours !
- Mais où cela ? Je ne vois personne.
- C'est un esprit puissant. Il est en train de perforer mes défenses psychiques. Il va me dévorer la cervelle, précise le magicien en se roulant à terre.
- Ce sont les champignons, comprend Laura. Ils ont formé une communauté consciente.
- Maudits légumes ! dit Georg en les frappant de son épée.
Il est tout de suite entouré d'un nuage de spores. Il a juste le temps de se couvrir le nez.
- Ces poussières sont empoisonnées ! Ecartez-vous!
- Emportons Brand et filons d'ici à toute vitesse ! s'écrie la prêtresse.

Ils traversent les salles en courant et en retenant leurs respirations du mieux qu'ils peuvent. Tout l'air est maintenant rempli de spores. En sortant enfin de cet endroit, ils toussent et crachent pendant une demi-heure. Le magicien reprend conscience.
- Cette expérience m'a vidé le cerveau. J'ai besoin de plusieurs jours pour récupérer.
- Pourquoi toi seul a-t-il été attaqué par les champignons ? demande Georg.
- Nous avons tous été sournoisement attaqués. Mais je suis plus sensible que vous, et j’ai pu sentir leur menace avant que nous soyons tous morts, ou devenus fous.
- Je pense plutôt que tu as dû faire quelque chose qui ne leur a pas plu.
- Ca suffit, nous sommes tous épuisés, intervient Laura. Je vous propose de rester ici quelque temps, afin que je soigne nos blessures. Nous avons des vivres, et nous avons de la lumière.
- Souhaitons que personne ne vienne nous déranger, conclut Jack.

Après deux jours de repos, ils repartent. Ils découvrent maintenant une partie taillée. Ils croisent un couloir, puis un autre, puis un troisième. Ils se retournent, mais ne voient plus l'entrée.
- Ceci ressemble à un labyrinthe. Je prends la tête des opérations, dit le magicien.
Mais après une centaine de mètres, il déchante rapidement. C'est un labyrinthe tridimensionnel. Il y a des couloirs devant, derrière, à gauche, à droite, en haut et en bas, avec des angles et des inclinaisons divers. Il essaie bien de faire un plan. Mais il s'aperçoit rapidement que ses cotes doivent être fausses, car ils se retrouvent devant un couloir qui ne devrait pas exister, du moins d'après ses notes.

Ils errent ainsi plusieurs heures. Au détour d'un couloir, ils voient s'avancer vers eux un monstre fabuleux. Il a le corps d'un homme velu et musclé, et la tête d'un taureau. Il est armé d'une grande hache à double tranchant. Il attaque.
- Je suis trop faible pour le contrer, s'écrie Brand.
- A moi de jouer, dit Georg.
Il tente de parer la charge, mais il est frappé d'un coup de cornes, puis de hache. Laura essaie d'éblouir le monstre, mais rate son effet. Au lieu de se fixer sur ses yeux, la lumière sacrée brille à quelques pouces derrière la tête de la créature.

Le combat est violent. Le monstre donne de furieux coups de boutoir. Mais le guerrier a été bien soigné la nuit dernière, et, grâce à sa résistance et à son épée magique, il peut vaincre.

Puis ils continuent d'errer dans le dédale pendant plusieurs jours. Tous ces couloirs et ces croisements se ressemblent, mais aucun n'est véritablement droit. Les feuillets du magicien sont pleins de croquis et d'annotations inutiles. Ils essaient bien de marquer leurs passages en gravant les murs, mais la roche est trop dure, et ne peut être entamée. Ils ne trouvent pas la sortie.

Un matin, ou un soir, ils ne savent plus, ils découvrent le trésor du monstre. C'est un gros tas de pièces d'argent, à côté d'une litière et de quelques os et crânes humains.
- Il y en a pour une fortune, mais comment l'emporter ? se demande Jack.
- Je ne vois pas en quoi cela nous avance d'être riches, dit Laura.
- J'ai une idée, s'exclame le magicien. Nous allons prendre sur nous le maximum de pièces d'argent, et nous allons marquer d'une pièce tous les couloirs que nous emprunterons.
- Le monstre devait avoir une issue à proximité, sinon comment se nourrissait-il ? réfléchit Georg.
- Pas forcément, répond Brand. C'était une créature magique. Il pouvait se nourrir magiquement. Les égarés ne constituaient que des friandises pour lui.
- Avec ton système, comment ferons-nous s’il y a un cul-de-sac ?
- Nous retournerons en arrière jusqu’à reprendre nos recherches à la première bifurcation inexplorée.
- Et si nous tournons en rond ?
- Nous marquerons d’une deuxième pièce le chemin pris à rebours, ainsi nous ne nous perdrons pas.
- Voyons, se demande Laura, est-ce que ça marche dans tous les cas ?
- Ca suffit ! C’est moi le magicien! Suivez-moi !

Ils continuent ainsi pendant des heures, sans jamais revenir sur leurs pas. Ils retrouvent l'entrée, mais toujours pas de sortie pouvant mener à la tanière de Brenus. Ils épuisent leurs pièces d'argent sans résultat.
- Retournons en arrière en chercher d'autres.
Mais ils se rendent alors compte que tous les couloirs et croisements sont marqués de pièces d'argent derrière eux. Ils sont de nouveaux perdus.
- Ce labyrinthe est magique, se lamente Brand. Nous avons dû passer par des zones de téléportation sans nous en rendre compte. Jamais nous ne trouverons la sortie.
- Et si tu essayais le parchemin de dame Alvina ? lui demande Laura.
- Je ne vois pas comment une misérable illusion pourrait nous sortir d'ici. De plus je refuse de risquer ma vie en lisant un parchemin que je ne comprends pas. Il peut y avoir un retour de sort incontrôlable.
- Et si la sortie était cachée ? demande Jack.

Ils recommencent donc leurs recherches en sondant tous les murs. Ils s'épuisent en vain. Arrivés au bout de leurs provisions, ils renoncent.
- Tachons de revenir à l'entrée, dit Georg. D'autres que nous réessayeront dans dix ans, et auront peut-être plus de chances.
C'est alors qu'ils trouvent la sortie.
- Le labyrinthe est effectivement magique. Il suffit de ne pas en désirer l'issue pour la trouver, comprend Laura.

Ils continuent. Jack les précède toujours. Au bout de quelques heures il revient vers eux et leur parle dans un murmure.
- Je crois bien que nous sommes près du but. J'entends un ronflement. Peut-être est-ce le dragon qui dort.
- Les dragons sont réputés pour avoir l'ouïe fine et le sommeil léger, répond Laura. A partir de maintenant, communiquons uniquement par gestes. Georg et Julius, restez en retrait. Avec vos armures, vous feriez du bruit.

Le voleur, la prêtresse et le magicien s'avancent. C'est bien l'antre du dragon. Il sommeille sur un gros tas de pièces d'or et de joailleries. Mais comment trouver l'anneau ? Brand réfléchit. Il se retire, et revient après avoir prononcé une formule à suffisamment bonne distance pour qu'on ne l'entende pas. Si cet anneau est si puissant, pense-t-il, sa magie doit se sentir de loin. Il s'approche de l'entrée, et grâce à son sort de détection, parmi les ondes émises par les bâtons, baguettes et autres instruments ensorcelés, il perçoit une aura magique qui irradie presque toute la salle. L'anneau est là, un peu à l'écart du trésor. Il le montre du doigt à Jack.

Le voleur entre en prenant toutes ses précautions. Il se saisit enfin de l'objet de leur convoitise. Laura lui fait signe de revenir.

Mais il jette un dernier coup d'œil au dragon et à son trésor. Ces fins gantelets cousus de fils d’or qu’il aperçoit, ne sont ce pas les fameux gantelets de dextérité qui permettent à un voleur d’atteindre la perfection de son art ?

Insensible aux suppliques muettes de ses compagnons, et ne résistant pas à la tentation, il s'approche. Hélas, en voulant prendre l'objet, il fait tomber une pièce qui était en équilibre.
- Qu'est-ce ? Un voleur ! Attends un peu !
Jack n'a même plus le courage de fuir. Il est pétrifié de peur à la vue du grand dragon rouge qui vient de se réveiller : Brenus en personne ! Il souffle une longue flamme de feu qui carbonise le malheureux et fait même fondre une partie de l'or.

Laura appelle les guerriers à la rescousse.
- Que vois-je ? D'autres voleurs ? Vous allez voir mes gaillards.
Ils s'avancent et combattent le dragon. Celui-ci étend Julius d'un seul coup de patte. Mais Georg résiste encore.

Pendant ce temps la prêtresse prononce un enchantement sacré, et entre dans la salle, dans l'espoir de se faufiler et de récupérer l'anneau dans les mains de Jack.
- Encore un autre voleur ? Vous méritez une nouvelle leçon !
- Brand ! Il m'a aperçue. Mon sortilège d’invisibilité n'a pas marché. Vite ! Le parchemin !
- Mais j'ignore tout de ses effets !
- C'est notre dernière chance !
Le dragon se recule et se dresse de nouveau pour souffler. Le magicien lit le rouleau magique, tandis que Laura ramasse l'anneau.
Soudain un autre dragon rouge apparaît. Brenus en perd le souffle. C'est une dragonne. Une beauté, selon les critères des dragons rouges, s'entend. Mais celle-ci crache le feu à son tour, en direction de Georg et de Laura. Le guerrier tombe sous le coup.
- Que s'est il passé ? demande le magicien. Comment t'es-tu sorti des flammes ?
- Quelles flammes ? répond la prêtresse miraculeusement indemne. Je n'ai rien senti. Je courais en fermant les yeux.
Ils comprennent alors qu'il s'agissait d'une illusion.
- Filons vite avant que Brenus ne s'aperçoive de la supercherie.

Ils rejoignent le labyrinthe. A cet instant ils entendent un hurlement derrière eux.
- Qu'est-ce ?
- On dirait un loup.
- C'est Georg ! Sous le choc, il s'est cru mort, et la bête s'est réveillée en lui. Fuyons !
Mais ils constatent qu'il est impossible de semer le loup-garou. Avec son instinct, il les suit à la trace.
- Séparons-nous. Ainsi l'un de nous deux pourra peut-être s'échapper, propose Laura.
- Tu en as de bonne ! C'est surtout après moi qu'il en a !
- On dit que les loups-garous attaquent soit ceux qu'ils haïssent, soit ceux qu'ils aiment le plus. Alors tu as ta chance.

Le loup-garou choisit le magicien.

Laura franchit le labyrinthe en évitant de penser à l'entrée, ce qui est plus facile à dire qu'à faire. Elle franchit les salles du mycélium intelligent, puis arrive au pont, mais là le géant, réapparu magiquement, lui barre de nouveau le chemin.
- Halte ! Vous devez payer le péage.
- Est-ce à dire que vous allez encore réclamer ma vie ?
- Dans ce sens le dieu qui m’a placé là m’a laissé le libre choix du péage, répond la créature immortelle avec un drôle de sourire.
- Vu tes mensurations, ça me semble difficile.
- Met l’anneau que tu caches à ton doigt, et il te suffit de souhaiter avoir la même taille que moi.
- Peut-on désirer ce que l’on veut ?
- Presque. Mais une seule fois par semaine. Hâte-toi maintenant.
Laura se concentre, et le géant est réduit à la taille d’un lilliputien !
- Qu’as-tu fait ? Tu t’es trompée ! Ce n’était pas du tout cela qu’il fallait souhaiter!
- Cette fois ci, quelles que soient tes ardeurs, tu me parais bien présomptueux, le nargue la prêtresse en l’écartant du pont.
- Tu ne vas pas me laisser comme cela !
- Tu n’as qu’à prier ma patronne, Kita, la déesse des désirs inassouvis. Peut-être t’apportera-t-elle du réconfort.

Bref, elle sort de la montagne.
- Sauvée !
Elle examine l'anneau, qu'elle a gardé sur elle. C'est un anneau tout simple en or.
- Comment un objet si banal peut-il être porteur de tant de magie ? pense-t-elle. N'y a-t-il pas des inscriptions à l'intérieur ? Non, aucune.
Elle réfléchit encore.
- Mais suis-je bête ! Pourquoi renoncer à un tel pouvoir ? Il me suffit de le garder. Nul n'en saura rien. Dame Alvina croira que nous avons tous péri. Remettons-le.
A cet instant, elle entend un son de flûte. Elle interrompt son geste pour écouter la douce mélodie qui monte des bois, et résonne dans son cœur. Elle est charmée. Le faune apparaît et lui fait signe de le suivre.

Un mois plus tard, il la guide jusqu'au campement des elfes.
- Merci de m'avoir ramené mon anneau, bien que je sache que telle n'était pas tout à fait ton intention. Heureusement j'ai demandé à mon ami Pan de vous attendre.
La reine passe le bijou à son doigt et prononce une formule. Georg apparaît alors magiquement. Il est encore évanoui. Les elfes s'occupent de lui. Lorsqu'il reprend conscience, Belnomë lui donne des explications.
- Tu es de retour parmi nous. Sois tranquille. Tout va bien se passer maintenant que l'anneau est récupéré.

La semaine suivante, dame Alvina prononce de nouveau la même formule magique, et c’est au tour de Julius de revenir sain et sauf.
- Et Brand, Jack et Laura ?
- La prêtresse est sauve. Je vais ressusciter les deux autres de la même manière. Bien qu'ils ne fussent pas tout à fait consentants, ils nous ont aidés à leur façon. Je les renverrai chez eux. Leurs fautes sont effacées.
- Et la malédiction du loup-garou ? demande Georg.
- Elle est effacée elle aussi, par le pouvoir de l'anneau. Que comptes-tu faire maintenant ?
- Repartir vers de nouvelles aventures.
- En ton absence, nous t'avons préparé une cotte de maille à tes dimensions.
- Faite dans le fameux mithril ?
- Exactement. Tache de ne pas la perdre, comme ton épée.
- Au fait, si jamais tu revois Elinoëe, dis-lui que son exil est levé. Elle peut revenir parmi nous, ajoute Belnomë. L'heure est proche où tous les elfes doivent s'unir.
- Pourtant vous avez déjà triomphé des troupes du prince Corn.
- Mais d'autres périls encore plus grands nous menacent, explique la reine. C'est le grand druide qui me l'a révélé.
- Le grand druide ?
- Quel est donc ce mystérieux personnage, demande Julius. Ce n'est pas la première fois que j'en entends parler, mais je ne l'ai jamais vu.
- Et pourtant tu l'as rencontré. C'est le vieil homme qui t'a soigné.

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