1. Les fleurs du Mal.

Durant tous ces événements, qu’est devenue Elinoëe ? Elle était restée en compagnie de Fair, le gnome illusionniste, souvenez-vous. Je vous avais promis de vous raconter son histoire. Là voici !
- Mais comment arrivez-vous à manipuler ainsi la réalité, s’est émerveillée la demi-elfe. C’est prodigieux.
- Cela demande une longue pratique.
- Enseignez-moi !
- M’accorderas-tu ton rubis en échange ?
Très vite, la conversation a porté sur la magie. Bientôt la demi-elfe est captivée par le discours de son nouveau mentor.
- Et ainsi, tu peux retenir un deuxième sort par jour.
- C’est fantastique.
- Ce sont les arcanes du second cercle, dont tu fais désormais partie.
- Déjà ? J’aurais cru cela plus difficile. La nuit est à peine entamée. Apprenez m’en encore, s’il vous plaît.
- Prends cette plume de corbeau, et ouvre ton livre de magie sur une nouvelle page.
C’est au petit matin qu’Elinoëe termine sa copie. Elle regarde d’un air satisfait son œuvre, puis se tourne vers Fair.
- C’est très bien, répond celui-ci après examen. Tu es une élève douée. Et maintenant, veuille m’excuser, mais il me faut un peu de repos. Mes derniers tours m’ont un peu épuisé.
- Je vais voir où est passé Carali. Il est resté dehors toute la soirée.
Elle sort. Mais il n’y a nulle trace du magicien. Elle l’appelle, pas de réponse. Elle décide alors de retourner voir le gnome, mais la maison a disparu !

Elinoëe cherche longtemps, très longtemps, mais en vain. Elle se résout finalement à reprendre la route de Tirlili, par ce bel été indien.

Huit jours plus tard (croyant apercevoir la petite maison de Fair à chaque buisson, elle a fait maints détours, sans succès), elle arrive enfin au château de Gatt. Il lui semble qu’il y a plus de chaumières qu’à son précédent passage. Elle se fait connaître, et est accueillie à bras ouverts par le châtelain.
- Vous ici ! On vous croyait disparue depuis tout ce temps !
- J’étais juste chez un ami. Mais vous me parlez de tout ce temps, depuis quand me cherchez-vous donc?
- Cela fait un an que votre compagnon Carali est passé par ici. Nous avions perdu tout espoir de vous revoir!

Cordi examine le contenu de son mystérieux bocal sous la lune. Comment une si petite chose peut-elle faire autant de dégâts ? Il a une pensée pour tous les malheureux qui crèveront de faim cet hiver. Mais, bah ! Le plan de l’aveugle les rendra riches.

Il entend des aboiements alors qu’il s’approche de la ferme. Il lance quelques boulettes de viandes par-dessus la barrière. Le temps d’attendre que le poison endorme les chiens, et le voici qui escalade le muret. Il s’approche des silos à grains. Il sort le bocal de son sac...
- A ta place, je ne ferais pas ça !
- Qui a parlé ?
- Moi ! répond Elinoëe en sortant de l’ombre.
- Et qui m’en empêchera ? Toi ? réplique le voleur en tirant son épée du fourreau.
- Tu ne frapperais pas une femme sans défense, n’est-ce pas ?
Il hésite, et la demi-elfe en profite pour lui asséner un uppercut. Mais quel coup ! Il est projeté à plusieurs pas.
- Alors ? Te rends-tu ? lui demande Elinoëe dans un grand éclat de rire.
- Tu m’as eu par surprise !
- Tu veux que je te boxe encore ?
- Non merci ! Ca va! Je me rends.
- Parfait !
- Mais tes efforts sont vains. Regarde: le bocal est cassé et la bestiole s’est échappée.
- Je la vois. N’est-ce pas cet horrible coléoptère sur l’échelle du silo ? Il semble nous narguer.
- Tu as des yeux d’aigle ! Mais tu ne parviendras pas à l’attraper.
- Je n’ai pas besoin de l’attraper.
La magicienne pointe le doigt vers l’insecte et prononce un mot magique.
- Crouic !
Le coléoptère tombe. La demi-elfe le ramasse.
- C’est bien une femelle. Mais elle n’aura jamais le loisir de pondre ses œufs et d’infester le blé.
- Tu gagnes sur tous les plans, déclare Cordi. Maintenant laisse-moi partir. Le marchand n’osera rien faire contre moi.
- Et pourquoi ?
- Parce qu’il m’a, comme son concurrent d’ailleurs, payé pour aller saboter les silos de l’autre.
- Voilà pourquoi il se méfiait, et m’a payé, moi, pour protéger son blé. Mais dis-moi, as-tu eu le temps d’aller visiter les réserves de l’autre marchand?
- Non.
- Et maintenant, tout le blé que tu avais acheté en cachette, et que tu espérais revendre à prix d’or, te reste sur les bras. Ai-je bien deviné ?
- Tu as bien deviné.
- Parfait. Conduis-moi à l’instigateur de ce complot. J’ai un marché à lui proposer.
- Comment sais-tu que ce n’est pas moi en personne ?
- Parce que tu n’es pas assez malin. Pardon, je voulais dire, pas assez retors.

Il l’emmène jusqu’au repaire. C’est une maison sombre au bout d’une impasse. Il y a un infirme qui mendie sous le porche.
- N’est-ce pas un cul-de-sac, en cas d’irruption du guet ?
- D’une part, jamais le guet ne s’aventurerait ici. D’autre part, l’arrière donne sur des jardins, par où il nous est facile de nous échapper.
- Cordi, tu bavardes trop, dit une voix dans l’ombre d’une ouverture. Présente-moi ton invitée.
- C’est une magicienne qui m’a empêché d’accomplir notre plan. Elle est forte comme un géant.
- Forte comme un géant, dis-tu ? Mais nous n’allons pas rester à discuter comme ça, dans la rue. entrez donc.
- Non merci. Je reste ici. Je n’ai pas envie d’être assassinée avant de vous parler.
- Certes. Que sais-tu exactement de nous ?
- Vous êtes la nouvelle bande qui écume la région. Vous avez été assez habile pour échapper au prince Corn.
- Et que nous veux-tu ?
- Faire partie de votre bande. Vous avez certainement besoin d’une magicienne.
- Tu commences mal. Tu nous as fait rater une affaire. Ces coléoptères sont rares et nous avons du les faire venir à grand frais.
- Mais non, au contraire. Il suffit de faire croire aux deux marchands que leur plan a été exécuté.
- Et alors ?
- Ils retarderont la mise en vente de leur blé. Chacun attendra la nouvelle de la destruction des réserves de l’autre. Les cours monteront alors fatalement. Nous revendrons notre blé au plus haut. Puis les marchands finiront par s’apercevoir qu’ils ont été bernés, et devront vendre à perte. Ainsi nous nous serons enrichis, et nul ne mourra de faim cet hiver. Nous pourrons même dévoiler la vilenie des deux marchands, et nous passerons pour des héros aux yeux de la population.
- A la réflexion, cela me plaît. Mais pourquoi veux-tu faire partie de notre bande ?
- Mon maître magicien, Fair, m’a conseillé de développer mes talents dans le noble art.
- Je peux t’apprendre à combattre dans le noir, ou à ramper silencieusement pour surprendre tes adversaires. Quant aux serrures et pièges secrets, Cordi t’enseignera mieux que moi comment les déjouer. un passé récent m’a malheureusement donné un handicap.
Le maître voleur sort de l’ombre, et Elinoëe découvre ses orbites vides.
- Bon. Maintenant que tout le monde est d’accord, conclut Cordi, il ne me reste plus qu’à rendre compte de ma mission aux deux marchands.
- Pendant ce temps nous allons te présenter au reste de la bande.

Elinoëe fait connaissance des voleurs, tire-laine et autres bandits de l’impasse.
- Et voici Diane, prêtresse de Fafir, qui soigne nos blessures, et nous accompagne même à l’occasion dans nos expéditions nocturnes.
- Bonjour.
- Bonjour.
- Tu dois être la petite amie de Cordi. Ne t’inquiète pas, je n’ai pas l’intention de te le prendre.
- Le moins que l’on puisse dire est que tu es directe. Mais le beau Cordi fait ce qu’il veut, et je ne suis pas jalouse.
- Quels sont vos plans en préparation, et comment puis-je vous aider ?
- Nous projetions deux ou trois affaires avec des magiciens. Mais nous avons dû renoncer. La magie est trop dangereuse pour des profanes. Avec ton aide, nous pourrions y repenser.
- Volontiers.
- Peux-tu nous montrer ce que tu sais faire ?
- Faites donc un cercle autours de moi.
La demi-elfe prononce d’abord un charme mineur. De petites lumières bleues, vertes et mauves commencent à danser autour d’elle, puis se baladent devant les yeux étonnés des larrons.
- Tout cela est bien joli, grommelle l’un d’eux, mais je n’en vois pas l’utilité, et...
Soudain tous s’endorment, à l’exception de Diane et de l’aveugle. Elinoëe vient d’employer un sort de sommeil.
- La démonstration me semble suffisante, commente la prêtresse. Mais une chose me turlupine encore. Comment as-tu pu envoyer Cordi en l’air d’un seul coup de poing ? Tu ne sembles pourtant pas particulièrement forte.
- Que cela reste entre nous, j’ai usé du sortilège d’illusion que m’a enseigné le gnome Fair.
- Tout s’explique donc.
- A propos de Cordi, ne devrait-il pas être de retour ?
- Tel que je le connais, il a probablement dû faire la tournée des auberges avec l’argent que lui ont remis les deux marchands.
- Cela n’est il pas risqué ?
- Ne t’inquiète pas pour lui. Nul dans la ville n’est capable de lui résister.

Mais l’attente se fait longue, et les deux femmes vont se coucher avant le retour du voleur. Au milieu de la nuit, Diane est réveillée par l’infirme.
- Nous avons retrouvé Cordi. Il a besoin de toi.
Elle descend, suivie de toute la maisonnée. Dans la ruelle, deux hommes soutiennent leur chef jusqu’à la porte.
- Que s’est-il passé ?
- J’ai rencontré Eldig, mon ancien maître. Il a eu vent de nos succès, et il s’est déplacé exprès d'Uhr pour réclamer sa part.
- Tu n’as pas essayé de lui échapper ?
- Il est venu avec d’autres types de sa bande. Ils m’ont tendu une embuscade.
- Et naturellement tu étais trop ivre pour leur résister. Qu’as-tu à la main ? Tu saignes abondamment.
- Eldig m’a tranché le petit doigt pour que je me souvienne de lui. Peux-tu me le recoudre?
- Je peux soigner tes meurtrissures, et bander ta main. Mais je ne peux rien d’autre. Seul mon grand prêtre Barras pourrait peut-être faire quelque chose. Nous pourrions aller lui demander de l’aide.
- Nous n’avons pas le temps. Eldig a promis de revenir à la nouvelle lune. Mais je me vengerais !
- En attendant, tu ferais mieux de dormir.

Le lendemain, dans l’après-midi, ils, Cordi, le maître aveugle, et Diane, tiennent un petit conseil de guerre. Elinoëe a aussi été invitée, vue la gravité des événements.
- Que pouvons-nous faire d’ici le retour d’Eldig ? Il y a longtemps que tout notre butin a été dépensé. Nos caisses sont vides, déclare Diane.
- Il faut nous battre ! décide Cordi.
- Nous ne pouvons vaincre la guilde des voleurs d’Uhr, dit l’aveugle. Elle est beaucoup trop importante. Tant que Nadia et Viale ne sont pas ici, nous sommes impuissants.
- Qui est-ce ? demande Elinoëe.
- Deux voleuses expérimentées des Iles Anciennes, mais elles tardent à venir, lui répond Cordi. Je ne vois plus qu’une solution: demander plus d’argents à nos " clients ".
- Hélas, la nouvelle de ta défaite a dû se répandre comme un vol de corbeaux, constate l’aveugle. Nous aurons beaucoup de mal à réunir la somme demandée d’ici la nouvelle lune. Mais cela ne résout pas le problème. Si nous cédons, Eldig demandera toujours plus. Et je ne suis même pas certain que Nadia et Viale puissent résister à la puissante guilde.
- Je ne comprends pas. Est-ce toute la guilde qui est notre ennemie, ou seulement Eldig ? demande la demi-elfe.
- Je crois que c’est une initiative du maître voleur. Il m’en veut depuis que je suis son élève, et d’habitude, " ils " ne s’occupent pas de la province.
- A moins " qu’ils " n’y découvrent un profit substantiel. D’où la nécessité, pour nous, de ne pas céder au chantage.
- Mais comment faire ?
- J’ai une idée ! s’exclame l’aveugle. Eldig ne connaît pas encore Elinoëe. Nous allons lui tendre un piège par son intermédiaire. D’ici la nouvelle lune, vous avez juste le temps d’effectuer un petit voyage.

Huit jours plus tard, Cordi, Diane et Elinoëe se retrouvent en train de ramper dans un souterrain, sous la forteresse de Berrabès, la capitale du prince Corn.
- Je n’aime pas du tout cet endroit, déclare la demi-elfe. Pourquoi donc avez-vous besoin de moi ?
- Grâce à ton pouvoir d’infravision, tu peux nous guider sans lumière. Nous ne risquons donc pas de donner l’alerte.
- Votre souterrain se rétrécit encore. Es-tu sûre que ce n’est pas un piège?
- L’aveugle est formel. Ce souterrain sert de puits d’aération aux catacombes du palais. C’est un secret qui n’est connu que de quelques-uns.
- Et si ce puits a été bouché ?
- J’ai interrogé les entrailles d’un poulet ce matin. Fafir est formel, le ciel nous est favorable.
- Si même les poulets sont d’accord avec les aveugles, alors, je me tais. Mais je crois que nous approchons du but.
- En effet, j’aperçois de la lumière.
Ils débouchent au sommet d’une galerie éclairée par des torches suspendues. Ils se laissent choir au sol sans bruit. Il y a d’innombrables alcôves aux murs, qui contiennent chacune des cadavres momifiés.
- Laissez-moi deviner, ironise la demi-elfe. Ces momies vont prendre vies et nous sauter dessus !
- Gagné !
Mais la prêtresse avait été mise en garde par le maître aveugle. Promptement, elle repousse les squelettes avec le symbole de Fafir.
- Ce sont les gardiens des catacombes disposés là par Corn. Seuls ses hommes ont le droit de passer, à moins que l’on ne soit accompagné d’un prêtre avisé, explique-t-elle. A gauche, cela mène aux salles de tortures du prince et aux prisons, il nous faut aller vers la droite.
- Et si nous rencontrons des soldats ?
- Le risque est minime. Le prince a confiance en ses gardiens, et il n’y a que peu de rondes. Mais pressons-nous tout de même.

Ils arrivent à la sortie de la galerie, elle est fermée par une lourde porte.
- Maintenant, c’est à toi de jouer ! murmure Diane à Cordi.
Le voleur sort une longue tige recourbée de sa tunique, et l’introduit dans la serrure. Après quelques instants, il fait signe aux deux femmes qu’il l’a ouverte.
- A ton tour ! déclare-t-il à la demi-elfe.
Elinoëe prononce son charme de sommeil, puis ils entendent deux bruits mats derrière le bois. Ce sont les deux gardes qui se sont endormis. Ils poussent la porte et se retrouvent dans une petite cour.
- Les jardins sont derrière ce mur au fond. Bonne chance, déclare Diane. Je vous attends ici.

Silencieusement, Cordi et Elinoëe traversent l’espace libre, à peine éclairés par les étoiles et la lune, qui est dans son dernier quartier. Puis ils grimpent le mur, et se retrouvent à son faîte. L’absence de son petit doigt gène beaucoup Cordi, mais il a déjà réussi des escalades plus difficiles.
- Attention !
- Quoi ?
- Saute un peu plus loin ! Il y a un parterre de fleur en bas, et il ne faut pas que tu laisses de traces.
- Merci. Sans ton infravision, je serais tombé dans ce piège. A tout à l’heure !

Le voleur se suspend par les mains, puis donne un coup de rein pour atterrir sur la pointe des pieds dans l’allée. La cabane du jardinier est là, à quelques pas devant lui. Si elle est éclairée, c’est que le jardinier y est.

Profitant de toutes les zones d’ombre, il s’approche sans être vus, et jette un coup d'œil par la fenêtre. L’homme lui tourne le dos, occupé à une mystérieuse occupation autour d’une grande marmite suspendue au plafond.

Cordi attend...

...Et attend encore.

Puis le jardinier se dirige vers une autre pièce. Prestement le voleur entre.
- Un grand pot sur une étagère, ça doit être ça. Prendre une mesure de poudre blanche, la remplacer par de la farine de froment, et filer, vite !

L’opération n’a durée que quelques instants. Le jardinier revient. La main sur sa dague, Cordi épie ses réactions. Non, il ne semble avoir rien remarqué. Partons !

Le soir même, nos voleurs remontent leurs chevaux, et fuient en direction de Tirlili.

C’est la pleine lune. Eldig est satisfait de lui. Ses menaces ont payé. Cordi lui a cédé une somme d’or importante pour sa tranquillité. A la prochaine lune, le maître voleur reviendra et lui réclamera le double. Ainsi vont les affaires...

Et puis il y a cette demi-elfe avec ses bonbons. C’est une drogue aphrodisiaque, il paraît. Il l’a essayée sur une prostituée de Tirlili. Quel souvenir ! Et elle ne simulait pas, il peut en jurer ! Seul inconvénient : à la longue, cette drogue provoque une dépendance. Bah ! L’elfe lui a aussi vendu le nom d’une sorcière d’Uhr qui pourra lui en fournir autant qu’il en désire. S’il en propose à la riche société de la capitale, quelle source de revenus en perspective!

Il croque un bonbon à son tour et fait monter la prostituée.

- Et maintenant ? demande Cordi.
- Maintenant le poisson est appâté, lui répond l’aveugle. Il n’y a plus qu’à le ferrer.
- Elinoëe, lui as-tu donné tous les bonbons que nous avions fabriqués avec la mystérieuse poudre blanche ?
- Tous.
- Dommage, j’aurais bien voulu essayer moi aussi.
- Il est heureux que tu n’en aies pas eu la tentation avant, conclut l’aveugle. Je vous laisse poursuivre la suite du plan à Uhr. Je reste ici en attendant Nadia et Viale. Nous avons reçu un pigeon voyageur d’Alexe indiquant leur venue.

- Alors ?
- Les gains sont appréciables. Ce Cordi s’est littéralement aplati devant moi.
- C’était ton idée. Et quoi d’autre ?
- Je ramène des échantillons d’une nouvelle drogue aphrodisiaque. Cela va faire fureur dans les milieux aisés de la cour.
- Laisse-les là, nous allons les essayer. Procure-toi d’autres échantillons en attendant.
Après cette conversation nocturne, Eldig s’éloigne du muret derrière lequel se cache le maître secret de la guilde des voleurs. Qui se cache derrière ce personnage? Mystère. Eldig n’en sais rien et ne veux pas le savoir.

Eldig est prudent.

Le lendemain, il fait le voyage jusqu’à la colline des pierres levées, à quelques lieues d’Uhr, là où l’elfe lui a indiqué qu’il rencontrerait la sorcière.

Il y attend jusqu’à la nuit tombée. Il n’est pas tellement rassuré. Il paraît que les adeptes de l’ancien culte lunaire sévissent encore parfois dans cet endroit.

Soudain il y a une explosion près d’une des grandes pierres, et la sorcière apparaît dans un nuage de fumée. Elle a une peau émaciée et grise, un nez crochu, est vêtue d’une robe noire recouverte de moisi, et elle est ponctuelle !

- Je suis Eldig. Avez-vous la drogue ?
- Oui. As-tu l’argent ?
- Combien désirez-vous ?
- Mille pièces d’or !
- Mille ? C’est beaucoup plus que la première fois !
- C’est toujours beaucoup plus la seconde fois. Reviens ici demain, seul, et avec l’argent ! Tu auras ton dû!

Puis la sorcière disparaît dans un nouveau tourbillon de fumée.

- Mille pièces d’or ? songe Eldig. Diable ! Je vais devoir investir tout l’argent que j’ai extorqué à Cordi, et même un peu plus. Mais le jeu en vaut la chandelle !

Le lendemain a lieu la transaction, toujours avec le même décorum d’explosions et de fumée. Puis Eldig repart avec ses précieux bonbons.

- Pourquoi ne pas avoir profité de l’occasion ? Il était seul, et nous aurions facilement pu avoir raison de lui, demande Elinoëe.
- Eldig est beaucoup fort qu’il n’y paraît, et même à trois, je doute que nous puissions avoir le dessus, répond Cordi. Qu’y avait-il dans les bonbons cette fois ci ?
- Du sirop d’érable.
- Allons, conclut Diane. Poursuivons le plan de l’aveugle. Je commence à m’amuser de plus en plus !

En rentrant à son repaire, Eldig découvre une plume de corbeau sur le rebord de sa fenêtre. C’est une convocation du maître secret de la guilde. Celui-ci a dû essayer la drogue, et en est tellement satisfait qu’il veut me récompenser, songe-t-il.

Il se rend avec empressement au lieu de rendez-vous.

- Alors ? Es-tu content de ta dernière trouvaille?
- Tout à fait. N’est-elle pas merveilleuse ? Et sans risques ! Nous allons faire une fortune avec !
- J’ai une question. L’as tu expérimentée toi-même ?
- Oui, pourquoi cette question ?
- Ainsi j’ai la certitude que tu n’es pas un traître, mais seulement un imbécile !
- Mais...
- Nous avons essayé ta drogue. Et pour mesurer toutes les réactions, nous avons fait avaler tout ce qui restait à une de nos créatures. Tout se passait bien, jusqu’au moment où elle est subitement tombée hagarde, les yeux vitreux et vides.
- Je ne comprends pas ce qui est arrivé.
- Nous l’avons fait examiner par un de nos alliés, un prêtre de Wull. La réponse est formelle : la fille a perdu son âme !
- Quelqu’un a dû nous trahir !
- Certainement. Mais avant de découvrir qui, tu vas aller revoir ta sorcière, et lui réclamer un antidote ! Pour plus de sûreté, tu n’iras pas seul.

Eldig voit s’avancer près de lui un sombre personnage. Il reconnaît avec déplaisir l’un des assassins qui forment la garde rapprochée du maître secret de la guilde.
- Y allons-nous tout de suite ? bégaie-t-il.
- Tout de suite !

Il refait donc le voyage vers la colline des pierres levées, sans pouvoir échapper une seule seconde à l’attention de son dangereux compagnon.

Arrivé au cercle de pierre, il allume une torche et fait le signal. Puis la sorcière apparaît. Elle n’a pas daigné s’entourer d’explosion ni de fumée cette fois-ci.
- Que puis-je pour ton service ?
- Il me faut l’antidote !
- Quelle antidote ? Il était seulement convenu que je te fournisse un poison contre tes chefs ! Il n’y a pas d’antidote!
- Pardon ?
- Traître ! s’exclame l’assassin.
- Ce n’est pas moi ! C’est elle !
- Tu vas mourir, vieille canaille !

Mais, contre toute attente, la sorcière s’avance vers l’assassin, et l’assomme d’un crochet du gauche !
- Je... je ne comprends pas ! bredouille Eldig.
- Et maintenant, tu comprends ? lui demande Cordi en sortant de l’ombre.
- Maudit ! Comment as-tu fait ?
- Peu importe ! Tu vois ce qu’il te reste à faire? Ou préfères-tu te mesurer à la sorcière ?
Pour toute réponse, le maître voleur tire son épée du fourreau, et l’enfonce dans le corps de l’assassin estourbi.
- Avec un peu de chance, tu pourras trouver un bateau pour les Iles Anciennes avant que la nouvelle de ta trahison ne se répande !
- Maudit sois-tu ! J’aurais ma revanche un jour! crie encore Eldig en s’enfuyant dans le lointain.

- Pourquoi a-t-il tué l’assassin, au lieu de s’attaquer à nous ? demande la demi-elfe en sortant à son tour de sa cachette.
- Il savait que même s’il venait à bout d’une sorcière à la force surhumaine, il ne réussirait pas à convaincre la guilde de sa bonne foi pour autant, explique le voleur. Il a donc préféré profiter de l’occasion pour éliminer un homme qu’il craignait, et pour prendre la fuite. Mais maintenant " ils " vont se lancer à sa poursuite, et il va s’écouler beaucoup d’eau sous les ponts avant qu’" ils " ne songent de nouveau à nous.
- En tout de cas, tu viens de prouver que tu étais d’un précieux secours avec tes sortilèges, dit Diane en se débarbouillant de son maquillage, et en se débarrassant de ses oripeaux de sorcière. L’illusion fut parfaite. Bienvenue parmi nous !
- Bienvenue au club, Elinoëe ! conclut Cordi.

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