1. La dernière bataille.

- Alors ? Et ton entrevue avec le régent ? Ca c'est passé comment ? demande Eloa.
- Très bien, répond Carali. Très cordial. Au début Kirus ne se souvenait pas de moi, mais mon nom lui est revenu en mémoire quand je lui ai rappelé que j'étais le découvreur du bateau magique.
- Et tu en as tiré quoi ?
- Il m'a proposé un poste de bibliothécaire en chef.
- C'est bien ça ?
- Il paraît que dans les régions australes, c'est un titre important, et de grand prestige.
- Tu es donc satisfait.
- Oui. Notre avenir est désormais assuré. Je te prendrais comme assistante. Et toi, vers quoi tendent tes recherches ? C'était quoi ce billet que tu lisais en cachette ce matin ?
- Tu m'espionnes maintenant ?
- Loin de moi cette idée. Ce n'est bien sûr pas comme si nous étions mari et femme. Mais nous nous sommes promis de ne pas faire comme tous ces mages solitaires et avares de leur art, et de mettre en commun nos connaissances.
- Tu as raison. C'est un mot que m'a glissé un mendiant au marché. Il vient de la part d'Elinoëe et Lorraine.
- Ah ? Et que deviennent-elles ?
- Elles me proposent de les rejoindre dans la grand forêt elfique. Mais si tu acceptes ton poste de bibliothécaire? Hé ! Où vas-tu ?
- Préparer nos bagages !

C'est ainsi que les magiciens Carali et Eloa décidèrent de rallier la rébellion.

Pendant ce temps, Lorraine, la seule prêtresse de Mara survivante du massacre perpétué par les armées australes, consacre toute son énergie à sa vengeance.

Elle prend d'abord contact avec Cordi. Grâce à sa bande de mendiants et de voleurs, il lui offre un réseau de communications dans tout le pays.

Elle peut ainsi regrouper les bandes éparses de feu Patatras, ainsi que les partisans de Zor, le dieu de la vie, qui s’opposent aux partisans de Lyr, le dieu de la mort, proche des australiens. De plus elle fédère tous les mécontents de la politique répressive du régent Kirus, qui est toujours sous l'influence des nouveaux envahisseurs venus du sud.

Conscient que la situation est en train d'empirer dans son royaume, celui-ci convoque le général Arn.

- Nos alliés se plaignent de votre manque de coopération et d'enthousiasme à combattre la rébellion.
- M'accuseraient-ils de trahison ?
- Non, mais ils pensent qu'avec votre connaissance de la Frontière, et une aide plus active, ils viendraient facilement à bout de la résistance en quelques semaines.
- Hélas, nos adversaires nous livrent une guerre d'usure. Je connais bien le problème pour l'avoir pratiquée. Plus nous emploierons des moyens coercitifs, plus leurs rangs grossiront. Il nous faut convaincre les cœurs avant de vaincre par la force.
- Que proposez-vous ?
- Nos alliés ne se soucient pas assez de nos ennemis naturels. Notre population le ressent et se demande en quoi ils les servent. Montons donc une expédition contre les montagnes de la Peur ! Cela devrait faire taire les mécontents.
- Mais jamais nos alliés ne voudront s'aventurer ainsi ?
- Alors laissez-moi monter cette expédition avec ce qu'il nous reste de troupes…

Un mois plus tard, au quartier général de Lorraine :

- Nos espions nous informent que l'armée qu'Arn a levée est partie pour les montagnes de la Peur. Seules restent les troupes australes. Nous devons profiter de cette occasion pour les attaquer.
- Mais ce serait prendre un risque inutile : le rapport de force ne nous est toujours pas favorable, et de nouvelles recrues nous arrivent tous les jours. Pourquoi se presser ? Le temps joue en notre faveur.
- Mais qui sait si la tendance ne va pas s'inverser ? Nous laissons peut-être passer notre chance.
- Lorraine, quelle est ta décision ?
- J'hésite encore. Nous jouons gros…
- Dame Lorraine ?
- Oui ?
- Le grand druide vous demande. C'est au sujet de votre fils.
- J'arrive.

Elle se retire de la tente où elle tient conseil, puis va vers une autre tente à quelque pas de là.

- Me voici, messire Merlin. Que se passe-t-il ?
- Il vous réclamait.
- Ca ne pouvait pas attendre ?
- Je sais que votre devoir de chef de la rébellion prime, mais vous devez aussi vous occuper de lui. Il a besoin de sa mère. Vous ne pouvez le laisser entièrement à ma charge et à celle de la nourrice.

Lorraine prend un hochet et joue avec son fils, âgé maintenant d'un an.

- Je sais, mais…
- Oui ?
- Il me rappelle trop Dalor.
- Je comprends, mais vous devez quand même vous occuper de lui. Il a besoin de vous.
- Peut-être qu'une fois ma vengeance accomplie ce sera plus facile.
- Je l'espère.
- Je dois retourner au conseil. Mais je serais bientôt de retour.

Elle retourne auprès des commandants de son armée.

- Alors, as-tu pris ta décision ? lui demande Elinoëe.
- Oui. Nous allons attaquer demain ! Voyons ensemble la tactique à adopter et les ordres de marche.

Une semaine plus tard, ils font face au camp des armées australes, près du village du Rendez-vous des deux rivières.

- Puis-je faire appel à l’envoyé de Fafir afin d’aller éclaircir leurs rangs ? propose Cordi à Lorraine.
- Fais donc, je t’en prie…
- Parfait, alors attendez mon retour demain matin avant d’attaquer…

Le voleur se transforme en monstre cornu, puis s’en va en direction du camp adverse. La troupe des rebelles dresse leurs tentes pour la nuit.

- Crois-tu que nous pouvons lui faire confiance, demande Lorraine à Elinoëe.
- On ne peut jamais réellement faire confiance à Fafir. Mais le prince du Chaos semble s’être rangé à nos côtés contre l’envahisseur.

Le lendemain, un guetteur annonce le retour de Cordi. Il boîte, et est recouvert de sang.

- Je n’ai entendu ni cris ni hurlements cette nuit. Que s’est-il passé ?
- J’ai croisé l’envoyé d’Agaer, le prince de la Loi, sur le chemin. J’ai besoin de dormir maintenant.

Il entre sous une tente et s’allonge sans un mot.

- Laissons-le. Il va récupérer, déclare Elinoëe. Mais il est hors course pour l’instant.
- Nous devrons donc nous débrouiller seuls, conclut Lorraine. Mais nous allons perdre beaucoup de monde.

Heureusement, vers midi, l'ennemi choisit de sortir de ses retranchements pour les affronter.

Lorraine s'adresse au roi Belnomë, qui les a accompagnés, et a revêtu sa célèbre armure noire d’adamantite, alors que les autres cavaliers elfes sont revêtus de cottes de maille de mithril enchantées.

- Sire, pouvez-vous charger?
- Tout le plaisir sera pour moi.
- Mais vous vous retirerez dès le premier choc. J'espère ainsi attirer nos adversaires à bonne portée de nos archers.
- Et quel sera le rôle des mages ? demande Eloa.
- Notre phalange est moins disciplinée que la leur. Je compte donc sur votre action sur les flancs pour faire pencher la balance en notre faveur.

Le combat s'engage. Mais aucun parti ne semble prendre l'ascendant sur l'autre. Après quatre heures de lutte acharnée, les deux armées semblent épuisées. Lorraine décide alors de refaire charger la cavalerie, en contournant l'ennemi.

Mais celui-ci a compris la manœuvre, et, en dépit de lourdes pertes, recule jusqu'à ses fortifications.

- Pouvons-nous tenter de les prendre d'assaut ?
- Hélas, nos hommes sont trop fatigués, et les mages ont utilisé tous leurs sortilèges, il nous faudra attendre demain, répond Belnomë.
- Mais demain, ils auront reçus le renfort de leurs troupes éparpillées dans tout le pays, objecte Elinoëe.
- Alors nous devons essayer de nous retirer en bon ordre jusqu'à la forêt elfique, en espérant qu'ils n'auront pas l'idée de lancer de contre-attaque, conclut Lorraine.

Soudain un guetteur leur annonce l'arrivée d'une nouvelle troupe à l'est.

- Serait-ce déjà leurs renforts ? Cette troupe semble inhumaine.
- Je crois reconnaître la silhouette de leur commandant.
- C'est Georg et une armée d'hommes-crapauds ! Nous sommes sauvés !

Grâce à ce secours frais et inopiné, ils prennent le camp des australiens avant la tombée de la nuit. C'est la victoire.

- Merci Georg, tu nous sauves. Mais comment as-tu pu convaincre cette armée de te suivre ?
- C’est une longue histoire. Je vous la narrerai peut-être un jour. Dans l’immédiat, il est préférable que je me retire avec ma troupe.
- Mais quel est ce nouveau cavalier à l’horizon ?
- Qui est-ce ? De nouveaux renforts, ou un nouvel ennemi ?
- C'est Arn ! Il est seul ! Il arrive trop tard !

Les cavaliers elfes l'entourent rapidement.

- Rends-toi ! lui ordonne Lorraine.
- C'est bon. J'ai fait aussi vite que j'ai pu, Mais je vois que la cause est entendue. Je me rends !
- Général, où est ton armée ?
- Anéantie !
- Ainsi la route est libre jusqu'à Uhr

A la nouvelle de la défaite, ce qui reste des australiens n’a pas d’autre solution que de quitter le nouveau monde.

Kirus n'oppose aucune résistance à l'arrivée de l'armée de Lorraine. L'assemblée des mages, magiciens et savants décide de lui remettre les clefs du royaume.

Le roi Belnomë et ses elfes, mal à l'aise en ville, choisissent de rejoindre leur forêt.

- Général Arn, nous avons décidés de vous juger pour votre collaboration avec l’ennemi.
- Je n’ai fait que suivre les ordres.
- Pouvez-vous vous expliquer sur l’anéantissement de votre armée ?
- Nous sommes partis à cinq milles hommes conquérir le pays des morts-vivants. Malgré une résistance farouche, nous avons atteint le château du comte Vlad, et nous avons livré bataille…
- Continuez ?
- Malgré de lourdes pertes, nous avons triomphé, puis nous avons commencé à détruire le château pierre par pierre…
- Dans quel but ?
- Afin de trouver la tombe du comte. Nous avons finis par découvrir la crypte. Hélas, nous n’avons pas pu y pénétrer avant la nuit…
- Et ?
- Durant la nuit, le comte Vlad et ses vampires ont attaqué. Nous avons vaincu ses vampires, mais le comte, a lui seul, a anéanti toute mon armée.
- Pourquoi vous a-t-il laissé en vie ?
- Je ne sais pas. Peut-être mon bouclier m’a protégé, ou peut-être avait-il d’autres desseins pour moi ? Quoi qu’il en soit, je sentais ma vie s’échapper peu à peu à chaque fois qu’il me frôlait.
- Et vous avez fui ?
- Que nenni. A la dernière seconde je me suis souvenu que les vampires craignaient le soleil, et que les étoiles étaient comme des soleils en réduction. J’ai donc retourné mon bouclier comme ceci !

Les lumières des torches viennent frapper la paroi interne lisse et concave du bouclier de la Loi. Un faisceau lumineux se forme, et vient frapper la table devant l’assemblée des mages, magiciens et savants réunie en tribunal. La table explose alors !

- Les rayons des étoiles se sont retrouvés amplifiés, et je les ai dirigés sur le comte, qui a brûlé immédiatement. Je n’ai plus eu alors qu’à pénétrer dans la crypte, trouver son cadavre, lui planter un épieu dans le cœur et lui trancher la tête.
- Tout était donc fini ! Bravo !
- Pas tout à fait, j’ai du faire de même avec les corps de tous mes hommes avant la tombée de la nuit suivante, de peur que l’un d’eux ne se transforme en vampire…

Les mages, magiciens et savants délibèrent un peu entre eux, puis déclarent :

- En récompense de l’immense service que vous avez rendu au peuple d’Uhr, nous vous amnistions de la faute d’avoir suivi de mauvais ordres. Vous êtes donc libre. Que décidez-vous de faire ?
- Je comptais voyager. Peut-être vais-je visiter les terres australes, afin de me rendre compte de leurs forces et de leurs faiblesses ?
- Alors, si vous l’acceptez, nous vous confions la charge d’ambassadeur. Vous aurez pour mission de signer un traité de paix. Mais il nous reste une décision à prendre. Maître Kirus, pour des raisons évidentes, n’a pas souhaité continuer son rôle de régent, Dame Lorraine, acceptez-vous d’être notre reine ?
- Je vous en remercie, mais cette nuit ma déesse m’a enfin reparlé. De l’autre côté de la mer intérieure, des fidèles ont survécu à la persécution. Je dois aller les trouver et veiller sur leur communauté. Je vais donc me joindre au voyage de l’ambassadeur Arn.

L’assemblée délibère de nouveau, puis déclare :

- Nous, mages, magiciens et savants du royaume d’Uhr, décidons donc de nommer comme monarque…

Tous tendent l’oreille. En son fort intérieur, Carali se met à espérer : n’est-il pas le magicien le plus puissant du royaume après Kirus ?

- … Dame Eloa de Viloa ! Elle est magicienne, noble, et de surcroît a participé à la libération du royaume
- Longue vie à la reine !
- Longue vie à la reine, soupire Carali.
- Je vous remercie de cet honneur, déclare Eloa. Ma première décision en tant que monarque sera de désigner un prince consort afin de pérenniser le trône. J’appelle….

Le cœur de Carali se met à battre à tout rompre ...

- … mon vieux compagnon d’études, le désormais maître Carali !
- Longue vie au prince consort !

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