1. La confiture.

Un an s'est écoulé depuis l'aventure avec la Baba Yaga. Dale marche très bien depuis. Lui et son ourson sont inséparables. Elinoëe est toujours obligée de le changer, ce qu'elle accomplit de bonne grâce :

- Te voila tout propre ! Comme tu es beau mon bébé !

Foloë a surpris la conversation :

- Hé ! Ce n'est pas ton bébé ! Mais dis moi, ça ne te fait pas envie ? Tu ne désires pas un enfant ? Si tu veux je suis à ton service.
- Va maintenant mon chéri, tu peux aller jouer avec ton ours, continue-t-elle à l'adresse de l'enfant. Puis elle se tourne vers Foloë :
- Avec toi ? Merci bien ! Et puis, je suis encore jeune : je n'ai que cinquante ans ! Ce qui, pour une elfe, est vraiment trop jeune !
- Mais tu n'es que demi-elfe, et donc tu mûris plus vite que nous ?
- Merci quand même ! Mais c'est encore très jeune, alors non...
- D'accord, je n'insiste pas ! Et si nous allions chercher où la poule du village a pondu son œuf aujourd'hui?
- D'accord !

Le druide Merlin possède une hutte à proximité du village des elfes.  Avec Dale, ce sont les seuls humains, et il vieillit. Avec l'âge, ses siestes sont de plus en plus longues. D'habitude cela ne prête pas à conséquence, mais ce jour là, il a la surprise de se réveiller, dans son fauteuil, au milieu d'ustensiles de casseroles renversés et de sachets d'herbes ouverts.

- Holà ! Je me suis assoupi ! Mais que s'est-il passé ici ? On dirait le résultat d'une tempête !

Un peu plus tard, alors que Merlin range ses affaires, des cris s'élèvent :

- On a bu mon lait !
- On a froissé la plume de mon chapeau !
- On a dormi dans mon lit !

Le village des elfes est en émoi.

- On dirait que nous sommes la cible de quelques plaisantins !
- Des leprechauns ?
- Ces farfadets ne nous berneraient pas aussi facilement qu'ils peuvent berner des humains !
- Peut-être un dragon féérique ? Ils peuvent se rendre invisibles.
- Ces minis dragons habitent bien loin d'ici...
- Il est bien dommage que notre reine, dame Alvina, se soit absentée pour aller cueillir des baies magiques. Que faire en son absence ? Organiser une battue ?
- Encore une fois, nous ne sommes pas des humains. Ne nous comportons pas comme eux !
- J'ai une idée, dit Foloë : allons tracasser des humains à notre tour !
- Pour quoi faire ? Ca ne résoudra pas ce mystère !
- Oui, mais c'est amusant !
- D'accord ! conclut le roi Belnomë. Organisons un jeu. Puis nous déciderons quoi faire au retour de dame Alvina.

Ils partent donc en direction du campement de trappeurs humains qui s'est installé récemment, en toute ignorance de la proximité des elfes. Ceux-ci cheminent isolément ou par petits groupes pour ne pas se faire repérer. Comme ils s'accordent souvent ensemble, bien qu'ils se lancent des piques, Elinoëe et Foloë cheminent de concert. Ils ont à peine fait quelques pas dans la forêt, lorsque :

- Hé ! J'ai vu quelque chose là ! déclare l'elfe.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Une médaille !
- C'est la médaille de ma mère que j'avais perdue !
- C'est vrai ma foi ! Il y a le prénom de ta mère gravé derrière : Isabëe. Tiens !

Elle utilise un sortilège pour réparer la chaîne cassée, et la met autour du son cou.

- J'ai pensé à ce que tu m'as dit tout à l'heure, et... je suis d'accord !
- A ce que j'ai dit ? Ha oui ! Le bébé ! Qu'est ce qui t'as fait changer d'avis ?
- Tu es gentil, et puis... tu as retrouvé ma médaille...
- Parfait ! Commençons tout de suite alors ! dit-il en enlevant ses chausses.
- Là ? Tout de suite ? Ici ?
- Peut importe l'endroit. Et puis, comme une dame elfe n'a un bébé qu'environ tous les deux cent ans, autant ne pas perdre plus de temps !
- Bon, d'accord, répond la demi-elfe en dégrafant son corsage. Mais, que fais-tu ?

Foloë a mis les deux genoux à terre, et se tient le buste vertical, un bras tendu vers l'avant, les paupières closes, et les pieds nus.

- C'est la façon de faire l'amour des elfes, ta mère ne t'as rien appris ? répond-il en ouvrant un œil.
- Non, elle est morte peu de temps après ma naissance.
- Je suis navré de te rappeler ce mauvais souvenir...
- C'est pardonné. Mais dis-moi plutôt...
- Fais comme moi, et touche ma main avec la tienne, paume contre paume...
- Et après ?
- Après, il faut attendre que quelque chose se passe. As-tu peur ?
- Non...

Elinoëe rattache les boutons de son corsage, et s'agenouille en face de Foloë. Elle tend la main. Leurs doigts sont sur le point de se toucher. Sa bouche est entrouverte et légèrement  humide...

- Hé ! s'exclame soudain Foloë.
- Quoi ?
- J'ai senti quelque chose m'effleurer la plante des pieds !
- Peut-être une feuille au vent ?
- J'ai beau regarder, je ne vois pas de feuille !
- Tu ne veux pas que l'on essaye plutôt la méthode des humains pour faire l'amour ? Ca me semble plus efficace pour avoir un bébé...
- La méthode des humains ?
- Oui, tu sais ? Le pistil, les étamines...
- A dire vrai, la méthode des elfes me semble plus rigolote...
- Bon, comme tu veux. Continuons alors, s'il te plait...

Ils se ré agenouillent. Elinoëe tend la main Leurs doigts sont sur le point de se toucher. Sa bouche est entrouverte et légèrement humide...

- Aïe !
- Encore ?
- Cette fois-ci ça m'a pincé ! Aide-moi à trouver ce que c'est !

Ils entendent un petit rire...

- Tu as entendu ? C'est un micro dragon ! Cherchons-le !

A ce moment passe dame Alvina, de retour de sa cueillette.

- Que faites vous donc ici tous les deux à fouiller les fourrés ? Et déchaussés ? Elinoëe, pourquoi as-tu les joues si rouges ?
- Nous cherchons un micro dragon facétieux, grand-mère.
- Un micro dragon ? Vraiment ?

Elle se penche et tend les bras. Entre ses mains  apparaît Dale...

- Le voilà votre micro dragon !

Se voyant découvert, l'enfant se met à pleurer. Son ourson apparaît alors lui aussi, et commence à mordre les mollets de la reine des elfes.

- C'est qu'ils se mettraient en colère ! Elle pose l'enfant à terre, et lui donne une grande sucette apparue par magie dans sa main. Tiens ! Voila !
- Que s'est-il passé ?
- A voir son visage ainsi barbouillé, je soupçonne qu'il a du se gaver de l'onguent d'invisibilité de Merlin, répond dame Alvina.
- Mais pourquoi ?
- Merlin essayait une nouvelle recette, avec du sucre pour conserver le baume. Au goût cela ressemble à de la confiture. L'ours a du être attiré par l'odeur, et l'enfant a suivi. Mais rassurez-vous ! Ce n'est pas nocif.
- Ouf ! Tout est bien qui finit bien ! dit Elinoëe.
- L'enfant grandit vite. Plus vite qu'un elfe. Il faudra mettre les objets dangereux hors de sa portée, jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de raison...
- Si du moins il l'atteint, lui, et ne fait pas comme d'autres que je connais ! murmure Elinoëe en regardant Foloë essayer de recueillir avec un mouchoir le reste du baume d'invisibilité sur les joues de l'enfant.

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