Elinoëe tient le petit garçon par la main, et s'avance dans la clairière. L'ourson suit à quelques distances.
- Que
me vaut l'honneur de ta visite ? demande le faune au centre des arbres.
- Dale
a maintenant trois ans. Nous avons pensé que tu pourrais l'initier aux
rudiments de la musique. Dis bonjour, Dale...
- Bonjour, monsieur chèvre...
- Monsieur
chèvre ! Comme c'est mignon, mais mon nom est Pan, répond ce dernier en
ébouriffant amicalement la tête de l'enfant.
- Est-il
propre au moins ? ajoute-t-il à l'adresse d'Elinoëe.
- Oh oui, je te le certifie !
- Parfait,
je vais donc le garder avec moi quelques jours. Je te le ramènerai à la
prochaine lune.
Non sans un dernier regard et le cœur serré, la demi-elfe retourne au village, laissant Dale et son ourson en compagnie de Pan, le faune de la forêt elfique.
Une lune plus tard, comme promis, ils reviennent au village :
- Dale !
Mon bébé ! Comme tu m'as manqué ! Viens ici que je t'embrasse !
Mais comment es-tu arrangé ? demande Elinoëe en examinant le tas de
feuilles et de boue séchée qui sert de culotte à l'enfant.
- Il
y a eu quelques petites fuites, mais rien de grave, j'ai pu me débrouiller,
explique Pan.
- L'enfant
est doué, ajoute-t-il. Il apprend vite. Ah ! Et je lui ai aussi fabriqué
ce pipeau pour qu'il s'entraîne...
La vie continue de s'écouler paisiblement au village. Soudain, alors que Dale était en train de jouer, une alarme retentit :
- O'Meg !
Des monstres de neuf pieds de hauts, avec un cuir brunâtre et recouvert de pustules envahissent le village des elfes. Ce sont des trolls, autrement appelés de leur patronyme générique O'Meg par les elfes. Rapidement, les villageois saisissent leurs épées et leurs arcs, et repoussent l'assaut. Elinoëe et son ami Foloë sont en première ligne.
- Pourquoi
des trolls se risquent-ils ainsi à nous attaquer ?
- C'est un mystère ! Et comme par hasard notre reine, dame Alvina, n'est pas
là pour nous l'expliquer.
Ils occisent prestement les premiers envahisseurs, mais il en arrive sans cesse, et déjà les premiers tombés commencent à se régénérer, car, en plus d'être hideux, ils ont ce pouvoir.
- Que ceux qui ne portent pas d'épée brûlent les cadavres, avant que nous ne soyons submergés, vite ! ordonne le roi des elfes Belnomë.
Enfin, aussi soudainement que l'attaque avait commencé, les trolls reculent, et s'enfuient.
- Victoire !
clame Foloë, mais où cours-tu, Elinoëe ?
- Je
n'entends plus le pipeau de Dale ! Mais, ouf ! Il n'était
qu'endormi !
- Ils
reviendront probablement, dit le roi, il nous faut trouver une parade...
- Une
palissade ?
- Non !
Notre village serait alors visible de la route, et nous serions à la merci des
étrangers !
- Nous pourrions aussi continuer de détruire O'Meg au fur et à mesure qu'il nous
attaque, et ce jusqu'à son extinction. Mais alors, comment ferions-nous pour
récolter son sang afin de créer les potions de régénération qui nous sont si
utiles ?
- Je
crois que je tiens la solution, déclare Foloë, énigmatique.
La vie au village continue paisiblement...
... jusqu'à ce que, de nouveau :
- O'Meg !
Cette fois-ci les elfes sont prêts.
- Laissez-moi faire ! déclare Foloë, près d'une étrange machine faite de cordes, de poulies et de leviers.
Les premiers trolls s'avancent, puis soudain des filets se tendent, et les voici suspendus à plusieurs pieds du sol, prisonniers !
- Et lorsque j'abaisse ce levier : regardez plutôt :
Des catapultes se déclenchent, propulsant les trolls loin dans les airs !
- Avec
un peu de chance, O'Meg va s'éparpiller sur un rocher, et chaque morceau
donnera naissance à un nouvel O'Meg. Ce qui devrait résoudre notre
problème de sous-population de trolls. Aidez-moi maintenant à réarmer mes
pièges...
- O'Meg ! Et ils sont encore plus nombreux !
- Ils
vont revenir encore et encore ! Le village va être détruit ! Foloë tu n'es
qu'un âne !
- C'est juste une petite question de réglage...
- Que
se passe-t-il ici ? Que d'agitation !
- Monsieur
chèvre ! s'exclame Dale, interrompant son air de pipeau dans un cri de
joie.
- Tu
tombes mal, Pan. Nous sommes envahis par des trolls !
- Des
trolls ? demande le faune en tournant la tête vers l'enfant. Je crois
savoir ce qui se passe... Tu me prêtes ton pipeau ? demande-t-il à Dale en
tendant la main.
Après une petite hésitation, l'enfant le lui donne.
- O'Meg repart ! crie la vigie.
- Merci ! Tiens, je te le redonne... dit Pan en retournant l'instrument.
Joue-moi un air !
L'enfant souffle par l'autre bout. Des petits oiseaux apparaissent alors voler autours d'eux, à la grande stupeur de Dale...
- Je ne comprends pas, dit Foloë.
- Vous allez voir... Tu me donnes ton pipeau ?
Pan le retourne de nouveau, et l'enfant rejoue un air.
- O'Meg revient !
L'enfant s'arrête, cherchant de l'œil les oiseaux, réfléchit, puis retourne de lui-même le pipeau, et les oiseaux réapparaissent.
- O'Meg
repart !
- J'ai compris ! s'exclame Foloë.
- Lui
aussi ! Tout danger est désormais écarté ! réplique Pan.
- Je
ne suis cependant pas tout à fait rassurée... déclare Elinoëe.
- Dis,
tu me prêtes ton pipeau ? demande Foloë en tendant la main vers Dale.
- Nan !
A moi ! s'écrie l'enfant dans un geste de recul.
A ces mots L'ours s'approche à son tour et se met à grogner contre Foloë. Bien qu'il n'ait pas encore atteint sa taille adulte, sa dentition est suffisamment impressionnante pour que l'elfe retire prestement sa main.
- Maintenant je suis rassurée ! dit Elinoëe en riant.