Une nouvelle année s’est écoulée. A l’école de la grande forêt elfique il n’y a toujours que quatre élèves : Mélusine, la petite fée émotive, Poly, la licorne coquette, Guiliguili, le lutin farceur, et Dale, le garçon humain élevé par des elfes, et qui a un vrai ours comme animal de compagnie.
Pour l’heure, c’est la récréation, et ils sont en train de faire parler l’adulte qui les garde.
- Oncle Foloë, y a-t-il quelqu’un de plus puissant que les
elfes dans notre forêt ? questionne Dale.
- Pas à ma connaissance. Nous ne craignons personne !
- Même pas Brenus ? demande malicieusement Mélusine.
- Qui est Brenus ? interroge Guiliguili.
- Brenus est le grand dragon rouge ancien de la forêt,
explique « oncle » Foloë. Il habite une grotte inaccessible dans les
montagnes du nord.
- Et il est plus fort que les elfes ?
- Pas plus que les elfes réunis, s’ils s’en donnaient la
peine. Mais jusqu’à présent seuls les plus courageux ont osé l’affronter.
- Pourquoi ?
- Brenus, comme tous les dragons, affectionne en particulier
la magie. Il a pris l’habitude d’accumuler divers objets de pouvoir, glanés ici
et là au cours des ses raids, Et comme c’est le plus puissant des dragons, son
trésor est le plus grand.
- Comment entre-t-on dans son repère, s'il est
inaccessible ?
- Il existe un passage dérobé qui traverse la montagne de
part en part… Mais revoici dame Alvina. Votre cours reprend.
- Merci d’avoir bien voulu garder les enfants pendant mon
absence, Foloë. Sortez tous votre baguette, les enfants. Guiliguili ! Ce
n’est pas comme cela que tu dois la tenir. Fais-moi disparaître ces
crapauds !
Plus tard, à la prochaine pause, les enfants discutent de ce que leur a raconté Foloë
- Vous ne croyez pas que ce serait formidable si nous
pouvions dérober quelque chose à Brenus ? Et le ramener ?
- Mais comment faire ? Jamais nos parents
n’accepteraient de nous laisser partir pour la montagne ! Et elle est
beaucoup trop loin pour y aller durant une récréation !
- Moi je sais ! déclare Poly.
- Et comment ?
- Mélusine, tu n’es plus la seule à connaitre des trucs que
les autres ne connaissent pas.
Ma mère m’a appris à utiliser le pouvoir de ma corne.
- Hihihi ! La licorne Poly a trouvé un usage à son
appendice !
- Oh ! Toi, Guiliguili, tout ce que tu sais
faire, c’est appeler des crapauds !
- Hihihi ! Menteuse !
Pour toute réponse, la licorne secoue la tête. De la poussière magique se détache de sa corne et vient les frapper. Ils se retrouvent alors tous transportés magiquement dans un halo de lumière !
- Ah mais ! Vous voyez ?
Lorsque le halo se dissipe, devant eux brille une forte lumière qui éclaire les parois d’une grotte.
- Par le pouvoir de ma corne, je vous ai téléportés
directement dans l’antre de Brenus !
- Hihihi ! C’est son trésor qui brille au centre ?
Soudain, l’ours de Dale, qui a aussi été téléporté avec les
enfants, se met à grogner.
- Qu’est-ce qui lui prend ?
- C’est le dragon ! s’écrie Dale. Il est de
retour ! Fuyons !
Ils suivent l’ours, qui, par instinct, les mène dans une anfractuosité de la roche au fond de la grotte. Brenus apparaît. Son ombre projetée par la lumière sur les parois le fait paraître encore plus menaçant. Les enfants n’osent dire un mot. Puis le dragon replie ses ailes, et se couche sur son trésor. La grotte est plongée dans l’obscurité.
- Dort-il ? chuchote Mélusine.
- Apparemment.
- Ce trou semble se prolonger par ici, venez !
- Il doit s’agir du passage dérobé, suivons-le !
A tâtons, ils s’éloignent, puis Mélusine sors sa baguette, et invoque une lumière pour éclairer leur chemin. Il s’agit effectivement d’un passage.
- Bon, maintenant que nous sommes saufs, Poly, tu peux nous
ramener chez nous s’il te plaît ? Demande Dale.
- Hélas ! La magie de ma corne ne fonctionne qu’une
fois par lune…
- Hihihi ! C’est ballot !
- Gnagnagna !
- Ne vous disputez pas ! Mettons-nous plutôt tout de
suite en route pour trouver la sortie.
Ils suivent désormais des couloirs taillés dans la roche. Mais voici une bifurcation.
- Quel chemin prendre ?
- Tout droit ?
Mais il y encore une autre bifurcation, puis une autre !
- Je reconnais ce passage, nous sommes revenus à l’antre de
Brenus ! Nous sommes revenus sur nos pas !
- Retournons en arrière, et prenons l’autre
bifurcation !
Mais ils se retrouvent encore devant l’antre de Brenus !
Et encore !
Et encore !
- Il s’agit d’un labyrinthe ! Comment allons-nous
faire ?
- Pourvu qu’au moins nous ne rencontrions personne !
- Oncle Foloë !
- Ah ! Les enfants, je vous retrouve enfin ! Tout
le village vous recherche !
- Comment savais-tu que nous étions ici ?
- A la réflexion, c’est ce que j’aurais fait à
votre âge, si on m’avait raconté ce que je vous ai raconté !
Dépêchons-nous de rentrer avant que dame Alvina ne me … ne vous
réprimande.
- Mais par où ? Nous sommes perdus dans ce
labyrinthe !
- Tu vas nous guider jusqu’à la sortie, n’est-ce pas ?
- C'est que, le chemin de la sortie passe par un pont qui
enjambe une rivière de lave, et gardé par un terrible géant.
- Mais qu'est-ce qu'un géant pour toi ?
- Hélas, pour me débarrasser du géant à l'aller, j'ai du
faire écrouler le dit pont. Le temps que le géant revienne et le reconstruise,
et nous serons morts de faim...
- Nous n'avons donc plus d'autres choix que d'aller
affronter le dragon.
- Suivez-moi jusqu'à son antre. Ou plutôt non ! Ne me suivez
pas et rejoignez le pont écroulé.
Ainsi font-ils.
Et ils se retrouvent tous devant le petit passage qui mène à l'antre de Brenus.
- Je ne comprends pas ?
- Ce labyrinthe est magique, leur explique
« oncle » Foloë. Il suffit de désirer une direction pour se retrouver
à l'opposé.
- Ca me semble bien compliqué...
- Les magiciens qui ont creusés ces couloirs étaient tous un
peu fous !
- Comment allons-nous faire pour passer maintenant ? Brenus
à l'air de dormir. Pouvons-nous essayer d'avancer silencieusement ?
- Les dragons en général, et Brenus en particulier, sont
doués d'un sixième sens pour se réveiller dès que l'on passe à proximité. Je
vais tenter de le retenir. Courrez aussi vite que vous le pourrez, et ne
m'attendez pas. Mettez au moins une lieue entre lui et vous avant même de vous
retourner!
Foloë s'avance, bouclier dans une main, épée de l’autre. Soudain Brenus ouvre un œil, et se dresse face à l'importun...
- Courrez!
Les enfants obéissent, et foncent jusqu'à la sortie de la grotte. Mais là, ils se retrouvent sur une saillie, point d'envol du dragon. Ils sont face au vide, sans chemin d'accès. Derrière eux ils entendent le choc du combat entre l'elfe et Brenus.
- Toi seule peux te sauver en utilisant tes ailes, Mélusine.
Fuis sans nous!
- J'ai une idée, répond la petite fée. Je vais utiliser un
des sortilèges que j'ai appris récemment.
Elle agite sa baguette, et la surface de la saillie et de la falaise se transforme en un ruisseau de boue. Les enfants glissent sur ce toboggan improvisé.
- Hihihi ! C'est rigolo !
- Nous prenons trop de vitesse ! Comment allons-nous nous
arrêter ?
Mais Mélusine a tout prévu, et ils atterrissent dans une mare de boue.
- Hihihi ! Quelle glissade !
- Pouah ! Ma robe et ma crinière sont toutes tachées
maintenant ! Que va dire ma mère ?
- Et Foloë ? Je n'entends plus le combat ? s’inquiète
Mélusine.
- Il nous a dit de ne pas l'attendre, répond Dale. Courrons !
- Non ! Il a du lui arriver quelque chose, j'y retourne !
Dale ne sait comment convaincre Mélusine. En désespoir de cause, il sort son pipeau et se met à en jouer : si son pipeau magique peut charmer des oiseaux, peut-être le fait-il aussi avec une petite fée têtue ?
Mélusine s'évanouit et tombe au sol. Dale la ramasse.
- Je ne pensais pas que cela marcherait, dit l'enfant.
- J'ai cru entendre une autre musique venant de ce fourré
là-bas ? déclare Poly.
- C'est une chance que je passais par là, dit une voix.
- Pan !
- Oui, c'est moi, répond le faune. Désolé de te décevoir,
Dale : ce n’est pas ce pipeau que je t’ai donné autrefois qui a endormi
Mélusine, mais ma flûte enchantée. Venez vite maintenant ! Brenus peut décider
de sortir à tout moment, et ma musique est sans effet sur lui !
Enfin, après une longue marche, ils sont sains et saufs de retour au village des elfes.
- Je pense que vous avez eu suffisamment de frayeurs pour
votre punition, déclare « tante » Elinoëe. Mais tâchez de moins
écouter Foloë à l’avenir.
- Pauvre Foloë, il s’est sacrifié pour nous ! pleure Mélusine.
- Comme je souhaiterais qu’il soit encore parmi nous !
renchérit Dale.
Tous se tournent vers dame Alvina.
- Oui, comme je le souhaite moi aussi ! répond
celle-ci.
- Ouf ! C’était moins une ! déclare ce dernier,
apparaissant de derrière un bosquet. Hélas ! Mon habit est tout
roussi !
- Oncle Foloë !
Les enfants se pressent autour de l’elfe et l’embrassent de joie.
- Foloë ! Tu me dois une vie ! le gronde dame
Alvina. C’est la quatrième que tu perds, dont une contre le troll O’Meg et
trois contre Brenus !
- Pour O’Meg, il s’agissait d’une erreur d’étourderie. Quand
à Brenus… Bha ! Il me reste seize vies ! Je finirai bien par l’avoir
un jour !