1. La cour des hommes

Elinoëe, la demi-elfe, accompagne Dale jusqu’à la capitale des hommes pour y devenir page à la cour royale. Ils voyagent à l’écart des grandes routes, dormant à la belle-étoile dans des bosquets. En partie parce que les elfes répugnent à se mêler aux humains, et en partie parce qu’ils sont accompagnés de l’ours de Dale, qui est un ours brun de bonne taille.

Finalement, ils arrivent devant les murailles de la ville. Dale est stupéfait de voir autant de monde : bien que humain lui aussi, il a jusqu’à présent été exclusivement éduqué par les elfes dans leur village de la grande forêt. Et surtout il n’a pas été habitué à voir autant de personnes d’apparence âgée : en effet les elfes, une fois adultes, ne subissent plus l’outrage du temps, et restent éternellement jeunes.

Arrivés dans le grand hall du palais, ils sont accueillis par un serviteur. Celui-ci décide d’aller chercher le chambellan. Mais, sans attendre, Elinoëe emprunte directement une porte dérobée. Après quelques couloirs et escaliers, ils arrivent dans une étude d’alchimie. Entre les tables recouvertes de flacons, parchemins, éprouvettes, cornues, et un grand brasero se tient une dame vêtue d’une robe bleue, qui se retourne à leur arrivée.

- Dame Eloa, vous avez le salut fraternel des elfes de la grande forêt, s’agenouille Elinoëe devant elle.
- Je remercie nos alliés fidèles. Mais relevez-vous, dame Elinoëe. Nous ne sommes pas en cérémonie officielle. Embrassons-nous plutôt.

Puis la dame en bleu se retourne vers l’enfant :

- Bonjour, tu dois être Dale, et voici ton célèbre ours.
- Tante Elinoëe, puis-je faire confiance à cette étrangère ?
- Tu peux me faire confiance, et je ne suis pas une étrangère. Je suis une vieille amie de ta mère Lorraine.
- Elle parle haut-elfe !
- J’ai d’ailleurs une lettre de ta mère pour toi.

«  Mon chéri,

Tu dois avoir onze ans. J’avais prévu de venir pour ton anniversaire, mais certaines obligations en ont décidé autrement.

Suis bien les recommandations de la reine Eloa et de son prince consort Carali. Ils seront ta marraine et ton parrain dans le royaume d’Uhr. Un destin prestigieux t’y attend. C’est ma déesse qui me l’a révélé. Je sais que tu te montreras digne de la confiance que l’on t’accorde. J’espère être là le jour venu.

Avec tout mon amour. Ta mère qui pense à toi.

Lorraine. »

Pendant la lecture de la lettre, la reine a discrètement appelé une servante.

- Suis maintenant Marie, elle va te faire visiter le palais.
- Par ici la visite ! dit une jeune fille rousse, à peine plus grande que Dale, qui vient d’entrer dans la pièce.
- Grand merci, dame Marie.

Marie l’examine de bas en haut.

- c’est vrai que tu es mignon…

Dale rougit. Voyant son trouble, Marie rit.

- Suis-moi ! Nous allons commencer par les animaux du palais. Ca devrait te plaire. Voici l’écurie, où se reposent tous les chevaux du palais.
- J’ai déjà vu de ces licornes sans cornes. Ils sont moins intelligents. Ce sont des animaux mais on peut leur parler.

Dale prend une poignée de son dans une mangeoire et il s’approche d’une jument. Celle-ci goûte le son dans la main tendue, s’ébroue la tête, puis pose son mufle gentiment contre l'épaule du garçon, qui lui parle alors à l’oreille dans une langue inconnue de Marie.

- Tu parles aux chevaux ?
- Oui. Le sage druide Merlin m’a appris comment faire.
- J’aimerai bien en faire autant. Viens maintenant que je te montre la basse-cour.

Il la suit dans une place à côté, et a une exclamation de surprise devant la volaille.

- Tant de poules ! Je n’en n’aurais jamais imaginé autant !
- Il n’y a pas de basse-cour chez les elfes ?
- Nous n’avons qu’une seule poule au village.
- Ici il y a aussi des dindons et des canards. C’est mon domaine. Je suis chargée de les nourrir.

Dale tire un grain de son qu’il avait gardé dans sa poche, et le présente, paume ouverte. D’abord craintive, une petite poule finit par accepter l’offrande et s’approche de lui.

- Tu parles aussi aux poules ?

Pour toute réponse, Dale caquette avec sa nouvelle amie.

- Je suis très jalouse ! Que dit-elle ?
- Que tu ne lui donnes pas assez à manger.
- Pourtant je ne lésine pas sur les grains.
- En fait, c’est la grosse dinde Bertha qui picore tout.
- C’est vrai que c’est une goulue celle-là ! Je ferai plus attention à l’avenir. Mais tu m’impressionnes avec tes dons.

Soudain arrive un nouveau garçon, entouré d’une cour d’autres gamins.

- Marie, tu viens jouer avec nous ?
- Pas maintenant, Luther, je dois d’abord montrer le château à Dale. Il vient tout droit de la grande forêt elfique.

Luther toise Dale du haut de sa taille, renifle, puis saisit Marie par le bras en disant :

- Laisse donc tomber cet elfe, il peut se débrouiller seul !
- Lâche-moi ! Tu me fais mal !
- Lâche-la ! intervient Dale.

Luther, interloqué, interrompt son geste, et renifle de nouveau.

- Qu’est-ce qu’il y a, l’elfe, tu veux te  battre ?

Il jette un coup d’œil à l’ours, qui n’a pas bronché, puis ajoute :

- Si tu dis à ton animal de rester tranquille, je veux bien t’accorder un duel !
- D’accord !

Tandis que Dale parle à son ours pour le rassurer, Marie s’approche d’eux.

- C’est gentil, mais tu n’étais pas obligé de le faire. Luther est le fils du capitaine de la garde. Il est plus grand et plus fort que toi, et l’on dit qu’il a un  ancêtre orque.
- N’aie crainte, les elfes m’ont appris à me battre.

Les gamins forment un cercle, et le combat commence. Dale est le plus agile et le plus adroit, mais Luther encaisse tous les coups. Finalement celui-ci parvient à se saisir de son adversaire, et le projette violemment au sol.

- Abandonne, l’elfe,  ou je te colle une raclée !

A ces mots l’ours grogne et montre les crocs.

- Ne bouge pas, Nounours, je contrôle tout !

Luther a un rire, puis se rue sur Dale au sol.

Mais celui-ci a juste le temps de prononcer une formule magique, une plaque de glace apparaît sous les pieds de Luther, et celui-ci glisse et s’étale de tout son long.

Vivement Dale se remet sur pieds, et maintient le demi-orque par une clef au bras que lui a enseigné le roi des elfes.

- Rends-toi ou je te casse l'épaule !
- C’est bon ! Tu as gagné ! Aïe ! Je me rends !

Puis :

- Tu m’as vaincu par traîtrise, l’elfe

Luther se relève et examine de nouveau Dale du haut de sa taille.

- Mais tu l’as emporté quand même. Tu as donc gagné le droit de faire partie de ma bande…

Dale rit, et ils se serrent la main.

Puis arrive une dame, aussi rousse que Marie, accompagnée de deux enfants.

- Ah ! Vous voilà ! Je savais que je vous trouverai là. Comme vous ne veniez pas, j’ai choisi de vous présenter moi-même les jumeaux.
- Bonjour madame. Je suppose que vous devez être la mère de Marie. Bonjour les jumeaux, comment s’appellent-ils ?
- Voici le prince Léo, et la princesse Léa. Ce sont les enfants de notre reine et de notre prince. Ils ont quatre ans.
- Ils ont l’air intimidés.
- L’ours leur fait peur.

Dale joue du pipeau magique que lui a donné son ami Pan, le faune de la grande forêt. Le plantigrade danse au son de la musique. Des petits moineaux viennent voler autour de lui.

Ravis, les jumeaux rient aux éclats et tapent des mains. De leur balcon, la reine Eloa et le prince consort Carali observent la scène.

- Ce garçon est doué, déclare Carali. Il fera un parfait serviteur de la Couronne.
- N’oublie pas qu’il a été élevé par des elfes, lui répond la reine Eloa. Il est trop indépendant pour devenir le serviteur de qui que se soit.
- Alors il deviendra notre ami.

- Je préfère.

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