Bulletin
de la Société préhistorique française, Tome 75, Études et
Travaux, fasc. 5, pages 130-135, Société Préhistorique Française, Paris
Séance
mensuelle Séance du 25 Mai 1978. Elle s'est tenue dans la salle
de conférence du Musée des Antiquités Nationales, de 15h à 18h,15, en
présence de 50 membres, sous la présidence de J. Roche, Président.
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Communications
G. SAUVET, S. SAUVET et A. WLODARCZYK. Analyse sémiologique
des signes pariétaux franco cantabriques.
La sémiologie est la science des systèmes de signes non linguistiques.
Elle constitue donc une méthode de choix pour aborder le problème ardu
de la signification et de la fonction des signes pariétaux dans ['Art
franco cantabrique.
Malgré sa durée et son expansion, cet art présente des garanties
d'homogénéité suffisantes pour que l'on puisse constituer un corpus
représentatif des signes non figuratifs qu'il contient. Après avoir
procédé à l'établissement d'une typologie de 12 clés, basée sur des
critères uniquement morphologiques (triangle, ovale, quadrilatère
simple, quadrilatère à excroissance, claviforme, tectiforme, flèche,
signe ramifié, chevron, croix, bâtonnet et ponctuation), on a pu
montrer que divers procédés graphiques d'agrégation (comparables à ceux
que l'on rencontre dans les écritures idéographiques) étaient
couramment utilisés. Ces procédés vont de la simple juxtaposition à la
superposition et même à l'intégration
ils conduisent dans le cas particulier des quadrilatères de la région
de Santander à une véritable articulation.
Si l'on examine les relations que ces signes entretiennent entre eux,
avec les représentations animalières et avec leur support, dans le but
de reconnaître l'existence éventuelle d'une « syntaxe », on constate
1° que la disposition relative des figures à l'intérieur de chaque
groupe n'est sans doute pas pertinente
2° qu'il ne semble pas non plus y avoir de rapport privilégié entre
certains signes et leur situation dans la grotte
3° que les affinités de chaque clé vis à vis des autres clés ou d'un
contexte animalier sont extrêmement variables
4° que certaines clés sont apparemment incompatibles dans les groupes
binaires
5° que bâtonnets et ponctuations sont omniprésents dans les groupes
ternaires et quaternaires.
Les points (3), (4) et (5) montrent sans ambiguïté que le groupement
des signes n'était pas aléatoire.
L'aspect sémantique du problème est abordé avec beaucoup de prudence,
car on n'a pratiquement aucune chance de retrouver les significations
individuelles des signes. La reconnaissance même de leur origine
figurative serait de peu de secours, car ils devaient avoir des sens
dérivés par métonymie ou par métaphore et même être polysémiques. En
outre, certains étaient probablement arbitraires.
En ce qui concerne la fonction de cc système de signes graphiques, il
faut surtout insister sur son rôle communicatif. Il permettait en effet
l'établissement d'une communication par un canal autre que celui du
langage. L'examen de facteurs secondaires, mais néanmoins pertinents,
comme l'utilisation des accidents rocheux ou le choix de la technique
d'exécution devrait permettre de mieux comprendre la place que ce
système occupait dans la vie spirituelle de l'homme paléolithique.
Enfin, certaines contradictions apparentes avec les travaux du
professeur Leroi Gourhan sont examinées et interprétées comme le
résultat de différences typologiques. Le désaccord s'efface si l'on
s'élève à un point de vue plus général. Après Monsieur Leroi Gourhan,
nous retrouvons bien cette conclusion que les signes pariétaux
constituaient un système sémiologique autonome, fortement structuré.
DISCUSSION
A. Leroi Gourhan : Je
suis heureux de féliciter M. Sauvet d'avoir fait
l'exposé qu'il vient de faire. Les signes sont en effet un des sujets
les plus intéressants de l'Art paléolithique et certainement le moins
étudié. Je suis heureux qu'on commence à s'y intéresser. En ce qui
concerne le caractère binaire des associations des signes pleins et des
signes minces, je voudrais rappeler qu'il y a déjà quelques années,
j'ai reconnu l'existence d'une troisième catégorie de signes.
G. Sauvet : Cette
troisième catégorie est, je crois, constituée
uniquement des ponctuations, alors que, dans notre travail, nous avons
trouvé que ce n'étaient pas seulement les ponctuations, mais également
les bâtonnets qui jouaient un rôle à part par rapport à l'ensemble des
autres signes.
H. Delporte insiste sur
l'intérêt que présenterait une étude analogue,
appliquée à l'Art mobilier. Les signes, qui sont également abondants et
variés sur les os gravés, posent en effet des problèmes spécifiques,
liés à l'exiguïté du support et à une intention possible de combler les
vides par des motifs décoratifs dont on ignore la véritable nature.
G. Sauvet : L'intérêt de
l'Art mobilier ne nous a pas échappé, mais
comme vous le soulignez, il pose des problèmes infiniment complexes.
C'est pourquoi nous avons préféré commencer par l'Art pariétal. Ce
n'est pas que la situation soit tellement plus simple, mais elle a
l'avantage d'être plus facile à analyser. Les problèmes se laissent
plus facilement sérier. En particulier, l'établissement d'une
typologie, malgré toutes les difficultés dont nous avons parlé, a pu
être tenté pour l'Art pariétal, alors qu'il se révèle pratiquement
impossible pour l'Art mobilier. Si l'on y parvient un jour, les deux
typologies seront certainement très différentes.
Pour ce qui est de l'interrogation signe ou décor
que vous vous posez,
je crois qu'il y a toujours un signe à l'origine d'un décor. Un décor
est un signe qui a perdu son signifié. Et dans l'exemple de la frise
des lions de La Vache, ce n'est peut être pas encore le cas.
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