La discothèque idéale PAR YEAH X 3 |
n° 78 |
Bobby Keys : “Bobby
Keys” 1972 Warner Bros SIDE ONE STEAL FROM A KING SMOKEFOOT BOOTLEG ALTAR ROCK SIDE TWO KEY WEST COMMAND PERFORMANCE CRISPY DUCK SAND & FOAM |
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Douloureuse question
: le fan des Stones est il un crétin? Sans être natif du Pays de Caux,
nous ne saurons répondre que d’une normande façon : ça dépend lesquels,
oui mais pas tous, quand ils peuvent parler d’autre chose ça va encore… Cela étant, se dire qu’il y a
quelque part en ce bas monde quelqu’un qui cherche ce disque, prêt à y
laisser une partie de son argent, de son sommeil est quelque peu angoissant. On imagine bien le
fan des Stones dans son blouson en jean élimé, patché de la langue
warholienne, celle-ci déclinée en un odieux dégradé sur un T-shirt au
grammage trop fin pour être honnête qui pousse son possesseur à ne point trop
le laver parce qu’elles s’usent très vite ces saloperies fabriquées en Chine,
T-shirt donc qui bien que taillé un peu trop étroit pour son propriétaire a
contraint celui-ci à se délester de quelques 40 euros dans une allée glauque
du Stade de France. Contraint, parce qu’il faut le dire, il n’est pas
question de raquer 80 euros la place pour en repartir sans même un T-shirt de
la tournée qui permettra de ne pas se trouver de souvenirs dépourvu quand la
bise d’Alzheimer sera venue. Bien qu’ à écouter les dernières productions
stoniennes achetées frénétiquement par des hordes de quinquagénaires hurlant
« C’est le meilleur depuis Exile »
dès la sortie de Cora on peut légitimement penser que la bise d’Alzheimer
s’appelle en réalité Katerina et qu’elle souffle depuis de longues années
déjà. Ou en
étais-je ? Ah oui le T-shirt ! Et bien s’il se bornait à boudiner
son propriétaire tout en allégeant son porte-monnaie, ce ne serait pas trop
grave, mais voilà, ces choses sont tellement laides qu’il faudra bien un
jour, quitte à paraître liberticide, créer une police du bon goût
patrouillant l’été, obligeant les porteurs de telles ignominies à les
retourner ou à se balader torse poil ( quoi qu’au vu de la bedaine
précédemment évoquée j’ai des doutes quant aux réels avantages offerts par la
seconde option ). Revenons à nos
moutons, on imagine donc bien le fan des Stones hantant les conventions à
la recherche d’un album solo de Bill Wyman où de Bobby
Keys. Je me permets ici un
petit et exceptionnel aparté : il existe sur cette terre de fieffés
margoulins prospérant sur la crédulité hagarde de pauvres hères poussiéreux,
fans des Stones, de Yes, de Magma, que sais-je,
arrachant de leurs doigts chenus les quelques piécettes épargnées par
l’augmentation du fuel domestique pour leur refourguer d’infâmes rogatons
baptisés collectors, après avoir exigé de ces malheureux amateurs des Stones,
de Yes,
de Magma,
de Led
Zep que sais-je, ah oui ! Pink Floyd, de ces crétins donc,
qu’ils payent pour aller consommer. Mais c’est vrai, ils ne font pas que
consommer, en fait, ces conventions ont pour but de titiller l’instinct
grégaire de ces gens leur donnant l’occasion de mesurer chez les autres les
ravages du temps qu’ils se refusent à constater le matin devant le miroir qui
leur renvoie leur pathétique décrépitude. En ces lieux, entonnant de curieux
et obsessionnels refrains comme « Il
n’sort plus que d’la merde ! », « Y a Ange qui joue à Nouzonville! », « Modfather a encore
dit qu’il pouvait pas blairer Led Zep sur la Prim’, heureusement qu’il y a
Musical Box le samedi matin ! », ils tentent ces vieux jeunes de
recruter de jeunes vieux qu’ont encore de la mousse de Kro à la commissure
des lèvres pour leurs futures et lugubres agapes. Amis, fuyons ces
endroits sataniques ! Les gens y sont trop laids ! Mais, me direz
vous, Modfather, où as tu trouvé ce disque de Bobby Keys, toi qui
fuis les conventions ? La réponse est simple : j’ai failli marcher
dessus, j’aurais peut-être dû d’ailleurs, du pied gauche ça m’aurait
peut-être porté bonheur. Comme quoi
l’addition de talents et de substances donne parfois de curieux résultats… |
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