ORIGINE DE L'ÉGLISE ET DU VILLAGE D'ARNAVILLE
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  ORIGINE DU VILLAGE D'ARNAVILLE. (par Louis DAVILLE)
   
  NOTE RECTIFICATIVE ET COMPLÉMENTAIRE SUR ....(par Louis DAVILLE)
 
 

ORIGINE DU VILLAGE D'ARNAVILLE

Le mot latin Arnaldivilla, d'où est tiré Arnaville, est composé du nom commun villa, qui signifie domaine rural, et d'un nom propre de personne, Arnaldus, qui en désigne sans doute le fondateur.
Il nous est connu pour la première fois, au milieu du IX° siècle, par le cartulaire de Gorze: en 851, sous la forme de villa Arnoldi; en 858, sous celle de Ernaldovilla; ce n'est qu'en 884 qu'on trouve le mot Arnaldivilla; en 903, nous lisons Arnaldovilla . C'est sous une forme bien voisine, Arnoldivilla, qu'il est écrit, vers cette époque,dans les Miracula sancti Gorgonii
Dans le cartulaire de l'abbaye Saint Vanne, les formes les plus usitées au X° et au XI° siècle sont Arnoldivilla et Arnaldivilla. Ce n'est qu'assez tard qu'apparaîtra la forme la plus voisine du français actuel, Arnavilla: encore prétera-t-elle à la confusion
Les différentes formes que nous venons d'examiner désignent toutes le village actuel d'Arnaville, qui était, comme toutes les chartes le montrent, situé dans le pagus Scarponensis ou Carmensis, sur les bords du Rupt-de-Mad, près de la Moselle, ou un village qui en est voisin. D'ailleurs les formes Alnaldus ou Alnoldus, Ernoldus, Arnoldus, Ernaldus, ne sont que les variantes à terminaison syncopée d'un même vocable, Arnoaldus ou Ernoaldus, dérivé peut être lui même du mot germanique Erchinoaldus.
Ce nom d'Arnaldus, qui en français donne Arnaud, est bien différent du mot Arnulphus, que nous traduisons par Arnould. Ce dernier mot a été fréquent sous les Mérovingiens et les Carolingiens, surtout au Nord-est de la Gaule; l'autre a été surtout employé dans le Midi.
Il nous est ainsi plus facile de rechercher quel a pu être le fondateur de la villa qui fut évidemment le berceau d'Arnaville.
Parmi les personnages qui portèrent le nom d'Arnald ou Arnoald, nous en connaissons deux qui vécurent vers la fin du VI° siècle; l'un paraît avoir été l'ancêtre de Charlemagne; l'autre , neveu de l'évêque de Metz Aigulf , lui succéda pendant sept ans ( 601-608 ?) au siège épiscopal. Le premier, assez peu connu dans nos régions, semble avoir vécu longtemps dans le Midi. Aussi, n'est-ce pas à lui, mais à l'autre, que les historiens lorrains ont attribué la villa des bords du Rupt-de-Mad. Lepage l'avait déjà indiqué, sans en donner les preuves; Huguenin appuya cette opinion.
''Arnald, dit-il, était possesseur, sur la rive gauche de la Moselle, au Sud, à environ trois lieues de Metz, d'un beau domaine qui porte son nom ( Arnaldi villa ) ''. Ce fut sans doute après l'avènement d'Arnoald, dit-il plus loin, que la terre d'Arnaville entra dans le domaine de l'évêchés de Metz; elle devint dans la suite une propriété de Gorze. Cette affirmation de l'historien d'Austrasie n'est en réalité qu'une hypothèse; mais les chartes du cartulaire de Gorze ne peuvent que l'appuyer.
En 851, en effet, Drogon, archevêque de Metz et abbé de Gorze, échangea avec un de ses vassaux des propriétés situées à Beaumont sur Orne contre un manse, un moulin à blé bâti sur le Rupt-de-Mad, 60 jours de terre arable, dont 50 dépendaient du manse et les dix autres du moulin, enfin une vigne qui pouvait rapporter 15 mesures de vin.
D'après la topographie d'Arnaville, ces terres devaient se trouver, autrefois comme aujourd'hui, sur les bords du Rupt-de-Mad, à l'ouest du village: il s'agissait sans doute de l'ancien moulin à blé, appelé encore aujourd'hui le'' moulin haut ''.
Cette donation, il semble bien que ce fut en sa qualité d'évêque que Drogon la fit à l'abbaye de Gorze, et il est permis de supposer que depuis un siècle au moins, c'est-à-dire depuis la fondation du monastère par Chrodegang (745) , ce n'était pas le premier don que les évêques de Metz lui faisaient à Arnaville.
Quoi qu'il en soit, l'évêché de Metz paraît avoir possédé, en tout ou partie, dès le début du VII° siècle environ, la terre d'Arnaville, et il semble bien que c'est à l'un d'eux, saint Arnald, que le village doit sa naissance.

Louis DAVILLE ;

Journal de la société d'archéologie lorraine. 49° année . Septembre - Octobre. 1900

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NOTE RECTIFICATIVE ET COMPLÉMENTAIRE SUR L'ORIGINE DE L'ÉGLISE ET DU VILLAGE D'ARNAVILLE. (par Louis DAVILLE)
 

Dans un article précédent (1), nous avons essayé d'établir, en nous appuyant sur son nom primitif, villa, que le village d'Arnaville remontait à l'évêque de Metz Arnald qui vivait au début du VII° siècle. Cette hypothèse, que nous avions reprise de Haguenin et de Lepage, a reçu l'approbation de M. Plister (2).

Nous nous proposons de montrer ici que son église peut être attribuée au même Arnald. Il est question pour la première fois d'un sanctuaire à Arnaville dans une charte de l'abbaye de Gorze de 967. Ce monastère avait donné au laïque Harduin et à sa femme une vigne située sur le territoire du village. " Econtra vero dedit, Harduinus, et uxor ejus Berchardis, de rebus proprietatatum suarum, ad partes ecclesie beatorum apostolorum Petri et Pauli almique Gorgonii Agenaldo abbati ac fratribus... inonasterii... vineam unam ubi construxerunt capellam in honore sanctorum martyrum Stephani atque Gorgonii (3) ".

Nous avons montré que cette vigne était située sur l'emplacement de l'église actuelle. et que par suite celle-ci se trouvait sur l'emplacement de la chapelle de 967; malheureusement nous avons mal interprété le texte, en croyant que le sanctuaire était postérieur à cette date (4) alors qu'il est dit nettement que la chapelle existait déjà. Par qui avait-elle été construite? Il est assez difficile de le savoir d'après la phrase que nous citons, le sujet de construxerunt pouvant être aussi bien Harduinus et uxor Berchaldîs, que Agenoldus abbas ac fratres ou pouvant même être un homines sous-entendu. Cependant les deux premiers sens paraissent devoir être, écartés: les deux noms propres du début sont bien loin du dernier verbe qui aurait peut être été mis, comme le premier, au singulier; le nom de l'abbé et des moines, n'étant pas au nominatif, peuvent difficilement être pris comme sujets. Reste le dernier sens, qui nous parait confirmé par le titre de la charte: " Commutatio inter monacos Gorzie et Harduinum laicum de terra in qua capella stat Arnadi villa " (5).

Ainsi notre charte nous apprend qu'en 967 s'élevait à Arnaville, à l'emplacement de l'église actuelle, une chapelle, dédiée comme celle-ci, à saint-Étienne et, de plus, à saint Gorgon et que, sans doute, elle existait déjà depuis un certain temps. A quelle époque en peut-on faire remonter la fondation? C'est ce que nous permettent d'entrevoir les deux vocables sous lesquels elle était placée en 967. Le second ne nous permet guère de remonter à plus de deux siècles en arrière, car c'est en 765 qu'eut lieu à Gorze la translation des reliques de saint Gorgon (6) ; il semble même qu'un siècle au moins dut s'écouler avant que la chapelle ne soit placée sous ce patronage, puisque c'est en 851 seulement que l'abbaye parait avoir possédé des biens à Arnaville (7), mais on comprend qu'à partir de cette date une chapelle située au milieu des possessions du monastère, en un lieu qui devait garder le nom de ban Saint-Gorgon (8), ait pris le nom de ce patron. Avec le premier vocable, au contraire, nous pouvons remonter jusqu'au début du VII° siècle, jusqu'à Arnald.

Le premier martyr chrétien, saint-Etienne, était patron de la cathédrale de Metz et il est tout naturel qu'un évêque de cette ville, en créant une villa dans son diocèse, ait placé son oratoire sous la protection du saint pour lequel il devait avoir la plus grande vénération. On comprendrait difficilement en effet qu'Arnald, qui devait être canonisé plus tard (9), soit resté dans une maison de campagne située à quatre ou cinq lieues de sa résidence épiscopale sans y posséder un lieu de prière pour lui et pour ses gens. Il nous semble, par suite, tout naturel qu'il ait transporté de Metz à Arnaville le culte de saint Étienne (10); peut-être même amena-t-il dans l'oratoire de sa villa quelque relique du grand martyr.

C'est cet oratoire primitif qui est sans doute devenu, après avoir été plus ou moins restauré et peut-être entièrement reconstruit, la chapelle qui, en 967, se trouvait dans la vigne de Burcarde. Déjà évidemment l'action de l'abbaye de Gorze s'était fait sentir sur elle, puisqu'au vocable primitif on avait ajouté celui du patron du monastère ; mais la chapelle de Saint-Étienne et de Saint-Gorgon restait toujours un sanctuaire d'ordre privé. L'abbaye de Gorze, qui l'avait en quelque sorte enserré dans ses possessions, le convoitait évidemment pour en faire un édifice public : elle se fit céder la chapelle en 967, et, sans doute, ne tarda pas à la transformer en l'église dont nous constatons l'existence au début du XIII° siècle, où le monastère en était réputé le fondateur (11).

Il semble qu'à cette époque le culte de saint Étienne ait définitivement détrôné celui de Saint-Gorgon : sans doute la proximité de Gorze avait empéché ce double emploi. Ainsi, nous sommes en droit de supposer qu'Arnald avait consacré à saint Étienne un autel, à l'endroit où se trouve encore aujourd'hui celui de l'église d'Arnaville.

Si celle hypothèse est exacte, elle nous permet, non seulement de reculer de plus de trois siècles l'origine de celle-ci, mais encore de retrouver du même coup l'emplacement de la villa primitive. Si la chapelle qui, en 967, était située dans une vigne se trouvait au lieu où Arnald avait bâti un oratoire, c'est que celui-ci s'élevait sans doute au centre de la propriété de l'évêque : c'est donc autour de l'église actuelle qu'il faudrait rechercher la position des bâtiments originaires de la villa. Ils ne pouvaient être, croyons nous, au-dessous de l'église, le long de la rue actuelle qui existait déjà en 967, car il n'y avait alors que des vignes; ce n'est pas non plus, semble-t-il, à droite et à gauche, où il y avait aussi des vignes.

On peut croire, au contraire, que ces constructions se trouvaient plus haut, vers l'emplacement de la propriété Des Robert , au-dessus de laquelle aboutit un chemin conduisant directement à Novéant, qui a peut-être été la première voie d'accès à la villa d'Arnald.

Aujourd'hui encore, la maison de M. Des Robert est la plus élevée de tout Arnaville, elle domine à la fois le village et les vallées du Rupt de Mad et de la Moselle : c'était-là, semble-t-il-, une excellente situation pour y fonder une villa et, à l'époque mérovingienne on les élevait volontiers sur les hauteurs. Si tel est le berceau de la villa, quel est celui du village proprement dit? Sans doute les premières maisons des paysans se construisirent à quelque distance et plus bas: nous croirions volontiers qu'elles se trouvaient en face de l'église, mais en-dessous de la grand route, entre celle-ci et le Rupt-de-Mad, à l'endroit peut-être où se trouvent encore aujourd'hui les plus vieilles maisons, sans doute héritières d'autres également anciennes.

C'est donc entre l'église et la mairie actuelles que l'on peut avec quelque vraisemblance placer les premières maisons villageoises. C'est bien là, en effet le coeur d'Arnaville, autant qu'on en peut juger par les dénombrements et les plans postérieurs. Ce ne sont là que des hypothèses; mais l'histoire, dès qu'elle ne s'attache plus à reproduire les documents, n'est guère qu'une suite d'hypothèses suggérées par eux. La nôtre s'appuie sur la continuité, bien connue, des traditions religieuses; elle essaie de sonder, par des raisonnements fondés sur la nature des lieux, le mystère qui s'attache aux origines d'un de nos plus anciens villages. C'est pourquoi nous nous permettons de la proposer aux lotharingistes.

Louis DAVILLE

(Société d'archéologie Lorraine, 1906 - 12, 2° série, 55° vol.)

 

(1) : (retour) Les origines du village et de l'église d'Arnaville. (Journ, de la soc. d'Archéol. lorr., 1900, p. 193.)
(2) : (retour) Chr. "Pfister" L'archevêque de Metz Drogon (823-856) Mélanges Paul Fabre, 1902, tirage à part, p. 131, note 1.
(3) : (retour) Cartulaire. de l'abbaye de Gorze (Mettensia, t, II), ne 110, P. 203,
(4) : (retour) Art. cité, p. 203-204
(5) : (retour) Cartulaire cité, p. 202.
(6) : (retour) MARICHAL, Remarqves.. sur le cartulaire de Gorze, 1902 (mettensia, 111), P. 16.
(7) : (retour) Cartulaire cité, n° 54 p. 96 S. CF. art. cité, p. 196.
(8) : (retour) Art cité, p. 202.
(9) : (retour) V. Acta Sanctorum du 9 octobre, t. IV, p. 1001 -10.
(10) : (retour) C'est ainsi qu'à Boudonville, fondé par l'évêque de Toul Bodon, celui-ci, originaire du diocèse de Langres où saint Dizier était très honoré, a dû dédier " à ce saint la chapelle de Boudonville " PFISTER, Histoire de Nancy, t. 1, p. 23.
(11) : (retour) Art. cité, p. 206-7.
 
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