Il s'agit de l'un des moments forts de l'histoire constitutionnelle de la France, moment qui a provoqué d'âpres débats au sein de la classe politique nationale sur l'opportunité ou non de confier au peuple dans son ensemble l'élection du chef de l'État.
C'est avant tout une volonté personnelle de de Gaulle d'ancrer sa légitimité en s'appuyant sur le peuple. A plusieurs reprises déjà depuis 1958, il a fait appel au référendum pour faire approuver certaines de ces décisions par les citoyens.
Mais la procédure qu'il emploie pour engager cette réforme choque : il décide de la soumettre au référendum, et non au Parlement comme le prévoit la constitution (dont il est pourtant l'inspirateur...). Il provoque la quasi-unanimité du monde politique contre lui. Le président du Sénat, Gaston Monnerville parle de "forfaiture" (i.e. violation d'un serment). Mitterrand, qui a déjà milité contre le retour de de Gaulle au pouvoir en mai 58, s'insurge également. On dénonce les tentations dictatoriales du Général. Le 4 octobre - fait unique sous la Vème République -, l'Assemblée nationale renverse le gouvernement de Georges Pompidou par une motion de censure ! De Gaulle dissout alors l'Assemblée.
Quels sont les enjeux du débat ? Pour de Gaulle, il s'agit de confier directement aux électeurs le choix du président, choix confiés jusqu'alors aux seuls 80 000 "grands électeurs", et surtout de soustraire cette nomination à l'emprise des partis politiques. Pour l'opposition, c'est un leurre car l'électeur a-t-il les moyens de choisir sereinement celui à qui incombera cette lourde charge ? Ces opposants craignent les dérives démagogiques d'une campagne présidentielle. Ils dénoncent aussi le pouvoir personnel de de Gaulle.
La double campagne (référendum + Législatives à suivre) est très dure. Mais de Gaulle l'emporte sur les deux tableaux (il profite largement de la "crise des fusées de Cuba" qui survient pile au moment du référendum pour dramatiser l'enjeu de la consultation). La réforme de la constitution est approuvée le 28 octobre par 62 % des votants, et les 18 et 25 novembre, les Législatives donnent la majorité au parti gaulliste, l'UNR.