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Midi à la prison
Ce mois de septembre à Marseille est fort clément, parfois même encore propice aux bains de mer pour les plus courageux d’entre nous. Aujourd’hui, nous avons rendez-vous pour un autre type d’immersion, bien moins vivifiant mais malgré tout très instructif…

Nous devions nous retrouver devant la porte principale de la prison des Baumettes à Marseille. Si cette porte parlait, combien d’histoires de femmes éplorées et d’hommes meurtris pourrait-elle raconter ! Nous sommes muets et angoissés d’imaginer la misère quotidienne dont elle est témoin, la violence des propos et quelquefois des actes qu’elle a pu abriter. Mais on ne peut pas accéder à la prison des Baumettes comme à la Criée et le personnel, dont la tenue ressemble fort à celle des policiers, s’inquiète de savoir pourquoi nous ne possédons pas de passe. Notre accompagnatrice, bien décidée à nous montrer son cadre de travail, discute un moment avec le gardien qui nous admet à l’intérieur. Le sas est constellé d'impacts de balles, les murs lézardés nous laissent supposer quelques agressions des plus violentes et des évasions tumultueuses. Bien évidemment, la porte s’est refermée derrière nous mais bizarrement nous n’avons pas le moins du monde envie de faire demi-tour. La fascination d’un monde dont nous ignorons tout l’emporte sur le caractère inquiétant du lieu. Sommes-nous venus pour faire partager un moment d’émotions fortes ? Peut-être… Mais aussi pour savoir plus, savoir mieux.

Nous franchissons donc la deuxième porte qui s’ouvre devant nous sans même regarder en arrière. Je suis étonnée de constater le silence inhabituel dans cette enceinte. Quiconque se promène dans la forêt de Luminy au-dessus des Baumettes a pu deviner une agitation intense aux hurlements ou aux bruits des gamelles frappées contre les barreaux. Il est encore tôt, il y a très peu de monde dans les allées et nous arrivons très vite dans un petit parc à l’Anglaise où quelques personnes se sont déjà installées pour déjeuner. C’est le mess, une salle de restauration réservée au personnel et à l’encadrement des prisons, aux avocats... En bons Marseillais que nous sommes, nous décidons de nous installer au soleil. De notre table, nous apercevons le mirador qui domine le bâtiment des hommes. Les menus proposés sont variés, servis par des détenues en fin de peine très souriantes.

« Lorsque je me suis présentée à mon poste de travail pour la première fois il y a douze ans, j’ai pleuré. Aujourd’hui, je n’entends même plus la fermeture des grilles qui me faisait tressaillir », nous confie notre hôte. Un chat se promène dans le jardin. Les chats sont autorisés dans les cellules mais nous pensons que celui-ci, bien nourri et soigné, doit arriver de l’extérieur. Au loin, un détenu nous regarde, les mains accrochées aux barreaux. Il me vient à l’esprit cet événement du 27 mai 2000 : une tentative d’évasion de la prison de Frènes en hélicoptère avec prise d’otage. Deux frères âgés de 27 et 30 ans, dont l’un était condamné à 38 ans de réclusion. Il avait déclaré à sa mère : « je ne pourrais pas passer le reste de mes jours enfermé. »

Mireille Darc nous a précédés ici. L’actrice-réalisatrice prépare actuellement un reportage sur les prisons de femmes dont nous ne connaissons pas encore la date de diffusion*. Une émission qui promet de nous faire frémir si nous écoutons les explications qui nous sont données. Des femmes qui sont capables de violer ou de tuer des enfants, des bébés ? Oui, ça existe. Oui , des femmes sont capables d’une telle violence. Les enfants qui naissent en prison et qui sont mis en crèche pour être ramenés le soir auprès de leur maman détenue, oublieront-ils un jour  le traumatisme de la vie carcérale ? Cette petite fille de dix-huit mois qui hurle et se raidit dans la voiture qui la raccompagne dès qu’elle voit s’approcher la terrible porte. Elle ne l’effacera jamais de sa mémoire…

Mais notre déjeuner se termine, nous nous dirigeons vers la sortie. Nous restons un long moment à regarder les visiteurs (des visiteuses pour la plupart) qui attendent que l’on veuille bien les accueillir et leur accorder quelques minutes de parloir. De nouveau, nous sommes surpris d’apercevoir des sourires… mais nous ne sommes pas dupes.

Cveronike ©
A VISITER : prisons.free.fr
PHOTO : http://perso.club-internet.fr/roncasyl/santalucia/baumettes.html

*dernière minute : dans la série "des racines et des ailes", l'émission sera diffusée sur FR3
le 31 octobre à 20h50

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