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Interview : Les poupées de la Haute Couture

C’est l’histoire d’une petite fille nommée Nina qui a douze ou treize ans. C’est une petite française qui vit à la campagne et qui rêve de voyager, elle va donc faire le tour du monde et prendra la coiffure, les vêtements, les couleurs de peau et les traits du pays. Le Gepetto de Nina s’appelle Wilfrid Cogo. A 24 ans, ce passionné de poupées et de couture nous reçoit dans son modeste appartement du centre ville.



Quelle formation avez-vous suivie ?
Je créais des vêtements depuis l’enfance. J’ai fait ma première robe pour ma mère à l’âge de douze ans. J’ai donc suivi des cours de couture avec des professeurs issus des grandes maisons Courrèges, Dior... Puis j’ai travaillé quatre ans dans la haute couture.

Comment êtes-vous passé de la couture aux poupées ?
J’ai toujours aimé les poupées. J’ai décidé alors d’appliquer mes talents à cette passion. J’ai exposé des poupées de collection que j’avais habillées dans une galerie du Cours Julien, puis aux Nouvelles Galeries. En mai 2000, alors que je recherchais un stage d’apprentissage à Salon de Provence, les personnes du Lion’s Club ont été séduites par la poupée que j’avais amenée. Bien qu’ayant précisé que je l’avais seulement habillée et coiffée, ils m’ont incité à participer au salon de Paris en décembre. Le déroulement du stage de Salon de Provence était trop tardif pour me permettre de présenter un produit fini au salon. J’ai suivi alors une formation de trois jours pour apprendre à sculpter, poncer, couler. Je maîtrisais déjà les techniques de coiffure et de maquillage. Je disposais également d’un carnet d’adresses de fournisseurs de la haute couture pour les tissus, les dentelles, passementeries et accessoires.

Comment sont fabriquées ces poupées ?
A la base c’est une sculpture en argile qui perdra 15 % de sa taille après trois mois de séchage. On ponce alors et on fabrique le moule pour couler la porcelaine qui diminuera encore de 20 % lors de la cuisson. Puis le maquillage intervient, on applique les pigments qu’on stabilise au four. Il reste alors
à fabriquer l’armature du corps.

Achetez-vous les perruques ?
Assez rarement. Je les fabrique à partir de cheveux d’enfants japonais. Ce sont les plus fins et les plus beaux. Les perruques vendues dans le commerce sont moins chères mais trop limitées en longueur, je préfère composer les couleurs, les ondulations et faire les coiffures moi-même.

Quelle différence y-a t’il entre les poupées de série et les vôtres ?
A partir d’une sculpture que j’ai faite moi-même, je donne une vie, des expressions et des traits animés. Les poupées de séries sont trop symétriques, trop régulières. Evidemment, je soigne particulièrement les vêtements et les accessoires. Il m’arrive d’utiliser des dentelles ou des tissus de Dior, Lacroix. La minutie et l’attention que j’accorde à ces créations, les matériaux précieux, les cils et les cheveux naturels, les yeux en cristal sont les éléments qui me permettent d’atteindre des prix élevés (19 700 FF pour la plus chère).

Avez-vous une activité parallèle ?
Je suis artiste en poupées. Mais depuis juillet dernier, j’organise des stages de deux ou trois jours d’apprentissage des techniques de fabrication. L’inscription s’élève à 250 FF et la poupée finie est achetée 1750 FF. Je restaure parfois aussi des poupées pour des antiquaires ou des particuliers. C’est toujours une opération très délicate puisque ces porcelaines très fines (le biscuit est une porcelaine qui est cuite deux fois, cette opération la rend très fine et très fragile) résistent souvent mal au transport et même à un changement de température brutal.

Qui achetait ces poupées anciennes ?
Ces poupées servaient de mannequins. Les couturiers apportaient leurs créations, chapeaux, accessoires, chaussures et vêtements dans les salons où les personnes riches se réunissaient pour choisir leur garde-robe. De nos jours, certains grands couturiers comme Azzedine Alaïa utilisent encore des poupées pour présenter leurs modèles.


Aujourd’hui, Wilfrid Cogo prépare le prochain salon du 25 novembre à Paris. Il exposera entre autres une poupée de 74 cm habillée de 3.50m de dentelle et 5 m de taffetas. Il aimerait faire reconnaître son statut d’artiste libre, ce qui n’est pas chose facile en France, cette profession est surtout répertoriée en Allemagne.

V. Cleren ©

A visiter : allantik.com

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