Lettre au Commisssaire-enquêteur Juin 1997

Avis du Commissaire

L’association "Terre et Environnement" a pris connaissance du dossier d'enquête publique relatif à la demande d'exploitation sur la Zone Industrielle de Trappes de la société PARIDU-LETOURNEUR.

L'association estime que cette exploitation présente un double risque pour l'environnement.

Un risque de dissémination des mâchefers et de pollution des nappes phréatiques sur tout le territoire français:

Les mâchefers sont des produits de la combustion des déchets domestiques dans les usines d'incinération. On les appelle également les déchets ultimes. Ils sont toxiques dans la mesure où ils contiennent une teneur non-négligeable de métaux lourds (plomb, zinc, chrome, nickel, cuivre...) et de sels non-organiques en situation chimiquement instable ( réf: Centre de Recherche et d'Essais pour l'Environnement et le Déchet et Laboratoire de Chimie-Physique appliquée et Environnement de l'INSA). Normalement, ces produits sont stockés dans des décharges contrôlées après un traitement de stabilisation.

Dans le cadre de recherche sur la valorisation des déchets, des procédés de traitement ont été testés pour une utilisation en sous-couche de chaussée de ces mâchefers sous le contrôle de l'ADEME (l'Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie). Ces tests ont conduit de façon fort imprudente à la rédaction d'une circulaire du Ministère de l'Environnement du 09 mai 1994 les autorisant comme matériau de travaux publics. Cette technique n'est pas véritablement maîtrisée comme le reconnaît cette même circulaire.

En effet, il est admis que les eaux de ruissellement ou de percolation à travers ces mâchefers traités seront encore chargées d'un pouvoir polluant et donc susceptibles au-delà de certains seuils à contaminer la nappe phréatique. Par ailleurs, il est également admis qu'il n'existe aucune connaissance sur la qualité de stabilisation du traitement de ces mâchefers et sur leur comportement dans le temps (Rapport de Valérie Mayeux, ADEME mai 1995).

Concrètement, vont être disséminées, au lieu d'être concentrées et surveillées, à travers tout le territoire, des substances potentiellement toxiques au gré des chantiers routiers. Ces derniers ne feront l'objet d'aucun recensement. A cela s'ajoutent les risques inhérents aux déficiences de la chaîne de production, qui va de la fabrication du mâchefer traité à son épandage sur le sol. Elle nécessite un savoir-faire de l'entreprise de traitement et de l'entreprise de travaux publics et un suivi tout particulier de l'Administration.

En l'absence de l'ensemble de ces garanties, il ne nous apparaît pas raisonnable au nom du principe de précaution d'autoriser l'exploitation industrielle du mâchefer d'incinération pour des travaux publics.

Un risque de pollution environnant à la Zone Industrielle de Trappes

Pour être transformé, le mâchefer fait normalement l'objet d'un traitement de broyage, concassage et criblage nécessitant des manipulations à ciel ouvert d'une part. D'autre part, il fait l'objet d'une phase de maturation de trois à douze mois pour que les réactions physico-chimiques les plus importantes arrivent à leur terme: oxydation par évaporation, carbonatation à la chaux par l'eau de pluie ou d'arrosage et stabilisation des métaux par la température (cf: circulaire du 9/05/194).

Dans ces phases de traitement, il convient de maîtriser les risques de pollution de l'air par la dispersion de fines particules qui sont chargées de polluants. Il convient également de maîtriser les risques de pollution de la nappe phréatique par les infiltrations de l'eau de ruissellement.

En l'espèce, le maintien d'une certaine humidité du mâchefer est une condition impérative à la fois de maturation du mâchefer et de la maîtrise de la volatilité des particules. Elle implique un arrosage permanent. Les besoins en eau de cet arrosage semblent être négligés dans le dossier d'enquête (cf. notamment les prévisions des quantités d'eau consommée mentionnée dans le dossier d'enquête publique présentée par l'entreprise, page 68 de l'étude d'impact).

Quand bien même cet arrosage serait permanent, le risque de dispersion des particules dans l'air subsiste puisque la circulaire du 09/05/1994 impose la zone de stockage et de manutention à plus de 200 mètres de toute habitation. Le dossier d'enquête prétend que les premières habitations sous les vents dominants se situent à plus de 800 mètres.

En réalité, la zone ne connaît pas de véritables vents dominants si l'on se réfère à la rose des vents (cf:incohérence entre le dossier d'enquête page 84 de l'étude d'impact et les annexes). Son analyse montre qu'il existe au minimum une exposition au vent d'un mois pour chaque point cardinal. Par ailleurs, sur les bases de la carte I.G.N, les premières habitations se situent à partir de 250 mètres. De plus, cette pollution de poussière et d'air pollué s'ajoute à celle déjà existante sur la zone industrielle de Trappes.

Quant à la pollution de l'eau, l'étude néglige de dire explicitement que la nappe phréatique se situe à moins de 100 mètres sous le niveau de l'exploitation. De plus, le site est le lieu de passage du ru de Gironde. L'étude d'impact reconnaît (page 67) qu'il s'agit d'un sujet à traiter avec attention: les eaux de récupération et de ruissellement peuvent entraîner des fractions solubles chargées de métaux lourds.

Vous noterez que, si la zone de traitement des mâchefers fait l'objet d'une réservoir tampon, la zone de transit pour la commercialisation de ces mâchefers traités ne fait l'objet d'aucune protection particulière (cf: paragraphe 4.2.2.1). Or, il est admis que ces mâchefers traités ne sont pas totalement inertes. Cela risque d'être particulièrement vrai pour ce centre de fabrication dans la mesure où la période de maturation est notoirement insuffisante (page 34 de la demande d'autorisation) étant inférieure au minimum prévu par la circulaire du 09/05/1994.

A cette activité de traitement des mâchefers, s'ajoute celle relative au traitement des bétons de démolitions. Ce traitement pose des problèmes analogues à ceux posés par les mâchefers compte-tenu notamment de l'incertitude sur la provenance de ces bétons (cf. amiante ou produits radio-actifs).

En conclusion, face à ces risques et à ces incertitudes, l'association vous demande d'émettre un avis défavorable quant à l'installation de la société Paridu sur la zone de Trappes:

1- dans la mesure où il n'est pas raisonnable d'autoriser la production en grande quantité d'un matériau qui devrait faire encore l'objet d'expérimentation pour s'assurer de son innocuité vis à vis de l'environnement ( 100 000 tonnes de mâchefers et 100 000 tonnes de béton de démolition par an seront traités dans ce centre).

2- dans la mesure où le procédé décrit et les mesures d'accompagnement proposées dans l'enquête publique ne présentent pas une fiabilité suffisante du point de vue de la protection de l'environnement.

3- dans la mesure où le niveau d'acceptabilité des impacts négatifs sur l'environnement sur la zone industrielle de Trappes, vu son nombre d'installations classées, installations susceptibles de créer des dommages pour l'environnement, est largement dépassé (cf: pollution de l'étang des Noés, ...).

Enquêtes publique Paridu-Letourneur

Les mâchefers d'usines d'incinération