Maltraitance et violences sexuelles

 

Double approche : psycho-clinique et pragmatique

 

La mise en examen d'un jeune de onze ans pour attouchements sexuels sur un autre de neuf ans : s'agit-il d'une judiciarisation d'un acte qui serait plus de l'ordre de la découverte sexuelle que de la violence sexuelle ? Prise en charge ? Place de la famille ?

Le contraire d'un environnement malsain n'est pas seulement un environnement sain.

Les parents maltraitant sont en général des personnes qui ont été maltraitées. Cependant, un enfant maltraité ne devient pas automatiquement un parent maltraitant.

 

Maurice Berger : l'échec de la protection de l'enfance. Représentation du département de la Loire donc il s'agit d'un prisme réduit. Remise en question de la pratique et de la formation.

 

Prévention et dénonciation de violences sexuelles :

Violences sexuelles et maltraitances se réunissent sous le terme de traumatismes.

Le traumatisme prend une coloration différente. Il y a deux voies : l’histoire de la sexualité de l'enfant, et l’histoire des premiers liens de l'enfant.

 

Deux types de modèles théoriques :

 

+  Histoire de la sexualité de l'enfant

Cette construction s'effectue sur un plan intrapsychique, inconscient. Il est difficile de mettre des mots sur un domaine que l'on ne peut objectiver. Le lapsus témoigne du travail de l’inconscient. Il ne se voit que par ses effets.

L'histoire se construit par l'élaboration de fantasmes originaires : productions inconscientes qui ont pour fonction de se donner une représentation de ces origines. Ce fantasme vient buter sur la question de la sexualité puisque par définition tout enfant est né d'un « rapport sexuel » (question de la fécondation in vitro ?).

 

Fantasmes originaires :

1- fantasme de scène primitive

2- fantasme de séduction

3- fantasme de castration

Chacun de ces fantasmes à une fonction précise dans la construction de l'enfant et sa capacité à se positionner comme sujet.

 

1-     Fantasme de scène primitive : c'est la capacité à se représenter comme étant issue du rapport sexuel entre ses parents. L'origine de sa présence. L'enfant construit sa théorie des origines qui lui sert d'appui pour effectuer le travail de différenciation dans lequel il s’engage pendant les premières années de sa vie.

2-     Fantasme de séduction : un enfant est séduit par un adulte. Vision passive. Le fantasme peut prendre appui sur les soins apportés par la mère à l'enfant. Ce fantasme met en branle la question de la différenciation des générations. Lien entre les enfants et les adultes. Il structure les relations avec son environnement.

3-     Fantasme de castration : associé au complexe d'Oedipe. Il interroge l’intégrité de l'enfant autour des organes sexuels et la place des parents dans le risque qu'il y aurait à subir le castration.

Chez la fille : est-ce que l'on m'a enlevé quelque chose ?

Chez le garçon : peut-on m’enlever ce que j'ai ?

Comment conserver son intégrité sexuelle par rapport à la rivalité avec le parent de même sexe au sujet de l'amour porté au parent de sexe opposé. Ce fantasme est organisateur de la différence des sexes.

 

Ces fantasmes se construisent au fil de l'enfance. Tout se remet en place à la sortie du complexe d'Oedipe et de l'instauration d'un interdit (environ six ans). Ensuite l'enfant se concentre sur l'apprentissage (période de latence). Il faut opérer s'il enfant est sorti de la mobilisation pulsionnelle pour entrer dans la période de latence.

 

Puberté : nouvelle émergence des pulsions sexuelles avec la transformation du corps. Il faut traiter cela du point de vue psychique dans le rapport identitaire et dans le rapport aux autres. C'est la période de l'appropriation des repères et des valeurs. Certaines pathologies se développent à ce moment : psychose, schizophrénie, anorexie, comportements violents, conduites à risque... Ce n'est pas l'acte lui-même qui est pathologique, c'est la souffrance qu’il traduit.

L'adolescence permet aux jeunes de devenir acteur de sa propre sexualité avec une actualisation des fantasmes incestueux et meurtriers. La maturation physiologique permet la réalisation de ces fantasmes et une nouvelle confrontation aux interdits. La question de la séduction se trouve au premier plan. Il faut pouvoir garder le lien avec son enfant sans lui donner l'impression que l'on est dans un jeu de séduction.

Un environnement monoparental fragilise les repères, la différenciation. Il faut quelqu'un pour rappeler l'interdit. La recomposition des familles est aussi un facteur fragilisant au niveau du nouveau conjoint parent ou de la nouvelle fratrie.

L'adolescent est aussi confronté aux mouvements pulsionnels de ses parents qui vivent une nouvelle histoire : forme d’insécurité sur les liens générationnels.

 

Agressions sexuelles dans le cadre de la famille :

Elle fait voler en éclats l'image de l'intérieur sécurisé et de l'extérieur soumis au danger. Se

3 temps propices à la violence sexuelle :

1-temps du nourrisson

2-temps Oedipien

3-temps de l'adolescence

 

1- temps du nourrisson : les soins maternels rencontrent l'intimité et la sexualité du bébé. Tout dépend des limites que le parent aura intériorisé dans le contact avec son enfant. C'est un moment d'excitation pour l'enfant. Quand le parent n'est pas construit au niveau des interdits (pathologies psychotiques), on peut être confronté à une inadéquation des soins et à une première violence sexuelle : surexcitation de l'enfant lors de la toilette. L'enfant est vu comme un prolongement de son propre corps.

2- temps Oedipien : interrogations sur son propre désir et sur celui du parent de sexe opposé. La capacité des parents à poser des interdits est mise à mal quand la relation entre les parents et l'enfant est de l'ordre de la dépendance (dépendance de la mère vis-à-vis de son fils). L'interdit de l'inceste ne peut s'établir car la mère interprète l'amour de son fils à titre personnel et non à titre symbolique : instauration d'un climat incestueux (ambiguïté dans la relation) ou conduites incestueuses (passage à l'acte).

En général, ce sont les pères qui sont auteurs de ces violences. Cependant, les mères ne sont pas inactives dans ces circonstances : elles ferment les yeux car, en général, elles sont dans un lien de type dépendant avec leurs propres conjoints. Chacun se trouve lié par le risque de perdre l'amour de l'autre.

 

Question de la violence sexuelle commise par un homme sur un enfant (fille ou garçon) : on est dans le registre du pré-sexuel. Il y a défaut de maturation psychosexuelle de l'auteur. Dans ce cas, il n'y a pas d'empathie, cela relève de la simple satisfaction sexuelle.

Quand un homme recherche un enfant pré-pubère : est-il dans un registre prégénital ou non ? (Recherche d'une satisfaction sans prendre en compte le désir de l'autre)

la pédophilie n'est pas une pathologie. Elle est reconnue comme contraire aux mœurs dans notre société. La question se pose de la société qui accepterait ce genre de pratique. Dans les sociétés qui marient leurs filles à l'âge de douze ans : s'agit-il d'un traumatisme quand la fille a intégré culturellement et dès l'enfance le fait qu'elle sera mariée jeune avec un adulte. Cela introduit un autre mode d'organisation du lien.

3-temps de l'adolescence : avant l'adolescence, l'enfant n'a pas de moyens de donner un sens à cette agression. C'est ce qui fait traumatisme. À l'adolescence, le traumatisme naît de l'actualisation, de la force physique de la contrainte. L'adolescent comprend qu'il s'agit d'un acte qui relève du rapport sexuel adulte. Ce qui va faire sidération, c'est l’incompréhension par rapport à la motivation de l'agresseur.

Quand l'agression est perpétrée par un autre adolescent, la situation est différente. Il est question du désir de l'auteur mais aussi de son propre désir. Il y a une forte culpabilité des victimes de violence sexuelle. Ce sentiment à une fonction de défense, de protection, d'interprétation de ce qui s'est passé au même titre que le silence ou la dénonciation.

Introduction d'un déni de la dimension traumatique ou de la dimension d'intrusion. L'enfant pense que celui qui a tenté l'adulte et que l'agression est de son fait.

La question du plaisir sexuel chez la victime quand l'agression devient systématique (pas de violence physique mais psychique dans ce cas) est à se poser. De même pour la victime de viol qui éprouve du plaisir lors de l'acte : ce sentiment devient insupportable et destructeur.

 

Dimension du secret : ce qui va avec le secret, c'est le chantage. Cela rend la dénonciation difficile.

 

Le délai de prescription d'une agression commise pendant l'enfance commence à l'âge de dix-huit ans. Ce délai estde dix ans pour un crime, trois ans pour un délit. En matière de violence sexuelle, deux cas se présentent :

- l'agression sexuelle (toute agression qui n'engage pas de pénétration) : c'est un délit donc le délai de prescription est de trois ans.

- le viol (toute agression avec pénétration) : c'est un crime donc le délai de prescription est de dix ans.

Il y a un problème : qu'en est-il de la parole de cet adulte ? Crédibilité de la victime ? Le potentiel de déni, d'adaptation, de reconstruction peut tromper.

 

La dénonciation provoque un risque chez l'enfant : un sentiment destructeur de culpabilité, la peur de ne pas être cru, la peur d'une rupture du lien.

 

Possibilité de visionner les enfants par un enregistrement vidéo doublé d'un dispositif de formation des policiers (accueil et audition).

Objectif : Conduire l’interrogatoire sans induire les réponses de l’enfant. Beaucoup d’enfants refusent l’enregistrement. Par la parole, l’enfant est entendu, soutenu, reconnu. Vient ensuite un grand vide qui dure le temps de la procédure. L'enfant doit être accompagné pendant cette période. L'accompagnement permet le remaniement de la vie psychique de l'enfant.

 

La violence peut être physique et psychique. Un enfant qui n'est pas assez protégé de la vie sexuelle des adultes peut être considéré comme un enfant victime de violences sexuelles : agression vis-à-vis de la psyché de l'enfant.

 

Dans les cas de violence sexuelle dans le cadre de la famille, il peut y avoir des séances avec un psychologue afin de réorganiser la cellule familiale. La dénonciation a un aspect désorganisateur mais aussi reconstructeur. Le fait d'être confronté à un enfant qui a aussi été victime de violences sexuelles peut permettre une prise de conscience et une dénonciation de la part de l'enfant.

 

Tableau clinique de l'enfant violenté :

-         retrait, distances relationnelles

-         grandes proximité, pas d'interdiction du rapprochement corporel

-         hyper maturité, grand discours sur un mode adulte, lien d’adulte à adulte

-         angoisse dépressive ou angoisse phobique qui s'exprime par des projections de fantasmes (dessin)

-         trouble de la sexualité, impudeur, masturbation compulsive

Pour un enfant de moins de quinze ans, la dénonciation est obligatoire.

 

Adolescent auteur de violences sexuelles :

Deux cas : agression ou viol.

La conséquence sur la psyché est différente. Dans le cas du viol, il y a eu intrusion dans l'enveloppe corporelle. Quand il y agression, il y a surexcitation qui va perturber ses repères dans le lien avec l'auteur. La pénétration n'est pas qu'une attaque des liens avec l'agresseur, c'est aussi une attaque de l'intégrité corporelle et de la construction narcissique.

La question de la pénétration est essentielle quant aux répercussions sur la psyché de l'enfant.

Les faits de viol de la part des adolescents renvoient à de vrais désordres psychiques quand les victimes sont des enfants : perversions, psychose, comportements désorganisés…

l'adolescent ne reconnaît pas la victime en tant que sujet. Il s'agit d'une violence qui ne reconnaît pas la personnalité de la victime.

 

Aux États-Unis et au Canada : castration chimique et soins comportementaux (décharges électriques). En France : travail sur la cellule familiale.

 

Maltraitance :

Elle résulte d'une inadéquation des réponses apportées à l'enfant par son environnement.

Les réponses doivent être suffisamment adéquates (si elles l’étaient trop cela n’irait pas non plus).

Winnicott : la préoccupation maternelle primaire. Pendant les premiers jours, la mère trouve les réponses adaptées aux besoins de son bébé. Elle est dans un état psychique particulier que l'on a appelé la préoccupation maternelle primaire. La mère et dans un état d'écoute privilégiée avec son enfant (bulle qui ne laisse place qu’à la relation entre la mère l'enfant). La mère anticipe les besoins du bébé par rapport à son expérience. Petit à petit, cette préoccupation devrait être moins prononcée. La mère va se détacher progressivement de cette fonction de soins. C'est un pare-excitation qui se détend et elle retourne alors vers le père. Le bébé prend conscience qu'il n'est pas tout pour sa mère, et que sa mère n'est pas tout pour lui.

Il passe par des expériences d'insatisfaction et d'absence de la mère. Cela lui permet de se la représenter. Trop de satisfaction mène à la dépendance, trop d'insatisfaction mène à la dépression et à la désorganisation.

Le développement de la préoccupation maternelle primaire est tributaire de la place qu’occupe l'enfant dans la vie psychique de la mère. Si l'enfant devient un appendice de la mère ou un contra dépressif (moyen de lutter contre sa propre dépression), il aura du mal à trouver sa propre autonomie.

Il y a maltraitance quand il y a impossibilité de continuer le lien. Ici, on est pas loin de l'abandon psychique et/ou réel. L'abandon réel va aboutir sur un vécu de détresse de la part de l'enfant, une absence qui ne pourra pas être mis en sens.

L'abandon psychique conduit à un vécu d'effondrement dans lequel il va tenter de réanimer sa mère dans son investissement.

Deux issues possibles :

1-     repli de type psychotique dans lequel l'enfant va trouver des ressources, dans son intérieur, pour survivre. Comportements auto-érotiques : essayer de suppléer excitation perdue avec la perte du lien (par exemple, sucer son pouce). L'enfant se ferme sur la recherche de satisfaction sur son propre corps (il ne faut pas confondre l'auto érotisme avec les objets transitionnels). Il peut y avoir également automutilation (lésion par grattage).

2-     Construction d'une carapace caractérielle : les enfants sont sans arrêt dans la revendication et montrent que rien ne les touche. Mise en oeuvre d'une capacité de non lien. Ce sont en général des personnalités abandonniques : mise en échec des placements à cause de la terreur d'être abandonné. On retrouve les violences, les conduites à risque, la prise de toxiques.

 

Depuis 1984, le placement d'un enfant doit être révisé au minimum tous les deux ans. De plus, le placement doit s'effectuer en dernier recours et doit permettre le retour dans la famille.

Il ne suffit pas de séparer l'enfant pour qu'il soit mieux. Maurice Berger parle de «  séparation à but thérapeutique ». L'enfant peut développer un clivage entre sa vie de placement et sa vie de famille ou un rejet total dû à un sentiment de colère.

La protection de l'enfant évolue dans une idéologie du lien biologique : placement avec rencontre des parents. Cependant, dans ces moments-là, l'enfant n'est pas protégé. Ces visites doivent être médiatisées parce que l'enfant doit être protégé de ses parents en cas de maltraitance : présence effective du travailleur social lors de ces rencontres.