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 l_ONU_aujourd'hui-JF Muracciole-L_ONU_depuis 1945_ellipses_editions_marketing_SA_1996_P50-51 (extraits)

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pour assurer les opérations d'imposition de la paix dont le CS l'avait char­gée (protection des « zones de sécurité », riposte aux agressions serbes), mais le souci de protéger les soldats peu armés de la FORPRONU a fini par inciter les puissances européennes, principales pourvoyeuses en hommes de cette force, à renoncer à de vraies opérations de rétablissement de la paix (voir le débat, en 1992-1994, sur « l'opportunité » des frappes aériennes). La contradiction entre la logique humanitaire et la logique sécuritaire est également apparue. L'affaire somalienne avait déjà montré comment une opération à vocation humanitaire appuyée sur la force pouvait gêner l'action des ONG et contredire à terme ses propres objectifs. En ex-Yougoslavie, la contradiction a été dramatique dans la mesure où l'impératif humanitaire, fondé sur l'acheminement de l'aide et le maintien d'un embargo sur les ventes d'armes, a fini par interdire aux Bosniaques de se défendre tout en ne contribuant pas à diminuer la menace serbe. Au Rwanda, la confusion a tourné à la catastrophe, les Nations Unies, échaudées par le précédent somalien, ayant renoncé à intervenir réellement, malgré l'envoi d'une mission d'assistance humanitaire.

Enfin, on ne saurait négliger le rôle parfois négatif des opinions et des média occidentaux, dont les indignations, aussi violentes qu'éphémères, interfèrent avec la politique des États et, partant, avec celle de l'ONU : le « show médiatique » couvrant l'arrivée des Marines en Somalie, à l'automne 1992, offre une illustration exemplaire de cette dérive. La méditation de ces échecs devrait conduire, à l'avenir, à distinguer clairement les missions et à réfléchir à l'élaboration d'un code de doctrine du maintien de la paix.

La faillite financière

L'ONU vit depuis longtemps au bord de la faillite financière. Déjà en décembre 1986, alors que les dépenses liées aux opérations de maintien de la paix étaient limitées, l'ampleur du déficit avait suscité le vote d'une réso­lution de l'AG qui engageait une planification du budget. Depuis, la situa­tion n'a fait qu'empirer. Le déficit provient d'une très forte augmentation des dépenses et d'une stagnation et d'une rentrée irrégulière des recettes.

Les États contribuent au budget général de l'ONU selon leur richesse. Alors que les pays les plus pauvres, comme le Mali, ne fournissent chacun


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que 0,01% des recettes et que les nouveaux pays industrialisés, comme la Thaïlande ou la Malaisie, n'en fournissent que 0,1%, les États-Unis en pro­curent 25%, le Japon 12,4%, l'Allemagne 8,9%, la Russie 6,7%, la France 6% et le Royaume Uni 5%. En dépit d'un arrêt de la CIJ de 1962, qui rap­pelle le caractère obligatoire des contributions, le principal problème pro­vient de la mauvaise volonté des États à régler leur quote-part au budget de l'Organisation. Deux des principales puissances, les États-Unis et la Russie, ne montrent pas l'exemple, puisque leurs arriérés atteignent les montants respectifs de 320 et de 400 millions de dollars. Le déficit américain s'ex­plique par le fait que ce pays, principal bailleur de fonds de l'Organisation, refuse, depuis le milieu des années 1980, de régler l'intégralité de sa quote-part pour protester contre la mauvaise gestion et la bureaucratisation de l'ONU. Alors que seule une vingtaine de pays sont à jour dans le paiement de leur contribution1 et que le budget annuel de l'Organisation est de l'ordre de 3,6 milliards de dollars, le total des recettes non perçues dépasse aujour­d'hui deux milliards de dollars.

Au passif, les opérations de maintien de la paix grèvent lourdement le budget de l'Organisation. Même si l'ONU n'entretient pas d'armée perma­nente, elle doit dédommager les États qui fournissent des contingents. L'ONUSOM a coûté plus d'un milliard de dollars pendant que la seule FORPRONU en engloutit annuellement 1,2 milliard. Concrètement, l'ONU prend en charge les frais d'hébergement et d'intendance des Casques bleus et elle rembourse aux États les frais de transport, le matériel perdu et une partie de la solde des personnels. Le fardeau est si lourd que, depuis 1973, année où fut créée la seconde FUNU au Moyen Orient, les opérations de maintien de la paix relèvent d'un budget spécial - aujourd'hui largement supérieur au budget général - au sein duquel la contribution des membres permanents du CS est proportionnellement plus importante que dans le cadre du budget général2. Malheureusement, les retards de paiement russo-américains se retrouvent dans ce budget : les deux pays, en 1994, cumu-

II s'agit, pour l'essentiel, des pays de l'Union européenne, du Japon, de l'Australie, du Canada et de la Chine.

En 1993, la part des contributions au budget des opérations de maintien de la paix était la suivante : États-Unis, 31,7 % ; Japon, 12,5 % ; Russie, 8,5 % ; France, 7,5 % ; Royaume Uni, 6,5 %. Les pays industrialisés assurent 98 % du coût total de ces opérations.

 

 

 

 

 

 

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pression de l'opinion internationale et en coopération avec l'OTAN, le CS adopte des mesures plus contraignantes sur le plan militaire : interdiction des vols militaires au-dessus de la Bosnie (octobre 1992) et définition de « zones de sécurité » (avril 1993). Finalement, la FORPRONU s'avère incapable de protéger efficacement ces zones et, à l'été 1995, la ville de Srebrenica est prise par les Serbes de Bosnie dans d'atroces conditions. La crise yougoslave se dénoue à l'automne 1995 sous l'effet conjugué de l'inversion du rapport de force militaire entre Croato-Bosniaques et Serbes et de l'intervention occidentale (envoi d'une « Force de réaction rapide » franco-britannique, frappes aériennes massives de l'OTAN en septembre 1995). C'est finalement la diplomatie américaine qui, en novembre 1995, arrache aux protagonistes les accords de paix de Dayton, officialisés par un traité de paix, signé à Paris en décembre 1995. L'action de l'ONU a été plus efficace en Macédoine où le déploiement préventif d'une FORPRONU III (décembre 1992) a contribué à éviter l'extension du conflit à cette répu­blique.

2. Les limites du renouveau

Les interventions de l'ONU dans les crises irakienne, somalienne et yougoslave ont révélé de graves dysfonctionnements qui ont fini par faire douter de la capacité de l'Organisation à établir et à garantir un « nouvel ordre mondial ».

Les limites du maintien de la paix

La remise en cause du schéma traditionnel du maintien de la paix est profonde : à des contradictions relevant de l'organisation et de l'orientation politique des missions s'ajoute une interrogation sur leur définition même.

L'organisation des missions de l'ONU a montré ses limites en Somalie et en Yougoslavie. Du point de vue strictement militaire, la lourde chaîne de commandement de l'ONU, malgré l'instauration d'une Spécial Task Force, a souvent retardé, si ce n'est empêché, la mise en œuvre des ripostes. Les procédures se sont encore alourdies quand l'OTAN a dû engager, au nom de l'ONU, des opérations de représailles à rencontre des Serbes. De


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fait, les conflits n'ont pas cessé entre les officiers de la FORPRONU et de l'OTAN et le représentant du Secrétaire général. En outre, les opérations récentes (Cambodge, Somalie, ex-Yougoslavie) ont posé le problème de la coexistence de contingents militaires aux cultures et aux moyens très diffé­rents. Les brutalités, voire les trafics, dont se sont rendus coupables certains contingents fournis par des pays du Tiers Monde ont déconsidéré l'action de l'Organisation et révélé la nécessité d'une préparation spécifique, au sein des armées nationales, aux opérations de maintien de la paix. Enfin, la présence même des forces de l'ONU a suscité, dans certains pays très pauvres, des effets économiques pervers. Ainsi, au Cambodge, en Namibie ou en Somalie, l'ONU, devenue le principal employeur local, a provoqué une hausse artificielle des salaires avant de plonger ces fragiles économies dans l'embarras en se retirant brusquement.

Plus graves encore sont les dysfonctionnements politiques. Les États-Unis ont eu parfois tendance à détourner le sens des résolutions votées par le CS au service de leur propre politique. On songe à la « chasse au général Aydiid » qui, bien que légitimée par la résolution 837, a contribué à ruiner le crédit de l'ONU en Somalie. On songe aussi à l'embargo économique contre l'Irak que les États-Unis refusent de lever tant que Bagdad ne recon­naît pas la souveraineté du Koweït et ne respecte pas les droits de l'homme. Or, la résolution 687 liait la levée de l'embargo au seul désarmement de l'Irak. Il est difficile de ne pas penser que le maintien de l'embargo n'est pas motivé par le souci de soutenir les cours du pétrole au bénéfice des monarchies du Golfe, fidèles alliées des États-Unis. Le comportement des troupes russes en ex-Yougoslavie et l'aide à peine cachée qu'elles ont apportée aux Serbes de Bosnie révèlent un autre aspect de ce problème.

Plus profondément, la crise yougoslave a posé la question de la défini­tion même du maintien de la paix. Une double confusion n'a, en effet, cessé d'entraver l'action de l'ONU dans cette affaire. En premier lieu, l'ONU s'est avérée incapable de trancher entre le « maintien » de la paix (fondé sur la neutralité) et le « rétablissement » ou « l'imposition » de la paix qui, se réfé­rant au chapitre VII de la Charte, suppose la désignation d'un agresseur et l'emploi de moyens coercitifs. L'hésitation permanente entre ces deux options a conduit à des résultats désastreux. Non seulement la FORPRONU, force de maintien de la paix, n'avait pas les moyens militaires