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Sociologie
et anthropologie de l'engagement humanitaire
On parle d'engagement, de participation et d'implication dans le domaine public. Cela nous amène à souligner que ses dimensions à avoir avec la notion d'espace public, ce que Kant aurait qualifié de régime de publicité : capacité à se rendre visible publiquement. Pour Hanna Arendt (les origines du totalitarisme, la condition de l'espèce humaine) l'espace public est représenté par l'agora athénienne du siècle de Périclès. J. Habermas : il s'intéressa la notion de l'espace public lié à la philosophie des lumières avec des publicités et un régime d'argumentation et de débats. La place du marché avec la libre circulation de marchandises n'est pas qu'un lieu d'échanges de ces marchandises mais d'échanges d'opinion. C'est un laboratoire d'expression démocratique. Le régime de publicité est un régime de visibilité, manifestation qui va de paire avec une contrainte de justification. Il faut se faire voir mais aussi justifié, données du sens à ce que l'on dit pour être personne publique. Il existe le public d'actions (qui se manifeste) mais aussi le public d'observation (les personnes que l'on sensibilise). Cette publicité est indissociablement liée à une ou plusieurs cibles que l'on cherche à convaincre : il faut faire une extension de l'idée que l'on veut faire passer, fabriquer une cause commune. Quelle est la cause de mon engagement ? Ici, un travail avec une dimension identitaire. Un certain nombre de travaux disent que nous sommes de plus en plus marquer par l'accent mis sur l'autonomie et l'initiative individuelle, le gouvernement de soi (Alain Ehrenberg : le culte de la performance, la fatigue d'être soi, l'individu incertain) Processus d'individualisation des responsabilités (individualisme signifie égocentrisme). Nous sommes dans des sociétés où nous sommes obéissants et disciplinés (Foucault : surveiller et punir, cadre pour tous les hommes, histoire des institutions carcérales). La socialisation, c’est entrer en relation, apprendre surtout par le langage, ordonner les relations, intégrer les interdits, la transformation de l’être empirique en l’être social. Jusqu’en 1950, la vie était réglée par l'obéissance aux règles, la conformité aux moeurs. La socialisation dans le cadre d'une société disciplinaire dans laquelle on est conforme est très fortement marquée par l’adaptation de l'individu un rôle, une place sociale qui lui est attribuée. Il existe cependant une mobilité sociale dans ce cadre mais celle-ci est lente : que se déroule sur plusieurs générations. La société se présente en termes de statut, de reproduction sociale, de conflits des classes. Aujourd'hui, ce qui était réservé à une élite est ouvert à tous : c'est l'expérience de l'incertitude. Les hommes allaient et doivent se construire une histoire personnelle, l'obligation d'être libre comme caractéristique de notre modernité. Il faut disposer de bons repères pour prendre les bonnes décisions sinon il y a une impuissance à agir et une fatigue de soi (problèmes psychiques). L'augmentation de la responsabilité rend les personnes de plus en plus vulnérables socialement. Nous sommes ici dans la lutte pour l'émancipation contre l'aliénation (intégrer un mode de domination), une politisation de problèmes considérés comme privés (droit à l'avortement, libre disposition de soi, libération sexuelle), un processus de sortie de la colonisation. Comment faire pour échapper à ce qui nous prédétermine dans le passé ? 1980 : comment faire face à l’indétermination de l'avenir ? Période d'ébranlement des certitudes. La confiance dans le progrès, la technique, mène à l'ébranlement des idéologies : l'humanité prend conscience sa capacité de destruction. D'autres phénomènes qui ébranlent : le sida… Le lien, pour être maintenu ou détruit, subit la négociation de la part des personnes qui entretiennent. L'intériorisation du vocabulaire de l'autonomie peut être articulée avec l’indétermination démocratique où il y a une dissolution des repères de la certitude puisque nous sommes des sociétés sans fondement ancré dans la nature, une divinité ou l’ordre des choses. L'individu n'est pas quelqu'un qui part à la conquête de sa place mais une figure vouée à l’indétermination. C'est ce qui s'appelle le processus d'indétermination démocratique : processus qui pousse à inventer son histoire, à trouvé par soi-même sa place dans la société au lieu de se la faire dicter a priori par les dieux, la nature, les institutions. Passage de l'hétéronomie à l'autonomie. Les lois ne viennent plus de l'extérieur mais de l'intérieur, la société est autonome. La thématique de l'engagement dans l'espace public est une manière de comprendre comment se produit de l'individuel et du collectif. Elle s'appuie sur la société auto-fondée (Alain Tourraine : la production de la société) Pour Boltanski, l'engagement opère une articulation entre l'individu et la société. Il constitue l'acte politique par excellence dans la mesure où des hommes présumés libres de toute attache préalable, sortent de leurs réserves pour prendre parti pour une cause. (La souffrance à distance) La notion de la distance par rapport aux appartenances identitaires devient centrale. Qu'est-ce qui nous pousse à l'engagement pour des individus ne partageant pas les mêmes valeurs, la même religion, la même langue ? La commune humanité ? L'engagement dans un collectif correspond en France à une configuration socio-historique particulière. (Jacques Ion : l'engagement pluriel, la fin des militants ?). Le désintérêt pour la chose publique est-il une forme de désengagement, d’individualisme ? Y a-t-il d'autres formes d'engagement ? Réflexion de type socio-historique : le type syndical est un modèle mixte qui combine du communautaire et du sociétaire. Jean-Jacques Rousseau : il existe un contrat social entre des personnes libres sans pour autant que l'existence sociale, expression publique de celle-ci, se réduise à l'appartenance au groupe. C'est un idéal républicain, idéal sociétaire. Pour Jacques Ion, il y a une relation entre les citoyens et la nation (liberté, égalité, fraternité) en 1791, la loi le chapelier abroge les corporations. Les corps intermédiaires disparaissent. Il faudra un siècle pour les légitimer (1884, 1901, 1905). Le pôle communautaire existe en France. L'existence du groupe est considérée comme préalable aux individus. Ce pôle est omniprésent, mais est nié juridiquement. Cette articulation entre communautaire et sociétaire est aussi une articulation entre horizontal (local, de proximité) et vertical (intégration nationale). Le « nous » d'un groupement est bifront. Le « nous » d'une collectivité concrète qui traverse ensemble des moments fusionnels fort est englobé par un « nous » abstrait qui rassemble les « nous » locaux de même type (du « nous » ouvriers de telles usines au « nous » ouvriers français : forme fédérative). La fédération est l'opérateur de l'intégration et la figure du militant est caractéristique de ce modèle. Cependant, ce modèle est en crise : affaiblissement de la forme fédérative, autonomisation fonctionnelle des groupements (manifestation de 1986 contre le gouvernement Chirac qui veut réformer l'université et instaurer un numerus clausus. Contraire au principe d'égalité. Ce fut la première fois qu'un mouvement social se revendiquait apolitique. Or, il n'y a pas de mouvement social apolitique. 1989 : les coordinations infirmière qui représentent un autre mode d'expérimentation de faire du collectif. Coordination pour sortir du modèle de fédération). Il faut ajouter l'émergence de nouvelles causes de type supranational ou méta-territorial : humanitaire, écologie... Explosion des O.N.G. (ici, importance de la partie non-gouvernementale qui souligne un désir d'indépendance). Les repères habituels de l'action collective vont être ébranlés. La pollution ne reconnaît pas les institutions géopolitico-administratives et les frontières. L'action humanitaire peut se faire en dehors du droit, secourir l'autre en dépit de son statut d’apatride, de sa religion. Accomplissement de la qualité humaine. Comment l'humain se manifeste ? S'accomplit ? Peut se vérifier ? On arrive à la fin des idéologies, des grands récits ( J.F.Liotard) et on entre dans la société du risque (Beck, Guiddens, Ost : « le temps du droit »). On glisse vers une éthique de la responsabilité plutôt que vers une éthique de la conviction (Weber : contexte du savant et du politique). La conviction, c'est le respect inconditionnel des valeurs quelques soit les conséquences. La responsabilité, c'est la prise en compte des conséquences de nos actes. Ici, la prise de décision de la part des experts ne peut plus être exonérée de l'exigence du processus démocratique c'est-à-dire du forum et du débat public. Il ne faut pas laisser les experts décider et les politiques disposer.
On assiste à une multiplication des conflits lors de l'interprétation. On fait appel à nos enfants pour nous responsabiliser les actions que l'on fait actuellement : « ne laissons pas à nos enfants une planète poubelle ». On constate aujourd'hui des engagements ponctuels, éphémères, multiples, limités dans le temps, de moins en moins marqués par les appartenances idéologiques. Avant, les origines jouaient un rôle déterminant dans l'engagement de l'individu. Le chemin de l'engagement était structuré par les réseaux idéologiques (religion, familles). Aujourd'hui, les pistes sont brouillées ; les hommes déterminent eux-mêmes les réseaux et non l'inverse. Les personnes viennent de moins en moins dans un groupement pour conforter une identité collective mais de plus en plus individuellement pour exercer des responsabilités et obtenir des résultats. On cherche du concret en temps limité : passage du timbre au post it, adhésion forte contre adhésion moins forte. Les idéologies sont affaiblies : il existe des collectifs informels, qui ne prenne même pas la peine de se déclarer. Le rituel diminue. Beaucoup de mouvements fonctionnent sans assemblée générale ni élection : autre mode de fonctionnement que le mode représentatif. Autre dimension : professionnalisation, normalisation des stages. On voit se convertir des savoirs dans les associations. Chez les bénévoles, l'engagement se fait par identification au bénéficiaire. On parle de plus en plus en son nom, on passe de l'anonymat au personnel : montée en force du témoignage public. Parler de ce qui nous arrive donne de l'authenticité, souligne le caractère unique d'une expérience. Il y a une ré- articulation entre l'acteur et le patient, une requalification identitaire, un retournement du stigmate. La visibilité publique est liée à la reconnaissance sociale : les personnes doivent faire tout un travail pour la reconnaissance sociale et la revalorisation (pratique de L’OUTING). Aujourd'hui, les personnes rejetées pour leurs comportements à risque sont en première ligne dans le travail de sensibilisation et de responsabilisation.
Comment analyser une affiche ? 1- la topographie : environnement, installation physique. Logique d'accessibilité. Symbolique : bâton de reconnaissance. Il faut rassembler les morceaux pour obtenir l'intégrité d'origine. La dimension symbolique renvoie à quelque chose qui n'est pas toujours accessible. C'est la représentation d'une absence, une codification socialisée. 2- étude de l'affiche en elle-même. Charte graphique. Concept, mode d'organisation. Il faut rester dans le subjectif, dans la description. Utilisation de l'ironie, du passé, du modèle iconographique qui a déjà été vu et qui est porteur de symbole. Il faut rendre possible la monter en généralité. 3- travail sur le texte. Étude de la substitution d'auteur et du potentiel signifiant. L'action que l'affiche suscite, la réaction (dispositif d'agissabilité), l'expression d'actions, fait que cette affiche est un support agissant et agissable. Comment cela peut-il déboucher sur une action ? Question de la signature : une affiche est un lieu d'expérimentation de l'identité que l’O.N.G. veut se construire (Pollak : l’identité blessée, l'expérience concentrationnaire). L'affiche est un espace d'action de l'association sur elle-même et non un support toujours tourné vers l'extérieur. Question de l'affectif et du travail de sensibilisation (Boltanski) 1980 : tournant épistémologique dans les sciences sociales et émergence de ce que certains appellent les nouvelles sociologies. L'idée est de mettre l'accent sur le fait que nous vivons dans des sociétés de pluralisme des appuis normatifs, la compréhension de cette société par rapport à un équivalent général dénommé « capital » ou « pouvoir » : sociologie critique. On a affaire à des modèles de sociologie du monde critique. Il y a tout un travail pour repenser la compétence du sociologue et la compétence de l'acteur : on suppose que le sociologue et mieux placé pour expliquer les phénomènes que l'acteur (acteur dans le sens de personne qui agit), mettre en lumière les mécanismes cachés de l'action sociale. Présupposés de dissymétrie : compétence critique du sociologue et action inconsciemment prédéterminée des acteurs. Les acteurs ont une capacité propre à critiquer la société, à exposer leur action (économie de la justification), à rendre compréhensible leur manière de travailler, observer et justifier leurs actions. La sociologie critique s'inscrit dans un domaine de dénonciation des inégalités sociales et leur reproduction. Comment les acteurs peuvent justifier leurs actions ? Développer leur compétence critique ? Cette compétence n'est pas exclusivement le monopole du sociologue. Dès lors qu'ont veut dénoncer une situation publiquement, il faut la monter en généralité. Il faut grandir sa cause (économie de grandeur). Il faut passer de la situation concrète à une situation générale. La compétence critique des acteurs est la capacité de ceux-ci à justifier et généraliser leurs actions. Le sociologue est plus qu'un acteur, c'est un acteur des transformations sociales. Il a une place particulière dans l'ordre social. Les groupes à faibles ressources : comment s'organisent-ils pour faire la promotion de leur cause et modifier leurs conditions d'existence, accéder à l'espace public, se faire entendre ? La
souffrance à distance Cet ouvrage s'inscrit dans la multiplication et la médiatisation des actions humanitaires. C'est une philosophie morale, une culture de l'authenticité qui demande la réalisation de soi, être soi-même. C'est donc la tension entre un idéal égoïste de la réalisation de soi et un engagement altruiste dans des causes qui se réalisent par l'action. L’humanitaire représente cette tension et c'est pour cette raison que le mouvement humanitaire est dénoncé en tant que l'action humanitaire donnerait à chacun la chance de cultiver son soi en s'émouvant de sa propre pitié au spectacle de la souffrance autrui. Comment l'introduction de l'argument de la pitié en politique a conduit à prendre la souffrance à distance ? , comment la politique des états embrasse une généralité (pluralité de situations de souffrance) ? Pour qu’une situation entre dans la sphère politique, elle ne peut pas être réduite à un cas particulier. C'est l'état qui mène les politiques des pitiés pour traiter une situation de souffrance. L'action humanitaire : 1- signale les carences de l'action publique, solidarité de proximité 2- a un impératif d'urgence 3- transgresse les cadres habituels de l'action. Promotion d'une conception de l'être humain au-delà de son quadrillage géopolitique et administratif. Le malaise du spectacle de la souffrance n'est pas la conséquence des moyens de communication moderne mais il surgit en même temps que l'entrée de la pitié en politique. Question centrale de l'ouvrage : à quelles conditions le spectacle de la souffrance est moralement acceptable ? L'engagement est celui marqué par une orientation vers un horizon d'actions. Comment agir quand on est loin géographiquement de celui qui souffre ? On peut s'engager par la parole en mettant à disposition cette parole à l'autre, d'un même mouvement qui tient ensemble, ce qui a été vu et la façon dont le spectateur s’est trouvé affecté par ce spectacle. La parole devient agissante. Trois notions : la dénonciation, le sentiment et l'esthétique. À travers ces trois notions, Boltanski expérimente le transport de la parole pour que celle-ci soit une invitation à l'action. Idée : face au spectacle de la souffrance, on ne peut pas rester impartial, neutre. Une parole impartiale de se retourner contre les spectateurs. L'objectivité détient plus et les acteurs humanitaires peuvent faire cette médiation : photo, image... Présence des affects et de l'émotion dans l'appel à l'action publique. L'expression de cette émotion est marquée par notre environnement, cela nous pousse à réagir.
Sociologie
et anthropologie de l'engagement humanitaire Question de la transformation de la solidarité. La manière dont la société panse/pense ses problèmes, les traites en les construisant comme des questions avec un début de réponse. 1-problème de l'échec scolaire : s'intéresser à l'individu en société. Problème de l'intégration de la société pleine et entière. Dans le cadre de l'échec scolaire l'enfant est défaillant au niveau de son intégration sociale. 2-mouvements militants et nouvelles formes d'engagement : bénévolat. Exemple des psychologues qui officient dans des cellules d’appui aux SDF. On observe ici les limites de la société, de l'humanité. Plan 1-
la place sociale 2-
l’émancipation sociale 3-
la reconnaissance sociale Métamorphose de la
solidarité dans la société des individus Introduction La solidarité est un savoir sur le lien social plus qu'une pratique, nourri des expériences de l'injustice en la matière. On parle de solidarité seulement lorsqu'il n'y en a pas, diagnostic de la désolidarisation. L'idée est de problématiser des déficiences. Concept de problématisation tiré de Foucault : « dis-moi comment une société pose ses problèmes, je te dirai ce qu'elle est. » « L'expérience injustice », Emmanuel Renauld Nous sommes dans une société collective théorisée par les lumières qui concilie le collectif et l’individuel. Lumières : ce qui est sacré, c'est la liberté individuelle. Cette liberté doit être une croyance collective qui permet à tous être libre individuellement. La solidarité, c'est cette croyance qui se métamorphose au cours du XXe siècle. Il faut repérer les articulations des savoirs sociologiques et psychologiques et voir leur évolution qui fait que la solidarité évolue également. Il y a trois types de solidarité, savoir ou croyance. Beaucoup d'observateurs du social sont des nostalgiques d'une société d’or qui n'a jamais existé. I- Modèle
de la place sociale (1881) Image du carbone ou de la ruche : chaque individu est dans une alvéole. Plus l’individu a de liens sociaux (cellules carboniques rattachées entre elles) plus le tissu social est solide et de ce fait la société elle-même l’est aussi (Durkheim). Solidarité vient de solidium : solide Chacun doit tenir sa place, s'y sentir bien. L'âge d'or de cette solidarité se situe entre 1920 et 1930. C'est une religion civile qui essaie de transformer ceux qui héritent en ceux qui méritent. C'est donc une critique du système issu de l'ancien régime. On recherche la justice par l'intelligence scolaire et non par héritage ou par la noblesse. Ce système est fondé sur une traduction sociologique de l'évolutionnisme darwinien. L'évolutionnisme darwinien a deux bases : différenciation et intégration ; règle numéro un de l'évolution des espèces. Il faut se différencier pour mieux s'intégrer dans un environnement changeant. Dans ce modèle, les personnes sont interdépendantes et non interchangeables (modèle du taylorisme). Chaque individu dépend du travail des autres. Plus on est autonome, plus on est interdépendants. Une personne qui n'est pas interdépendante, c'est-à-dire entourée, ne peut pas être autonome, avoir une identité. Il faut arriver à ce que chacun occupe une place particulière et qu'il soit heureux de l'occuper avec ses mérites, ces aptitudes, pour que la société soit solide, solidaire. Ce système a besoin d'être institué car il n'existe pas en tant que tel. Le lien ici et d'essence religieuse (qui nous relie. D'ailleurs Durkheim était un religieux) : pour que la société devienne forte, il faut y croire comme on croit en Dieu. Durkheim théorise l’idée que c'est à l'école que l’on va éduquer les enfants : obligation d'apprendre les règles de la vie en société, éducation à la citoyenneté. L’idée est que la société est sacrée pour ceux qui y croient. On doit renoncer à nous servir d'une force divine, ce qui nous est de régir le monde est dans le monde lui-même : opposition entre la science la religion. La puissance morale (qui remplace le divin) aussi forte que la puissance physique, c'est la société. Une société est à ses membres ce que Dieu est à ses fidèles. L'individu social est pris dans une croyance qui le dépasse : la société instituée commune divinité. On fait alors de l'éducation morale à l'école. On est dans une société pédagogique : construction d'un savoir, d'une croyance. C'est le modèle de la solidarité organique, nationale, républicaine. La possible internationalisation passe par le modèle de la société des nations : la nation remplace individu dans chaque alvéole. Ce modèle de solidarité suppose que l'individu est heureux d'occuper la place qui lui revient. Pour ce qui est de la légitimité de ceux qui distribuent les places, on doit se placer dans la sphère psycho-pédagogique créée par Binet, également inventeur du quotient intellectuel. Binet utilise des cobayes de l'école de Jules Ferry. Son génie technologique réside dans la reconnaissance du continuum de l'intelligence : ceux qui avaient moins de 100 de quotient intellectuel étaient envoyés à l'asile, étant qualifié d'anormaux incurables. À la suite de ces travaux, ils sont qualifiés de retardé et non plus d'incurable. Dans ce contexte, n'importe quel membre de la société peut rattraper son retard. Société du progrès du développement, progrès des capacités : c'est de la discrimination positive. Comment savoir si la place acquise est la bonne si on admet une possibilité de progrès ? L'intelligence qui est mesurée par ce procédé est l'intelligence scolaire propice à la construction de cette société méritocratique. On n’est plus dans le modèle de l'acquisition des biens par la noblesse : hiérarchie méritocratique, inculquer dans la psyché des enfants la croyance en la société, la bonne société. La solidarité qui se fonde sur cette société suppose l'auto-fondation : nous sommes capables de nous auto-fonder sans divinité (Kirikou), auto-engendrement. Nous pensons que nous sommes les seuls à pouvoir gouverner le monde, or ce n'est pas le cas, car nous sommes gouvernés par les cataclysmes… la fondation va avec l'idée de progrès, avec l'idée que l'homme est perfectible. II- Modèle
de l’émancipation sociale (30 glorieuses : 1945-1975) Ce modèle est caractérisé par les retombées des politiques d'enseignement. Nous avons un accès massif au savoir. Les équipements collectifs augmentent de façon importante. Cela renforce le savoir sur le monde, la protection sociale, la mobilité sociale, économique et géographique. Les aléas de l'existence sont réduits et un espace du « possible » s'ouvre ainsi que les modes d'actions et les alternatives qui se présentent à nous. Nous sommes plus indépendants de nos communautés d'appartenance et on est plus enclin à nous occuper de nous. La liberté individuelle passe à travers des valeurs d'épanouissement personnel en tant que valeur collective. Il y a un lien avec le droit à disposer de son propre corps. Le corps devient un enjeu politique. Le coeur de ces transformations socio-culturelles est que l'homme devient propriétaire de son corps. Ici, le cadrage social est le suivant : la société n'est plus une institution sacrée mais un objet de critiques. Critique de l'inégalité provoquée par l'école. Une nouvelle noblesse apparaît : la noblesse d'état (Bourdieu) qui provient du capital culturel, matériel et social, capital symbolique. Dans ce cadre-là, on continue à hériter. Mais Bourdieu n'est qu'un théoricien qui pense que la critique de la société est dans la société elle-même car le problème est reconnu par une bonne partie de cette société. Le lien qui s'institue alors et de l'ordre du militantisme : c'est parce qu'on est militant qu’on a l'expérience de l'injustice. C'est une critique forte de ce qui va mal. On passe du sentiment religieux, de la pitié à la conscience politique, le militantisme. La solidarité vient de la critique de la société : nous ne sommes pas intégrés dans la société mais « engagés ». Société
« engagement/épanouissement » L'objectif est de dénoncer l'injustice, faire découvrir à l'individu son passé aliénant, mieux connaître la société pour se libérer des contraintes de la domination, s'émanciper. Il existe des mécanismes de la domination externe (société) mais aussi des mécanismes de la domination interne (la famille). Il faut être dans une attitude positive à l'égard des faibles et s’associer à eux pour agir contre les puissances. Il existe le même projet d'émancipation chez les sociologues critiques que chez les psychologues pour lutter contre l'aliénation sociale. La société est désacralisée, obstacle à l'épanouissement personnel. Cette solidarité critique est de type progressiste, fondée sur le progrès social. Il ne faut plus en Dieu, en la famille, l'avenir est devant nous et il faut faire table rase du passé. III- Modèle
de la reconnaissance sociale Vocabulaire actuel : respect, estime, reconnaissance. La reconnaissance et l'inverse du mépris. Nous emmagasinons des situations de mépris social en permanence. La manière de penser le lien entre nous est négative. On pense à ce qui fait le lien par rapport à ce qui le défait : l'expérience de l'injustice et l'expérience de ceux qui sont sortis de la route. Castel : la déliaison familiale s'accompagne de déliaison professionnelle. Association de 2 ensembles de la société : la famille, la profession. Désaffiliation. Cela produit un individu qui est l’inverse de l'individu émancipé. C'est un individu négatif, défini par la soustraction de ces attaches collectives, un homme sans lien. En psychologie : il s’agit d’une psychopathologie du lien social. Il y a un échange entre le psychique et le social : intériorisation des éléments extérieurs et extériorisation des éléments intérieurs à la personne. Une personne dépressive est une personne qui va mal au niveau social. Les sphères intérieures et extérieures sont poreuses. La pathologie du lien est reliée au problème narcissique. Transmission narcissique : des parents socialement et psychiquement épanouis vont reporter sur leur enfant leurs désirs non réalisés. Le problème est que ce contrat narcissique peut être brisé : le contrat prend fin quand les enfants sont impuissants face au rêve impossible à réaliser ou lorsque les parents sont trop exigeants. Une brèche psychique s'ouvre par l'état de manque de reconnaissance des personnes qui ont investi en nous. S'installe une honte, une colère qui désorganise l'estime de soi, la confiance, le narcissisme. La personne peut ressentir de la rage, tomber dans la dépression (la fatigue d'être soi), ou dans l’impossibilité de faire quelque chose. Le culte de l'émancipation qui nous a contraint à être émancipé se retourne contre nous car nous sommes confrontés à des situations dans lesquelles nous ne pouvons plus nous émanciper. On ne peut pas être ce que l'on attend de nous ce qui conduit à la désapprobation sociale et à des réactions violentes ou dépressives. Ici, la solidarité touche aux attachements des proches. C'est la solidarité de proximité. Il faut essayer de reconstruire son tissu social. On est dans une dynamique non plus de l'émancipation mais de l'attachement. On passe du militantisme au concernement. C'est une solidarité présentiste. Pour être dans un bon lien de solidarité, il faut être présent au présent : à partir de la situation présente (urgence) que peut-on faire là, maintenant et aujourd'hui ? Il faut tout miser sur le présent (adieu passé et futur). Les projets sont réduits et à courts termes. Cette solidarité tend à être coproduite : elle se fonde sur la coresponsabilité de l'aide. La personne que l'on aide est aussi responsable de ce qui lui arrive, de la désolidarisation dont elle est victime. Responsabilisation des plus faibles, judiciarisation des crimes. Notions clef de cette solidarité : nostalgie de la société, solidarité de proximité, solidarité coproduite, psychopathologie du lien, présentisme. |
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