DIPLOMATIE 

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DE LA DIPLOMATIE HUMANITAIRE : ILLUSIONS ET REALITES DE L’IDEOLOGIE HUMANITAIRE

 

Introduction : qu'appelle-t-on "diplomatie humanitaire"?

 

1) La diplomatie humanitaire : le modèle conceptuel

A - Les origines : l’environnement international et le « nouvel ordre international humanitaire »

         lLa fin de la guerre froide

         lUne nouvelle approche de la paix et de la sécurité collectives

         lLe "nouvel ordre international humanitaire"

B - Naissance d’une idéologie humanitaire : le concept de « cohérence »

         lLes principes de la "cohérence"

         l « Cohérence » et dispersion

         lLe prix Nobel de la paix 1999 : une image de la « cohérence » ?

C - La multiplication des acteurs « humanitaires »

         lLes acteurs du champ humanitaire

         lLe label humanitaire

         lL'idéologie humanitaire à l'origine d'un flou conceptuel


 

2) La diplomatie humanitaire : les traductions opérationnelles

 

 

A – Le nouvel axiome de la gestion des conflits

         l L’évolution des organigrammes internationaux : l’Union européenne

         l L’évolution des organigrammes internationaux : l’ONU et les OMP

         l Les résolutions du Conseil de Sécurité et les interventions          « humanitaires »

 

B – Le droit d’ingérence : vers une privatisation de la sécurité collective?

         l Du devoir d'assistance au "droit" d'ingérence : du droit des victimes au          pouvoir des Etats

         l Quels fondements juridiques au "droit" d'ingérence?

         l Le "droit" d'ingérence paradigme de la diplomatie humanitaire : la          sécurité collective en danger?

 

C – Quelles solutions la diplomatie humanitaire propose-t-elle?

         l Protection de l'aide et des secouristes, logistique humanitaire

         l Quelles conséquences pour les victimes?

         l Mesures cosmétiques

 

 

 

Conclusion : La diplomatie humanitaire est-elle dangereuse ?


 

 

Introduction : qu'appelle-t-on "diplomatie humanitaire"?

 

 

 

l Les acteurs humanitaires font de la diplomatie?

 

lLa diplomatie est devenue humanitaire?

 

l La référence humanitaire vient légitimer des stratégies diplomatiques?


[1) La diplomatie humanitaire : le modèle conceptuel]

 

 

A - Les origines : l’environnement international et le « nouvel ordre international humanitaire »

        

 

         lLa fin de la guerre froide

A l’issue de la guerre froide, les Etats cherchent les fondements d’un nouvel équilibre international.

 

         lUne nouvelle approche de la paix et de la sécurité collectives

Paradoxalement, la sortie du contexte d’affrontement institutionnalisé, qui prédominait durant la guerre froide,  est favorable à la recherche de stratégies globales de paix : parce que le monde apparaît plus dangereux, en constante instabilité, le souci de promouvoir la paix est plus présent. Désormais, si les problèmes posés à la paix restent d’ordre militaire, les problèmes posés à la sécurité internationale, tout en comprenant la plupart du temps les questions militaires, sont toutefois plus variés .

 

         lLe "nouvel ordre international humanitaire"

Cherchant de nouveaux outils qui leur permettent de déployer des stratégies pertinentes pour la défense de leurs intérêts, les Etats proclament l’avènement d’un nouvel ordre qui serait fondé sur la promotion de la démocratie, le droit international et l'ingérence humanitaire.

G. Bush, janvier 1991 : la "juste guerre" contre l'Irak doit conduire à l'avènement d'un "nouvel ordre mondial, d'un monde où le règne de la loi, et non de la jungle, gouverne la conduite des nations".

G. Bush, mars 1991 : "Maintenant, nous pouvons voir un nouveau monde venir sous nos yeux".


[1) La diplomatie humanitaire : le modèle conceptuel]

 

 

B - Naissance d’une idéologie humanitaire : le concept de « cohérence »

 

 

         lLes principes de la "cohérence"

Ce concept postule qu’une meilleure réponse aux crises exige l’intégration « cohérente » de l’action humanitaire aux stratégies politiques et militaires. De la sorte, l’action humanitaire n’apparaît plus dans sa spécificité mais est au contraire réduite à une composante du dispositif international de gestion des crises. C'est la naissance de la "Third Way Policy", ou "diplomatie morale".

Pour autant, l’intégration des politiques d’aide dans des logiques de maintien, de protection ou de construction de la paix ne semble pas avoir fait l’objet de réflexions menant à l’élaboration d’un véritable cadre stratégique global pour les actions en faveur des processus de paix : en cas de crise aiguë le recours à l’aide humanitaire est venu au gré des événements pallier les difficultés de la diplomatie traditionnelle. La "diplomatie morale" se fond en "humanitarisme", idéologie humanitaire à l'usage des décideurs politiques.

 

         l « Cohérence » et dispersion

L’approche humanitaire de la conflictualité et des crises conduit non seulement à des implications plus ou moins unilatérales, mais encore à des réponses formulées non dans la perspective d’un règlement durable et tactiquement programmé mais sur le mode de la réaction.

 

         lLe prix Nobel de la paix 1999 : une image de la « cohérence » ?

« Prix Nobel de la paix : le rôle humanitaire de Médecins Sans Frontières récompensé – Cette association a inscrit l’humanitaire au cœur de l’action diplomatique ». Le Monde, le 15 octobre 1999.


[1) La diplomatie humanitaire : le modèle conceptuel]

 

 

C - La multiplication des acteurs « humanitaires »

 

 

         lLes acteurs du champ humanitaire

Avc l'essor de l'idéologie humanitaire, le nombre et l’implication des acteurs sur les terrains des conflits – là où les premières initiatives pour un retour de la paix s’élaborent –, c’est-à-dire dans le champ humanitaire, augmentent sensiblement. Sans pour autant que de claires distinctions soient établies entre les rôles et desseins des uns et des autres.

 

         lLe label humanitaire

Le terme humanitaire, galvaudé par un usage répété, connaît peu à peu des glissements de sens qui, sans faire vraiment évoluer la définition générale du mot, ont au contraire abouti à juxtaposer diverses réalités sous une même désignation. Le terme "humanitaire" est ainsi revendiqué comme un label, comme s'il assurait à ses utilisateurs une certaine "vertu".

 

         lL'idéologie humanitaire à l'origine d'un flou conceptuel


[2) La diplomatie humanitaire : les traductions opérationnelles ]

 

A - Le nouvel axiome de la gestion des conflits

 

Progressivement durant la fin des années quatre-vingts et les années quatre-vingt dix, les Etats font entrer l’humanitaire dans le champ de la sécurité collective.

 

l L’évolution des organigrammes internationaux : l’Union européenne

En 1991, l’Union européenne se dote d’un Office Humanitaire (ECHO – European Community Humanitarian Office).

La Commission Européenne précise que l'objectif principal de l'Office est "d'assurer une plus grande efficacité et visibilité de l'action de la Communauté en matière d'aide humanitaire". L'aide humanitaire est conçue comme une dimension valorisante de la politique européenne.

 

l L’évolution des organigrammes internationaux : l’ONU et les OMP

Le 19 décembre 1991, l'Assemblée Générale des Nations Unies a adopté la résolution 46/182, créant le Département des Affaires Humanitaires (DHA) pour améliorer la coordination et l'efficacité des interventions du systèmes des Nations Unies en cas de crise humanitaire. En 1998, ce département a été remplacé par le Bureau de Coordination de l'Aide Humanitaire (BCAH, OCHA en anglais).

L’ONU a peu à peu confié à ses casques bleus un mandat humanitaire : assurer la protection des personnes en charge de l'action humanitaire, voire assurer eux-mêmes cette assistance en recourant à des mesures coercitives en cas de besoin.

L'assistance humanitaire et le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies s'en sont trouvés progressivement liés.

C'est en 1991-1992 que ces glissements se sont opérés. Trois des opérations mises sur pied par l'ONU en 1992, faisant intervenir des forces internationales, se sont vues investies d'un mandat formellement humanitaire :

·        la FORPRONU (Force de protection des Nations Unies en ex-Yougoslavie),

·         l'ONUSOM (Opération des Nations Unies en Somalie) et

·        l'ONUMOZ (Opération des Nations Unies au Mozambique). On distingue aujourd’hui trois « générations » distinctes d’OMP.


 

 

l Les résolutions du Conseil de Sécurité et les interventions « humanitaires »

 

Plusieurs résolutions prises par le Conseil de Sécurité des Nations Unies ces dernières années décrivent les "catastrophes humanitaires" comme un risque pour la paix internationale et justifient de ce fait le montage d'une "OMP" à but humanitaire inscrite dans le cadre du Chapitre VII de la Charte :

·        Résolution 688 adoptée le 5 avril 1991 ;

·        Résolution 929 du 22 juin 1994 ;

·        Résolution 1199 adoptée le 23 septembre 1998 ;

·        Résolution 1264 adoptée le 15 septembre 1999.

 

Parallèlement se développent des « interventions internationales », qui peuvent avoir également des mandats humanitaires : les opérations Restore Hope(Somalie), Turquoise (Rwanda) et Tempête du désert (Irak/Koweit) ont toutes trois été menées avec l'assentiment de l'ONU mais hors du cadre des opérations de paix. Les bombardements de l’OTAN au Kosovo répondent encore à un autre schéma, puisque l’assentiment de l’ONU est intervenu dans ce cas après le début des bombardements. En ce qui concerne les interventions en Afghanistan (2001) et Irak (2003), elles ne se sont pas basées sur une justification humanitaire, mais dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. L’intervention en Afghanistan a été validée par l’ONU au titre de la « légitime défense »,  celle en Irak en revanche n’a pas reçu son assentiment.


[2) La diplomatie humanitaire : les traductions opérationnelles ]

 

B - Le "droit" d’ingérence : vers une privatisation de la sécurité collective?

 

l Du devoir d'assistance au "droit" d'ingérence : du droit des victimes au pouvoir des Etats

Les 26, 27 et 28 janvier 1987, est organisée une conférence internationale intitulée "Droit et morale humanitaire", organisée par la Faculté de Droit de Paris-Sud (doyen : M. Bettati) et Médecins du Monde (président : B. Kouchner). Une résolution est adoptée par les participants, soulignant à la fois "le droit des victimes à l'assistance humanitaire et l'obligation des Etats d'y apporter leur contribution".

Cependant, la fin des années quatre-vingts met à jour  une distinction entre le droit à l'assistance (également désigné par "devoir d'ingérence"), impératif moral notamment défendu par les ONG, et le "droit" d'ingérence, traduction conceptuelle, politique et juridique de ce principe opérée par les Etats : l'AGNU adopte le 8 décembre 1988 la résolution 43-131.

 

l Quels fondements juridiques au "droit" d'ingérence?

Les textes fondateurs : les résolutions de l'Assemblée Générale A/43/131 du 8 décembre 1988 (assistance humanitaire, contexte de catastrophe naturelle) et A/45/100 du 14 décembre 1990 (couloirs humanitaires) ; la résolution 688 adoptée par le Conseil de Sécurité le 5 avril 1991 (réitère le principe du droit à l'assistance humanitaire, en dehors d'un contexte de catastrophe naturelle).

Ces textes créent-ils une nouvelle norme?

Ces textes institutionnalisent-ils l'ingérence?

Faut-il une nouvelle norme pour garantir les droits des victimes?

 

l Le "droit" d'ingérence paradigme de la diplomatie humanitaire : la sécurité collective en danger?

Les interventions partiales menées au nom du "droit" d'ingérence sont-elles le reflet d'un unilatéralisme croissant en matière de sécurité collective?


[2) La diplomatie humanitaire : les traductions opérationnelles ]

 

C – Quelles solutions la diplomatie humanitaire propose-t-elle?

 

 

l Protection de l'aide et des secouristes, logistique humanitaire

L'entrée de l'humanitaire dans le champ de la sécurité collective favorise le développement de son caractère armé. Deux situations peuvent être distinguées : les militaires interviennent pour protéger l'aide (et ses agents) ; les militaires sont eux-mêmes acteurs de l'aide.

Ces développements aboutissent à l'imbrication des domaines civil et militaire, concrétisée par l'apparition de concepts nouveaux : CIMIC (Civilian Military Cooperation) aux Etats-Unis, Civil Affairs au Royaume-Uni, ACM (Actions Civilo-Militaires) en France.

 

l Quelles conséquences pour les victimes?

De bonnes expériences de collaboration humanitaires/militaires ont pu être constatées sur le terrain, comme de plus mitigées.

L'objection majeure : les mesures de protection qui touchent l'aide et les secouristes ne sont pas efficaces pour les populations assistées.

La mise en œuvre des dispositifs d'aide imaginés par les Etats fait souvent suite à un attentisme politique aux conséquences dramatiques.

 

l Mesures cosmétiques

En définitive, la diplomatie humanitaire relève souvent de dispositions cosmétiques : elle cache certains objectifs ou réalités politiques, et en même temps donne de l'éclat à l'action ou l'inaction politique.

La diplomatie humanitaire se calque sur les attentes de l'opinion publique, qui soutient généralement les interventions armées lorsqu'elles ont un but humanitaire : elle se développe comme une rhétorique du sauvetage.