Non-assistance à personnes en danger

Joël Jaouen

La loi pour l'adaptation de la société au vieillissement est entrée en vigueur le 1er janvier. Vingt ans après les premières réflexions sur l'urgence de reconsidérer le financement de la perte d'autonomie. Nous pensions que la mesure des enjeux, souvent rappelés, avait été prise. Il n'en est rien. Comment parler d'une « loi du XXIe siècle » sachant que le financement annuel de la réforme s'élèvera à 700 millions d'euros, portant à 22 milliards d'euros la contribution publique, alors que la Drees évalue les besoins à 35 milliards d'euros en 2060 (1) ? Comment présenter la revalorisation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) comme une victoire alors que le plan d'aide d'un quart de ses bénéficiaires ne couvre pas leurs besoins et que certains départements, exsangues, annoncent ne plus être en mesure de la verser à terme ?

France Alzheimer et maladies apparentées a, par ailleurs, constamment alerté les pouvoirs publics sur l'épuisement des aidants. En vain ! L'attribution, sur des critères extrêmement restreints, de 500 euros annuels pour financer des séjours dans une structure de répit paraît en décalage avec l'immensité des besoins. De surcroît, le texte laisse de côté la question des établissements. Faut-il encore rappeler les chiffres du reste à charge pour les familles des personnes malades ? 1 000 euros par mois lorsqu'elles peuvent rester à domicile, près de 2 300 euros lorsqu'elles vivent en établissement.

« Nous pourrions reproduire les promesses politiques faites lorsque tous s'accordaient sur l'impossibilité de "faire du rapiéçage". »

De plus, elles sont soumises à un prélèvement supplémentaire puisque la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), créée en 2013 pour financer cette « miniréforme », s'applique aux pensions de retraite et d'invalidité des personnes imposables. N'est-ce pas ce que l'on nomme la « double peine » ? Nous pourrions rappeler ici les arguments développés en leur temps par les défenseurs d'une cinquième branche de la Sécurité sociale, lorsque le choix de la solidarité nationale s'imposait comme le plus légitime en termes de principes et comme le plus pertinent en termes économiques.

Nous pourrions reproduire les promesses politiques faites lorsque tous s'accordaient sur l'impossibilité de « faire du rapiéçage », estimant que toute déception s'apparenterait à « une faute morale impardonnable ». Tout a été oublié. Les responsables politiques sont aujourd'hui face aux 900000 personnes malades d'Alzheimer, face à leurs 4,5 millions d'aidants, face aux 600 Français diagnostiqués chaque jour. Nous les appelons urgemment à prendre la mesure des difficultés sociales, financières et psychologiques de nombre d'entre eux. La situation est trop grave pour que, demain, nous ne leur demandions pas des comptes.

(1) Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), « Le compte de la dépendance en 2011 », Dossier solidarité et santé n° 50.