Les plus pauvres pointés du doigt par la Cnam

YVES HOUSSON

FLICAGE Le directeur de l'assurance maladie a décidéde contrôler les comptes bancaires des 5,2 millions de bénéficiaires de la CMU-C , suspectés de fraude. Un écran aux abus commis par les employeurs.

Àpartir de juin, cinq millions de personnes pourront voir leurs comptes courant et d'épargne contrôlés par l'assurance maladie. Signe particulier : ces hommes et ces femmes sont bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Motif invoqué : la chasse à la fraude.

Non contents d'être rangés dans une catégorie particulière d'assurés sociaux du fait de leur pauvreté, cinq millions de nos concitoyens sont ainsi, d'un coup, suspectés de frauder. Révélée mercredi par le Parisien, cette opération a été décidée par le directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), Nicolas Revel, qui s'appuie sur une disposition légis-lative de 2012 permettant aux caisses primaires d'accéder au fichier national des comptes bancaires, regroupant 80 millions de comptes. Pour se justifier, le patron de la Cnam invoque ­ sans les publier ­ les résultats d'une expérimentation menée sur mille bénéficiaires de la CMU-C qui auraient révélé « un nombre significatif d'anomalies », autrement dit de discordances entre revenus déclarés et mouvements sur les comptes.

« On est dans la manipulation de la population, au lieu de poser les vrais problèmes. »JEAN-MICHEL CANO, CHEF DE FILE DE LA DÉLÉGATION CGT AU CONSEIL DE LA CNAM.

Selon le Parisien, le taux serait de 10 %. En d'autres termes, à partir d'une centaine de cas d'« anomalie » ­ dont le directeur lui-même dit que « la plupart du temps, il s'agit d'erreurs ne remettant pas en cause le bénéfice de la CMU-C » car le plafond des revenus y ouvrant droit (740 euros pour une personne seule, 1080 euros pour un couple) « n'était pas dépassé » ­, la Cnam décide froidement de jeter la suspicion sur 5,2 millions de personnes.

« On est dans la manipulation de la population, au lieu de poser les vrais problèmes, s'insurge JeanMichel Cano, chef de file de la délégation CGT au conseil de la Cnam. C'est le contrôle des plus pauvres, comme s'ils étaient encore trop riches et comme s'il fallait qu'ils subissent encore plus. »

« J'aurais préféré, ajoute-t-il, qu'on fasse une campagne vis-à-vis des trois millions de personnes qui auraient droit à la CMU-C , mais qui ne le font pas valoir, en grande partie parce que rebutées par la complexité du dossier à remplir. »

Alors que la fraude imputable aux assurés représente 19 % du total des préjudices subis par l'assurance maladie (196 millions d'euros en 2014), cette opération fait écran aux abus commis par les professionnels et les établissements de santé, qui en représentent plus de 80 %.

Plus encore, elle détourne l'attention de la fraude aux cotisations de Sécu commise par les employeurs, pour plus de 20 milliards d'euros par an !

 

Huma du 15 mai2015

retour   accueil