Après la mobilisaion sans précédent des jeunes et de la classe ouvrière,

le retrait du CPE :

UNE VICTOIRE POLITIQUE CONSIDERABLE

contre le gouvernement du capital,

contre le bonapartisme en faillite de la Vème République

Après les défaites infligées aux partis de la bourgeoisie, à Chirac et son gouvernement sur le terrain électoral en 2004, au référendum de 2005, le retrait de facto du CPE imposé par la mobilisation de la jeunesse et de la classe ouvrière est une victoire d’une portée politique considérable qui ouvre une nouvelle situation en France.

Villepin, Chirac, Sarkozy auront tout tenté : arrogance, intransigeance, passage en force, propagande, esbrouffe, compromis attrape-nigaud, pourrissement… toutes les contorsions sont venues buter sur une volonté de combat permanente. Résister davantage, c’était risquer l’affrontement décisif, par exemple un million de manifestants à Paris, et la chute du gouvernement, avec des conséquences incalculables.

gouvernement en survie, gaullisme a bout de souffle

Certes, en renonçant in extremis au CPE, Chirac, son gouvernement et sa " majorité ", sauvent leur survie politique, avec la complicité des appareils acceptant de les laisser en selle au lieu de répondre à l’exigence de leur renvoi ouvertement posée par la coordination étudiante et lycéenne ainsi que nombre de manifestants. Les observateurs superficiels pourraient penser qu’il ne s’agit aujourd’hui que d’une répétition de 1995, où le gouvernement Juppé lâchait en partie, mais se maintenait et poursuivait ensuite son offensive, et qu’à nouveau la politique de soutien au gouvernement des dirigeants syndicaux, du PS, du PCF, l’a emporté. Mais raisonner ainsi gommerait non seulement les rapports politiques particuliers entre les classes, mais aussi l’affrontement délétère au sein de la bourgeoisie et l’évolution des rapports entre la classe ouvrière, la jeunesse et les appareils, qui ont conduit à l’abandon du CPE.

La tentative de passage en force de Villepin n’est en rien le signe d’un aveuglement particulier. Elle résulte tout à la fois de la nécessité d’aller vite pour la bourgeoisie française et de sa division entre d’un coté Sarkozy et ses partisans et Chirac Villepin de l’autre. Villepin ne s’est donc pas embarrassé d’une concertation préalable, plaçant les dirigeants syndicaux comme ceux du PS et du PCF dans une situation où, compte-tenu du rapport entre les classes, avant même le début d’une mobilisation sérieuse, ils ne pouvaient faire autrement que de se prononcer pour son retrait.

Il est remarquable de constater que tout au long de la mobilisation, pas un seul dirigeant, même pas Chérèque pour la CFDT, n’a pu abandonner cette exigence. C’était pour eux le prix à payer pour tenter de garder le contrôle de la mobilisation de la classe ouvrière et parvenir à l’encadrer dans les journées d’action. Du même coup, la mobilisation pour le retrait du CPE prenait le sens d’un affrontement avec Chirac, le gouvernement et les députés de l’UMP, affrontement de plus en plus ouvertement affirmé par les étudiants et les lycéens. De ce fait, les journées d’action, prévues pour épuiser la classe ouvrière, ont pris au contraire une dimension de mobilisation inconnue depuis 1968.

La dernière manœuvre de Chirac, confiant à l’UMP le soin de recevoir les dirigeants syndicaux, est un aveu d’impuissance du gouvernement. Il porte un coup aux institutions bonapartistes de la Vème République déjà bien mal en point et provoque, en mettant Villepin sur la touche et en faisant la part belle à Sarkozy, l’ennemi juré, la colère des gaullistes historiques, à commencer par JL Debré. Comme s’exclame un député de l’UMP, "  Le CPE est mort, la majorité aussi ". Mais au-delà, c’est toute la politique du gouvernement qui est mortellement atteinte.

impasse politique cherche sauveur

Comment dès lors avancer plus avant sur le contrat unique pour liquider le CDI ? La stratégie de la " rupture " chère à Sarkozy et dont s’était pour l’occasion inspiré Villepin a plus que du plomb dans l’aile. Sarkozy déclare au Figaro du 11 avril 2006 : 

" Nos électeurs les plus fermes à droite veulent qu’on ne cède pas à la rue et ils ont raison. Mais ils voulaient aussi que la pagaille s’arrête et qu’on ne se retrouve pas avec une nouvelle affaire Malek Oussekine qui aurait conduit au désastre….Je n’ai jamais renoncé à la rupture, elle est plus que jamais nécessaire. Si nous voulons répondre aux espoirs des Français, de grands changements sont indispensables. Simplement, j’appelle mes amis à comprendre que la rupture ne sera acceptée des Français que si elle est perçue comme juste. Les Français accepteront les efforts à condition de comprendre ce qu’ils gagneront en échange… ".

Mais précisément la classe ouvrière et la jeunesse sont à cent lieues d’espérer quoi que ce soit en échange des efforts préconisés par ces messieurs. La question qu’elles se sont posée et qu’elles se posent toujours, c’est de les chasser !

C’est aussi ce qui rend aujourd’hui incroyablement plus difficile la collaboration des dirigeants syndicaux pour accompagner les plans du gouvernement : à un moment ou à un autre, la défense des revendications, l’exigence de la rupture avec le gouvernement vont nécessairement surgir avec une force décuplée, adressée par la classe ouvrière et la jeunesse aux appareils bureaucratiques. En quelque sorte, il est désormais impossible au gouvernement, comme aux appareils, de revenir en arrière, d’effacer l’expérience du combat victorieux contre le CPE et de reprendre comme si de rien n’était les bonnes vieilles méthodes employées sous Raffarin. Alors même que la nécessité pour la bourgeoisie française de porter des coups à la classe ouvrière se fait toujours plus pressante. C’est donc l’impasse totale pour Chirac, Villepin et, quoi qu’il en dise Sarkozy.

Si bien que l’on voit refleurir le spectre du Front National, à la fois comme épouvantail et comme sauveur possible avec celui d’un nouveau 21 avril, dont c’est opportunément l’anniversaire.

maturation politique dans le combat

Le deuxième fait marquant de ce combat, c’est l’accélération de la maturation politique dans la jeunesse et la classe ouvrière.

Mobilisés au départ contre le CPE, les étudiants et lycéens ont " détricoté " toute la politique du gouvernement, de la loi complète sur " l’égalité des chances " à la politique sur l’immigration, le CNE etc. Ils se sont dotés de comités de ville d’étudiants et lycéens grévistes, d’une coordination nationale, intégrant leurs organisations syndicales et politiques, sans parvenir toutefois à les contrôler complètement, mais en limitant sérieusement les tentatives de dévoiement. Ils ont franchi en moins de deux mois une distance politique considérable, en s’adressant publiquement aux dirigeants syndicaux pour qu’ils appellent à la grève générale, en déclarant publiquement ce gouvernement, ses députés et ses lois illégitimes. Loin de rejeter l’expression des organisations politiques favorables au mouvement, ils s’en sont appropriés les mots d’ordre, les explications, qui leurs convenaient. De ce point de vue, les militants du CCI(T) ont nourri ce mouvement par leurs tracts, leurs interventions, leur mots d’ordre dans les manifestations, avec au centre : Dehors Chirac,le gouvernement, les députés de l’UMP, unité des organisations ouvrières, partis et syndicats, pour la manifestation centrale à l’Assemble nationale, pour un gouvernement des organisations ouvrières unies. L’accueil fait à ces mots d’ordre par les cortèges ouvriers dans les manifestations témoigne aussi de la profonde maturité de la classe ouvrière.

La Vème République n’en a pas fini avec les affrontements de classe, avec l’affrontement de classe contre le capitalisme.

l’heure est à l’organisation

Le retrait de facto du CPE n’est sur le plan revendicatif qu’un succès limité, car demeure le reste de la loi sur l’ " égalité des chances ", le CNE etc. etc., mais c’est une formidable victoire politique contre le gouvernement qui va renforcer l’exigence d’en finir avec lui.

Ce combat, cette victoire et ses développements politiques inévitables mettent à l’ordre du jour pour de nouvelles couches de la jeunesse et de la classe ouvrière la construction d’une organisation révolutionnaire.

Les organisations sont nombreuses à se réclamer de ce combat, mais déjà le tri peut être fait, de LO à la LCR qui n’ont jamais mis en question la légitimité du gouvernement. Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à faire l’unité d’action, à engager les discussions avec toutes les organisations qui ont sur leur drapeau :

Dehors Chirac et son gouvernement, Front unique des organisations ouvrières pour les chasser, Gouvernement des organisations ouvrières unies, partis et syndicats.

Pour cette raison, nous participerons à la réunion prévue le 29 mars à Paris, avec quelques-uns des groupes qui ont combattu dans le sens de ces mots d'ordre.

Nous tiendrons en août des journées d’études avec, entre autres, les deux thèmes : la grève générale et la question du pouvoir et la question du parti révolutionnaire. Elles seront largement ouvertes et les camarades souhaitant y participer peuvent nous contacter dès maintenant.

Le 19 avril 2006.