Déclaration
Le système capitaliste réduit les jeunes au désespoir :
a bas l’etat d’urgence !
seul un gouvernement ouvrier
peut répondre aux problèmes des " banlieues "
Contre la révolte des jeunes marginalisés dans les " cités ", le gouvernement des compères Chirac-Villepin-Sarkozy ne s’est pas contenté de mobiliser 11 500 policiers et CRS. Il a décrété l’Etat d’urgence en reprenant la loi qui a servi il y a un demi-siècle à traquer les nationalistes algériens dans les casbahs des " départements français ".
Hier contre les " terroristes ", aujourd’hui contre la " racaille ", c’est la même politique, le même " ordre ", le même pouvoir de classe.
Cette loi d’exception invoque " un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ". Quel est donc ce péril imminent, et pour qui ?
Contrairement aux premières rodomontades de Nicolas Sarkozy, ce qui s’est produit à partir des 27-28 octobre dans les quartiers populaires qu’on nomme " banlieues " n’a rien à voir avec des " voyous " et des trafics de drogue.
L’étincelle qui a mis le feu à plus de 5 000 voitures, ce sont les propos insultants d’un ministre de la bourgeoisie mortifié d’avoir été accueilli à coups de pierres, et leur articulation avec le drame de Clichy-sous-Bois.
Ces deux événements ont cristallisé en crise politique une situation vieille de trente ans.
Une situation qui démontre l’incapacité de la bourgeoisie et de ses gouvernements à y remédier, alors qu’elle concentre les pires aspects de la société capitaliste. Une situation où le chômage est le double de la moyenne nationale et peut dépasser 44 % chez les jeunes ; où les problèmes de l’immigration, des impasses scolaires, des logements insalubres, de la précarité, des ségrégations, du racisme, des humiliations policières ont une acuité inconnue ailleurs ; où la misère engendre les trafics souterrains avec leur cortège de peurs, de corruptions et de violences ; où être jeune, pauvre, sans emploi et arabe ou noir est vécu comme une malédiction, de génération en génération.
C’est contre cela que la colère des jeunes a explosé, sous la forme d’un affrontement avec l’Etat, c’est-à-dire avec la police et son ministre, et à travers lui, avec le gouvernement.
Son extension régionale, puis nationale en est la preuve : on est loin des " petits caïds " et même des " bandes organisées " qu’invoquait encore Sarkozy le 4 novembre, quand 70 à 80 communes et villes sont concernées et quand les jeunes " en rage " s’en prennent à tout ce qui, à leurs yeux, représente le système dont ils se sentent exclus, et l’ordre établi qu’ils rejettent.
Ce qui était en " péril imminent ", en effet, comme après ses défaites aux élections régionales et au référendum européen, c’était une fois de plus la survie du gouvernement, dont " l’Intifada des banlieues " avivait l’état de crise récurrente.
Il est sûr qu’à l’origine, la provocation quasi-lepéniste de Sarkozy jouant en solo visait à conforter sa position de présidentiable dans l’électorat le plus réactionnaire. En deux jours, le résultat faisait au contraire de lui un fauteur de trouble irresponsable et l’objet de remontrances de ses adversaires, jusqu’à l’Elysée. Il fallut attendre le 3 novembre pour que Chirac prenne conscience du danger et commence à tourner en ordonnant à ses deux lieutenants d’afficher leur entente, puis, devant l’angoisse montante des élus UMP et des maires, qu’il s’aligne finalement sur la fermeté sécuritaire de Sarkozy. Celui-ci proclamait en effet (le 4 novembre) " l’Etat républicain ne cèdera pas ", sachant qu’un recul de celui-ci signifierait sa sortie du gouvernement, seule revendication immédiate des jeunes exaspérés. Et son renvoi risquait bien, par ses répercussions, de mettre en péril le gouvernement lui-même.
Cependant un constat s’impose : les jeunes qui se sont mobilisés dans les cités sont à cent lieues de penser aux interférences possibles entre leur action et les rivalités au sein du gouvernement. Le chasser n’a été à aucun moment un objectif explicite de leur combat, alors que seul cet objectif pouvait lui ouvrir une issue. L’exigence de la démission de Sarkozy elle-même correspond plus à une réaction viscérale contre les discours répressifs et les insultes policières qu’une mise en cause du gouvernement. D’une façon générale, aucune revendication formulée n’apparaît dans les déclarations individuelles, de même qu’aucune structuration visible et donc aucun porte-parole pour les exprimer. La hargne contre les rejets, les incompréhensions, les discriminations s’adressent au système, mais à personne précisément et à aucune force politique.
Alors qu’elle pose les problèmes politiques au plus haut niveau, celui du gouvernement et de l’Etat, cette explosion potentiellement insurrectionnelle est subjectivement dénuée de conscience politique. C’est son impasse et la base de son échec.
Seule l’intervention des organisations ouvrières pouvait l’empêcher.
De bonnes âmes (y compris à l’UMP) se sont désolées de la disparition de l’encadrement politique de la population de la Seine-Saint-Denis par le PCF et ses nombreuses ramifications. Mais elles le regrettaient comme facteur d’ordre, pour maintenir le calme et le cas échéant y ramener. La constatation est exacte, avec cette conséquence qu’aujourd’hui ce sont les organisations musulmanes et leurs associations cultuelles qui s’installent dans ce vide. Et elle n’est pas limitée au PCF, mais peut être étendue aux organisations syndicales.
D’autres institutions ont été développées pour prendre en charge la tâche impossible de mettre de l’huile dans les rouages des " ghettos " : les associations (sportives, éducatives, culturelles, de solidarité, …) que le gouvernement a condamné à dépérir faute de moyens, renvoyant les jeunes à la rue et aux halls d’immeubles.
Mais ce n’est pas comme " facteur d’ordre " que les organisations ouvrières, implantées ou non, devaient intervenir, c’est pour soutenir, prendre ne charge, impulser, organiser la révolte des jeunes des cités, sur la ligne :
et appeler à la solidarité et au soutien de tous les travailleurs.
Au lieu de cela, le PCF, le PS, les dirigeants syndicaux ont été totalement absents, se contentant de donner de loin des leçons de bonne gestion au gouvernement. Il faut attendre le 3 novembre pour que le PCF demande que Sarkozy " soit démis de ses fonctions ". Par qui ? La formule est claire : c’est Chirac qui doit s’en charger. Pas question de le mettre en cause, lui et son gouvernement. Autrement dit : il a le champ libre. Le PCF fait les gros yeux mais abandonne les jeunes des quartiers déshérités à son bon vouloir.
Le Parti Socialiste ira plus loin : sur la ligne du Front National. Il approuve en effet le 9 novembre la décision gouvernementale de réactiver la loi du 3 avril 1955. Or c’est ce que Marine Le Pen demandait dès le 5 novembre : " l’instauration de l’Etat d’urgence "avec " le dépôt des armes dans les commissariats (…) l’interdiction de circuler sur certaines voies, l’assignation à résidence de certaines personnes et l’autorisation des perquisitions jour et nuit ". C’est exactement le contenu de la loi en question : la répression par l’Etat policier.
Cette position de la direction du PS est intolérable. N’importe quel militant se doit de la dénoncer.
La question n’est pas de rétablir l’ordre, mais de le changer.
" L’ordre " capitaliste engendre les " problèmes des banlieues " et des ghettos comme il engendre le chômage, l’immigration et la misère en France comme aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Belgique, en Allemagne, en Italie. Il est incapable de les résoudre.
La situation dans les quartiers populaires déshérités, la révolte spontanée des jeunes qui y sont relégués, y compris avec ses aspects aveugles et destructeurs en partie au détriment de leurs proches et des travailleurs de leur entourage, constituent des illustrations de la décomposition du système d’exploitation capitaliste.
En finir avec ce système est la seule perspective qui permette de balayer ses injustices et son oppression.
La nécessité du combat pour un gouvernement ouvrier orienté vers ce but est la leçon à tirer de ces événements.