Il faisait sombre, le brouillard étendait sa longue chevelure glacée sur la plaine alentour.
Il faisait froid, le ciel sans étoiles semblait se confondre avec la terre.
Il était seul, une fois de plus, à la recherche d'un ennemi à affronter.
C'était devenu son seul but sur cette terre maintenant, débarrasser l'humanité des créatures maléfiques.
Il traînait sa peine à travers tous les royaumes, pour porter secours à la veuve et l'orphelin, aux plus déshérités.
Depuis cette fameuse nuit de juillet 1203 où son seigneur l'avait chassé de son royaume pour avoir été amoureux de sa fille, Ysabault.
Lui, Frédélrick , avait tout perdu, son amour, sa place de capitaine des gardes, ses hommes, tout ….
Mais il lui restait quand même le principal, son honneur de chevalier, et son serment fait de nombreuses années auparavant : protéger les faibles.
Et il s'y employait, corps et âme, sans nul repos, sans autre intérêt ou satisfaction que le bonheur des faibles.
C'etait pour ça qu'il était là, dans cette nuit froide et hostile, il attendait la bête.
Celle qui ravageait les plaines, toutes les nuits, celle que personne n'avait jamais vue !
Juste une lueur vive, une odeur de souffre, un brouillard épais et un terrible hurlement, accompagnaient ses apparitions.
De nombreux chevaliers s'étaient risqué à affronter cette bête, aucun n'avait survécu, on avait retrouvé leurs restes écartelés et mutilés dans la plaine.
Mais il lui en fallait plus pour avoir peur, lui qui avait terrassé des dizaines de ces monstres.
C'est lui qui avait tué Gonzolita la gorgone, lui qui avait renvoyé dans ses enfers Pagentildutou le démon ; lui encore qui avait résisté aux charmes de Lovamour la succube, lui enfin qui avait terrassé Flap-Flap le terrible dragon ; Et bien d'autres encore ; Chiméra la chimère, Médusa la méduse, Skreugneugneu le griffon, Skricht le rat-garou, Leayealy la sorcière, etc …..
Mais maintenant, il était arrivé à la croisée des chemins, c'était l'instant de vérité .
C'était le dernier monstre qui restait.
Que ferait-il après ? Quelle juste cause pourrait-il défendre ? Au service de qui mettrait-il son bras ?
Il avait perdu sa foi dans les dirigeants, ces seigneurs féodaux qui s'entredéchiraient pour une parcelle de terre alors que leur peuple mourrait de faim !
Il lui fallait se trouver une nouvelle voie à suivre. Mais laquelle ?
Il se posait encore la question lorsqu'il entendit un cri retentir au loin ; La bête approchait !
Il calma son fidéle cheval, Béaimdoublevey, en flattant son encolure ; rajusta son armure et s'assura que ses armes étaient prêtes. Tout était parfait, sauf que pour la première fois depuis longtemps il sentait une boulle au creux se son estomac.
Que lui arrivait-il ? Lui qui ne ressentait plus rien depuis la perte d'Ysabault ! Serait-il possible que cette jeune fille, Margot, qu'il avait rencontré dans le village voisin, ne lui soit pas si indifférente que ça ? Il l'avait bien senti, dès le premier regard ; cela faisait longtemps qu'il n'avait pas regardé une femme comme cela. Elle le lui avait rendu, avec le petit plus que savent y mettre les femmes. Et il s'était surpris à détourner les yeux, devant tant de désir.
Non, il ne pouvait pas trahir son ancien amour !
Mais après tout, Ysabault était morte depuis que son père l'avait tuée en apprenant qu'elle portait son fils.
Ce souvenir lui fit mal, ce jour là il avait de nouveau tout perdu !
Mais cette douleur s'estompa comme par enchantement lorsque Margot revint virevolter devant ses yeux.
Non ! Assez, il lui fallait se concentrer sur son combat à venir.
D'ailleurs la bête se rapprochait !
Margot lui avait donné une écharpe en soie, pour preuve de son attachement et de son soutien ; Il la toucha, elle lui tenait chaud au cœur.
Non cette fois ci il ne fuirait plus ses sentiments ; il irait la trouver, une fois la bête terrassée ! Il lui déclarerait sa flamme, mettrait son cœur a ses pieds. Oui, maintenant il savait ce qu'il ferait, après.
Il fut interrompu dans ses pensées par un bruit étrange, à coté de lui.
Qu'etait-ce ? Le dragon était encore loin.
Au sol, venait d'apparaître une étrange construction ; constituée de deux armatures en fer consolidées par des traverses de bois. Cette construction s'entendait à perte de vue sur la pleine et semblait mener tout droit en direction de la bête. A quoi cela pouvait-il servir ?
Frédélrick détestait la magie, l'arme des fourbes et des lâches.
Et là il était persuadé que cette bête en était douée, ce qui le motiva encore plus.
Il rajusta son heaume, pris son écu et sa lance, et avanca calmement en direction de la bête.
Cela faisait bien une vingtaine de minutes qu'il avançait au pas lorsqu'il ressentit pour la première fois sa présence.
Un grondement sourd venant en s'amplifiant, le sol se mit à trembler.
L'atmosphère devint lourde, se chargeant d'électricité.
Une odeur acre et tenace, tel le souffre qu'employait les alchimistes, se répandait partout autour de lui.
Une brume, sortie de nulle part commença à l'envelopper.
Une lueur vive, mais encore atténuée par l'éloignement et le brouillard ; pointait à l'horizon.
Il tira sur ses rênes, et tenta de calmer les battements de son cœur ; en vain.
Le combat était proche.
Le vacarme devint assourdissant !
On se serait cru en enfer, tout n'était plus que chaos autour de lui.
On ne faisait plus la différence entre le ciel et la terre.
Mon dieu ! Que se passait-il ? De quoi pouvais donc être fait cette bête ? D'où venait-elle ?
Quelle puissance démoniaque avait bien put engendrer cette chose ?
Il avait beau scruter à travers les ténèbres il n'arrivait toujours pas à l'apercevoir.
Son poing se crispa sur sa lance !
Non ! Il ne fuirait pas !
Soudain, elle fut sur lui !
Il sentit son souffle puissant lui traverser le corps !
Une goutte de sueur glacée lui descendit le long du dos.
Il hurla son cri de guerre, se mit en position et attendit le choc.
Il ne ressentit rien lorsque le monstre d'acier lui déchiras le corps.
L'envoyant, tel un pantin désarticulé, à des dizaines de mètres dans les airs !
Il n'était pourtant pas encore mort lorsqu'il toucha terre ; un sourire figé sur ses lèvres, une larme au bord de ses yeux.
Il se sentait étrangement bien, calme, serein, bientôt il rejoindrait Ysabault et son fils.
Il vit la bête passer, à coté de lui, indifférente à son sort.
De quoi était donc faite cette machine démoniaque ? Car c'était bien de cela dont il s'agissait et nullement d'un monstre. C'etait un engin fabriqué par des hommes !
Il sentait la vie s'écouler par toutes les blessures de son corps, il pris le temps pour faire une dernière prière avant de rejoindre le néant.
Il eut une dernière pensée pour Margot , qui l'attendait et qui le pleurerais de toute son âme.
Il repensa à sa vie, à son combat contre le mal, à ses moments de joies et de douleurs.
Jusque dans son dernier souffle il se demanda, pourquoi ?

" Qu'est-ce que c'était ? "
le conducteur de la locomotive "North-Star" modèle 1830 regarda son mécano :
" C'est à chaque fois pareil lorsqu'on voyage de nuit dans cette plaine ! Il se passe des choses très bizarres ! Ca devait être un animal. "
" Oui mais là, il m'a semblé entendre crier juste avant l'impact. "
" Tu as du rêver ! De toute façon, ici il se passe des choses trop etranges, on ne s'arrête jamais ! "
" Et si on avait fauché quelqu'un ? "
" Et bien même, c'est trop tard maintenant ! Il est mort ! Qu'est ce que tu as entendu exactement ? "
" J'ai cru entendre hurler : "Frédélrick " ! ! Puis le choc ! Puis plus rien ! "
" Crois-moi, laisse tomber. Si tu veux continuer dans ce boulot, évite de faire comme ton prédécesseur ! "
" Pourquoi, qu'est ce qu'il lui est arrivé ? "
" Je sais pas trop ! Mais il s'est penché de la loco et il a reçu une lance en plein cœur ! vas savoir …… "

Frédélrick

Le chevalier et la bête
Retour
Telecharger le Fichier word : chevalier.doc