Quelques remarques sur le traitement de l'espace et du temps
Le paquebot: non-lieu, simple cadre; l'espace n'est pas décrit, juste évoqué au moment de l'embarquement. Un décor de théâtre, simplement campé pour que la pièce puisse se jouer.
En revanche, le lecteur peut se faire une image du Banat où a grandi Czentovic (11-20).
Et surtout, trois chambres vont jouer un rôle important dans le récit de B.:
- la chambre où il est détenu, précisément décrite dans ses objets, évoquée par les motifs du papier peint et le quadrillage de la couverture;
- l'antichambre où B. volera le livre - vrai lieu de détente puisqu'il y a d'autres choses à voir que dans la chambre: un calendrier, un porte-manteau -;
- la chambre d'hôpital, toute blanche, qui donne sur la nature, le ciel et les arbres.
Temps et chronologie.
Le temps de l'histoire peut assez facilement être reconstitué, les indications étant assez nombreuses. Aussi bien sur le paquebot que pour la biographie de Czentovic ou que pour la détention de B.
Plus intéressant en revanche, le traitement subjectif du temps pour B.:
- la perte de repères temporels pendant la détention,
- l'impatience d'un temps qui ne passe pas assez vite entre deux coups lorsque la passion du jeu d'échecs l'habite.
On voit comment, dans des circonstances exceptionnelles (celles qui intéressent Zweig) la notion du temps devient relative.
Ce "temps brisé" de B. s'oppose à la carrière linéaire et fulgurante de Czentovic.
C'est d'ailleurs cette arme qu'utilisera Czentovic pour progressivement déstabiliser B. On comprend rétrospectivement les indications sur la psychologie de Czentovic, caractérisé par sa lenteur, sa passivité... Pour B., l'impatience n'est pas une qualité intrinsèque (voir son activité passée d'avocat d'affaires au service d'un régime immobile, figé dans son passéisme) mais une caractéristique acquise par sa passion.