LEGION III CYRENAICA

 

 

Une légion en Egypte

 

1) d'Octave à Titus

a) L'origine

L'origine de la IIIe légion Cyrenaica est obscure: aucun élément fiable, aucun propos ne définissent sa naissance avec précision. En cherchant des similitudes avec d'autres légions, en faisant des parallèles et des recoupements il est pourtant possible de tracer les grandes lignes de sa création, sans prétendre détenir La vérité.

hypothèse de Lesquier

Personne ne s'est opposé (au moins pour les grandes lignes) aux hypothèses que Lesquier développait dans son ouvrage en 1918. Selon lui, on retrouverait la trace de la IIIe légion Cyrenaica au moins dès Actium, soit dès 31 av. J.-C. Le surnom de la légion permettrait en effet de l'identifier avec une des légions d'Antoine en Cyrénaïque.

A la veille de la bataille, Antoine possédait 30 légions, alors qu'Octave n'en avait que 19. Antoine en avait disposé 7 en Orient (dont certaines en Egypte) et 4 en Cyrénaïque. Ces dernières étaient aux ordres de Lucius Pinarius Scarpus.

De son côté, Keppie aboutit à l'hypothèse de Lesquier: les troupes de Cyrénaïque seraient issues des troupes constituées par Lépide avant 36, puis passées à Antoine. Il y aurait donc là les futures IIIe légion Cyrenaica et XXIIe légion Deioterana, une légion VIII et une quatrième légion au numéro et au nom inconnus.

Lesquier attribue une relation entre le revirement en faveur d'Octave de ces troupes et la désertion des Galates auxiliaires d'Antoine avant Actium.

 

hypothèse de Sanders

Sanders s'accorde avec Lesquier , mais, à la lueur de la mention de l'origine des soldats de l'inscription de Koptos , il propose de lui attribuer une origine galate (comme pour la XXIIe légion Deioterana). Il n'exclue d'ailleurs pas l'hypothèse selon laquelle la IIIe légion Cyrenaica aurait aussi fait partie des troupes du galate Deiotaros, qui changea de camp avant Actium et dont les troupes sont certainement à l'origine de la XXIIe légion Deioterana.

Cependant si la IIIe légion Cyrenaica avait eu la même origine, elle aurait certainement reçu le même surnom, ou un surnom proche rappelant cette origine.

 

trois légions III

Pour ce qui concerne les deux autres légions "troisième": Antoine en aurait alors eu deux au sein de ses forces avant Actium: la seconde étant de façon certaine la IIIe légion Gallica. Le Bohec considère que la IIIe légion Augusta est issue des troupes de Lépide basées en Afrique et passées à Octave: elle porte le surnom "Augusta" comme la Ière, la IIe et la VIIIe légions en reconnaissance de leur désertion en Sicile en 36. Or, si la légion III de Lépide est passée à Octave en Sicile, Antoine ne peut avoir deux légions de ce numéro: il ne peut alors posséder que la future IIIe Gallica.

De plus, la IIIe légion Augusta et la IIIe légion Cyrenaica ne peuvent provenir toutes les deux de la IIIe légion de Lépide. Deux hypothèses sont alors possibles.

1) Si la descendante est la IIIe légion Cyrenaica, alors il faut considérer que la IIIe Augusta est celle d'Octave et qu'elle a reçu son surnom pour un haut fait différent de celui des Ie, IIe et VIIIe légions; mais lequel?

2) Cependant, si la IIIe légion Augusta fut bien constituée des troupes de Lépide, la IIIe légion Cyrenaica est celle d'Octave. Elle tiendrait son surnom d'un exploit en Cyrénaïque. Cet exploit est tout trouvé: elle faisait partie des troupes que Gallus emmène avec lui de l'Afrique vers l'Egypte et qui firent changer de bord L. Pinarius Scarpus.

 

les événements de Cyrénaïque

Comme nous venons de le voir, après Actium, le gouverneur de la Cyrénaïque pour Antoine est L. Pinarius Scarpus (un neveu de César). Au cours de l'hivers 31-30, il livra donc ses 4 légions au partisan d'Octave, C. Cornelius Gallus, qui marchait avec ses troupes vers l'Egypte. Scarpus refusa ensuite d'accueillir (et massacra même) les envoyés d'Antoine et ceux qui protestaient. Cette trahison, ou conversion, lui valut d'être maintenu en place par Octave jusqu'en 27. La Crète fut ajoutée à la Cyrénaïque en 31 av. J.-C. Dès 27, la province a un statut sé0natorial prétorien, et n'a donc plus de troupes légionnaires sur son territoire: la IIIe légion Cyrenaica ne peut donc plus s'y trouver de façon certaine à partir de cette date.

Après les événements de Cyrène, on ne sait avec certitude si Gallus emmène immédiatement avec lui les troupes de Scarpus qui constitueront tout ou partie de la IIIe légion Cyrenaica: il marche pourtant en direction de l'Egypte, tandis qu'Octave est passé par l'Est. Antoine renforce alors Paraetonium en Libye qui se trouve sur la route de Gallus. Or celui-ci prend le port par surprise. Antoine contre attaque, ce qui montre bien l'importance de ce port. Il veut même s'adresser aux troupes de son ennemi, mais Gallus fait couvrir son discours par les trompettes. Antoine agit ainsi certainement parce que ses anciennes troupes doivent être présentes, et qu'il espère un revirement de leur part (la future IIIe légion Cyrenaica s'y trouve certainement).

Elle participe peut-être ensuite à la prise de l'Egypte, mais je n'en ai aucune preuve

conclusion

La IIIe légion Cyrenaica me paraît donc issue de la IIIe légion d'Octave, peut-être levée entre 44 et 36. On ne sait rien d'elle jusqu'à Actium. Elle a joué un rôle sans doute important (mais totalement imprécis) lors de la marche de Gallus vers l'Egypte (hiver 31-30 av. J.-C.). Il m'est impossible de déterminer son point de départ: il peut s'agir d'une marche depuis l'Afrique, mais elle a aussi pu se déplacer en bateau depuis Actium (qui est plus proche que Carthage) et débarquer en Cyrénaïque.

Des troupes de Scarpus furent certainement inclues en son sein après l'adhésion de celui-ci. C'était d'autant plus faisable si les effectifs de la légion n'étaient pas complet. Puis elle doit participer à la marche vers l'Egypte et aux événements de Paraetonium. Arrivée en Egypte au cours de l'été 30 av. J.-C., elle stationne désormais dans la nouvelle province.

 

b) L'installation en Egypte

Déjà César avait disposé 4 légions en Egypte. Or c'est beaucoup trop pour la seule ville d'Alexandrie. Il a certainement dû les déployer aux points stratégiques. C'est le début de l'occupation militaire de l'Egypte par les romains. Car, en fait, il n'y a pas eu de réelle rupture: Rome a contrôlé l'Egypte depuis César. Lorsqu' Antoine la contrôle à son tour, c'est encore Rome la puissance occupante. Après sa mort Octave ne fait que continuer l'occupation. Cela apparaît nettement si l'on examine les forces qu'Octave y fait tenir garnison: ce sont un mélange d'anciennes troupes d'Antoine et de ses propres troupes. Il y a donc continuité dans l'occupation, au moins théoriquement.

Cette occupation, dans les faits, sous César ou Antoine, quelle est elle? Ce n'est pas mon propos d'y répondre en détail, mais, dès 32 av. J.-C., une inscription de Philae nous fait connaître un préfet accompagné d'amis civils et de 8 centurions. De quoi s'agit-il? D'une reconnaissance? D'une démonstration de force? En tout cas, une chose est sûre: les Romains connaissent (et contrôlent sûrement) la frontière Sud dès Antoine. Sur le plan territorial, il y a donc continuité. Peut-être existe-t-elle aussi sur le plan de l'administration puisque l'on a un préfet nommé dans cette inscription et que c'est un préfet équestre qui gouverne l'Egypte à partir d'Octave.

Le déploiement des forces romaines sous Auguste nous est rapporté par Strabon, ami d'Aelius Gallus. Une légion tient garnison à Alexandrie (certainement la XXIIe légion Deioterana), une à Babylone et une peut-être à Thèbes. Cette disposition traduit certainement la volonté de Rome de contrôler les lieux de révolte possible, et de déployer les légions de façon à pouvoir intervenir en cas d'invasion venant de l'ouest, de l'est et du sud (sans les mettre en première ligne mais pour qu'elles puissent intervenir après avoir eu le temps de prendre connaissance des événements et de l'ennemi). On remarque donc clairement une volonté de protéger l'Egypte, et les empereurs successifs ne changeront jamais de politique à ce sujet, car la province est trop nécessaire à l'économie de l'empire.

On ne sait pas quelle poste occupait exactement la IIIe légion Cyrenaica sous Auguste. Je m'accorde donc avec Ritterling quand il dit que sa présence probable en Haute Egypte au Ier siècle de notre ère ne doit pas nous faire affirmer qu'elle y était dès le début. Pourtant quelques arguments iraient en ce sens.

Keppie propose de voir dans la troisième légion non identifiée la XIIe Fulminata car elle n'arrive en Syrie qu'à la fin du règne d'Auguste et qu'on ne connaît pas son ancien lieu de garnison. Szramkiewicz pense que cette troisième légion fut remplacée vers 7-9 ap. J.-C. par des troupes auxiliaires.

Du point de vue administratif, l'Egypte est divisée en 3 épistratégies: Thébaïde (Haute Egypte), Heptanomia et Arsinoïte (Moyenne Egypte) et le Delta (Basse Egypte). Je remarque que la répartition des légions correspond à la division administrative. Auguste devait donc concevoir (au moins au début) l'Egypte comme l'étroite bande de terre de la vallée du Nil.

 

c) L'occupation par deux légions: changement de stratégie

Dès 23 ap. J.-C., on apprend par Tacite, qu'il n'y a plus que deux légions en Egypte. Lesquier a même tendance à considérer cette date comme la date de la modification. Szramkiewicz propose la période 7-9 ap. J.-C. Or, comme nous venons de le voir ci-dessus, celle-ci a certainement dû survenir plus tôt.

Strabon précise que trois cohortes tiennent garnison à Syène. Ces troupes doivent donc être suffisantes pour garder la frontière. Le départ de la légion de Thèbes traduit certainement une pacification de la région (après la révolte de 29 avant J.-C.). Or, par la suite, on ne constate pas de renforcement de troupes sur la frontière sud, cela signifie donc que la légion ne servait pas à cela. Il ne faut cependant pas croire que les légions furent absentes du sud après le départ de cette troisième légion. Elles se sont relayées, mais n'ont pas occupé un grand camp permanent en Haute Egypte au Ier siècle (en tous cas dans l'état actuelle des connaissances).

A partir de 9 ap. J.-C., on voit apparaître la préfecture de Bérénice, ce qui suppose qu'à partir de cette date au moins (mais certainement un peu plus tôt) Rome s'occupe des déserts Arabes. C'est aussi à cette époque que le commerce avec l'Inde est relancé. Je crois que tout cela est lié. Auguste a compris que la richesse de l'Egypte ne tenait pas qu'à son agriculture, aux carrières et aux mines situées à l'est du Nil. Mais le commerce avec l'Inde est la source d'autres richesses que Rome consomme, mais dont elle ne contrôle pas son approvisionnement. La campagne d'Aelius Gallus en Arabie, que raconte Strabon, a dû apporter des informations à ce sujet. Par exemple, Strabon parle des aromates qui ne proviennent pas d'Arabie mais de beaucoup plus loin, et qui sont apportées en Arabie par le biais du commerce maritime. Auguste a dû rêver de détourner ce commerce à son profit, en le faisant passer par l'Egypte. Il lui fallait donc changer sa politique dans cette province, et réorganiser ses efforts en fonction de cet objectif nouveau.

C'est ce changement de politique qui l'amène à se pencher sur la situation de l'Egypte. Les habitants sont désormais calmes: deux légions suffisent donc, et la troisième peut être utilisée ailleurs. Il valait mieux, à mon avis, retirer celle dont les connaissances sur le terrain étaient le moins proche de ces objectifs. Dans ce cas, on a dû choisir celle de Babylone (cette hypothèse renforce alors celle de la présence de la IIIe légion Cyrenaica en Haute Egypte au début du règne d'Auguste) car une légion basée du côté de Koptos devait avoir pris connaissance des routes commerciales terrestres et des habitudes des marchands.

En confiant à l'armée le soin d'organiser l'Est de l'Egypte, Auguste devait avoir eu connaissance des problèmes de la région: sur terre comme sur mer. Il y a peu d'habitants et il ne doit pas être bien difficile de les assagir: il suffit que les soldats fréquentent régulièrement les pistes caravanières. Le seul problème majeur réside chez le Nabatéens qui partagent avec les Egyptiens la navigation sur la Mer Rouge mais qui ne souhaitent absolument pas partager les fruits du commerce oriental.

A partir de cette époque donc, la province romaine d'Egypte est constituée de la vallée du Nil et des déserts arabiques. Et elle entre dans une concurrence commerciale avec les Nabatéens.

 

d) Le regroupement à Nicopolis

Pour Lesquier, le regroupement à Nicopolis intervient lors du dédoublement de la XXIIe légion Deioterana pour la guerre en Bretagne de Claude, en 43. Les meilleurs cadres de celle-ci ont dû être incorporés dans la nouvelle légion, laissant l'ancienne quelque peu démunie. Claude avait-il déjà pensé à ne laisser en Egypte qu'une seule légion? Cela signifierait que la province fut calme. D'ailleurs, depuis les révoltes du début du règne d'Auguste, aucun trouble n'est survenu dans la province avant la révolte de 115 (sauf à Alexandrie même).

Pourtant, pour pallier la faiblesse de la légion restée à Alexandrie, la IIIe légion Cyrenaica s'est vue changer un peu sa mission: elle devait désormais avoir son camp fixe à Nicopolis pour surveiller la capitale, au plus tard en 47-48.

Lesquier y voit une inquiétude de Claude face à un retour possible des émeutes à Alexandrie (après celles qui eurent lieu en 37-38). Car, en prenant les cadres expérimentés de la XXIIe légion Deioterana, Claude aurait décidé au même moment d'ordonner à la IIIe légion Cyrenaica de la soutenir dans sa tâche de maintien de l'ordre à Alexandrie.

Personne n'a remis cette hypothèse en cause depuis. Or Dobson a récemment proposé de lier la charge de Praefectus Castrorum au double camp d'Alexandrie. Il cite alors un personnage, A. Virgius Marsus, qui exerce cette fonction à la fin du règne d'Auguste ou sous Tibère. Cela signifie-t-il que les deux légions furent rassemblées avant la date de 43 que proposait Lesquier? Claude a-t-il pu dédoubler la XXIIe légion parce qu'elle était déjà soutenue par la IIIe légion Cyrenaica? Le regroupement a-t-il eu lieu lors du changement de la politique d'Auguste? Je n'ai aucun élément de réponse pour aller dans le sens de l'une ou l'autre hypothèse. Mais le camps principal de la IIIe légion Cyrenaica, dans la seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C., est situé à Nicopolis.

 

e) La vie calme du Ier siècle

Pendant toute la durée de sa présence en Egypte, la IIIe légion Cyrenaica n'a pas rencontré beaucoup de problèmes. C'est certainement grâce à ce calme que les empereurs ont pu détacher une partie des troupes de la légion pour les utiliser dans leurs campagnes. J'étudierai plus loin toutes les sorties de la IIIe légion Cyrenaica.

Il y a en fait un seul événement de dimension importante à signaler sur l'histoire générale de la légion pendant le premier siècle de notre ère. Cette événement a influencé l'Empire puisqu'il permet à une nouvelle dynastie d'accéder à l'Empire. En effet, le premier juillet 69, les troupes d'Egypte s'offre à Vespasien. Tacite et Suétone sont d'accord sur la date et la manière.

Vespasien était chargé, depuis le printemps 67, de réprimer la révolte des Juifs en Judée. Or l'assassinat de Néron, le 9 juin 69, laissait place à l'ambition de plusieurs hommes. Vespasien attendait. C'est Ti. Julius Alexander, préfet d'Egypte, qui prit l'initiative de faire jurer ses légions en faveur de Vespasien. Celui-ci vint alors à Alexandrie et organisa sa conquête du pouvoir. Il envoie ensuite son fils Titus terminer la guerre en Judée (avec, entre autres, la IIIe légion Cyrenaica)

f) Les troupes auxiliaires d'Egypte

Les troupes auxiliaires d'Egypte aux Ier et IIe siècles sont connues par plusieurs diplômes datés des Ier et IIe siècles .

Strabon précise qu'avec les 3 légions, il y avait au début du règne d'Auguste 9 cohortes et 3 ailes. La répartition des troupes auxiliaires est assez claire: 3 cohortes et une aile accompagnent chaque légion. En 83, il y a 8 cohortes et 3 ailes pour 2 légions. Cela signifie que la légion qui est partie n'a emmené avec elle qu'une cohorte. Il y a alors 4 cohortes et une aile par légion. En 105, il y a 3 ailes et 7 cohortes en Egypte, et 2 autres en Judée. Ces deux dernières ont un rapport étroit avec la IIIe légion Cyrenaica.

Ce sont la cohors I Hispanorum equitata et la cohors I Thebaeorum. On les trouve en Haute Egypte pendant tout le Ier siècle ap. J.-C. Elles sont déplacées en Judée en 105. L'invasion de l'Arabie a lieu l'année suivante, puis elle restent dans cette nouvelle province avec la IIIe légion Cyrenaica.

Pour plus de précisions sur chacune de ces troupes (sources, localisation, histoire, ...), je renvoie à l'ouvrage de Lesquier dont le commentaire reste encore tout à fait valable.

 

 

 

2) Les événements ponctuels

 

a) La répression des révoltes

dans la campagne

A peine en place, le premier préfet d'Egypte, Cornelius Gallus fut obligé de réprimer une révolte à Hernöonpolis (dans le Delta) et à Thèbes en 30-29 av. J.-C. Il remonta ensuite par Syène et Philae jusqu'à la première cataracte. Une ambassade éthiopienne accepta alors le protectorat romain. On peut penser que les Ethiopiens avaient soutenu la révolte de Thèbes.

Aucune autre révolte de paysans n'est connue avant celle de 172-173. Le calme fut donc assuré pour 2 siècles.

Mais ce calme est troublé par la turbulence des Juifs à Alexandrie. Une seule d'entre elles s'étend à la campagne: la révolte de 115-116 qui débute à Alexandrie. L'insécurité créée alors se répercute sur l'économie de la province car le trafic caravanier est interrompu. De nombreux papyrus témoignent de cette période. Mais il semble que les destructions aient été moins importantes qu'en Cyrénaïque. La révolte a aussi gagné Chypre. Partout la communauté juive se livre à des massacres de Grecs.

En 116, Trajan confie à Q. Marcius Turbo le soin de mater la révolte à la fois en Cyrénaïque, en Egypte et à Chypre. Je ne sais pas si la IIIe légion Cyrenaica a participé à la répression appliquée à Alexandrie puisqu'elle se trouve à cette époque à Doura-Europos. Mais comme il semble qu'elle soit revenue en Egypte par la suite, son intervention n'est pas impossible. En fait je ne le pense pas sauf si un détachement était resté en Egypte, ou s'il fut détaché de Doura vers Alexandrie. .

à Alexandrie

Très tôt Rome se trouve confronté à des troubles à Alexandrie. Déjà C. Petronius doit y faire face (24-21 av. J.-C.). En fait, il existe un antisémitisme fort à Alexandrie, qui s'exprime parfois de la part des Grecs en des termes racistes englobant Juifs et Egyptiens.

C'est après un demi siècle d'administration romaine que l'affrontement réapparaît entre les communautés. Le préfet Avilius Flaccus avait pourtant pris les devants en interdisant le port d'arme en 34-35 ap. J.-C. Cependant, en 37, pour obtenir le soutient de la communauté grecque, il laisse faire les pogroms anti-juifs que les Grecs organisent dans la ville et, en 37-38, fait procéder à des perquisitions dans tout le pays, où sont trouvées de nombreuses armes. Il est remplacé à l'automne 38 par Vitrasius Pollio.

En 66, resurgit le même problème: 3 Juifs sont assassinés par des Grecs à Alexandrie. Le préfet Ti. Julius Alexander envoie les 2 légions et 5 000 hommes de passage pour mater le soulèvement juif qui s'en suivit.

Les troubles à Alexandrie furent donc quasi permanents. Les Juifs revendiquaient en permanence leur droit à la citoyenneté alexandrine, que refusaient les Grecs et les Empereurs. Les Grecs critiquaient le mode de vie "barbare" des Juifs. Les deux révoltes principales se déroulèrent sous les règnes de Claude et Néron. Elles se terminent toujours par un massacre de Juifs. Mais, pendant cette période, quelque chose a changé: le préfet ose désormais envoyer l'armée pour rétablir l'ordre. Cela signifie-t-il qu'avant il n'en avait pas les moyens parce que les troupes n'étaient pas assez nombreuses (selon Lesquier la IIIe légion Cyrenaica ne tient pas encore garnison à Alexandrie en 37-38), ou que le préfet pensait que la menace de les envoyer suffirait à assurer le calme? Il n'y eut plus ensuite de révolte sérieuses avant celle de 115.

 

b) L'expédition en Arabia Felix

Strabon raconte en détail l'expédition de son ami Aelius Gallus en Arabia Felix en 26-25 av. J.-C. Outre l'échec militaire, les Romains apprirent plusieurs choses. C'est certainement leur ignorance de la région qui est la cause de leur échec; l'accusation de trahison de la part du ministre nabatéen Syllaios n'est qu'un prétexte. Ensuite ils se sont rendus compte que les bateaux longs (les galères) n'avaient aucune efficacité en Mer Rouge. Mais surtout ils apprirent que les épices provenaient de bien plus loin que l'Arabie. De plus pour conquérir et tenir la péninsule arabique, l'armée romaine devrait s'adapter aux conditions désertiques. Elle doit prendre connaissance du terrain avant d'agir.

Je ne crois pas qu'Auguste ait eut l'intention de conquérir le Yémen, car il n'a aucune base arrière si ce n'est la récente province de l'Egypte. Cette expédition me parait avoir donc un caractère préventif et scientifique: préventif pour montrer qu'il faut compter désormais avec le pouvoir romain en Mer Rouge, scientifique pour ce qui est de la connaissance de l'immensité désertique et de la provenance réelle des produits d'importation. C'est donc de la rive ouest que l'armée romaine doit ensuite se faire respecter des autres peuples.

En ce qui concerne la composition des troupes d'Aelius Gallus, on ignore quelle légion l'accompagne en Arabie, peut-être chacune des trois a-t-elle fourni un détachement.

 

c) Les conflits avec l'Ethiopie: la frontière sud

"L'unique ennemi ce fut l'Ethiopien. Où est l'ennemi, là est vraiment la frontière".

 

En 25, alors qu'Aelius Gallus est encore en Arabie, les Ethiopiens prennent Pselcis, Philae et Eléphantine. Peut-être sont-ils au courant de ses déboires dont ils veulent profiter. Au printemps 24 (plutôt qu'en été où il fait trop chaud), C. Petronius les repousse et prend Pselcis (Dakkeh), Prennis (Ibrim) et Napata (près du Djebel Barkal et de la 4e cataracte). Il laisse à Premnis une garnison de 400 hommes (certainement une cohorte) avec 2 ans de nourriture.

La contre attaque des Ethiopiens l'année suivante est réprimée en 22. Le royaume de Napata est alors considéré comme Etat client, et la Dodécaschène (de Philae à Hiérasycaminos) est occupée. La tranquillité y est assurée pour deux siècles et demi, au prix d'une surveillance permanente que révèlent les inscriptions. En effet, outre les troupes auxiliaires, les IIIe légion Cyrenaica et XXIIe légion Deioterana servent aussi souvent en Haute Egypte où elles se relaient. Sur les troupes auxiliaires tenant garnison en Nubie, je renvoie à une étude de Speidel.

Néron a peut-être voulu engager une guerre contre l'Ethiopie mais il en a été empêché par la révolte juive. Cela expliquerait le nombre important de troupes (deux légions et 5000 hommes de passages) que le préfet Ti. Julius Alexander peut envoyer mater la révolte juive d'Alexandrie.

Peut-être Trajan a-t-il eut aussi l'intention de mener aussi une guerre en Ethiopie puisque la première mention de la IIe légion Traiana se trouve à Pselcis et date de 109. Mais elle remplace peut-être à cette date la IIIe légion Cyrenaica dont les occupations se sont tournées vers l'Arabie.

 

d) Les participations aux guerres extérieures

Avant l'époque d'Auguste, on peut utiliser facilement une légion entière pour mener une guerre dans une région donnée puisqu'elles sont souvent créées pour cette occasion. Mais lorsque ces légions deviennent permanentes, et qu'elles ont un lieu de garnison fixe avec une mission bien précise, organisées selon une stratégie à grande échelle, il devient difficile d'enlever un élément de l'édifice pour le déplacer dans son entier. C'est pourquoi je ne conçois la participation de la IIIe légion Cyrenaica à des guerres extérieures à l'Egypte (de même plus tard en Arabie) que sous forme de détachement (sauf à pouvoir prouver le contraire). J'ai utilisé le terme de vexillation lorsque je l'ai effectivement trouvé dans un texte; je ne parle que de détachement lorsque ce terme n'est pas utilisé.

Il existe un doute pour savoir si la IIIe légion Cyrenaica a participé à la guerre germanique de Caligula. En effet si l'on prend les paroles de Suétone à la lettre, il n'y a pas de raison d'en douter. Cependant les troupes mentionnées ne sont pas nommées ni quantifiées. Peut-être les inscriptions d'Hern-St-Hubert et d'Iversheim sont-elles des traces de la présence de la légion en Germanie.

En 63, la IIIe légion Cyrenaica participe à la guerre de Corbulon contre les Parthes. Il faut cependant rappeler qu'ici aussi les troupes mentionnées ne sont pas nommées ni quantifiées. Il subsiste donc un doute.

la guerre juive de Néron

Dans un premier temps, la IIIe légion Cyrenaica ne participe pas à la répression de la révolte juive en Judée sous Néron. Elle a certainement fort à faire en Egypte même, et surtout à Alexandrie. Cependant, après s'être fait proclamer Empereur, Vespasien envoie son fils Titus renforcer les troupes chargées de mettre fin à cette révolte. Seul Tacite cite les deux légions, mais Flavius Josèphe ne parle que de "troupes d'Egypte" sans préciser lesquelles. Une seule fois il parle "des deux légions d'Egypte" à propos de la fonction de leur commandant, Fronton Arterius.

Cette fois, enfin, Tacite parle de 2000 hommes, soit 4 cohortes. Cela correspond au commandement de deux tribuns. Ceux-ci peuvent appartenir chacun à une légion différente, ou à la même. Je penche pour cette dernière hypothèse car je ne pense pas que la XXIIe légion Deioterana ait participé à une guerre extérieure à l'Egypte.

Flavius Josèphe qualifie à chaque fois ce détachement de "troupes d'élites". Ce n'est sûrement pas innocent, mais je ne peux choisir entre la propagande en faveur des troupes qui ont acclamé le récent empereur et auquel Flavius Josèphe s'est lui-même rallié, et une certaine réalité. Il semble toutefois que ces troupes se soient bien comportées devant Jérusalem.

la révolte de Judée de 115 ap. J.-C.

Alors que les juifs d'Egypte, de Cyrénaïque et de Chypre s'agitent, la Judée reste calme. Je crois qu'un détachement se trouvant en Arabie fut alors déplacé à Jérusalem pour prévenir toute tentative. En effet, le souvenir de la répression de Titus et de l'incendie du Temple qui s'en suivit devait être encore très vivace parmi la population. Quelques anciens, témoins de la révolte, ont peut-être rappelé aux jeunes qui auraient voulu suivre le vent de la révolte, que les légionnaires de la IIIe légion Cyrenaica sont capables des mêmes atrocités à leur égard. C'est pour cette raison peut-être que la Judée ne suit pas le mouvement. La légion peut alors célébrer cette victoire en élevant un arc en l'honneur de Trajan et des dieux de la légions (Jupiter Maximus Optimus et Sérapis): c'est une victoire sans combats.

la XXIIe légion Deioterana à l'extérieur de l'Egypte

Je m'accorde avec Lesquier qui montre que l'on a pas de preuve formelle de la participation de la XXIIe légion Deioterana dans des guerres extérieures. On est pas certain qu'elle fasse partie des forces de Corbulon car il est juste dit qu'il "a reçu des détachements d'Egypte".

De même, comme nous venons de le voir, Titus prélève peut-être 1 000 hommes (2 cohortes) pour sa guerre juive. Pour démontrer la participation de la XXIIe légion Deioterana (comme semble le dire Tacite), il faudrait renforcer cette hypothèse par des inscriptions en Judée ou par la mention de tribuns ou centurions ayant reçu (comme ceux de la IIIe légion Cyrenaica) des récompenses de la part de l'Empereur. Or il n'en est rien.

Ensuite elle ne participe à aucune autre guerre en Judée ou contre les Parthes. La participation de la XXIIe légion Deioterana à la guerre parthique de Trajan n'est qu'une hypothèse destinée à justifier la date de la révolte juive.

Donc, en mettant à part la guerre de Titus, pour laquelle le doute demeure, la XXIIe légion Deioterana n'est jamais sortie d'Egypte. Alors que faut-il penser de l'hypothèse de sa participation à la guerre juive de Titus? Je crois que cette mention est une erreur de la part de Tacite puisqu'il écrit bien après les faits, et que, si ses sources parlent "des troupes d'Egypte", il était bien légitime de croire que les deux légions étaient présentes. Quant à Fronton Aretius, mentionné par Flavius Josèphe, il peut s'agir d'un commandant dont l'attribution normale s'appliquait sur les deux légions (comme, par exemple, la préfecture des camps).

Ce rôle de renfort aux armées menant de grandes campagnes en Orient (et peut-être aussi en Germanie) a donc été attribué à la IIIe légion Cyrenaica. Notre légion n'a donc pas les mêmes objectifs que sa partenaire: elle est bien plus tournée vers l'Orient. Je crois même que l'on peut affirmer que sa mission est de protéger l'Egypte face à un ennemi oriental (les Parthes, mais surtout, et plus proches, les Nabatéens et autres tribus arabes de la mer Rouge). La mission de la XXIIe légion Deioterana serait alors de contrôler et tenir l'Egypte.

 

3) Le rôle en Egypte

 

a) La localisation

Mis à part l'inscription d'Ekfas (qui est plutôt l'oeuvre du préfet) et des deux inscriptions d'Akoris (où la légion surveillait la carrière), toutes les autres inscriptions proviennent de Haute Egypte ou du camp de Nicopolis. On peut donc affirmer que la IIIe légion Cyrenaica s'est occupée de ces secteurs. De plus, la présence militaire romaine se vérifie par toute une série de fortins le long des pistes commerciales des déserts arabiques. Il serait intéressant de pouvoir dater la présence des autres troupes romaines présentes en Haute Egypte.

Lesquier écrivait: "la nécessité d'assurer la sécurité de la vallée du Nil contre les nomades de l'est et de l'ouest a certainement eu sa part dans la répartition des troupes". Si cela est confirmé pour les déserts arabiques, il en va tout à fait autrement pour l'ouest de la vallée du Nil.

Il semble en effet qu'il n'existe aucune preuve de la présence de la IIIe légion Cyrenaica dans les oasis à l'ouest du Nil. Cette absence vaut aussi pour la XXIIe légion Deioterana. D'ailleurs peu d'informations sur le Haut Empire y laissent entrevoir une présence militaire (sauf des fortins dont la datation est mal connue). Seule la présence de la IIe légion Traiana est assurée et ne vaut donc qu'à partir du IIe siècle. Peut-être la présence romaine ne s'est pas appliquée au désert libyen parce que les ressources sont de faible intérêt et que les nomades n'y sont certainement pas belliqueux.

Il demeure cependant une ombre à mon tableau. En effet aucune inscription à ce jour (à ma connaissance) n'a été relevée sur la côte de la Mer Rouge. Si j'attribue cependant la IIIe légion Cyrenaica à cette région et aux tâches que cela implique, c'est parce que (comme nous l'avons déjà vu) elle est bien plus tournée vers l'Orient que la XXIIe légion Deioterana, et qu'elle doit bien connaître le royaume nabatéen avant d'avoir dû y intervenir en 106.

 

b) Les activités

"L'armée devait assurer l'ordre intérieur et appuyer la police des cités, ... garder les condamnés aux travaux forcés, défendre et diriger les exploitations des carrières, ... protéger les grandes voies commerciales de l'orient".

la surveillance de la Mer Rouge

Pirenne établit plusieurs phases dans le développement du commerce romain avec l'Extrême Orient. Après une décadence sous les derniers Ptolémées, jusqu'en 111-78 av. J.-C., le trajet vers l'Inde se fait toujours par cabotage (surtout vers l'Indus, où il n'existe pas de monnaies de cette époque car elles sont certainement refondues pour le monnayage local).

Jusqu'à l'époque de Pline l'Ancien (au milieu du Ier siècle ap. J.-C.), la mousson du sud-ouest est connue et utilisée. La mer Rouge devient sûre (disparition des pirates). La navigation ne va pas jusqu'à Ceylan mais atteint la côte Ouest de l'Inde. On accède ensuite à la côte est de l'Inde par voie de terre.

D'après Pline l'Ancien, 120 navires quittent l'Egypte chaque année vers l'Inde. Aux Ier et IIe siècles, le commerce est vraiment important: il absorbe 50 millions de sesterces par an. Après Néron, il consiste plutôt en échanges de biens pour arrêter l'hémorragie de métal. Le commerce se déplace alors jusqu'à la Chine.

En 166, Marc Aurèle envoie une ambassade en Chine pour inaugurer le commerce direct. Alors qu'une vingtaine de trésors contiennent des pièces romaines du Ier siècle, beaucoup plus nombreux sont ceux qui en contiennent du IIe siècle. Au IIIe siècle, à la crise de l'Empire romain correspond la chute du commerce oriental; on ne trouve pas de trésor contenant des pièces romaines du IIIe siècle. Après une reprise du commerce au IVe siècle, où l'on retrouve des trésors contenant des monnaies de bronze, on en constate l'abandon aux Ve et VIe siècles.

Pendant le premier siècle de leur présence sur la côte de la Mer Rouge, les Romains ont donc tenter avec succès de rétablir leurs relations avec l'Orient. Comment ont-ils procédés? Partons du constat de Strabon: les Arabes n'ont pas de marine de guerre. Le pouvoir romain n'a donc rencontré aucune résistance de la part d'une marine organisée. Toutefois la protection des navires était nécessaire contre une piraterie très active. Cette protection ne s'est pas faite par la présence d'une flotte permanente mais par l'embarquement d'archers sur les navires marchands. En effet, les bateaux longs ne sont pas adaptés à la Mer Rouge.

Les Nabatéens pillaient les navires égyptiens en utilisant comme base arrière les îles proches du continent. La course est légitime pour les Nabatéens, moins pour le butin que pour la concurrence du commerce égyptien. Ce sont d'ailleurs eux qui ont incendié la flotte de Cléopâtre réfugiée dans le golfe.

Donc la présence romaine sur la côte égyptienne, même cantonée à quelques endroits, suffisait pour contrôler le commerce, et les pirates. D'ailleurs, des traces d'installations côtières et commerciales on été récemment découvertes jusque dans la Corne de l'Afrique. Cela permettait au pouvoir romain d'exercer un contrôle douanier, notamment à l'entrée du Golfe d'Aqaba. C'était encore le cas au Ve siècle lors des difficultés avec les Arabes dans la région.

En 107, Trajan reçoit une ambassade de l'Inde. On perçoit bien, avec cet événement, l'importance du rôle des nabatéens encore au début du IIe siècle. On est là juste après l'invasion de la Nabatène par Rome. Cette opération a peut-être entravé le commerce pour une courte durée (puisqu'il ne semble pas y avoir eu une longue période de combats). L'Inde s'inquiète du devenir de son commerce, et s'en va le faire savoir à Trajan. La partie du commerce détournée au profit de l'Egypte, si importante soit-elle, n'est donc qu'une petite partie du commerce oriental, qui transit encore dans sa plus grande partie par la Nabatène.

 

la surveillance des routes terrestres du commerce à l'Est du Nil

Arrivés en Egypte, les produits orientaux sont conduits vers Alexandrie d'où ils sont exportés dans toute la Méditerranée. "Aujourd'hui la plus grande partie des marchandises gagnent Alexandrie par la voie du Nil: on les amène par mer de l'Arabie et de l'Inde jusqu'à Myos Hormos; on leur fait ensuite traverser le désert à dos de chameaux, jusqu'à une ville de Thébaïde, Koptos, qui est située sur le canal du Nil, de là on les dirige sur Alexandrie".

Koptos est le centre de convergence des routes vers le Mer Rouge. La route la plus courte est celle de Koptos à Myos Hormos, mais celle qui mène à Bérénice est la plus utilisée. Il semble que cela permet aux navires d'éviter les mauvais vents du nord de la Mer Rouge. Les autres routes relient Oxhyrhinchos à la mer, Qena (Tentyra) et Abu Shaar (Myos Hormos), Qena et le Mons Claudianus, Edfou et Bérénice.

L'aménagement des routes de Koptos à Myos Hormos et à Bérénice (au moins) semble s'être effectué sous Auguste ou Tibère.

La route de Koptos à Leukos Limen (Qusseir) est la plus facile pour gagner la Mer Rouge. Elle mesure 181 km et est bordée de camps distants de 13 à 23 km les uns des autres. Ce sont des lieux articulés autour d'un puit ou d'une citerne et sans étable (Reddé et Golvin font remarquer qu'il n'y en a pas besoin pour des chameaux). Entre chaque camp il y a des tours carrées (3x3m) pour transmettre des messages optiques.

Reddé et Golvin font remarquer que les inscriptions sont du Haut Empire mais la typologie des forts est du bas Empire. Or ils avouent aussi la mauvaise qualité des connaissances sur ce sujet. Cette contradiction est de même nature dans le désert libyen.

Curieusement les inscriptions de cette région, connues à ce jour ne mentionnent pas la IIIe légion Cyrenaica. On ne trouve pas non plus la mention de Zeus Ammon mais beaucoup de noms théophores. Cependant Hélios et Sérapis sont souvent cités. On trouve aussi la XXIIe légion Deioterana (il serait utile de pouvoir dater sa présence pour savoir si elle est contemporaine de la présence de la IIIe légion Cyrenaica).

 

la surveillance des mines et des carrières

Les déserts orientaux de l'Egypte sont habités pour être exploités. C'est le pouvoir militaire qui en a la charge: par l'intermédiaire du préfet de Bérénice qui est un militaire.

L'inscription n°203 montre l'un de ces préfets et expose l'ensemble de ses responsabilités. Il est directeur général de toutes les mines d'Egypte. Les émeraudes étaient la production essentielle du désert oriental, dans le domaine des pierres précieuses. On constate que les productions sont certainement données dans l'ordre de leur importance: les émeraudes, le topaze, les perles. Il peut sembler étonnant que l'or ne soit pas mentionné, mais, si l'on en croit Diodore (Ier siècle av.) l'exploitation en était d'un type particulier, puisqu'elle relevait du travail forcé. On peut se demander si cette exploitation de l'or, fort active sous les Ptolémées, ne fut pas abandonné par les Romains. De plus la mention des perles (produits de mer) avec les pierres précieuses (produits de carrières) peut sembler bizarre.

 

Il ne faut pas oublier non plus les carrières de pierres de construction. L'inscription n°195 montre un centurion chargé de surveillé les carrières d'Akoris. Les pierres d'Akoris ont servi à paver la ville d'Alexandrie. Les carrières de pierre antiques se trouvent au nord-est de la ville antique ou à l'est du village actuel, sur le sommet de la montagne. Une rampe, qui monte en serpentant, est assez large pour le passage des chariots. Les anciens remplissaient les creux laissés par les torrents et les ornières des chariots avec des joncs et de la paille. C'est certainement une description qui conviendrait à toutes les mines.

L'armée surveille donc ce domaine. Je n'ai malheureusement pas plus d'informations: je n'ai pas trouvé de recensement des carrières de cette région. On peut se référer à l'étude du Mont Claudianus dont les inscriptions sont partiellement publiées.

Le préfet de Bérénice

Selon Lesquier (et je ne crois pas qu'il y ait eu d'oppositions depuis) la préfecture de Bérénice n'est pas une procuratelle. Il faut remarquer que cette charge apparaît dès la fin du règne d'Auguste. Elle est contemporaine de la mise en place de la surveillance des routes commerciales et du renouveau du commerce oriental. Cette fonction occupée uniquement par des militaires (dont au moins la moitié a rapport avec la IIIe légion Cyrenaica) doit donc être mise en rapport avec ces résultats. La fonction me semble très liée à la légion puisqu'en 132 ap. J.-C., après son départ, est attesté un nome de Bérénice, certainement rattaché à l'épistratégie de Thébaïde.

J'ai cru utile de citer les préfets de Bérénice que j'ai rencontré, car s'ils n'appartiennent pas à la IIIe légion Cyrenaica au moment de leur fonction, ils en sont très proche. Lesquier constate qu'ils sont tous tribun légionnaire ou préfet d'une aile (dont la plupart est située en Haute Egypte).

 

Nom

Date

(après J.-C.)

Référence

... Poplius Juventius Rufus

9

doc. n°203
L. Pinarius Natta

~ 25

doc. n°13
L. Junius Calvinus 

72

Bernand, Memnon, n°4
M. Trebonius Valens

84-85

Meredith, Berenice road..., p.285, n°4
L. Antistius Asiaticus

90-91

doc. n°200 et Cagnat IGR III n°1183
M. Antonius Priscillus Viscasius Sabidianus

?

CIL VI n°32929
... Caesellius Q f

?

Bernand, Memnon, n°14
D. Severius Severus

?

CIL IX n°3083