LEGION III CYRENAICA

 

 

 

Résumé

 

 

 

 

1) L'origine, d'Octave à Auguste

 

L'origine de la IIIe légion Cyrenaica est obscure: aucun élément fiable, aucun propos ne définissent sa naissance avec précision.

A la veille de la bataille d'Actium (31 av. J.-C.), Antoine possédait 30 légions, alors qu'Octave n'en avait que 19. Antoine en avait disposé 7 en Orient (dont certaines en Egypte) et 4 en Cyrénaïque. Ces dernières étaient aux ordres de Lucius Pinarius Scarpus.

trois légions III

Il existe alors trois légions "troisième". Celle d'Antoine étant de façon certaine la IIIe légion Gallica, la IIIe légion Augusta étant issue des troupes de Lépide passées à Octave (elle porte le surnom "Augusta" comme la Ière, la IIe et la VIIIe légions en reconnaissance de leur désertion en Sicile en 36), la IIIe légion Cyrenaica est celle d'Octave levée entre 44 et 36 (mais on ne sait rien d'elle jusqu'à Actium). Elle tiendrait son surnom d'un exploit en Cyrénaïque.

Cet exploit est tout trouvé: elle faisait partie des troupes que C. Cornelius Gallus emmène avec lui de l'Afrique vers l'Egypte et qui firent changer de bord L. Pinarius Scarpus (un neveu de César).

 

les événements de Cyrénaïque

Au cours de l'hivers 31-30, Scarpus livre donc ses 4 légions au partisan d'Octave, C. Cornelius Gallus, qui marche avec ses troupes vers l'Egypte. Scarpus refuse ensuite d'accueillir les envoyés d'Antoine. Cette trahison lui valut d'être maintenu en place par Octave jusqu'en 27. La Crète fut ajoutée à la Cyrénaïque en 31 av. J.-C.

Dès 27, la province a un statut sénatorial prétorien, et n'a donc plus de troupes légionnaires sur son territoire: la IIIe légion Cyrenaica ne s'y trouve plus de façon certaine à partir de cette date.

Après les événements de Cyrène, on ne sait avec certitude si Gallus emmène immédiatement avec lui les troupes de Scarpus qui constitueront tout ou partie de la IIIe légion Cyrenaica: il marche pourtant en direction de l'Egypte, tandis qu'Octave est passé par l'Est. Antoine renforce alors Paraetonium en Libye qui se trouve sur la route de Gallus. Or celui-ci prend le port par surprise. Antoine contre attaque, ce qui montre bien l'importance de ce port. Il veut même s'adresser aux troupes de son ennemi, mais Gallus fait couvrir son discours par les trompettes. Antoine agit ainsi certainement parce que ses anciennes troupes doivent être présentes, et qu'il espère un revirement de leur part (la future IIIe légion Cyrenaica s'y trouve certainement).

 

Arrivée en Egypte au cours de l'été 30 av. J.-C., elle stationne désormais dans la nouvelle province.

 

2) L'installation en Egypte

 

Déjà César avait disposé 4 légions en Egypte. C'est le début de l'occupation militaire de l'Egypte par les romains. Les forces qu'Octave y fait tenir garnison sont un mélange d'anciennes troupes d'Antoine et de ses propres troupes. Il y a donc continuité dans l'occupation, au moins théoriquement.

Une légion tient garnison à Alexandrie (certainement la XXIIe légion Deioterana), une à Babylone (la IIIe légion Cyrenaica) et la XIIe Fulminata (?) peut-être à Thèbes. Avec ces 3 légions, il y avait au début du règne d'Auguste 9 cohortes et 3 ailes dont trois cohortes tiennent garnison à Syène

Du point de vue administratif, l'Egypte est divisée en 3 épistratégies: Thébaïde (Haute Egypte), Heptanomia et Arsinoïte (Moyenne Egypte) et le Delta (Basse Egypte).

L'expédition d'Aelius Gallus en Arabia Felix en 26-25 av. J.-C. est un échec militaire mais riche d'enseignements: les romains apprennent que les épices provenaient de bien plus loin que l'Arabie. Un détachement de le IIIe Cyrenaica y a participé.

révoltes égyptiennes

A peine en place, le premier préfet d'Egypte, Cornelius Gallus fut obligé de réprimer une révolte à Hernöonpolis (dans le Delta) et à Thèbes en 30-29 av. J.-C. Il remonte ensuite par Syène et Philae jusqu'à la première cataracte. Une ambassade éthiopienne accepta alors le protectorat romain. Le calme est alors assuré pour 2 siècles dans le sud.

Dans Alexandrie, C. Petronius doit faire face à des émeutes (24-21 av. J.-C.). En fait, il existe un antisémitisme fort à Alexandrie, qui s'exprime parfois de la part des Grecs en des termes racistes englobant Juifs et Egyptiens. Les Juifs revendiquaient en permanence leur droit à la citoyenneté alexandrine, que refusaient les Grecs et les Empereurs.

Le préfet Avilius Flaccus, en 37, pour obtenir le soutient de la communauté grecque, laisse faire les pogroms anti-juifs que les Grecs organisent dans la ville et, en 37-38, fait procéder à des perquisitions dans tout le pays, où sont trouvées de nombreuses armes. Il est remplacé à l'automne 38 par Vitrasius Pollio.

En 66, resurgit le même problème. Le préfet Ti. Julius Alexander y envoie les 2 légions et 5 000 hommes de passage.

 

3) L'occupation de l'Egypte

 

La XIIe Fulminata arrive en Syrie vers 7-9 ap. J.-C., elle remplacée par des troupes auxiliaires. Le départ de la légion de Thèbes traduit certainement une pacification de la frontière sud.

 

A partir de 9 ap. J.-C., on voit apparaître la préfecture de Bérénice, ce qui suppose qu'à partir de cette date au moins (mais certainement un peu plus tôt) Rome s'occupe des déserts Arabes. C'est aussi à cette époque que le commerce avec l'Inde est relancé. Cette fonction, occupée uniquement par des militaires, me semble très liée à la IIIe légion Cyrenaica puisqu'en 132 ap. J.-C., après son départ, est attesté un nome de Bérénice, certainement rattaché à l'épistratégie de Thébaïde.

 

Donc la présence romaine sur la côte égyptienne, même cantonée à quelques endroits, suffisait pour contrôler le commerce et les pirates. L'aménagement des routes de Koptos à Myos Hormos et à Bérénice (au moins) semble s'être effectué sous Auguste ou Tibère. L'armée surveille également les carrières et les mines de cette région.

Quant à la surveillance des oasis à l'ouest du Nil, il n'existe aucune preuve de la présence de la IIIe légion Cyrenaica .

 

Au cours du Ier siècle, la IIIe légion Cyrenaica rejoint la XXIIe légion Deioterana dans le camps de Nicopolis. Pour Lesquier, le regroupement intervient lors du dédoublement de la XXIIe légion Deioterana pour la guerre en Bretagne de Claude, en 43. Pour pallier la faiblesse des forces restées à Alexandrie, la IIIe légion Cyrenaica devait désormais avoir son camp fixe à Nicopolis pour surveiller la capitale, au plus tard en 47-48.

Or la charge de Praefectus Castrorum au double camp d'Alexandrie, est exercée par A. Virgius Marsus, à la fin du règne d'Auguste ou sous Tibère. Cela signifie-t-il que les deux légions furent rassemblées avant la date de 43 que proposait Lesquier ? Le regroupement a-t-il eu lieu lors du changement de la politique d'Auguste et du départ de la XIIe Fulminata ?

Il existe un doute pour savoir si la IIIe légion Cyrenaica a ensuite participé à la guerre germanique de Caligula. Mais en 63, la IIIe légion Cyrenaica participe à la guerre de Corbulon contre les Parthes.

 

4) L'Empereur Vespasien

 

Vespasien était chargé, depuis le printemps 67, de réprimer la révolte des Juifs en Judée. Dans un premier temps, la IIIe légion Cyrenaica n'y participe pas. Elle a certainement fort à faire en Egypte même, et surtout à Alexandrie.

Or l'assassinat de Néron, le 9 juin 69, laissait place à l'ambition de plusieurs hommes. C'est Ti. Julius Alexander, préfet d'Egypte, qui prend l'initiative de faire jurer ses légions en faveur de Vespasien. Celui-ci vient alors à Alexandrie et organisa sa conquête du pouvoir. Il envoie ensuite son fils Titus terminer la guerre en Judée (avec, entre autres, la IIIe légion Cyrenaica). Flavius Josèphe qualifie à chaque fois ce détachement de 2000 hommes, soit 4 cohortes, de "troupes d'élites".

Dès 83, il y reste 8 cohortes et 3 ailes pour 2 légions. En 105, 2 cohortes autres de Judée ont un rapport étroit avec la IIIe légion Cyrenaica. Ce sont la cohors I Hispanorum equitata et la cohors I Thebaeorum. On les trouve en Haute Egypte pendant tout le Ier siècle ap. J.-C. Elles sont déplacées en Judée en 105. L'invasion de l'Arabie a lieu l'année suivante, puis elle restent dans cette nouvelle province avec la IIIe légion Cyrenaica.

 

 

5) L'annexion de l'Arabie

 

Buste de l'Empereur HadrienOn connaît mal les conditions précises de l'annexion de l'Arabie. Le gouverneur de la Syrie, Cornelius Palma, fut chargé des opérations, et n'a pas rencontré de résistance. La participation de la IIIe légion Cyrenaica en collaboration avec la VIe légion Ferrata ne fait pas de doute. Elle est alors remplacée en Egypte par la toute nouvelle IIe légion Traiana.

Il se peut que la IIIe légion Cyrenaica séjourne en Arabie avec la VIe légion Ferrata sous le gouvernement de C. Claudius Severus pendant près de 10 ans.

Puis lorsque les juifs d'Egypte, de Cyrénaïque et de Chypre s'agitent en 115, la Judée reste calme. Les légionnaires de la IIIe légion Cyrenaica célébrent cette victoire en élevant à Jérusalem un arc en l'honneur de Trajan et des dieux de la légions (Jupiter Maximus Optimus et Sérapis): c'est une victoire sans combats, due au souvenir de la répression de Titus et de l'incendie du Temple qui s'en suivit.

La légion participe également à la guerre parthique au moins en 116, Trajan laissant dans la nouvelle province la VIe légion Ferrata seule. Après avoir obtenu les succès que l'on sait lors de sa campagne, il décide de tenir Doura-Europos en en faisant le lieu de garnison pour une légion: la IIIe légion Cyrenaica.

Dès son avènement, Hadrien décide d'évacuer les nouvelles conquêtes de Trajan, parce qu'il les considère difficile à tenir. Parmi les postes à évacuer il y a Doura-Europos. La IIIe légion Cyrenaica est donc rappelée en Egypte en 117. Elle y reprend son ancienne place tandis que la IIe légion Traiana s'en va en Judée.

En 123, l'année des problèmes d'Hadrien avec les Parthes, l'affectation des IIIe légion Cyrenaica, de la IIe légion Traiana et de la VIe légion Ferrata change, et la XXIIe légion Deioterana disparaît. La IIIe légion Cyrenaica retourne alors en Arabie.

 

6) L'installation à Bostra et dans la province

 

Dès 106, Bostra est la capitale de la province. Elle devient donc immédiatement le centre de l'administration romaine, et de l'armée aussi. Il faut remarquer que la IIIe légion Gallica tenait garnison légèrement plus au nord de Bostra: vers Damas. D'autres villes comme (Gerasa et Pétra) on également accueilli en permanence un détachement de la IIIe légion Cyrenaica.

Il se dégage clairement aussi que sa présence est assurée aux extrémités des grandes pistes désertiques, et aux points d'eau (Namara, al-Azraq, Hégra). C'est d'ailleurs le meilleur moyen d'obtenir des informations sur les préparatifs d'une armée ennemie et sur les tribus nomades.

Le commerce caravanier est très important dans le royaume nabatéen. Il est le lien obligatoire entre l'Extrême Orient et la Méditerranée. Pour contrôler ces tribus nomades, il est bien plus efficace de connaître leurs habitudes et de savoir à quelle époque elles sont susceptibles de passer à tel endroit

 

7) La fin de la présence romaine en Arabie

 

Les informations manquent cruellement. On n'a pas la preuve de sa participation aux guerres de Marc Aurèle contre les Marcomans, de Lucius Verus en Orient (165-166), d'Avidius Cassius lorsqu'il se proclame Empereur après l'annonce mensongère de la mort de Marc Aurèle (en 175), de Pescenius Niger en 193, d' Albinus, de Septime Sévère. Mais lors de la guerre parthique de Caracalla, elle tient à nouveau garnison à Doura-Europos de 214 à 216.

La Ière légion Parthica Philippiana, a dû intervenir en Arabie vers 245-250, après l'expédition perse. A la fin du IIIe siècle, la reine Zénobie de Palmyre se révolte contre Rome et fait campagne jusqu'en Egypte. En Arabie elle détruit le temple de Zeus Ammon à Bostra.

L'arrivée de la IVe Martia à Lejjun et de la Xe Fretensis à Aila vers 300, les modifications de frontière (vers 300 et au Ve siècle) sont le signe d'une dégradation de la sécurité dans la région.

Le territoire que la IIIe légion Cyrenaica devait contrôler s'est alors réduit à la partie nord de la province.

Pourtant les troupes de la région seront incapables d'empêcher les razzias des chefs locaux du Hidjaz et d'Arabie.