Septembre 1996, Guillaume Sorel nous reçoit dans son appartement de Rennes.
Ambiance ambrée du cidre, rouge de l’album de Julie Cruise et ocre du tabac brun.
Avec sa nouvelle série chez Soleil, nous avons voulu en savoir un peu plus sur ce dessinateur au caractère trempé.
Les Rêveurs de Runes : Vous avez commencé par l’illustration.
Guillaume Sorel : Ce sont les premiers boulots qu’on m’a proposés. Quand j’ai commencé à démarcher, je l’ai fait pour placer de la BD. C’était en 1985, quand je suis arrivé à Paris pour les Beaux Arts. Je venais de la Réunion où il n’y avait pas grand chose sur la BD et j’avais décidé que mon optique serait (A SUIVRE). C’était complètement con, je me suis fait jeter deux fois.
La première fois j’y suis allé avec un projet BD dont le scénario était écrit par mon frère. Il n’y avait pas de texte dans les bulles, c’était pas fini et puis j’avais fait soixante pages en un mois et demi, c’était donc un peu bâclé. Je me suis fait envoyé chier.
J’y suis retourné un an après avec des petites nouvelles en noir et blanc. Je me suis à nouveau fait jeter !
Je n’y suis pas retourné, parce qu’entre temps sont arrivés les boulots d’illustration.
Je bossais sur des courts-métrages et un des mecs avec qui je bossais était vendeur à la boutique Descartes. C’est lui qui m’a appelé et qui m’a dit que si je voulais vraiment placer des dessins, je débarquais avec un carton. Il y avait un représentant de Descartes et un représentant d’Oriflam. Je leur ai présenté mon travail et ils m’ont rappelé.
Vous avez également illustré le fanzine Kartapes…
Ca c’était vraiment génial ! Ce fût une super expérience… il y en a eu trois… C’est le créateur de Karpates, Florian Brial, qui est venu me contacter. A l’époque je ne devais pas avoir fait grand chose en illustration.
On a commencé à se voir et à discuter de littérature fantastique. C’était bien… J’ai d’ailleurs fait L’Ile des Morts en partie grâce au numéro 3 consacré à Lovecraft.
On en arrive à L’Ile des Morts, comment avez vous rencontré Thomas Mosdi ?
Au dix ans de Casus Belli, lors d’un cocktail parfaitement chiant, j’ai eu cinq propositions de scénarios. Ensuite un seul m’a relancé, Thomas Mosdi. Ca tombait bien parce que moi je galérais à en écrire et je me disais que c’était certainement l’une des raisons pour lesquelles je me faisais jeter quand je présentais des dossiers. Lui est arrivé avec un scénario complètement terminé, avec un descriptif de chaque page, un découpage, etc … En fait il y avait des choses qui ne me plaisaient pas forcément mais le départ était excellent et la fin était vraiment superbe. Le milieu en revanche était trop jeu de rôle. Il avait essayé de créer ça sous forme de roman, puis il avait fait un scénario pour le jeu Maléfices et voyant que ça avait bien marché en tant que jeu, il a essayé de monter un scénario de BD. On a démarché avec ça et le seul qui ai pris le temps de nous lire c’est Laurent Galmot, de chez Vents d’Ouest. Il a accroché sur le dessin et a trouvé le principe intéressant. Mais il trouvait que tout le développement était trop jeu de rôle, qu’il n’y avait pas d’idée originale.
A partir de là, Thomas et moi avons développé plusieurs scénarios et ça a débouché sur L’Ile des Morts. Pour l’éditeur on n’était pas fixé sur Vents d’Ouest, on avait lancé des invitations à tout le monde. En fait, au départ, on avait abandonné le scénario Maléfices et c’est avec une histoire cyber-punk qu’on a démarché chez les éditeurs, Delcourt, Vents d’Ouest et même Glénat… Delcourt aimait bien le dessin mais a demandé du temps pour lire le scénario. Quand on l’a rappelé il nous a dit que c’était trop compliqué, qu’il y avait des pièges et que les gens quand ils rentraient du boulot, fatigués, ils voulaient lire Cubitus. Glénat, alors là ça a été une catastrophe, j’ai failli m’énerver. En fait, il n’y a que Galmot qui semblait intéressé. Il nous a dit qu’il voulait lire les scénarios, qu’il voulait voir.
A la base le scénario est très Lovecraftien, vous êtes tous les deux grands lecteurs de fantastique ?
Thomas est plus attiré par la S-F. Au niveau fantastique, il ne connaissait quasiment rien. Le départ de L’Ile des morts, c’est moi qui l’ai écrit. Pour moi, le premier tome devait être un hommage à Lovecraft et plus particulièrement à une nouvelle précise : Le modèle de Pigman, avec ce peintre dans sa cave. Après on ne devait plus en entendre parler. Dans le deuxième c’est Thomas qui a tout fait. J’avais quand même précisé les ambiances Jean Ray, Hodgson … Je voulais en fait que chaque tome se passe dans une ville d’Europe et que l’on parle à chaque fois des auteurs. Résultat, ceux qui connaissent les écrivains peuvent se repérer, mais ce n’est pas vraiment travaillé. J’avais également écrit le début du troisième tome, c’est Thomas qui l’a finit avec des tentacules très lovecraftiennes alors que je n’avais pas trop envie…
Pourtant au résultat la double planche avec la cité de R’Lyeh, par exemple est plutôt réussie…
Oui, j’ai trouvé ça agréable à faire, mais au départ je voulais faire un tome que serait carrément plus fantastique basé sur les sectes, sur Prague, sur l’histoire de ce gamin un peu monstrueux. C’est Thomas qui a pris la décision d’orienter le récit comme ça. On travaille à deux, il faut que tout le monde y trouve son compte, mais j’ai eu un peu de mal à m’y faire au début…
A partir du quatrième tome, je trouve par contre que Thomas à fait un truc vraiment costaud. J’ai vraiment apprécié son travail sur le quatre et le cinq.
On sent d’ailleurs qu’il y a un changement puisque l’histoire pourrait se finir après le tome trois. Est-ce que le quatrième et le cinquième étaient prévus au départ ?
Oui. En fait l’idée de départ quand on a écrit le premier était qu’il y aurait cinq tomes. Et on a raconté chez Vents d’Ouest que tout le plan était sur cinq tomes, ce qui n’étaient pas vrai du tout.
Mais à partir du deuxième, on a discuté de l’histoire complète, et là les cinq tomes étaient bien précisés. Les trois premiers devraient faire une espèce de premier cycle et après on ré-attaquait sur le personnage du sorcier, qui est le personnage principal, et qui meure dans le premier tome sans qu’on ai expliqué grand chose sur lui.
Et vous ne pensez pas que l’histoire aurait mérité un sixième tome… Là, c’est un peu une fin à la Twin Peaks.
On auraient bien aimé que l’éditeur nous donne huit pages supplémentaire, mais bon ... Cela dit la fin à la Twin Peaks, les rideaux rouges, tout ça c’est parfaitement volontaire. En fait, j’étais partagé entre ça et l’idée d’une conclusion monstrueuse, infernale qui s’étendrait sur un temps fou. Mais au bout du copte, je suis assez content. Bon, j’ai été surpris quand j’ai essayé de relire tout d’un coup, mais j’en suis content. C’est une vraie fin, je ne voulait pas un truc hyper spectaculaire avec des explosions dans tous les sens. Il en fallait une, mais ce qui est importent c’est l’évolution des personnages durant l’histoire.
Lors des séances de dédicaces, de nombreux lecteurs vous demandent-ils des explications sur l’histoire ?
Oui, forcément. L’idée est celle d’une histoire qui ne se finit pas de façon logique. Elle reste ouverte, il y a plein de possibilités. Alors les gens viennent avec plein de questions lors des séances de dédicaces. Questions auxquelles j’ai pas forcément envie de répondre parce que la fin, chacun se la construit. Je suis sûr que Thomas n’a pas la même fin que moi si on pousse un peu. En Fait, on y avait réfléchi un an et demi avant. Je voulais que ce soit Marge qui s’en sorte. J’avais la dernière image en tête, avec une pleine page où elle serait assise toute seule au milieu de L’Ile des Morts sur une chaise et rirait comme une folle, tous les autres étant définitivement Morts.
Il y a une évolution graphique entre le premier et le dernier tome, particulièrement au niveau des couleurs…
Je ne faisais pas de couleurs avant L’Ile des Morts. Je n’étais pas à l’aise du tout avec la couleur. En fait, dans deux ou trois illustrations que j’avais faites en préparant les albums, j’avais mis quelques touches de couleurs. Thomas et Laurent Galmot m’ont alors poussé à aller plus loin de ce côté là. Alors à chaque tome j’en rajoutais un peu plus. Mais ça s’est fait naturellement, sans forcer. J’ai appris a faire de la couleur en faisant L’Ile des Morts.
Le rouge est omniprésent dans le quatrième et le cinquième tome.
J’aime travailler le rouge. J’ai un rouge dont je suis très content. Ca a pris une signification particulière quand j’ai vu TwinPeaks.
La Mise en page à également beaucoup évolué au fil des albums. Le cadrage et le découpage sont beaucoup plus " éclatés ".
Ca viens du fait que dans le troisième, j’avais tellement les boules de voir que ça ne correspondait plus à ce que je voulais, que j’ai eu du mal à commencer le quatrième. Je suis carrément resté un mois sur la première planche. Je faisais autre chose que de la BD à côté. Thomas m’a envoyé, à partir de là, ses pages de scénario par courrier. Je recevais les pages chez moi et je faisais ce que je voulais avec. Et donc je suis parti dans des choses plus délirantes. J’avais envie de tenter des choses.
Là, L’Ile des Morts c’est fini, il n’y aura plus de suite ?
Ah non, c’est fini là.
Et vous n’avez pas voulu partir sur un autre projet en même temps que L’Ile des Morts, à part Le Fils du Grimacier et Mots à Outrance ?
Si, plein de projet seuls. Mais il faut que je les écrive, il faut que j’ai du temps. Et comme les bouquins ne se vendent pas beaucoup, je ne touche pas de droit d’auteur et je vis des planches que je produis chaque moi. Je me vois donc mal arrêter de dessiner deux mois pour écrire un scénario.
Les personnages des albums sont tous attirés par la mort …
Je suis pas convaincu… Tout le monde travaille à la résurrection de quelqu’un. La mort n’est pas la finalité. Le but c’est d’en revenir. La mort est plus vue comme un apaisement, comme dans le tableau. Le père Lachaise que j’ai beaucoup dessiné dans les albums, où j’ai passé beaucoup de temps est un endroit calme et apaisant. Je ne suis as du tout fasciné pas la mort. C’est juste un endroit tranquille.
Vous avez vu des tableau de L’Ile des Morts ?
J’en ai vu deux versions, une à Berlin, l’autre à Bâle. J’ai profité d’un festival à Bâle pour voir une des premières versions, très calme avec un paysage grec. Il y a cinq versions en tout. L’idée de L’Iles des Mort est : pourquoi cinq versions d’un même tableau ? Plutôt que la réalité qui était un travail de commande, on a imaginé tout à fait autre chose.
On peut retrouver dans le Fils du Grimacier une trame similaire à celle de L’Ile des Morts.
En fait il y a une trame dans L’Ile de Morts qui n’est certainement due qu’à moi. Il y a deux raison à cette trame, l’une est involontaire, l’autre est volontaire. La première est que mes personnages avaient tous la même gueule. Donc, il nous semblé plus logique qu’ils se ressemble tous. L’autre, c’est que mon thème favori n’est pas la mort, c’est la famille. On a tous des problèmes de famille. Pour Le fils du Grimacier, j’ai rencontré Matthieu Gallie deux fois à Bruxelles, on a fait un peu la foire et tout, et il m’a demandé si je serais intéressé pour bosser avec lui. Il m’a envoyé son scénario tout prêt avec les descriptifs. J’ai rien eu envie de changer.
Vous aimez particulièrement cette période du XVIIIème-XIXème siècle ?
J’aime bien le coté polar fantastique et même contemporain. J’aime bien les écrivains du XIXème, mais je suis pas fixé la dessus.
Mort à Outrances, c’est un hommage à Thomas Owen ?
C’est à dire que les illustrations entre chaque nouvelles, sont accompagnées d’un petit texte tiré d’un recueil de nouvelles intitulé Les Maisons Étranges. Les nouvelles elles-même, par contre, sont écrites par nous. Les deux premières, c’est moi, la troisième c’est Thomas, la quatrième c’est nous deux.
Mais vous dessinez très vite … Sept albums en cinq ans.
Huit en comptant l’album avec Froideval. En fait, une planche c’est trois jours de travail en comptant dix douze heures par jour… du crayonné à la couleur. Pour le premier album de L’Ile des Morts, je faisais une planche par jour. Je dessine maintenant sur les planches plus petites sur du format raisin.
Vous n’avez jamais voulu que vos planches soient éditées au format original ?
Moi, je voudrais bien, mais dans la mesure où je fais de la couleur directes, ça coûterai très cher. Il faudrait que la BD soit un gros succès commerciale. Ce n’est pas le cas avec L’Ile des Morts vendu pour le premier à 10 000ex … pour l’éditeur c’est un chiffre que permet juste de continuer.
Chez Vent d’Ouest on vous dit quoi ?
On ne me dit rien parce que je n’y suis plus. Mais le fonctionnement de Vent d’Ouest est assez particulier. C’est Laurent Galmot qui est en contact avec les auteurs et on n’a pas de contact avec la Direction. Donc Louis Delas se plaignait de passer pour le grand méchant loup, puisque c’est lui qui signait les chèques et mettait souvent beaucoup de temps pour les signer. Mais c’est Laurent qui décidait des projets qui se concrétisaient ou pas, et le problème, c’est qu’il n’y en pas beaucoup qui ont été des succès monstrueux. Moi je trouve qu’il a une bonne ligne éditoriale dans ce qu’il a fait et que la diversité et la qualité sont plutôt sympas, mais le succès n’était pas beaucoup au rendez-vous. Quand j’ai été voir Louis Delas, l’année dernière (ndlr 1995) à la fin de l’Ile des morts pour savoir ce qu’on allait faire ensuite, on a discuté. J’avais un projet couleurs et un projet noir et blanc, et j’étais bien tenté par un album noir et blanc de 180 pages dans la collection globale. J’en avais marre des heures sur les planches couleurs…Lui était enchanté, mais quand on a discuté des tarifs, on en a conclu que ça ne se ferait pas. Froideval m’a relancé à ce moment là et ça tombait bien car j’avais besoin d’un projet rapide pour me faire des ronds. Ca faisait 6 ans qu’il me courait après, avant même que je fasse de la BD. On s’est recroisé plusieurs fois et en fait je suis très content de bosser avec ce mec là, car il se révèle être très intéressant, même s’il n’est pas forcément facile.
C’est parce vous êtes lent à écrire des scénarios que vous travaillez toujours en collaboration ?
Pour l’instant, je n’ai encore jamais écrit de scénario, sauf pour des petites nouvelles. Le bouquin que je voudrais faire serait en deux tomes, avec une construction assez barjot. Je voudrais m’arrêter 1 mois pour avoir l’esprit libre. Ce serait ambiance Twin Peaks. L’idée ?…Une autopsie qui durerait 60/70 pages dans le premier tome et ce qui se passe avant dans le deuxième tome.
Mais vous ne vous attendiez pas à un plus gros succès pour l’Ile des morts ?
Oui, oui tout à fait, le jeu de rôles, le thème Lovecraftien… Mais bon… Sincèrement, à la limite je m’en fous. Bon financièrement c’est dommage. Admettons qu’il y a 6 000 lecteurs qui ont lu les 5 tomes… ce qui est marrant ce sont les commentaires pour chaque tome. Avec le premier tome, l’ancien directeur de Vent d’Ouest était vachement content, il m’a même téléphoné à la maison, ce qu’il faisait rarement. Il l’avait trouvé super, bien foutu, il disait que ça pouvait faire un super succès. Six mois après il m’a dit que c’était dommage, que ça n’avait pas marché parce que la fin était tordue. Puis il avait conclu en me disant que c’était au troisième que ça se jouerait vraiment, que là ça passait ou ça cassait. C’est marrant, chaque fois, j’avais des commentaires comme ça. Mais dans la collection Gris-Feu, par rapport à Crespin ou à d’autres noms, je suis la meilleure vente. Ca donne une idée du succès des collections ! Il y en a plein qui ont été supprimés du catalogue, c’est monstrueux… Le contraire des japonais, qui eux sont respectueux des auteurs.
Pour en venir à l’album avec Froideval…
C’est une histoire sur la magie contemporaine, c’est-à-dire que le personnage principal est cet espèce de grand maître de magie qui vit depuis déjà quelques milliers d’années. Il se réincarne, se transforme, etc… et a pour but de travailler sur un grand projet sur terre avec 75 autres magiciens. Il manipule un petit peu tous les pouvoirs, tous les gouvernements depuis déjà pas mal de temps pour arriver à ce grand projet que nous ne définirons pas ici. Dans chaque tome il va être confronté à une intrigue fantastique. C’est moi qui avance le thème de chaque album. Dans le premier, c’est un projet que j’avais et qui est à l’origine, justement, du 180 pages noir et blanc.
Et ça va être sur plusieurs tomes ?
C’est carrément une série, alors ça peut être infini.
Mais vous aimez bien faire des séries ?
Ah, non, non. Absolument pas, non ! Ca me fait vraiment chier. L’Ile des morts était prévue en 5 tomes. Non je préfère le principe de l’album seul ou alors avec 2/3 tomes maximum. Pour l’instant, on m’a toujours limité à 46 pages chez Vent d’Ouest et 46 pages c’est carrément pas beaucoup.
Ceci étant, le Fils du Grimacier a du rythme…
Oui, mais quand on connaît l’original de la Gargouille écrite par Matthieu Gallier, c’est quelque chose… Il m’a envoyé une vingtaine de pages qu’il avait écrites comme un démarrage de roman sur les bâtisseurs de cathédrales, sur une espèce d’orphelin qui est adopté par un maître tailleur de pierres, qui petit à petit le forme et bosse sur les chantiers. Le maître est tellement heureux qu’il choisint un super bloc de pierre et sculpte un ange pour remercier Dieu de son bonheur. Il a alors un accident sur un échafaudage et se retrouve avec le bras sectionné, sa vie est détruite. Il se retrouve à errer, et puis et puis (sourire). Moi je serais tenté d’en faire quelque chose, il faudrait que j’en parle à Matthieu…
Vous allez partir sur une autre série mais vous pouvez vous arrêter à tout moment ?
Ah oui, dans mon esprit c’est prévu. Chez Soleil on a signé un contrat pour un album. Il y en aura peut être d ‘autres, je ne sais pas, mais ils se réservent le droit de changer de dessinateur par contrat. Ca me paraît logique remarquez. Et puis moi, je ne sais pas si je ne vais pas péter les plombs. La méthode de travail de Froideval est différente de la mienne. Je respecte ça et lui commence à respecter la mienne, tout va bien, mais j’ai très envie de travailler tout seul. En même temps, si Matthieu me fait un scénario, je veux pouvoir m’arrêter quand je veux pour le faire. Ou si je rencontre quelqu’un qui me fait un truc super, je veux pouvoir me donner le droit de m’arrêter…
Et l’illustration Jeu de Rôle, depuis Scales on n’est pas venu vous voir ?
Non. En fait c’est bizarre parce que Didier Guiscerix de Casus Belli m’avait contacté pour savoir qui j’étais toujours intéressé pour bosser avec eux. Ca me disait bien et en fait à chaque fois qu’il m’a appelé j’étais toujours sur la fin d’un album. C’est vraiment le truc con. Ca a duré 1 an ou 2 comme ça et je pense qu’il a fini par se lasser. Non et puis ce qui est chiant c’est que quand Syroz m’a appelé, ça tombait bien pour une fois. C’est vraiment le hasard et c’est con.
Dans les auteurs de BD actuels vous avez des préférences ?
A part moi même ?(rires), enfin je me lis peu… Si, j’ai relu les 5 tomes de l’Ile des Morts pour voir ce que ça donnait au bout du compte. Pour voir si on avait réussi à rendre tout ça compréhensible. Mais bon, je ne passe pas des heures là dessus. Au départ quand j’achetais de la BD, enfin j’en achetais pas je les volais, c’était mon frangin qui m’avait branché sur Derib, Cosey, des trucs comme ça. Par la suite j’ai découvert Blueberry et Valérian, des grandes séries. Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que j’étais en train de me faire entuber. C’est-à-dire qu’au bout du 30° album d’une série, c’est plus tout à fait sincère. Alors j’ai arrêté les séries et j’ai commencé à découvrir d’autres auteurs : Tardi, Bilal… Mais je suis très éclectique. Il n’y a que les américains que je ne connais pratiquement pas à part Miller et les anglais avec Bisley.
On sent d’ailleurs une influence de Bisley dans le 5ème tom e de l’Ile des Morts au niveau des couleurs.
J’ai l’impression que pour toute une génération en ce moment, du style Olivier Ledroit ou même Eric Larnoit, avant sa mort, il y a une influence monstrueuse de ces mecs là. Pour moi qui apprenait vraiment à faire de la couleur avec l’Ile des Morts, étudier Bisley longuement était vraiment très instructif.
Mais vous n’avez rien qui vous a vraiment bouleversé ces dernier temps en BD ?
Si, il y a quelque chose que j’ai vraiment aimé, mais on va croire que c’est parce que c’est un pote, c’est Le Mangecoeur de Matthieu Gallier. Sinon, j’aime beaucoup Andréas, bezian. Andréas, c’est vraiment LE truc. Quand on a déliré en disant que la BD était un art, ça fait rigoler si tu te réfères à Tibet avec Rick Hochet et à des choses comme ça. Si la BD est un art, c’est avec des mec qui cherche. Il cherche dans tous les domaines : scénario, découpage, dessin. Il s’amuse. Il utilise parfois la technique du Frankenstein de Bernie Wrightson en y plaçant ses propres formes…
Et justement l’illustration de romans fantastiques du XIXéme ne vous tente pas ?
Le truc c’est qu’on est arrivé avec notre projet de L’Ile des Morts et qu’on a bossé comme des fous là-dessus. En gros, j’ai pas eu de proposition parce que de toute façon je n’avais pas le temps de faire autre chose. Mais c’est vrai que j’ai ce projet personnel, l’idée de bosser encore avec Matthieu Gallié m’intéresse bien, et puis il y a cette histoire d’adaptation. Je ne sais pas trop où en est Laurent Galmot à Vents d’Ouest, mais j’aimerais bien lui proposer de réunir plusieurs dessinateurs qui feraient des histoires de quinze, vingt pages à partir d’Howard d’auteurs français, européens, irlandais. Des recueils par exemple sur l’Irlande avec Stocker, Le Fanut, des textes sur la Belgique, l’Allemagne, pour faire un peu découvrir le fantastique européen. Parce que quand on parle fantastique, on parle Lovecraft, Poe…
… Jean Ray …
Ben… (Sourire) Sur les festivals j’avoue que j’en chie vraiment. Les lecteurs, Ray ou Hogdson, ils ne connaissent pas. Pourtant Malpertuis est maintenant un classique de la littérature. Il n’y a même des maisons d’édition qui ne sont pas fantastiques qui l’ont dans leur catalogue. J’adore aussi les polars du début du siècle style Gaston Leroux, ou Maurice LeBlanc, les feuilletons policiers. Quand je vois les adaptations que font les éditions Lefranq avec des dessinateurs à la Belge graves, ça me fout vraiment les boules ! A un moment, Laurent était d’accord et Matthieu aussi, je m’était dit qu’on travaillerait sur une adaptation du Fantôme de l’Opéra. Alors ça, ce serait vraiment mon rêve …
Je passerais peut être d’abord pas ça. On verra comment les projets se présenteront. De toute façon j’ai fait le calcul, j’ai du boulot pour dix ans avec tous les projets dont on parle.