1. Arnus : Le siège d'Awifort.

Bataille avec des fourmis géantes au pied d'Awifort

Ce sont les derniers jours du siège de la forteresse d'Awifort. Le comte Bergus assiégé tente une sortie. Les troupes assiégeantes du prince Corn refluent.

Arnus, jeune soldat du prince, s'enflamme, prend l'oriflamme, et rallie les fuyards à lui. Aidé par le sergent, son père, ils évitent ainsi la déroute totale.

Après la bataille, il est présenté au prince. Son père s'efface, Arnus a déjà suffisamment de prestance pour se présenter lui-même...

- Avec dix hommes comme lui, je pourrai descendre en enfer ! prétend le chevalier Karalin.
- Je vous prends au mot, répond Corn. Vous allez explorer le trou que l'on appelle ici la bouche d'enfer. Un prêtre guerrier et votre écuyer vous suivront. Il ne nous reste qu'à rechercher les huit autres hommes. Votre but sera de trouver un chemin vers le cœur de la forteresse.

Lorsqu'ils repassent devant la compagnie du commandant Mors, les soldats acclament Arnus. Nul ne doute que les volontaires ne manqueront pas, toutefois les plus expérimentés semblent réticents.

Irrité, le commandant Mors, gros et gras, demande au prince le sort réservé aux déserteurs en passant devant un groupe de fuyards rattrapés dans la soirée. Corn ordonne la pendaison, pour l'exemple. Un murmure s'élève :

- C'est pas juste, le gros fuyait plus vite que nous.
- Qui ose ? demande Mors en s’avançant. Tous baissent les yeux, sauf un guerrier de bonne taille qui dépasse du lot.
- Et toi ? Ton nom ?
- Georg. Mais je ne suis pas un chevalier. Je n'ai pas à être héroïque.
- Espèce de mule...

- Tâche de le prendre avec toi, dit le père d'Arnus à son fils en aparté.
- Mais c'est un lâche.
- Dans une bataille rangée, peut-être, mais écoute moi, écoute mes derniers conseils. Je l'ai vu se battre dans les tavernes, et...

- D'ici peu tu vas être pendu, continue le commandant en invectivant le prisonnier. Ta langue de couard se tortillera dans ta bouche, tu l'avaleras, et plus aucune excuse ne sortira de ta gorge.
- Mais d'ici là je peux chanter : Sieur Mors s'en va en guerre, tirelire...
Le commandant tire son épée. Georg quitte son attitude de défi, mais continue de chanter en simulant une chute :
- Las son cheval trébuche, Sieur Mors sort sa grande épée pour punir la bête. Pitié seigneur Mors, point n'est-ce ma faute si vous êtes trop lourd. Il vous faut changer de cheval... Ha !

Le commandant frappe, mais la boue est si dense qu'il glisse, ne touchant et ne tuant qu'à moitié le chansonnier. La soldatesque ne gronde pas, toutefois un lien de fidélité est sur le point de se rompre : le rebelle a mis les rieurs de son côté. Ceci n'échappe pas à ses chefs.

D'instinct, Arnus intervient :
- Ce coquin devrait sauter à notre place dans la bouche d'enfer. Il ferait périr de rire les démons.

Décontenancé, Mors se retourne (c'est à lui de rétablir son autorité !).
- Qu'en pensez-vous commandant ? interroge le prince.
- Ma foi, si ce drôle survit...
- Bien. Que le prêtre expérimente ses potions pour remettre debout cet homme d'ici l'aube ! Qu'on pende les autres sur-le-champ. Cette affaire, ainsi que cette mauvaise journée, sont terminées !
Le prince s'éloigne, après avoir salué ses troupes de son signe d'autorité.
Mors dirige la pendaison.
Karalin laisse Arnus régler l'intendance.
Georg grommelle entre ses dents en buvant l'amère potion du sorcier : "Mieux vaut l'enfer demain que la corde aujourd'hui."

Le lendemain matin, donc, la petite troupe part. Il y a trois cavaliers : le prêtre, Karalin et son suivant, et six fantassins. Arnus a dépêché le dernier soldat en éclaireur.

- Tu as eu de la chance hier, dit un des fantassins à Georg. Mais...
- Silence dans les rangs ! ordonne Arnus.
- Mouton ! murmure Georg.

La bouche d'enfer est un trou à la base de la grande colline sur laquelle est située la forteresse. La roche forme un petit surplomb au-dessus.

- Il paraît que c'est une véritable fourmilière dessous ce château. Ce tunnel nous mènera peut-être à l'intérieur dit Karalin.
- L'important est d'y pénétrer pendant la prochaine bataille, prévue dans deux jours, répond le sorcier.
- J’espère qu'il y a bien des démons. Il me plairait d'en découdre.
- Deux hommes en hauteur, installez le feu grégeois. Les autres en cercle à cent pas ! commande Arnus.
- Veuillez m'excuser, mais que comptez vous faire ? demande Karalin.
- Attirer l'ennemi et le prendre à l'extérieur.
- Bonne idée. Toutefois ce feu ne me semble pas très loyal. Il conviendrait d'occire l'ennemi avec des armes plus nobles : l'épée ou la lance, l'épieu à la rigueur.
- Mais...
- Je vous en prie.
- Bon, à votre guise. Cessez ce feu vous autres. Je pars en éclaireur. Toi et toi avec moi ! conclut le jeune chef en désignant deux de ses soldats.

Il s'engage, avec le bouclier en avant et la lanterne tamisée.

- Que fais-tu ? demande un soldat à Georg, qui n’a pas retiré tous les tisons de dessous la marmite où ils préparaient le feu grégeois. Arnus a dit d'arrêter.
- T'occupes, c'est pour la cuisine.

Arnus et les autres s'avancent dans des ombres épaisses, presque surnaturelles. Une masse sombre semble bouger.

- Cela paraît dormir. On tente ? demande un homme en indiquant son épée.
- Non. Appliquons le plan convenu. Décoche une flèche pour voir !

Il y a une odeur forte... tir... raté ! ... Ca s'agite... Retraite. La lanterne tombe, cassée !

Les deux soldats fuient, Arnus recule pas à pas en se couvrant de son bouclier.

- Qu'est-ce ? demande Karalin, éloigné de deux cents pas pour charger.
Arnus, par geste, indique à tous de se taire et de se tenir prêt. Puis il se poste crânement en face de l'entrée à cinquante pas. On entendrait une mouche voler.
- Qu'est-ce ? répète le chevalier, plus fort.
- Je ne sais pas. Silence à l’affût ! répond le jeune chef au chevalier qui rougit.
- Un lapin ? pouffe Georg de son perchoir.
- Une fourmi !
- Des fourmis géantes ! D'où l'odeur! pense Arnus. Je mérite des gifles, et pas de feu prêt ! A l'assaut !

Les hommes projettent leurs épieux contre les insectes de cinquante centimètres de long. Trop haut ! Karalin charge, trop bas ! Il plante sa lance dans le sol, mais reste en selle.

Arnus intervient pour que le chevalier puisse se dégager. Mais il hésite à se dessaisir de son bouclier pour se servir de sa hache comme deuxième arme, ce qui serait pourtant plus efficace. Maladroitement les soldats s'avancent, mais d'autres fourmis jaillissent. "A l'assaut !" Les hommes reculent. "A l'assaut !" Ca tourne à la débandade. Deux hommes sont blessés et fuient. Une fourmi tombe sous les épieux. Le bouclier d'Arnus est pris par des mandibules. Il reçoit une blessure au mollet, une autre à l'avant-bras...

Georg renverse le chaudron d'huile et de poix bouillante, saisit des brandons enflammés et les fait tournoyer au-dessus de sa tête, puis les lance sur les monstres. Le feu gagne les feuilles séchées à terre, enflamme les carapaces chitineuses, la cape d'Arnus aussi.

Le grand guerrier saute dans la mêlée, une épée à la main, une torche dans l'autre.

Victoire, les créatures ralentissent. Elles sont particulièrement sensibles aux flammes.

- Reculez ! Ces bestioles attaquent tant que l'on essaie d'approcher leur nid ! crie Georg.

Enfin le combat cesse. Quelques fourmis, amputées, font claquer leurs mandibules dans le vide.
La terrible nappe de feu achève de se consumer.
Le sorcier s'occupe des blessés, en particulier d'Arnus.

- Et maintenant que fait-on ? demande le chevalier.
- On peut les enfumer, propose Arnus.
- C'est trop long. Qui sait la profondeur de ces tunnels ? Et il y a déjà deux heures de passées !
- Au fait, j'avais dit d'éteindre ce feu ! dit le jeune chef en se retournant vers Georg.
- Et oui. Tu avais dit... Mais cessons de jouer ! Si nous échouons, pour vous c'est le déshonneur, et pour moi la corde… Puis le grand guerrier interpelle le sorcier : tu n'as pas d'autres herbes curatives ?
- Hélas, je ne peux en distribuer à tous, leur confection est longue et nécessite un charme qui ne peut être fait qu'à l'aube et ne dure qu'une journée... Mais je crois savoir que ces monstres ne ressemblent que de loin aux véritables fourmis. Leur nombre est beaucoup plus réduit...
- Combien ?
- De deux cents à quatre cents...
- Aïe ! s'exclame Arnus : cinq à six bêtes seulement sont tombées.
- Mais il n'y a pas beaucoup d'activités dans cette entrée, ni aux environs, peut-être que le nid ne s'étend pas partout...
- Il reste deux jours. En attendant, je vais couper du bois vert. conclut Georg.

Deux hommes le suivent spontanément, puis, un par un, tous l'imitent.

Une heure après, ils s’efforcent de chasser la fumée d'un grand feu vers la caverne.
- Alors ? demande un soldat à Georg.
- Alors quoi ?
- D'accord, on y va ! décide Arnus.
Puis il s’adresse au sorcier :
- Donne une potion à Georg. Les autres blessés nous attendrons avec les chevaux. Messire, nous suivrez-vous ?
- A pied ou à cheval, je suis déterminé à combattre. Qui enverrons-nous en reconnaissance ?
- Où est l'éclaireur ? Webs ? demande Arnus en l'appelant à la cantonade.

A cet instant celui-ci revient, porteur d'une nouvelle.
- Il y a un trou plus haut, par où la fumée s'échappe.

Plus tard, au bord du dit trou, qui a été élargi à coups d'épieux :
- Prêt ? demande Arnus à l'éclaireur, que Georg est en train d'encorder. Remonte dès que tu vois le passage s'élargir.

Ils regardent l'homme se faufiler dans l'étroite ouverture. Il s'ensuit quelques instants d'attente pendant lesquels la corde ne cesse de filer.

- C'est bon. Je peux me lever, mais des pierres bloquent le passage. C'est bouché !
- J'y vais, dit Arnus.
- Attends, je passe en premier, dit Georg en lui tendant le bout de la corde.

Il se fraie un chemin dans le boyau. Arrivé au fond du trou, dans une petite salle jonchée de gravats, il dialogue avec Webs par chuchotements.
- Et par-là ?
- Odeur... fourmi...
- Surveille ça pendant que j'essaie de l'autre côté.

Le grand guerrier fait passer une chandelle allumée devant la paroi. Puis, voyant la flamme tressaillir près d'un interstice entre deux roches :
- Ici ! ... Les fourmis ?
- Ca bouge... Pas vers nous.

Georg déplace les premiers blocs, tire, pousse les suivants, en avant, en arrière, rien à faire... Il souffle...

- Fourmis ?
- Pareil.

Il s'arc-boute, effort, craquement... et passe une torche dans l'ouverture ainsi ouverte.

- Fourmis ?
- Idem.

Georg passe en rampant.
- Ca s'élargit, Appelle les autres.

Ils arrivent et découvrent une grotte de belle importance.
- Mince de caverne ! s'exclame l'éclaireur en passant à son tour.
- Faites avancer rapidement le reste de l'équipement ! ordonne Arnus en rajustant son armure.
- On entend le bruit de l'eau, constate Karalin, déjà prêt, la paume de la main sur la garde de son épée.

Ils sont sept : Arnus, Karalin, Georg, l'éclaireur Webs, le sorcier sans nom et deux hommes d'armes. Le chevalier a ordonné à son suivant, inutile dans un combat à pied, de rester près des chevaux et des blessés.

Ils avancent. Georg et Webs devant, Karalin et Arnus à quelques pas, le sorcier à l'arrière-garde, encadré des deux autres soldats. Le grand guerrier tient une torche, et éclaire Webs, qui inspecte soigneusement chaque détour avant d'inviter le groupe à progresser. Un des soldats en retrait tient une lanterne.

Ils escaladent, explorent, grimpent, rampent... durant des heures.
- Ca va faire longtemps que l'on cherche. Nous allons finir par manquer de lumière, s'inquiète le sorcier.
- Il nous reste encore une heure d'après mes calculs, répond Arnus.
- Regardez, dit Karalin, nous avons atteint une partie apparemment taillée. Explorons là, nous sommes peut-être proches de notre but.

Ils s'avancent dans un couloir, dans le même ordre de marche.

- Ca forme une espèce de dédale. C'est la troisième bifurcation. Nous avons tourné une fois à gauche, et une fois à droite, note Georg au bout d'un moment.

Clic ! Webs met le pied dans un mécanisme. Son compagnon, le nez en l'air à cet instant, voit une herse s'abattre, et a juste le temps de le projeter à terre. Tous deux se retrouvent de l'autre côté de la grille, mais la herse a violemment heurté la jambe de l'éclaireur.

- Avec un blessé, l'affaire devient trop délicate. Peut-il marcher ? demande Arnus.
- C'est une fracture, mais l'os est resté à sa place, répond Georg après avoir examiné l'éclaireur.
- Il me reste un remède. Il pourra marcher une journée avec une attelle, mais pas plus, dit le sorcier.
- Bon, Georg, aide-nous à soulever cette grille.

Les quatre hommes s'arc-boutent. Karalin passe et soutient Webs.

- Faites-le passer de ce côté. Puis à ton tour Georg. Sorcier ! Est-ce le moment d'inspecter ces murs?
- Il y a des fresques. Cela m'inquiète. On dirait...
- Là ! crie un soldat.
- Aux armes ! clame Arnus.
- Hé ! Ne lâchez pas ! dit Georg alors qu'il se courbait sous la grille pour passer.
Des êtres griffus, difformes, caricatures d'humains, sortent de la pénombre.
- Ils sont lents. On va les disperser, déclare un guerrier téméraire qui s'approche.
- Attention ! Ce sont des goules. Leur étreinte paralyse ! prévient le sorcier.
Mais c'est trop tard, le guerrier s'immobilise, tétanisé, une main griffue serrée autour de sa gorge.
- Contentons-nous de les maintenir à l'écart avec nos armes, propose le chevalier, qui à ce jeu se montre très adroit.
- Georg ! Soulève de nouveau la herse et fais-nous passer de l'autre côté ! ordonne Arnus.
- Pas fou non ? Et puis elle est trop lourde pour moi tout seul ! répond celui-ci.
- Il doit y avoir un système de contrepoids. Que quelqu'un m'aide ! Ma jambe me fait mal ! dit Webs.

Le sorcier entame des incantations. L'air crépite. Des raies de lumière noire fusent.
- Au secours ! Georg ! Sors-moi de là ! crie Webs.
Le deuxième soldat s'enfuit, emportant la lanterne, par l'autre bifurcation.
- Non ! Ne nous dispersons pas ! ordonne Arnus.

Le soldat marche sur un autre mécanisme. Il ne voit pas un balancier s'abattre dans son dos. Il est empalé. La lanterne roule. L'huile se répand.

- Je te donnerai ma solde pendant un an... sanglote l'éclaireur.
- Je les tiens ! Fuyez messire ! annonce le sorcier.
- Vas-y ! Occupez-vous de Webs ! ordonne Georg, en soulevant la grille.

La lampe s'éteint.

- Bon sang ! Où êtes-vous ?
- Fuyez, ils sont à mes trousses !
- A moi !
- Qu'est ce qui se passe ? Qui m'a frôlé ? Où êtes-vous ?

Bruits de chute divers.

- Ma jambe !
- Sorcier ! Ici Arnus, où es-tu ?

Georg allume sa chandelle.

- Continuez à parler. Je vois de la lumière. Où êtes-vous ?

Les quatre rescapés se regroupent. Le sorcier s'occupe du blessé.
- Malédiction ! Où est le chevalier? demande Arnus.
- Je n'en sais rien, répond Georg Nous avons couru dans toutes les directions.
- Ne me dis pas que tu l'as laissé ?
- Je n'étais pas chargé de le surveiller. Mais je suis sûr qu'il a pu passer !
- Lâche !
- D'accord ! On règle ça tout de suite ! s’exclame Georg en sortant sa dague.
- Il faut vite s'abriter, dit le sorcier alors que les deux hommes s'empoignent. Je ne pourrais pas retenir les goules une deuxième fois. Avons-nous des torches ou des bougies ?

Plus tard :
- Goules ? chuchote Georg à Webs.
- Ca bouge... pas vers nous.
- Solde d'un an ?
- Imbécile ! ... J'entends quelque chose, éclaire-moi... Vite ! Ca approche ! Arnus !

Georg souffle sur la mèche. Les hommes sont dans une cavité, au sommet d'une corniche. Ils utilisent des lambeaux de tissus et des cordes pour s'éclairer. D'où ils sont, ils peuvent repousser les attaques, mais ils sont cernés.

- Il me faut trois quarts d'heure pour préparer mes sorts, annonce le sorcier, et de la lumière !
- Nous ne pouvons tenir que vingt minutes !
- Ca ira.

Quinze minutes après, le sorcier prononce une formule magique. Une lumière enchantée apparaît au sommet de son arme, une sorte de gourdin bardé de fer.

- Combien de temps cela durera-t-il ? demande Arnus.
- Un peu plus d'une heure.
- Essaie de repousser encore ces monstres. Ensuite il faudra fuir de nouveau.

Quelques ténébreuses incantations plus tard, le sorcier déclare :
- C'est fait. Vite ! J'ai peur qu'il en vienne d'autres !

Webs récupère les morceaux de leurs torches improvisées.

Les hommes s'enfuient à travers les différentes grottes. Ils ont perdu tous sens de l'orientation.

- Par-là ! J'entends de l'eau. C'est peut-être la sortie, dit Arnus.
- Il n'y a pas de rivière sortant de la colline d'Awifort à moins de sept lieues. Il nous faut remonter le courant, précise le sorcier.

Le bruit vient d'une chute. En aval, la rivière coule dans l'obscurité de la terre. En amont une autre salle se devine, mais il y a un surplomb haut d'au moins dix pieds.
- Et plus de corde ! Défaisons nos armures ! Hâtons-nous !
- Plus que trente minutes de lumière, annonce le sorcier.

Georg s'élance, sans se défaire de toutes ses protections métalliques. Les trois guerriers parviennent au sommet avant le sorcier, peu habitué aux escalades, et qui tient son bâton dans une main.

- Des goules !
Elles viennent d'en bas.
- Je ne peux pas essayer de les repousser : j'ai les mains prises ! s'exclame le sorcier.
- Vite ! Je les entends venir aussi d'en haut, répond Arnus.

Mais dans sa précipitation, le sorcier glisse, chute. Les goules l'absorbent.

- Sans lumière, nous sommes perdus, constate Arnus.
- Il me reste des bouts de torches, déclare Webs.
Georg sort ses armes, face au vide.
- Que fais-tu ? C'est du suicide.
- Perdu pour perdu...

Il saute, tombe sur une goule, en transperce une autre. Il est griffé, meurtri, mais par chance aucune main ne le saisit suffisamment longtemps pour le paralyser.
Bref...
Il prend le bâton...
...et court vers la rivière.
Mais il porte le bâton, son épée, ses bottes. Le courant l'entraîne. Il ne veut rien lâcher. Il coule.

Arnus et Webs ont assisté à la scène sans rien pouvoir faire. Les goules s'approchent maintenant d'eux. Sans un mot, ils fuient dans l'eau. Plus légers, ils peuvent remonter le courant. Mais l'éclaireur sent de nouveau sa jambe lui faire mal. Il laisse sa "torche" prendre l'eau.
Arnus continue, dans le noir, de nager à contre-courant.
En entendant les goules le suivre le long de la berge...

Georg est entraîné dans une chute d'eau souterraine.

Au bord de la noyade, il débouche dans une salle. L'eau tombe à travers une grille. Il y atterrit et se rétablit sur ses pieds. Deux guerriers aux armes d'Awifort se précipitent vers lui. La pièce semble être un poste de garde des souterrains de la citadelle.

Il repousse et blesse le premier assaillant, mais il est déséquilibré et le second est déjà sur lui.

Soudain le garde reçoit un carreau d'arbalète dans le dos. Son compagnon survivant s'enfuit par un escalier montant.

Georg se relève et se tourne vers ses sauveurs pour découvrir... le chevalier Karalin et son écuyer, en compagnie du commandant Mors.
- Ca alors ! s'exclame le chevalier. Je vous croyais perdu. J'ai erré au hasard dans les dédales de ces cavernes, jusqu'à rencontrer le commandant et sa troupe. Il avait fait surveiller les environs du château, et a découvert, peu après notre départ, l'entrée de ces souterrains. Que sont devenus les autres ?
- Perdus, comme moi.
- Ma foi, intervient Mors, ton attitude lors de cette affaire me paraît suspecte. Tu vas désormais rester à mes côtés. Explorons cet escalier. Quatre hommes en tête !

Pendant ce temps Arnus est arrivé à l'extrémité de la rivière. L'eau sourd sous lui. Il entend les goules qui entrent dans l'eau à sa poursuite. Il plonge...

Il remonte le siphon, nage encore, de l'air enfin et... de la lumière !

Il aperçoit une tache claire au-dessus de lui : l'ouverture d'un puits. Il est dans une sorte de lac souterrain. Facétie géologique ou magie ?

Arnus respire profondément. Il ne possède plus qu'un poignard. Il entame l'ascension. L'épreuve a été rude, mais il entrevoit le bout de ces galeries. Il va pouvoir se battre. N'est-il pas un guerrier ?

La petite troupe de Mors rencontre les défenseurs dans l'escalier où un seul homme peut combattre de front. Les quatre premiers soldats du commandant tombent après quelques marches. C'est au tour de leur chef. Georg le suit.

Mors fait des merveilles. Sa force n'a d'égale que sa résistance. Les coups semblent à peine l'affecter. Il progresse marche par marche en défaisant un à un ses adversaires. Mais l'un d'eux se jette sur son épée, et le suivant le plaque au sol.

Le troisième va le frapper d'un épieu. Georg, grâce à sa taille et la longueur de son bras, lui oppose son épée par-dessus la mêlée. Ceci laisse au commandant un répit suffisant pour assommer ses ennemis au sol et se relever. Il reprend alors la lutte avec plus de fougue.

Arnus est sorti du puits, dans le dos des défenseurs d'Awifort. L'attaque finale est en cours. Tous les hommes sont aux créneaux, essayant de repousser les échelles d'assaut.

Il tranche la gorge d'un retardataire, s'empare de son casque, de son épée et de son bouclier. Il met le feu aux écuries, profite du désordre, monte dans une partie surélevée des remparts. Là il bondit au milieu d'un groupe de trois arbalétriers... Puis, après s'être emparé de leurs armes, harcèle l'ennemi de sa position.

La bataille approche de son dénouement.

Les troupes du prince prennent pied en plusieurs points des remparts. La porte centrale cède sous les coups de bélier. Mors débouche dans la cour.

Le comte Bergus tente de se replier dans le donjon avec quelques hommes. Arnus se signale encore par une action d'éclat : avec quelques volontaires, et un madrier, ils empêchent les défenseurs de refermer la poterne.

Sur un ordre, les attaquants s’arrêtent. Le prince Corn s'avance. Le comte Bergus lui fait face pour le duel final.

Le comte a combattu sans relâche toute la journée. En chaque endroit où il se trouvait, les assaillants ont été repoussés. Las, son courage seul n'a pas suffi.

Epée au poing, il s'élance contre le prince. Celui-ci manie son arme étrange : un marteau avec des symboles religieux. Le comte frappe son adversaire plusieurs fois. Mais ce dernier réussit enfin à le toucher. D'un seul coup le comte s'effondre. Le prince est vainqueur.

On murmure que le prince est plus sorcier que guerrier. Ceci explique les nombreux prêtres dont il s'entoure.

- Emmenez ce félon, enchaîné, devant notre souverain pour y être jugé. Ses hommes auront la vie sauve et seront intégrés dans notre armée, mais en des lieux différents pour éviter toute rébellion. Fêtons maintenant notre victoire.

Quelques années plus tard, le comte sera gracié, mais tous ses lieutenants auront péri, soit dans des missions obscures, soit par assassinat.

Arnus eut quelque peine en apprenant la mort de son père, tombé durant la bataille. Mais quelle mort plus digne souhaiter pour un soldat ? En récompense de ses hauts faits il prendra son grade et sa place.

Enfin, pour clore cette histoire, le soir même, Georg et le commandant Mors se retrouvèrent, seuls, sur les remparts.
- Cette journée fut splendide. Beaucoup sont morts, mais les survivants n'en sont que plus glorieux et riches. Mais dis-moi, Georg, tu ne m'as certainement pas attiré ici uniquement pour contempler les étoiles, n'est-ce pas ?
Ils sont face à face, sous la lune, sur un rempart de six pieds de large, à un endroit où les créneaux ont été démolis par les machines de siège.
- C'est pour vous tuer.
- Je m'en doutais. Tu es un fils du Chaos, mais tu as mérité aujourd'hui de mourir de ma main. Mets-toi en garde !
- Je n'en ai pas besoin.
Avant que Mors puisse dégainer son épée, Georg le charge à la ceinture. Il a noté la faiblesse de son adversaire face à de telles attaques.

Tous deux basculent dans le vide. Georg réussit à se raccrocher aux pierres. Mors est précipité dans l'abîme.

Retour à l'accueil --- Livre d'or. <p><A href="../resume.php">Cliquez ici pour les browsers sans frame.</a>