1. Les guerriers.

salle de cristal de l'épée magique

L'homme se réveille en pleine nuit. A-t-il entendu quelque chose ? Est-ce un pressentiment ? Il s'habille en vitesse et va voir son compagnon de garde à l'extérieur. Non, il n'y a rien à signaler, la nuit est calme. L'homme en profite pour aller uriner près d'un arbre à quelques pas. C'est à cet instant que les orques attaquent.

Le lendemain, un habitant de l'autre hameau, situé à une lieue en aval de la rivière, découvre le sinistre résultat de cette nouvelle expédition d'orques. Les maisons sont en cendres, tous les hommes ont été tués, certains même torturés. Les femmes et les enfants ont disparu, probablement enlevés en esclavage. C'est le deuxième village attaqué de cette manière en un mois. Mais le prince Corn a promis d'envoyer des troupes pour les protéger. Les choses vont peut-être changer.

Arnus arrive avec ses compagnons en milieu d'après-midi. Ils sont dix-sept, dont deux prêtres-guerriers, pour assurer l'ordre dans une région d'à peu près dix lieues de rayon. Nul ne sait combien sont les orques. Ils attaquent toujours de nuit, et ne laissent pas de survivants. Il est trop hasardeux de leur courir après dans les collines. Arnus organise rapidement une milice. Il apprend aux paysans à redresser la lame de leur faux pour en faire des armes de guerre, et les exerce à former une ligne de défense.

Deux jours après, leurs adversaires n'attaquent pas à l'endroit prévu, mais choisissent un village en amont d'un autre affluent de la rivière. Cette fois il y a eu une résistance, et les orques ont massacré tout le monde. A cette nouvelle les miliciens sont découragés. Ils songent à partir de la région pour mettre leur famille en sécurité. Ceci serait catastrophique pour le commerce des fourrures, et irait contre les intérêts du prince, confie l'un des prêtres, qui s'appelle Nelak, à Arnus.

Le jeune chef étudie de nouveau la carte de la région. Il a besoin d'une victoire rapide pour remonter le moral des habitants, ainsi que celui de ses propres hommes. De la position des trois derniers villages attaqués, il observe que les orques suivent un chemin perpendiculaire à la pente des collines, et non le cours de la rivière comme il l'avait d'abord pensé. Il en déduit où peut être la prochaine attaque : un hameau à six lieues d'ici dans une autre vallée. Il projette d'y aller avec ses forces.

La petite troupe arrive à destination dans la journée. Il s'agit de quatre habitations construites sur la rive gauche de la rivière, chacune orientée vers un point cardinal. Les maisons du nord et de l'est, bâties en bordure de rivière, sont celles de trappeurs et d'un marchand de fourrure. Les deux autres sont des fermes, possédant chacune une petite cour intérieure. Derrière elles, il y a vingt acres de champs cultivés, séparés de la forêt par de grandes haies.

Arnus fait évacuer les femmes et les enfants dans des villages à l'arrière. Il dispose de sa petite troupe, et d'une dizaine de miliciens qui ont bien voulu le suivre. Il espère vaincre les orques par l'effet de surprise. Mais les humains seront-ils suffisamment nombreux ?

La seconde nuit, l'éclaireur Merle est le premier à détecter un mouvement. Il prévient les autres par un discret cri imitant le chat-huant. Tous s'apprêtent et se mettent silencieusement à l’affût. Nelak bénit les armes et les bras. L'heure du combat est enfin venue.

Les orques sont là ! C'est une bande organisée. Ils avancent dans le petit hameau à l'air abandonné. Six orques pénètrent dans la cour de la ferme de l'ouest par le portail laissé volontairement ouvert. Nelak ouvre brusquement la porte de la grange, et les arbalétriers déchargent leurs armes à travers l'ouverture. Les Arnus dirige l'attaque au corps à corps. Le combat est indécis. Le jeune chef reçoit une première blessure. Passant par les champs, cinq ennemis essaient de forcer l'entrée de derrière.

Dans la seule rue du village, les orques se regroupent pour investir la ferme. L'un d'eux, qui s'aventurait seul dans le comptoir Nord pour piller, se retourne en direction des cris extérieurs. Kaloé, caché dans l'ombre, le poignarde dans le dos.

La porte de derrière cède. Arnus sonne du cor.

Dans la ferme sud, le deuxième prêtre bénit les miliciens restés en réserve. Les archers embusqués sur les toits se découvrent.

Orino aperçoit l'orque qui enjambait subrepticement la fenêtre, appuie sur la détente, raté ! Il lâche son arbalète et tire son épée, l'autre brandit sa hache.

Dans la cour de la ferme ouest la situation devient difficile. Les hommes se replient dans la maison, laissant un des leurs au sol. Arnus est de nouveau blessé.

Les paysans sortent en ligne. Les orques chargent ce mur de piques et de faux. Une partie des défenseurs fuient le combat, mais les autres résistent, encouragés par les exhortations de leur prêtre. Les orques reculent, puis chargent de nouveau, cette fois-ci menés par leur chef.

Pendant ce temps les archers postés sur les toits font des ravages. Julius vise le chef des orques et le blesse. C'est la débandade. Merle, du faîte du comptoir Nord, sonne la victoire.

Les orques survivants fuient à travers champ. Ils sont rejoints par une volée de flèches.

Arnus félicite Julius pour sa lucidité. Ils comptent vingt-sept ennemis morts, et ne déplorent qu'une seule perte : le guerrier tombé dans la cour.

D'après Merle un seul orque a pu s'enfuir.
- Tant mieux ! déclare Arnus. Il pourra raconter nos exploits à sa tribu, et celle-ci hésitera désormais avant de nous attaquer.

- Est-ce encore loin Hubert ?
- Nous arrivons bientôt près du village, magicien Dreuze.

Merle se prélassait dans son arbre, faisant le guet. Un peu plus et il ne voyait pas cette ombre se faufiler dans les herbes. Il fait le signal du chat-huant pour alerter ses compagnons, puis descend de son perchoir pour aller surprendre l'ennemi.
- Mais où est-il donc passé ?
L'éclaireur s'est glissé jusqu'à l'endroit où il aurait dû rencontrer sa cible. Quand soudain on lui saute dessus. Il est pris par-derrière et sent la lame froide dans son dos.
- Je me rends !
- Tu es du village ?
- Oui.
- Je suis Blanche, éclaireur, sous les ordres d'Hubert, en mission pour le prince Corn. Nous cherchons la troupe qui stationne dans les environs. Peux-tu nous guider ?
- Oui.
Blanche fait le signal du chat-huant. Deux tons plus hauts, note Merle, qui n'en revient toujours pas de s'être laissé surprendre, et par une femme de surcroît.
- Le cri du chat-huant, c'est un peu éculé, non ? explique-t-elle.

Peu de temps après Arnus lit l'ordre de mission d'Hubert. Celui-ci est un solide guerrier, et son apparence plaît tout de suite au jeune chef. Il parle haut, clair et fort.
- Je vous présente ma troupe. Honneur aux dames : voici Blanche, notre séduisante éclaireuse, et Irina, notre guide spirituel ainsi que notre guérisseuse. Maître Dreuze, le magicien envoyé par le prince. Brenïn, un joyeux compagnon. Malgré sa taille il peut engloutir des tonneaux de bière, et c'est un solide combattant. Nous sommes mandatés par le prince pour établir les premières relations diplomatiques avec les nains de la tribu de Brenïn. Pouvez-vous nous fournir une escorte ?
- Les ordres du prince font loi ici, et c'est avec grand plaisir que je me propose comme chef de l'escorte, avec quelques-uns uns de mes meilleurs guerriers.

Arnus juge que la région ne craint plus grand chose après l’escarmouche avec les orques. En revanche le pays vers lequel se dirige Hubert est encore inconnu et mystérieux. Aussi choisit-il soigneusement ses hommes : l'archer Julius, les arbalétriers Orino et Salvon, les éclaireurs Merle et Kaloé, ainsi que le prêtre Nelak. Il laisse le reste de sa troupe sous les ordres de son second.

Après une journée et une nuit de préparatifs le groupe part. Les éclaireurs reconnaissent le terrain: Merle à gauche, Blanche devant et Kaloé à droite. Le reste avance en colonne : Hubert et Arnus en tête, puis Irina et Nelak, Julius et Brenïn encadrent Dreuze pour le protéger, enfin Orino et Salvon ferment la marche.

Passées les premières collines, ils traversent un grand plateau semé de hautes herbes. Le soir ils nouent plus ample connaissance. Ainsi Merle finit par faire parler Blanche :
- Tout comme toi je ne suis pas bien née. C'est Hubert qui m'a tirée de la fange où je croupissais. Je tirais les bourses. J'étais assez habile.
- Pas les "bourses " ?
- Ha ! Ha ! A l’occasion. Et toi que faisais-tu ?
- Moi et Kaloé faisons partie des troupes spéciales du prince. Je passe sur nos conditions de recrutement. Nous sommes particulièrement entraînés pour les embuscades, les escalades de nuit des murs des places fortes à saisir, et même quelques faits encore moins honorables.
- Nous ne faisons pas partie des troupes du prince Corn. Hubert l'a convaincu qu'il fallait des personnes extérieures pour cette mission.
- Et Irina ?
- Elle professe un culte bienveillant envers tous. Elle a réussi à convertir Hubert.
- Qui l'a convertie à son propre culte à ce que j'ai pu en juger.
- Bien vu. Et Arnus ?
- Une espèce de soldat par idéal. Lui et Nelak se jetteraient au feu si le prince le leur demandait. Mais à mon avis Arnus n'est pas encore au courant de toutes les méthodes du prince.
- Un paladin en quelques sortes ?
- Il ne faut rien exagérer. Il est pour une certaine efficacité tout de même. Et Dreuze ?
- Je ne l'ai pas vu à l'œuvre. Mais il rumine sans doute d'aussi sombres pensées que celles de son maître.
Puis Merle et Blanche décident de parler de sujets plus personnels, voire intimes.

Quelques jours plus tard, alors que le soleil va bientôt se coucher, ils arrivent vers la fin du plateau, en vue des contreforts de la montagne. Soudain l'air se remplit de sifflements, et une volée de balles de fronde s'abat sur eux.

Ce sont des gobelins, ces petites créatures humanoïdes d'au plus un mètre de haut, d'une peau écailleuse brun foncé, et dotés de petites cornes les faisant souvent prendre pour des démons. Cachés dans les hautes herbes, ils ont échappé à la vigilance de Merle, l'ont laissé passer, et se sont attaqués au groupe.

Nelak et Orino sont touchés. Les humains ripostent vivement. Les arcs d'Hubert et Julius font merveille. Orino est de nouveau touché et s'écroule. Les frondeurs fuient. Kaloé revient.
- Il y a des gobelins partout ! Nous sommes encerclés !
- Impossible de mettre le feu aux herbes, c'est trop humide, annonce Dreuze.
- Tachons de trouver une meilleure position, propose Arnus.
- Il me faut de l'aide pour transporter Orino, dit Nelak. Je l'ai soigné, mais il est encore faible.
- Fonçons à travers les gobelins, décide Hubert. Arnus et Brenïn ouvriront le chemin, Julius et moi protégerons les flancs, et Salvon et Irina soutiendront Orino.

Le cercle des ennemis n'étant pas encore très serré, ils rencontrent peu de résistance. Hubert tue net un gobelin, Julius en blesse un autre, un troisième s'enfuit, toute la troupe passe.

Mais Julius est resté bloqué par un adversaire. Hubert revient lui porter secours. Ils tuent le gobelin, mais ils commencent à arriver de toutes parts. Les deux hommes prennent alors leurs jambes à leur cou. Heureusement leurs ennemis sont plus petits et courent moins vite.

La nuit tombe. Les gobelins battent leurs tambours de guerre. Les humains fuient droit devant eux. Soudain une haute falaise se dresse sur leur chemin.
- Ca nous prendrait trop de temps pour l'escalader. Essayons de la longer pour trouver une faille !

Ils finissent par découvrir une petite grotte. Deux ou trois hommes peuvent en tenir l'entrée de front. Rien à faire sinon que s'y réfugier. Les gobelins sont sur leurs talons.

Hubert, Julius et Arnus leur font face. Bientôt deux, puis quatre ennemis sont mis hors d'état de nuire. Mais Julius est blessé. Il est remplacé par Salvon, et un autre assaillant tombe. Devant tant de résistance les gobelins fuient.

Tandis que Nelak soigne l'archer, Blanche propose d'escalader la falaise pour menacer les assiégeants de leurs traits d'arbalète.
- Trop risqué, répond Arnus. Il y a peut-être des ennemis là-haut. Mais vous pouvez essayer d'utiliser vos armes à travers les espaces que nous laissons entre nous.

La nuit tombe. Les gobelins commencent par attaquer de loin, avec des frondes dont les balles font mouche. Julius est de nouveau touché. Les humains répondent par des flèches et des carreaux d'arbalète, et parviennent à éliminer tous les frondeurs, malgré la lumière finissante.

Les gobelins repartent alors à l'assaut, l'arme au poing. Hubert et Arnus se reculent un peu et ferment le passage à deux. Se battant avec l'épée de la main droite, et la dague de la main gauche, Hubert triomphe. Brenïn relève Arnus, blessé, qui doit se faire soigner à son tour...
- Il faut faire quelque chose, annonce Irina. Il ne nous reste plus qu'un sort de guérison ! .
- Jetons toutes nos forces dans une dernière sortie ! s’écrie Hubert.

Une courte bénédiction de Nelak, et ils chargent. Arnus abat un gobelin, puis un deuxième, puis un troisième… Combien de morts déjà ? Combien de batailles ? Et combien encore avant d'obtenir le repos ? … Mais qu'est-ce que ceci ? Ces amis ont besoin de lui ! Il ne peut se permettre cette faiblesse !

A ce moment un gobelin contre sa charge, et Arnus s'effondre.

Lorsqu'il revient à lui, il voit d'abord Irina.
- Et la bataille ?
- Gagnée ! lui répond Hubert. Nous les avons taillés en pièce !
- Des pertes ?
- Tu es la seule victime. Heureusement nous avons pu te ranimer. Comment te sens-tu ? Il nous faut partir maintenant, et trouver un endroit plus sûr pour bivouaquer. Je vais t'aider à marcher.
Et ils repartent, les valides aidant les blessés.

Ils se reposent à peine quelques heures dans la nuit à l'abri d'un groupe de rocher, puis reprennent leur marche.

Dans le milieu de la journée, sans être inquiétés, ils rejoignent enfin le village des nains. Celui ci s'adosse à la montagne et est fait de quelques maisons à moitié taillées dans le roc.

Brenïn se fait rapidement reconnaître des siens, et présente ses compagnons au roi Noren. Dreuze lui montre ses lettres de créance.
- Je vous accueille volontiers dans mon petit royaume, à condition que vous y veniez en paix.
- En venant, nous nous sommes heurtés à une bande de gobelins en armes. Ne vous ont-ils causé aucuns ennuis ? demande Hubert.
- Hélas, il y a quelques temps, plusieurs tribus de gobelins, auparavant ennemies, se sont alliées contre nous, et nous ont assaillis en masse. Nous les avons repoussées de justesse, mais nous avons subi de lourdes pertes, et sommes dans l'angoisse de la prochaine attaque.
- Ne pouvez-vous fortifier votre village ? intervient Arnus.
- Comme vous allez le constater, notre village est essentiellement constitué de galeries et de salles souterraines. Ces galeries nous permettent d'extraire le fer que nous tirons de la montagne. Mais il y a de nombreux passages et puits que nous ne contrôlons pas, et en certains points ils communiquent avec les repaires souterrains des gobelins de l'autre côté de la montagne.

Le roi leur fait alors visiter une partie de son domaine, qui s'étend effectivement fort loin sous la montagne, et leur attribue une salle où se reposer.
- Qui donc a creusé ces galeries ? demande Irina à Brenïn.
- Certaines existent depuis des générations. Les anciens racontent qu'elles auraient été creusées il y a des éons par nos ancêtres, mais ils racontent aussi qu'elles auraient été creusées par une race aujourd'hui disparue.

Plus tard, Hubert, Arnus, Dreuze et Nelak redemandent une entrevue au roi :
- Nous sommes venus vous proposer notre aide, au nom du prince Corn, déclare le magicien, et sommes désireux d'en connaître plus sur les motivations des gobelins. En particulier ne convoiteraient-ils pas vos trésors : les réserves de mithril ?
- Je vois que votre prince est bien renseigné. Notre bien le plus précieux est le mithril, ce minerai que nous commerçons avec les elfes, et dont ils se servent pour fabriquer des cottes de maille aussi fines qu’un vêtement, mais aussi solide qu’une armure. Mais les gobelins ne recherchent que le fer.
- Qu'est-ce donc qui les a poussés à s'allier ainsi subitement ?
- Nous l'ignorons. Nous avons fait quelques prisonniers lors de la dernière attaque, mais n'en avons rien tiré.
- Pouvez-vous nous fournir des traducteurs ? Nous désirerions les interroger.

Ils sont amenés dans la geôle des prisonniers. Nelak a fait venir Merle et Kaloé.
- Demandez-leur qui les conduit.
C'est Nelak qui pose les questions, et les traducteurs nains interrogent les prisonniers. Brenïn assiste à la scène.
- Ils refusent de parler.
- Dites leur que nous allons les torturer, s'ils ne répondent point, intervient Kaloé.
- C'est contraire à la morale de guerre, nous allons en référer au roi ! s'indignent les traducteurs.
- C'est contre les coutumes millénaires des nains, confirme Brenïn. Nous risquons l'incident diplomatique.

Il s'ensuit une vive discussion entre Nelak et Dreuze, dans un langage que seuls les prêtres-guerriers du prince Corn connaissent.
- J'ai une idée ! s'exclame Merle.
Il la soumet à l'oreille de Brenïn. Après quelques secondes de conciliabule, le nain se déclare satisfait. Ils sortent ensemble de la salle, et reviennent avec un mystérieux tonneau.
- Pouvez-vous nous laisser seuls avec les prisonniers ? Demande le nain. Je vous promets que nous ne leur ferons pas de mal.
Les interprètes acceptent de faire confiance à l'un des leurs.

Après une heure, Brenïn leur fait signe de revenir, et ils s’esclaffent de rire à la vue d'un gobelin ligoté sur une chaise, ivre, et qui se perd en violente diatribe auquel les humains ne comprennent rien.
- Pour les nains, la bière ne saurait faire de mal, explique Merle à Arnus en aparté. Ils considèrent cela comme une bonne plaisanterie, même si nous avons du le forcer un peu à boire.
- J'espère que ton astuce sera efficace, mais cache-moi cet entonnoir !
- Mécréants ! Chiens galeux ! Nous allons tous vous détruire, nous et notre maître ! traduisent les nains.
- De qui parle-t-il ?
- Vous ne le saurez pas ! Mais il vous percera de ses feux magiques. C'est un puissant sorcier !
- D'où vient ce puissant sorcier ?
- Vous ne le saurez pas ! Il est venu du nord avec ses hobgobelins, et a uni les tribus !
Puis le gobelin baisse la tête, vomit un flot verdâtre, et ronfle.

- Nous n'en tirerons rien d'autre. Que comptez-vous faire d'eux ? demande Arnus aux traducteurs.
- Nous attendons la décision de notre souverain de les faire exécuter pour leurs crimes, ou de les relâcher, si besoin est, contre d'autres prisonniers.

Peu après, ils tiennent conseil devant le roi.
- Que sont ces hobgobelins ? demande Hubert.
- Une race cousine des gobelins, plus grande et plus résistante, répond le roi. Ils ont dû subjuguer les tribus, avec l'aide de ce sorcier. Mais je dois vous révéler quelque chose. Venez avec moi.

Il les conduit dans une salle étrange, dont les parois semblent faites de verre.
- Ceci est le cristal le plus dur qu'il me soit donné de voir. Nous n'arrivons pas à l'entamer avec nos outils.
- Qu'est-ce que cela donne en passant par au-dessus ou au-dessous ? demande Dreuze.
- Rien. Cela forme une sphère de sept mètres de diamètre, contenant cette salle cubique de quatre mètres de côté, avec cette seule entrée. Mais le plus étrange reste à venir. Veuillez éteindre vos lanternes.

Ainsi fait, apparaît au centre de la pièce une pale épée, dont la lame multicolore vacille comme une flamme. Hubert et Arnus tentent d'en saisir la poignée, en vain. Leurs mains traversent le pommeau.
- Il est inutile d'essayer de la posséder. Ceci n'est qu'une illusion. Nous ignorons qui l'a crée, ni pourquoi.
- Ca aurait été trop facile, soupire Hubert.
- Nous préférions tenir cela secret pour éviter les convoitises. Mais la présence de ce sorcier m'indique que le secret n'a pas été tenu. D'après nos légendes, cette salle a des pouvoirs curatifs, mais nous ne savons pas lesquels.
- Puis-je tenter une expérience ? demande Dreuze.
- Je vous en prie.

Le magicien consulte le livre de magie qu'il porte toujours soigneusement sur lui, puis effectue quelques passes mystérieuses dans l'air, sur le sol et les murs. Après un quart d'heure d'exercice de son art, il déclare :
- Il y a bien de la magie là dedans...
- Une magie forte ! s'empresse-t-il de compléter, de plusieurs natures, et probablement des protections magiques contre les intrus. Ceci me parait un peu difficile à comprendre pour vous, mais c'est très intéressant pour moi.
- Nous tenons là le véritable motif des attaques des gobelins. Reste à savoir comment nous pouvons l'utiliser, conclut le roi.

Quinze jours plus tard, tandis que les gobelins attaquent de l'extérieur le village des nains, d'autres débouchent de la galerie qu'ils perçaient en secret derrière les lignes de défense, qui sont rapidement obligées de se replier. La poussée des gobelins semble irrésistible. Chakron est prévenu par son fidèle lieutenant que l'objectif est atteint : la salle de cristal est accessible. Fébrile, il effectue ses derniers préparatifs et ordonne à ses hobgobelins de l'accompagner sur les lieux, sans attendre la défaite complète des nains, qui d'ailleurs ne saurait tarder.

Il s'avance dans le couloir sombre et c'est là, sur la droite, un petit passage...

Il s'y engage, suivi de ses meilleurs éléments. Soudain il y a un grand bruit. Le plafond vient de s'écrouler derrière lui, et voici que surgissent des nains avec de nouveaux alliés, des humains !

Arnus a attendu l'ultime minute avant de donner le signal. Après une rapide bénédiction d'Irina, ils ont fait s'effondrer la mince couche de pierre qui séparait encore la galerie de leur cachette, une salle creusée en un temps record par les nains. Puis Hubert s'est précipité à l'assaut, suivi d'Arnus, de Julius, Brenïn et d'autres nains.

Profitant de l'effet de surprise, ils enjambent les gravats et les corps assommés, et éliminent promptement les quelques hobgobelins à l'intersection du couloir et de l'entrée de la salle de cristal. Mais le sorcier et quelques-uns de ses sbires ont pu s'y réfugier.
- Occupe-toi des autres, je me charge de poursuivre le chef ! lance Hubert à Arnus.

Dans l'étroit passage, il rencontre les suivants de Chakron, qui se sont remis de leur surprise, et lui résistent. Il fait alors le plus grand usage de sa dague.

Dans le couloir, les nains font face au gros des troupes hobgobelins, qui se sont ressaisies sous les exhortations de leurs meneurs. Arnus et ses hommes réduisent le petit groupe qui se sont retrouvés de l'autre côté de l'éboulis, isolés de leurs congénères.

Mais revoici Dreuze, qui ressort précipitamment de la salle de cristal :
- Vite, il nous faut du renfort !
Salvon et deux nains le suivent.

L'étroit passage est maculé de sang. Hubert a forcé le chemin en tuant cinq adversaires. Il affronte maintenant un chef hobgobelin, et un nain difforme dans une armure de cuir clouté. Pendant ce temps le sorcier ennemi, au centre de la pièce, est en train de lire à haute voix un grand parchemin.
- Vite ! s'écrie Dreuze. Il faut l'empêcher de continuer ses incantations.
Grâce à ce nouveau soutien, Hubert parvient à se dégager du combat, et se précipite vers le sorcier.

Pendant ce temps Arnus est venu à bout de la résistance des hobgobelins. Ils hésitent, puis reculent. Dreuze, l'air affolé, débouche de nouveau du passage.
- A l'aide !

Arnus le précède dans l'entrée, pour se trouver en face du nain renégat. Bien que mourant, celui-ci tente encore de protéger son maître. Par-dessus son épaule, Arnus peut voir Salvon étendu par terre, perdant tout son sang. Cette vision lui redonne plus de fougue, mais que ce nain est donc obstiné !

Enfin Arnus entre dans la pièce.

L'air crépite de mille petits éclairs autour du sorcier, qui continue, imperturbable, sa lecture du parchemin. Hubert reste immobile, l'épée dressée au-dessus de la tête du magicien ennemi.
- C'est arrivé quand il a voulu le frapper. Un éclair a jailli et l'a paralysé. Il faut faire quelque chose. Ce sort est en train de délivrer l'épée de feu. S'il s'en empare, le sorcier sera tout puissant.
- Orino ! Viens ici avec ton arbalète !
Arnus bande son arme en même temps que le fait son soldat.
- Ensemble ! Prêt ? Tire !

Lorsque les traits touchent le magicien, deux éclairs partent en direction des arbalétriers. Arnus réussit à l'éviter, et a ainsi plus de chance qu'Orino, qui reste paralysé en position de visée.

- Si on essayait de l'atteindre par-derrière ? propose Nelak en direction de Merle.
- Pas fou non ?
- J'y vais, dit Kaloé.
Et quelques secondes plus tard, Kaloé se retrouve à son tour immobilisé.
- Arrêtez vos initiatives ! intervient Arnus. Magicien ! Dis-nous ce qui se passe !
Dreuze utilise alors son sort de détection de la magie.
- Je vois qu'en plus de l'attaque contre les défenses de l'épée, il y a un puissant sort de protection qui émane du parchemin. Celui-ci protège le lecteur pendant l'incantation. Je n'en sais pas plus hélas. Mais à ma connaissance il n'existe pas de magie qui nécessite plus de vingt souffles d'invocations, et celle-ci dure depuis bientôt dix-neuf souffles !
- Au diable !
Et Arnus, de son épée, coupe le parchemin en deux.
- Malédiction ! s'exclame Chakron.
Il tire une petite fiole de sa manche qu'il boit rapidement. Le second coup d'épée d'Arnus ne frappe que le vide. De l'endroit où se tenait le sorcier monte une vapeur éthérée, qui s'échappe à toute vitesse le long du plafond.

Apprenant la défaite des hobgobelins, et de leur maître, les gobelins rompent le combat contre les nains, et retournent à leurs repaires, ainsi qu'à leur division.

Nelak et Irina soignent les blessés, mais c'est trop tard pour Salvon, qui a perdu trop de sang.
- Il a combattu courageusement. J'en parlerai au prince, et peut être fera-t-il quelque chose pour lui.

Hubert, Orino et Kaloé quittent leur rigidité, mais restent toujours inconscients. Seul un faible souffle les anime. Espérant un miracle et se souvenant de la prédiction, Irina les fait coucher dans la salle de cristal, et les veille jour et nuit.

Le roi Noren félicite Arnus d'avoir exécuté ce nain renégat, qu'il avait banni il y a cinq ans pour forfaiture, et qui avait révélé, par dépit, leur secret à l'ennemi.

Un mois après, grâce à la magie de la salle de cristal, et grâce aussi aux bons soins d’Irina, Hubert sort du coma. Il a perdu plus de vingt kilos ! Il les reprend en un mois à force d'exercices, et de nourriture.

La guérison de Orino et de Kaloé est beaucoup plus progressive, et Arnus les affecte à un poste tranquille : la protection de l'ambassade chez les nains.

En récompense de leurs exploits, il reçoit une hache de jet, et Hubert une dague. Ces armes, forgées par les anciens nains, sont magiques, assure le roi, ce que confirme Dreuze après les avoir examinées. Plus important encore, l'ambassadeur obtient du monarque qu'il cesse les livraisons de mithril aux elfes pendant un an.

Après s'être remis, Hubert décide de monter une expédition plus au nord.
- Ceci ne pourra qu'être bénéfique pour les cartographes du prince, assure-t-il.
Arnus lui cède le concours de Julius et de Merle, enchantés de participer à cette aventure.
- Un bon conseil, tâche de te méfier des magiciens à l'avenir, dit Arnus à Hubert au moment des adieux.
- Et toi, tâche de te garder de ton prince, lui répond celui-ci à l'oreille.

Puis Arnus et Nelak le regardent rejoindre sa troupe, en direction du pays-où-la-neige-ne-fond-pas.

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