1. Les orques.

- Mais laisse donc cette bestiole tranquille ! s'écrie Blanche.
- Non. J'aurai la peau d'un de ses blaireaux. Ca vaut une fortune. Aïe !
L'animal s'est retourné et a mordu la main de Jack.
- Abandonne ! Nous n'avons pas que cela à faire, dit Brand.
Le voleur sort à reculons de la galerie dans laquelle il avait poursuivi la bête.

Les trois aventuriers ont quitté les territoires du prince Corn depuis quelques jours, lorsqu'un blaireau géant, pas encore en hibernation malgré la saison, a filé devant les pattes de leurs chevaux.

- Grimpe plutôt en haut d'un arbre, et dis-moi ce que tu vois à l'horizon.
- L'escalade n'est pas mon fort, et...
- Fais-le !
Jack s'exécute. Il sait ce qu'il en coûte de désobéir au magicien.
- Je n'aperçois que l'herbe qui poudroie et..
- Ne te moque pas de moi !
- Je distingue des fumées d'habitations, au loin…

Deux jours plus tard ils arrivent au village. Il y a là une petite troupe d'anciens déserteurs de l'armée du prince Corn.
- Ils ont été capturés il y a quatre ou cinq mois par une bande d’aventuriers. Depuis ils se sont installés ici, et leurs vainqueurs sont partis. Cela provoque des rixes entre les paysans et eux. J'aimerai bien qu'ils partent. C'est mauvais pour mes affaires, leur confie l'aubergiste chez qui ils sont allés.
- Nous pouvons peut-être les recruter ? propose Jack.
- Quel est leur chef ? demande Brand au tenancier.
- Le grand gaillard là-bas, assis à une table.

Le magicien va le voir. Ils discutent courtoisement, puis la discussion devient animée. Le bandit a soudain un hoquet de surprise, puis Brand revient vers son groupe.
- C'est raté. Filons d'ici en vitesse.
- Comme ça ? Mais...
- Filons j'ai dit !
Et ils sortent, montent sur leurs chevaux, et quittent le village en direction du nord.

- Tu vois. Nous voyageons depuis dix jours, et il ne s'est rien passé, dit Brand au coin du feu de camp. Nous allons bientôt entrer dans la forêt elfique.
- Ne vendons pas la peau de l'ours... répond Jack.
Soudain ils sont entourés d’orques menaçants. L’éclaireur du prince Corn se met à leur parler en levant les bras au ciel.
- Je vous en prie, faites comme moi, sinon ils nous massacrent.
- Je peux provoquer un mur de brouillard qui nous permettra de nous enfuir.
- Et pour aller où ? Nous sommes sur leur territoire ici. Ils contrôlent toute la région.

Brand accepte. Il accepte même qu'on lui lie les mains, et qu'on lui prenne son livre de magie. Un orque l'examine, le flaire, puis le range dans un sac.
- Il ne l'a pas jeté. C'est déjà ça.
Le magicien reçoit un coup de poing dans le dos, suivi d'une foule d'imprécations.
- Ils vous disent de vous taire. Méfiez-vous, ils savent ce qu'est la magie.
- Ils ne savent pas encore ce qu'est ma magie, pense Brand.

Une journée plus tard, toujours sous bonne escorte, ils sont conduits au repaire des orques. C'est un ancien château, les occupants se pressent pour voir les prisonniers. Dans la cour de la première enceinte, ils sont reçus par une délégation.
- Ce sont leurs chefs. Le plus fort doit être leur chaman, c'est à dire à la fois le grand prêtre et le chef suprême de la tribu.

Brand se concentre, tandis que Jack répond aux questions. Subitement le chaman s'avance et se prosterne devant le magicien, qui n'a toujours pas prononcé un mot. Les autres chefs murmurent entre eux.
- Ils trouvent que le vieux déconne, commente Jack. Je crains leurs réactions.

Soudain un orque s'avance, l'épée levée. Heureusement Jack s'interpose et lui fait un croc en jambe. Un deuxième bondit alors. Cette fois Brand s'en charge. Il relâche sa concentration sur le chaman, car il ne peut contrôler deux cerveaux à la fois, et force le nouvel opposant à s'immoler sur son épée.
- A moi ! s'exclame le voleur, courant devant l’être au faciès porcin qu'il a mis à terre, et qui s'est vivement relevé. Mais Jack a les mains liées, et, déséquilibré, il tombe.

Il est sur le point d'être exécuté. Le magicien ne peut rien faire. Il est trop occupé à maîtriser son propre adversaire. Blanche a beau se débattre, elle ne peut se défaire des mains qui l'enserrent.

Pendant ce temps le chaman a repris ses esprits. Il crie un ordre. Tous les orques s'interrompent, sauf celui qui s'apprêtait à se venger sur Jack. Le grand prêtre prononce alors un mot plus fort que les autres, et l'orque s’immobilise dans son geste, paralysé. Le chaman, de sa propre masse, abat l’insoumis, puis il harangue la foule.
- Il dit que vous êtes un puissant magicien, comme lui.
- Dis-lui que s'ils nous obéissent, nous pouvons vaincre tous ses ennemis.
Jack traduit tant bien que mal. Le chaman lui répond.
- Il dit qu'il veut bien s'associer. Il propose que nous échangions nos femmes, en gage de bonne foi.
- Quelles femmes ?
- Je crois qu'il parle de Blanche.
Brand regarde la voleuse. Celle-ci hausse les épaules.
- Dis-lui que c'est d'accord, conclut le magicien.
Puis :
- Il demande maintenant que vous le suiviez dans son domaine.
- Très bien. Au fait, Jack, comment se fait-il que tu parles l'orque?
- Un de mes grands-parents était de cette race, et j'ai déjà eu des contacts avec des demi-orques. Le chaman en est un lui-même, si je ne m'abuse.
- Ses traits sont pourtant fortement marqués.
- Ca varie d'un individu à l'autre.
- Moi parler un peu langue esclave, mais mal très, dit le chaman.
- Aussi est-il mieux que Jack traduise, en attendant que j'apprenne leur langage.

Le prêtre leur montre l'entrée des sous-sols de vie commune des orques, dans la première enceinte. Puis il passe le second rempart après avoir franchi un pont-levis dont les chaînes sont rouillées. Ils découvrent une petite cour intérieure. Il y a deux bâtiments et deux tourelles d'angle.
- Il dort dans la première maison, avec ses femmes, leur progéniture, ainsi que les chefs de groupes.

Ils voient également un petit rassemblement de captifs humains. Ceux-ci ont une timide lueur d'espoir en les voyant.
- Et ceci ? demande Brand en désignant un vaste trou au centre de la cour.
- C'est la bête.
- La bête ?

Le magicien s'approche. Il s'agit d'une sorte de puits sans margelle. A une dizaine de mètres on devine une eau croupissante. Il jette un petit caillou. Rien ne se passe, et puis soudain un tentacule jaillit. Il se recule de justesse.
- Fichtre !
- La bête, commente le chaman en langage humain.
- Et les esclaves ?
- Ils les servent, et servent aussi parfois la bête, traduit Jack.
Brand rit, et en l'entendant, les prisonniers perdent tout espoir.
- Et le second bâtiment ?
- C'est là qu'est le trône sacré.
- J'ai hâte de voir ça.

Il y a une unique salle. Ils y entrent. Elle est remplie de poussière, et vide hormis quelques bancs contre les bords, et un grand trône au fond. Les murs sont recouverts de runes et de fresques. Brand s'avance et examine le siège majestueux. Il fait mine de s'asseoir, mais hésite.
- Il dit que lui aussi a essayé quand il était petit. Il ne s'est rien passé. Il est curieux de savoir si pour vous ce sera la même chose.
- Mmh. Demande-lui de me restituer déjà mon livre de magie.
Le chaman s'incline et sort.
- Ce qui m'intrigue le plus, c'est la bonne constitution de la charpente. A part quelques trous, elle est intacte. Le sortilège qui permet cela doit être une merveille.
Le chaman rentre, avec le livre.
- Nous allons maintenant nous reposer ici, avec sa permission.
- C'est bien, il dit qu'il nous laisse, car il va bientôt faire jour. Mais que nous allons parler plus longuement la nuit prochaine.

Puis le prêtre donne un ordre bref à Blanche. Celle-ci se retourne vers Brand, qui ne lui accorde même pas un regard. Elle hausse une nouvelle fois les épaules, et suit son nouveau maître. Peu de temps après arrivent deux orques femelles.
- Ce sont les femmes promises par le grand chef. Elles sont à notre disposition.
- Dis-leur de faire le ménage. Ou plutôt non, qu'elles ne touchent à rien.

Brand consulte son livre de magie, puis se place à une extrémité de la pièce, fait quelques incantations, va vers l'autre côté, derrière le trône, recommence ses incantations, et se dirige dans un coin. Il se penche et ramasse quelque chose.
- C'est bien ce que je pensais. Le fauteuil irradie la magie, les murs et la charpente aussi, quoique plus faiblement, et j'ai trouvé ceci :
Il montre à Jack une pièce d'argent, de forme pentagonale.
- C'est magique ça ?
- C'est magique.
- Et ça fait quoi ?
- Je le saurai peut-être demain. Pour l'instant cette sorcellerie m'a épuisé. Tâchons de dormir, puisqu'il fait jour, et qu'il nous faut vivre à la mode des orques.

La nuit suivante ils ont la visite du chaman.
- Bien sûr il nous laisse le temps de nous installer, mais il aimerait tout de même notre aide contre ses ennemis, en particulier la tribu voisine des Eclate-foies.
- Charmant nom. Et eux, comment s'appellent-ils?
- Les Broyeurs de crâne.
- Combien de temps avons-nous pour nous préparer ?
- Il dit que d'après ses oracles la nouvelle lune conviendrait.
- Ce qui nous laisse dix jours. C'est bon.
- Il dit qu'il a trouvé Blanche à son goût, et demande si nous sommes contents des femmes orques.
- Dis-lui que nous sommes satisfaits.

Lorsqu'ils sont enfin seuls Brand tente ses expériences. Il prend une perle fine, qu'il fait dissoudre dans un breuvage dont les ingrédients sont au moins une plume de hibou et du vinaigre, boit le tout, et s'assoit sur le trône.

Mais rien ne se passe.
Si, peut-être...
...Mais non, rien.

- Espérons que j'ai plus de chance avec la pièce d'argent. C'est ma dernière perle.

Il boit et se concentre de nouveau, l'objet mystérieux dans la main.
- Alors ?
- C'est...
- Quoi ?
- Une clef !
- Je ne comprends pas.
Le sort prend fin.
- C'est une clef. Il nous faut maintenant trouver la serrure.
- Une serrure, mais où ?
- Ca c'est à nous de le découvrir. Nous allons explorer cette pièce pouce par pouce.

Et ils font ainsi trois jours durant. Brand déchiffre patiemment les inscriptions, tandis que Jack sonde toutes les fissures. Mais rien n'y fait. Pendant ce temps, chaque nuit, le chaman vient leur rappeler leur promesse.

- Les runes vantent les exploits de l'ancien propriétaire des lieux. C'était un puissant sorcier. Un certain... quelque chose de grand qui vole... et rouge.
- Un dragon rouge ?
- Peut-être.
- Et les orques ?
- Ce doivent être les descendants de ses troupes. Depuis le sorcier a disparu, et ils se sont émancipés. Et de ton côté ?
- Je n'ai rien trouvé.
- La porte se trouve peut-être ailleurs ? Il faut demander à Blanche de nous aider.

Ils requièrent du chaman de voir leur ancienne compagne. Il accepte.

- Qu'as tu appris sur ces orques ?
- Un guerrier est apparu ici il y a quelque jour. Ils lui ont demandé s’il était le puissant sorcier dont les légendes prédisent le retour. Comme il ne répondait pas, ils l'ont exécuté.
- Peut-on voir le corps de ce guerrier ?
- Il a disparu mystérieusement peu de temps après. Le chaman a interrogé son dieu pour savoir s'ils n'avaient pas commis de faute. Son dieu n'a pas voulu lui répondre. C'est pourquoi il se montre aussi prudent avec vous. Il pense que vous êtes une nouvelle épreuve envoyée par sa divinité. Il vous laissera tranquille, du moins jusqu'à la nouvelle lune, où il interrogera de nouveau son dieu.
- A nous d'en profiter. Peux-tu rechercher s'il n'y a pas une porte, ou une sculpture, ou un mécanisme magique du bâtiment des chefs, dans lequel s’emboîte une certaine pièce ?
- Quelle pièce ?
- Celle-ci.
Brand lui montre l'objet pentagonal. Elle réfléchit, le nez en l'air.
- Je peux peut-être vous aider. Mais promettez-moi une chose.
- Laquelle ?
- De ne pas m'abandonner ici lorsque vous partirez.
- C'est promis.
- Là !
- Quoi ?
- Au plafond, l'attache du lustre, n'a-t-elle pas une forme pentagonale ?
- Mais oui ! Jack ! Une échelle, des chaises, des tréteaux! Vite!

Ils entassent les bancs. Sur cet échafaudage de fortune, ils décrochent le lustre fait d'un cercle de fer rouillé, présentent la pièce sur l'attache. Cela s’emboîte parfaitement.
- Bonjour !
Ils dégringolent sous la surprise. Une colonne de lumière est descendue du plafond. La forme d'un visage y apparaît.
- Je suis à l'aube de la dernière transformation. Je dédie ce message à mes amis, s'il en fut, et à mes ennemis, s'il en reste. Bientôt je vais me retirer dans mon laboratoire, crouic... l'arcane ultime, crouic... fin de communication.
La lumière et le visage disparaissent.
- Vous avez vu ce que j'ai vu ? demande Jack.
- Il ne reste plus qu'à trouver ce laboratoire, répond Brand. Le plus étrange est que nous ayons compris ses paroles à travers les siècles, alors qu'il ne pouvait ni connaître ni parler le langage moderne. Jack, demande donc aux orques si elles ont compris.

Il les interroge, et effectivement elles ont compris, bien que la notion de " laboratoire " soit très confuse dans leur esprit.
- Il a du s'adresser directement à nos cerveaux, quelle magie puissante !
- Bon, ce n'est pas tout, mais il faut que j'y retourne, dit Blanche. Au fait, le chaman s'étonne que vous n'ayez pas encore honoré ses femelles. Ce n'est pas qu'il s'en offusque, mais cela pourrait provoquer des rumeurs...
- D'accord. Jack, tu t'en occupes !
- Mais...
- J'ai dit ! Et puis d'abord ma dignité et ma fonction de magicien me l'interdisent.
- Au revoir. Souvenez-vous de votre promesse, dit Blanche.
- Préviens-nous si tu trouves quelque chose.

Les jours et les nuits suivants s'écoulent sans nouveauté. Le chaman revient toujours leur rappeler qu'il compte sur leur aide. Ils circulent maintenant à peu près librement, mais ne peuvent sortir de l'enceinte. Arrive le matin du dernier jour. Ils n'ont rien trouvé. Soudain Brand, qui déambulait dans la cour pour se calmer, s’arrête, avance vers le trou de la bête, puis va chercher Jack.
- Viens !
- Quoi ?
- Viens te dis-je.
Puis près du trou :
- Là, ne remarques-tu pas cette ouverture ?
- Sans doute une ombre, ou une pierre qui manque.
- Va voir.
- Là dedans ?
- Couard que tu es ! La bête ne réagit que si l'on trouble la surface de l'eau.
- Et si je tombe, ou si une pierre se détache ?
- Nous allons chercher une corde. Les deux femelles orques la tiendront. Et puis il faut bien prendre des risques, n'est-ce pas ?

Lorsque les deux servantes sont là, Brand ajoute :
- Attends. Je calcule la longueur exacte de la corde afin que le bout ne trempe pas dans l'eau. Voilà, ça y est. Vous deux, tenez bien, et ne bougez pas d'ici, compris ?
Le magicien s'exprime en langue des orques, dont il a pu assimiler les rudiments.

Jack descend. Effectivement c'est bien une entrée de souterrain, à mi-hauteur. En prenant garde pour que rien ne chute au fond du puits, il s'y engouffre.
- Alors ? chuchote le magicien, qui craint de réveiller la bête. Alors ?
- C'est bien un passage, mais j'ai peur de m'y aventurer davantage.
- Attends-moi.

Brand sort une petite boite, dans laquelle se tient une araignée des champs.
- Araignée, gentille petite araignée, tu vas bien me servir n'est-ce pas ?
Il la gobe vivante.
Puis il avale une goutte de goudron.
Gloups !
Il défait ses chaussures.
Puis il descend la paroi. Ses pieds et mains y collent magiquement. Il rejoint Jack.

- Pourquoi n'avez-vous pas utilisé ce pouvoir plus tôt, au lieu de me faire prendre tous ces risques ?
- Je ne savais pas si cela en valait la peine. Prends la lampe, allume-la et passe devant. Je te suis.

Ils peuvent à peine se tenir debout. Ils font cent mètres, puis butent sur une impasse. Le voleur cherche un mécanisme ou une porte secrète. Mais il n'y a rien. Ils reviennent.

- Attends voir ! Sur ce mur, des runes !
- Que disent-elles ?

Le magicien sort son livre de magie, puis utilise de nouveau son sortilège de compréhension des langues, avec de la suie et des grains de sel.
- C'est une énigme : "Qu'est-ce qui est plus lourd que l'or, mais plus léger que le papier ?"
- Qu'est-ce que cela veut dire ?
- Il nous reste la journée pour le trouver. Eteins la lampe pour économiser l'huile.

Après deux heures de réflexion :
- Je pense avoir trouvé. La solution est un mot clef qui permet d'ouvrir un passage. Je pense à quelque chose comme loyauté ou amitié, ou encore fidélité, car cela vaut tous les trésors, mais est plus fragile qu'un contrat écrit.

Puis il essaie toutes les idées qui lui passent par la tête, pendant quatre heures.
- Ca ne marche pas. Il faut probablement penser le mot clef en langage ancien, mais je ne le connais pas.
- Rebroussons chemin.
- Laisse-moi réfléchir.

Et après quatre autres heures d'intenses cogitations :
- Je commence à avoir faim !
- Tais-toi et réfléchis avec moi !
- Si vous ne parlez pas la langue, comment avez-vous pu lire les inscriptions ?
- Par magie. Mais tu me donnes une idée. Allume la lumière.
Brand consulte ses notes.
- Par curiosité, j'ai recopié les runes que j'ai pu déchiffrer, ainsi que leur traduction. Si je ne peux parler la langue ancienne, je peux peut-être l'écrire.
Il prend un fusain et écrit sur la roche. Il essaie un mot, puis l'essuie d'un revers de manche.
- J'ai là le mot ami. Ca ne marche pas... Voyons... Si j'ajoute un substantif, ça donne amitié... Ca ne marche pas... Essayons autre chose...
- Ca marche !
Le mur devient translucide. Ils passent au travers. Ils sont maintenant dans un couloir plus large.
- Avançons prudemment. Je soupçonne la présence de piège.

Jack ouvre le chemin, mais déclenche un mécanisme qu'il n'a pas vu. Deux pieux jaillissent du mur.
- Ca va ?
- De justesse !

Il retire son pied de la pierre qui s'est enfoncée sous son poids. Celle-ci remonte, et les épieux se retirent.
- Il doit s'agir d'un astucieux système de poulies et de contrepoids, le tout avec un minimum de magie pour que cela retourne à l'état initial. Comme tout l'ensemble doit diffuser une légère aura magique, ce piège n'est pas visible par un sort de détection.
- Je me suis blessé. Ne peut-on remettre la suite au lendemain ?
- Nous n'avons pas le choix. Le chaman nous attend. Il faut continuer et trouver quelque chose.

Ils débouchent dans une pièce de moyenne importance. Il y a une table avec des instruments d'alchimie, un grand pentacle tracé par terre, des armoires et des vitrines avec des livres et des fioles, et au fond un trône similaire à celui qu'ils avaient déjà vu.
- Ne marche pas sur le pentacle.
- Je ne comptais pas m'y risquer.
Brand examine les vitrines et les armoires. Ils allument des torches fixées aux murs.
- Il y a des runes de protection partout. Hormis sur ceci.
Il ramasse un parchemin qui traînait à terre près du pentacle. Il le range à sa ceinture.
- Vous ne le lisez pas ?
- Vu les précautions dont s'entourait le maître des lieux, il est peut-être piégé. Et puis j'ai déjà utilisé les deux sorts que je peux lancer par jour.
- Nous n'avons presque plus de temps. Retournons-nous ?
- Et comment ? J'ai renvoyé les deux orques.
- Quoi ?
- Je ne voulais pas que l'on s'étonne de leur présence. Mais il nous reste une dernière carte: le pentacle.
- Allez-vous l'essayer ?
- Non, toi.
- N'y a-t-il pas d'autres solutions ?
- Préfères-tu ouvrir une de ces armoires ?
- Et si on essayait le trône ? demande Jack, qui commence à être sérieusement inquiet de la situation.
- Va pour le trône.
Le voleur respire un peu. Cela lui fait au moins un répit. Il s'assied... et disparaît !

Brand s'interroge : s'agit-il d'une téléportation, d'une invisibilité ou d'une désintégration ? Il inspecte le fauteuil : pas de poussières ni de cendres.

Il s'assied à son tour...
...et se retrouve dans la salle sacrée des orques, assis sur le trône. Jack est en face de lui.

- La journée est bien avancée.
- Dormons. Il nous reste peu de temps avant la nuit.

Le chaman les réveille au crépuscule.
- Etes-vous prêts pour l'attaque ?
- Un instant.

Malgré sa fatigue Brand regarde son livre de magie, puis il examine le parchemin qu'il a trouvé.
- Hé ! Ce n'est pas dangereux ? s'exclame Jack.
- Si ! Vous pouvez sortir.

Ils quittent la pièce, laissant le magicien à son étude. Une demi-heure plus tard, celui-ci sort à son tour, et annonce qu'il est prêt.

Les orques avancent en silence à travers la forêt. La marche est délicate pour les deux humains. Ils sont obligés de se laisser guider par leurs alliés qui, eux, voient parfaitement de nuit.

Soudain c'est l'attaque, mais pas du côté qu'ils attendaient. Les Eclate-foies ont surpris les Broyeurs de crânes. Le combat fait rage. Brand et Jack, dans le noir, en ignorent l'issue et sont même incapables de discerner les bons des méchants. Mais ils entendent les cris et les râles.
- Le chaman dit que ça va mal, et qu'il serait temps de faire quelque chose.
- C'est bon.
Et Brand fait quelques passes magiques. Un brouillard se lève, opaque.
- Dis-lui qu'il faut en profiter pour fuir. Cela ne durera que peu de temps.
- D'accord.

Mais dans la confusion, et une fois sortis de la brume, le grand chef, les deux humains et quelques guerriers se retrouvent isolés, et encerclés par des orques ennemis qui ont pourchassé les fuyards. Le combat recommence, plus acharné que jamais.
- Il dit que c'est maintenant qu'il faut produire toute votre puissance, ou nous sommes morts.
- S'ils veulent de la magie, ils vont en avoir !

Et Brand lit le parchemin, qui se consume au fur et à mesure qu'il le lit. A la fin, un éclair avec une grande boule de feu explose. Un géant noir cornu apparaît.
- Vous m'avez demandé, maître ?
- Oui, incline-toi devant moi ! ordonne Brand, qui tâche de garder son sang froid.
- A votre guise, maître. Est-ce tout?
- C'est tout.

Le démon disparaît dans un tourbillon de fumée. Les survivants du combat n'en mènent pas large. Le chaman crie quelque chose. Peu de temps après, on lui répond du côté adverse.
- Que disent-ils ?
- Il dit qu'il est secondé d'un puissant magicien, et qu'il faut s'arrêter de combattre, sinon le diable va revenir.
- J'avais compris, mais quelle est la réponse ? Il y a un mot que je ne connais pas.
- Il parle du Kilow'ech. C'est une cérémonie sacrée de paix entre les tribus.
Puis ils se retirent, les valides emportant les blessés.

Le lendemain soir, tous se préparent pour le Kilow'ech.
- Je compte sur votre magie pour imposer notre loi, dit le chaman.
- Hélas, je n'ai pas d'autres parchemins, mais je peux vous proposer un autre plan.

Les deux délégations se retrouvent autour d'un cercle. Il y a là les deux grands chefs ennemis, leurs gardes, ainsi que Jack et Brand. Après la danse en l'honneur de Gruumsh, le dieu des orques, et le rite des pipes sacrées, ils discutent des conditions de paix.
- Nous proposons un échange d'otages, comme d'habitude, disent les Eclate-foies.
- Ecoutez ! dit soudain le chaman des Broyeurs de crânes en se levant. Gruumsh m'a parlé cette nuit. Les tribus doivent s'unir sous mon autorité.
- Jamais ! s'exclame le chef ennemi.

C'est alors que Brand prend le contrôle de son esprit. L'orque se lève, fait mine d'attaquer son adversaire, et reste immobilisé sur place. Le chaman en profite pour lui briser le crâne. Ses hommes ont maintenant tous sorti leurs armes et entourent les Eclate-foies.
- Vous avez tous vu et entendu ! Je n'ai pas prononcé de sortilège. C'est Gruumsh lui-même qui a châtié le sacrilège qui profanait la paix du Kilow'ech !
Il s'empare de l'amulette que portait le vaincu.
- Vous devez vous rallier à moi. Je suis désormais votre seul grand prêtre. Portez la nouvelle à votre peuple. Je garderai seulement cinq d'entre vous en otage.
Et il choisit ceux qui doivent rester parmi les opposants qui semblent montrer le plus de réticences. Sans leur chef, les orques s'inclinent.

Plus tard, Jack et Brand discutent de l'événement.
- Comment se passe la succession d'un chaman d'ordinaire ? demande le magicien.
- C'est l'ancien qui, sentant son heure venir, forme un disciple. Ou plus couramment, à sa mort, les prétendants se battent, et le vainqueur s'empare des symboles sacrés.
- Mais, à ce stade, il n'a aucun pouvoir.
- Qu'importe ! Il est oint par Gruumsh, le dieu des forts. Il a les instruments religieux. Il peut apprendre à s'en servir.
- Ca peut être très long. Voici qui explique pourquoi les orques n'ont jamais développé de techniques magiques très sophistiquées. Parlons d'autre chose. J'ai envie de retourner explorer le laboratoire. Hélas, le trône ne marche que dans un seul sens.
- J'ai été voir la bête. Elle semble nettement plus sensible qu'à notre précédent passage. Je ne peux plus m'approcher.
- Peut-être qu'en lui donnant à manger ?
- Il reste des esclaves, et bien des mystères. Que pensez-vous que soit la dernière transformation du sorcier à l'origine de tout ceci ?
- Qui sait ? La bête ?
- Et quel était le mot clef du passage magique ?
- Amour.

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