1. Dalor : l'épée du Chaos.

Après leur expédition dans les Montagnes de la Peur, Orion est revenu à Uhr pour y faire réparer son armure, et pour parfaire son éducation. Karnay, Gart et Gil l'ont naturellement accompagné. Le prince a également proposé à Hubert de le suivre et celui-ci a accepté.

Quant à Lorraine, elle rentre à son temple pour y rendre compte de sa mission.

Reste Dalor et Eloa. Le premier préfère la vie des bois à celle des villes. La seconde, qui redoute de passer un long hiver entre les quatre murs du palais, lui demande s'ils peuvent faire route ensemble. Il parait que la Frontière regorge de merveilles et de magies.
- Tâche de prendre soin d'elle, dit la prêtresse à son ami. Elle est encore très jeune. Tiens, prends ceci.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Un talisman. Je vous rejoindrai plus tard.
De son côté, Gart fait ses adieux à sa cousine.
- Alors comme ça, tu nous abandonnes, le prince et moi ?
- Les exercices guerriers, les joutes, cela ne m’intéresse plus guère depuis que je suis devenue magicienne. Mais mon absence ne sera que provisoire. Je reviendrai dès que le prince aura besoin de moi.

Ils partent donc seuls, voyageant à travers les marches du prince Corn, en direction de l'ouest, puis du nord, vers la Frontière. Dalor chasse un peu chemin faisant. Le soir, à la veillée, Eloa en profite pour interroger son compagnon.
- Quelles sont exactement tes relations avec Lorraine ?
- C'est une amie.
- Seulement une amie ?
- Disons une bonne amie.
- Méfie-toi, lorsqu'une femme offre un cadeau à un homme, comme ce bijou qui pend à ton cou, c'est qu'il y a un mariage dans l'air.
- C'est un talisman de protection contre le Mal. Du moins je le crois. Elle ne me l'a pas précisé. Elle m'a aussi donné des fioles de soins, qu'elle a fait faire à partir du sang du troll que nous avons tué.
- Raconte-moi cet épisode.
- Il n'y a pas grand chose à dire. Ce fut une lutte acharnée. Nous verrons probablement des traces de trolls. Nous en rencontrerons peut-être. Es-tu prête au combat ?
- Je ne dispose que de peu de sortilèges. Je pense que le mieux dans ce cas serait encore la fuite.
- L'Egyptien ne t'a rien appris ?
- Il considère qu'il est préférable que j'aie peu de connaissance, mais dont je me serve bien, plutôt qu'un livre plein de magie dont je n'ai que faire. Et puis se méfie-t-il peut-être encore de moi?

Ils arrivent enfin à la ferme de Fred, l'éclaireur à la retraite. Là, ils ont la surprise d'y trouver des elfes.
- Bonjour, leur disent-ils. Vous êtes Dalor, et vous avez réussi à prendre un château occupé par des bandits.
- Bonjour. Les nouvelles vont vite. Comment vont vos affaires dans la forêt ?
- Nous avons défait l'armée du prince Corn à la clairière d'Illmore. Il a renoncé à nous envahir, mais s'est rabattu sur la Frontière.
- Déjà ?
- Le château que vous aviez laissé inoccupé a été repris par ses soldats. Heureusement il y en a peu. Vous pouvez compter sur notre soutien.
- Je vous remercie. Mais je ne suis ici que pour chasser.
- A votre aise. Au fait, vous devriez aller faire un tour au "Rendez-vous des deux rivières". Les brigands que vous aviez relâchés y causent quelques tracas.
Puis ils prennent congé du vieil éclaireur :
- Voilà, nous partons maintenant. Merci pour ton accueil et tes renseignements.
- Nous ne vous chassons pas au moins ? demande Eloa.
- Pas du tout. Nous allions partir. Bonne chasse.

Une fois les elfes partis, leur hôte les interroge sur leurs dernières aventures, puis :
- Et maintenant, que comptez-vous faire ?
- Chasser.
- Il n'y a pas grand chose en hiver. Mais vous trouverez peut-être quelques cerfs et sangliers.
- N'y a-t-il pas des ruines, avec des inscriptions magiques ? intervient la magicienne.
- C'est cela qui m'amuse chez les jeunes. Ils sont toujours à la recherche d'un trésor caché ! rit l'éclaireur. Bien sûr qu'il y a des ruines dans la région. Elles sont même très bien conservées. Ce sont les restes de l'ancienne civilisation. Mais la plupart sont gardées, par des orques, des ogres, des trolls, et d’autres monstres peu recommandables.

Ils restent plusieurs jours dans la ferme, puis ils partent en direction du village. Là, ils y constatent une certaine tension. Il y a des regards méfiants, des mains sur les pommeaux des épées, et des doigts qui cherchent une dague. L'aubergiste les prévient de la situation.
- Ils ont reformé une bande, dirigée par un ancien lieutenant. J'espère que vous allez rétablir l'ordre. Tous les paysans et les trappeurs sont prêts à vous suivre.
- Je ne suis pas venu ici pour faire la police, mais uniquement pour chasser.
- Je vous aurai prévenus. Voilà le chef qui s'avance.
- Quelle surprise ! Notre ancien vainqueur! Il me semble qu'il a pris de l'embonpoint, n'est-il pas ?
- Me chercheriez-vous noise ?
- Vous n'êtes plus en compagnie de vos sorciers, et la jeune femme qui vous accompagne est trop jeune pour être magicienne. Je la trouve assez jolie. Ne serait-elle pas mieux dans mon lit ?
Le guerrier et ses acolytes rient grassement.
- Je répète : si vous voulez en découdre, vous allez me trouver !
- Laisse-les dire, prévient Eloa.
Mais les deux hommes ont sorti leurs épées et commencent à se battre. La foule autour d'eux se divise en deux camps antagonistes. Voyant la situation se détériorer, la magicienne intervient. De l'huile apparaît par magie sur le pommeau de l'arme du chef. Celle-ci lui glisse des doigts et tombe. Dalor le tient maintenant à sa merci.
- Vous rendez-vous ?
- Vous m'avez eu encore une fois, sorciers !
- Dites à vos sbires de lâcher leurs armes, ajoute le chasseur en se faisant plus menaçant.
- Lâchez ça vous autres !
A contrecœur, les bandits abandonnent et se rendent.
- Maintenant vous allez tous déguerpir de la région.
- Sans armes ? Vous nous envoyez à la mort.
- Nous vous laissons la vie sauve. Estimez-vous heureux! dit l'aubergiste.
- Nous vous les rendrons à quelques lieues du village, conclut Dalor.

Ils font ainsi, malgré les réticences des paysans. Puis nos deux aventuriers complètent leur équipement pour résister à l'hiver.
- Tu as eu tort de leur redonner leurs armes, dit Eloa. En particulier l'épée du chef. N'as-tu pas remarqué les inscriptions qu'elle porte ? Elle est probablement magique.
- Tant pis. Je préfère l'épée de mon père.
- Mais elle n'est pas magique.
- Du moins pas de la façon dont tu penses.

Ils chassent dans les environs jusqu'à la fin de l'hiver. Un jour ils découvrent une petite vallée.
- Il doit y avoir des castors. Ce lac et ce barrage ne sont pas naturels.
- N'entends-tu pas des cris ?
C'est un castor pris dans un piège.
- Je me demande ce qu'il fait là. Il devrait hiberner en cette saison.
Dalor sort sa dague pour achever l'animal.
- Attends ! Délivre-le plutôt.
- Mais pourquoi ? Sa peau est très recherchée.
- Je t'en prie.
- C'est bon, je respecte ta sensibilité.
Il libère le castor, et celui-ci file vers le lac.
- Ce n'est pas de la sensibilité. N'as-tu pas vu son regard ? Je jurerai qu'il est intelligent.

Puis ils reprennent leurs pérégrinations. Au cours de celles-ci le chasseur croise de nombreuses pistes : des traces de cerfs, de sangliers, de lynx, et aussi de trappeurs comme eux, d'orques et plus rarement de nains. Quant aux elfes, ils ne laissent pas d'empreintes, du moins pas de celles qu'un œil humain peut voir.

Un jour, il aperçoit une horde de sangliers. Il blesse le vieux mâle d'une flèche. Après une course poursuite dans la neige, il le rejoint. L'animal charge. Il renverse Dalor, qui échappe de peu à un coup de défense mortel. Eloa vient au secours de son ami. A deux, ils achèvent la bête.

Ils reviennent à la ferme du vieux ranger avec leur trophée. Là ils se restaurent et se reposent, puis discutent de leurs nouveaux projets.
- J'aimerais découvrir un peu plus la magie de cette région. Où pouvons-nous aller ?
- Je vous conseille la direction de la forêt elfique. Vous n'avez qu'à remonter la rivière vers le nord-est.
- C'est d'accord. Nous partons demain, décide Dalor. Veuillez prévenir Lorraine si elle revient.
- Je connais déjà ce chemin. Avec le prince Orion, nous n'avions pas pu y aller à la suite d'un étrange sortilège. J'espère que nous aurons plus de chance cette fois-ci.

Ils remontent donc la rivière. Une nuit, alors qu'Eloa monte la garde, ils sont attaqués par des orques.

La magicienne a le temps de lancer son sort de sommeil. Quatre ennemis tombent, mais les autres restent debout. Heureusement Dalor dormait avec sa cotte de maille, et sort de la tente, l'arme au poing.

A deux, ils tuent quatre des assaillants. Ils vont être vainqueurs, mais les orques endormis se réveillent. Eloa est débordée par le nombre, et s'écroule sous les coups. Le chasseur boit alors une partie de la potion que lui a donnée Lorraine pour soigner ses blessures. Les ennemis redoublent leurs assauts, mais Dalor, revigoré, leur fait face. Il en abat un, puis deux, puis trois.

Finalement le dernier orque valide s'enfuit. Le chasseur ne le poursuit pas et s'occupe de son amie. Il était temps. Elle a perdu beaucoup de sang. Il lui fait boire le reste de la potion magique, faite à base de sang de troll, et qui a le pouvoir de cicatriser les tissus. Puis ils partent rapidement, dans la nuit, de peur que le dernier des orques ne revienne avec des renforts.

- Que faisons-nous maintenant ? Il ne nous reste que deux potions, et nous sommes encore faibles.
- Gardons-les en réserve, et revenons sur nos pas.
- Cela me semble une sage décision.

Après une courte nuit, ils tombent nez à nez devant un ogre au matin. Il semble aussi surpris qu'eux. La magicienne utilise son sort de sommeil, mais en vain : la créature est trop grosse pour être affectée. Le monstre s'en prend alors au chasseur, qui boit d'un trait sa potion.
- Ne m'attends pas ! Fuis !
Et il engage le combat pour retenir la créature.
- Pas question, je reste aussi.
Elle prend également sa potion, et tente d'attaquer l'ogre à la dague. Mais celui-ci a la peau trop épaisse. Il s’efforce d'écarter cet adversaire qui l'attaque dans son dos. Si la tentative de la magicienne échoue, elle a du moins l'avantage de faire diversion. Le chasseur en profite pour frapper de l'épée.

A la fin nos héros sont victorieux, mais ils ont reçu de nouvelles blessures, et ils n'ont plus de potion.

Ils continuent.

Ils s'écartent de la piste pour éviter de nouvelles rencontres. Malheureusement, un troll a vu leurs empreintes dans la neige. Il les suit, et profite du moment où ils se croient en sécurité pour les agresser.

Heureusement Dalor a l'esprit et l'oreille vifs. Il a entendu les oiseaux se taire et une brindille craquer. Il alerte la magicienne, qui appelle un brouillard magique. C'est un véritable mur, qui s'interpose entre eux et le monstre.

Ils en profitent pour s'enfuir. Le temps que le monstre franchisse la barrière de brume, ils sont loin. Ils mêlent leurs pas à une piste fraîche de cerfs qu'ils croisent, puis poursuivent leur route, en espérant que le troll changera de gibier.

Ils ne sont pas rejoints.

- J'ai eu raison de changer de sortilège.
- Cela nous a effectivement sauvés. Mais nous ne sommes pas arrivés pour autant.
- Souhaitons que nous n'ayons plus de mauvaises surprises.

Le reste de la journée se passe sans autres tracas. Au crépuscule, néanmoins, le chasseur repère des traces étranges.
- Il y a deux hommes en armure, qui suivent une troupe d'orques, et qui sont eux-mêmes suivis par des créatures dont j'ignore tout.
- Ils sont probablement en danger. Si ce sont des humains, il faut les aider.
- Suivons-les.

Ils pistent la trace dans la lumière finissante jusqu'à la tombée de la nuit. Soudain ils entendent les clameurs d'une bataille. Ils accourent rapidement.

C'est un homme en lourde armure qui combat deux adversaires. Ils ressemblent à des grands gobelins, avec la peau jaune et le poil roux. Autour d'eux gisent les corps de six autres créatures, d'une dizaine d'orques, et d'un autre homme en armure.

Le chasseur court aider le guerrier. Ils viennent à bout de leurs ennemis.
- Je vous dois une fière chandelle.
- C'est assez naturel. Vous êtes un valeureux combattant pour avoir tué tous ces adversaires.
- C'est que... les orques étaient avec moi.
Dalor remarque enfin que l'homme qu'il a sauvé porte l'écu du prince Corn.
- Je vous reconnais, ajoute celui-ci. Vous êtes le chasseur qui a vaincu une bande de demi-orques, il y presque un an. J'étais le chef d'un détachement de soldat alors. Je me nomme Arnus.
- Je peux descendre maintenant ? C'est fini? demande une voix dans un arbre.
- Oui, Merle, couard que tu es !
L'éclaireur justifie sa conduite aux nouveaux venus.
- Avec mon armure légère de cuir, voyez-vous, les batailles rangées, ce n'est pas mon domaine. J'ai juste eu le temps de grimper dans cet arbre pour me protéger.
- Ton domaine, c'est de nous ouvrir le chemin, et ceux-là, tu ne les as pas vus venir ! s'écrie Arnus qui se penche sur le corps de son compagnon à terre.
- C'est trop tard pour notre prêtre-guerrier, constate-t-il. Nous n'avons plus qu'à l'enterrer, et à ramener son symbole au temple.
- Qu'allons-nous faire ? murmure Eloa à l'oreille de Dalor. Ces gens là ne sont pas particulièrement nos amis.
- Vous voyagez en compagnie d'orques. Je trouve que vous avez d'étranges alliés, déclare le chasseur au guerrier.
- Nous avons soumis récemment leur tribu. Le prince leur a accordé la vie sauve. Mais ne nous querellons pas sur ce sujet. L'heure est grave. Tous les humains doivent s'entraider.
- Expliquez-vous.
- N'avez-vous pas remarqué une recrudescence de créatures non humaines hostiles dans la région : des ogres, des trolls, et maintenant ces êtres, que les orques appellent poux d'ours ?
- D'où viennent-ils ?
- Des montagnes du nord. C'est une véritable invasion. Ils arrivent par bandes.
- Qu'y pouvons-nous ? Nous ne sommes pas assez nombreux pour les chasser.
- Ce n'est pas une armée organisée. Ils semblent fuir quelque chose. Nous devons aller voir quoi. C'est ce que je m’apprêtais à faire avec ma petite troupe, du moins avant qu'elle ne soit décimée par cette attaque surprise. Aussi je vous propose de me suivre. Il s'agit de l'avenir de la civilisation.
- Mais de quelle civilisation parlez-vous, de celle du prince Corn ? rétorque Dalor.
- Accepte, lui suggère Eloa. Après tout, il a raison. Si Lorraine était là, elle te dirait la même chose.
- Soit, j'accepte.
- Parfait. Vous m'avez l'air d'un éclaireur plus dégourdi que Merle. Je vous enrôle pour deux pièces d'argent par jour.
- Entendons-nous bien. Je ne veux pas de votre argent. Il s'agit d'une association libre et provisoire.
- A votre guise. Mais que faites-vous ?
- Je laisse un signe de piste pour une prêtresse de mes amies, au cas où elle nous chercherait.
- Espérons que ce signe ne sera pas lu par des personnes malintentionnées.

Ils dorment et partent à l'aube. Dalor marche devant, à une centaine de pas, pour prévenir toute surprise. Il observe de nombreuses traces. A un moment il fait signe à ses compagnons de se cacher dans les buissons. Ils laissent passer une bande d'ogres, qui heureusement ne les voient pas.

Le lendemain ils passent par une clairière nimbée d'une lueur étrange. En son centre il y a un bloc de rocher avec un objet mystérieux. C'est une épée, profondément plantée dans la pierre.
- Qu'est-ce que c'est ? Un signe des dieux ou un piège ? demande Eloa.
- Peut-être les deux.
Arnus approche sa main, mais il la retire prestement.
- Ca m'a brûlé ! C'est une épée maléfique !
Dalor tente également de prendre l'arme. Il la saisit sans douleur et la retire facilement.
- Je la garde. Elle me semble bénéfique !

Ils continuent en direction du nord, toujours en évitant les mauvaises rencontres. Mais un jour, le groupe rejoint Dalor, qui s'est brusquement arrêté au milieu de la piste.
- Que se passe-t-il ?
- Des poux d'ours, ils sont tout autour de nous, murmure-t-il.
- Que dites-vous ? Excusez-moi mais je suis un peu sourd à la suite d'une rencontre avec un coléoptère géant...
Une vingtaine de ces créatures jaunes à poil roux sortent de derrière les arbres avoisinants et les encerclent. Nos héros tirent leurs armes, décidés à vendre chèrement leur vie.

Soudain un pou d'ours désigne Dalor et crie quelque chose à ses compagnons. Puis tous s'inclinent devant le chasseur, et se retirent.
- A mon tour de trouver que tu as d'étranges alliés, commente Arnus.
- Ils semblent avoir reconnu l'épée, dit Eloa.
- J'ignore ce que nous réserve encore cette maudite lame, ni quel forgeron dément a pu la concevoir, ajoute le guerrier. Tu ferais mieux de t'en débarrasser.
Le chasseur, d'un mouvement vif, blesse Arnus au visage.
- Ca suffit maintenant ! Je ferai ce que je voudrai ! Tu n'as pas à ergoter !
Les deux hommes s'affrontent.
- Arrêtez, vous deux ! Nous avons mieux à faire que de nous entre-tuer, intervient la magicienne.
- Pour le bien commun, j'accepte d'oublier cet affront, répond Arnus en s'essuyant la joue. Ce n'est qu'une égratignure. Mais je persiste à dire que cette arme nous vaudra des ennuis.
- Pense ce que tu veux, mais cesse de vouloir me commander !

Ils poursuivent leur route. Le soir, Eloa essaie de parler à son ami.
- Tu n'étais pas dans ton état normal, tout à l'heure. Je ne t'ai jamais vu en colère. Je pense que tu devrais éviter d'utiliser cette épée. Elle semble avoir une mauvaise influence sur toi.
- Me cherches-tu querelle toi aussi ?
- Si Lorraine était là, elle te dirait la même chose.
- Mais tu n'es pas Lorraine, et elle n'est pas là. Bonsoir !
Puis il se couche et dort, serrant toujours son épée contre lui.
- Je peux essayer de lui dérober son arme pendant son sommeil, propose Merle à son chef.
- Pour que tu tombes à ton tour sous son influence ? Tu serais encore plus incontrôlable que lui, non merci !

Pendant ce temps, Lorraine a quitté son temple. Elle rejoint la ferme du vieil éclaireur du roi, qui lui indique la dernière direction prise par ses amis.

Elle suit donc la rivière durant quelques jours, lorsqu'elle entend soudain les miaulements d'un chat.

Se souvenant que ces animaux sont les favoris de sa déesse, elle va voir. C'est bien un félin. Il est réfugié dans un arbre, tandis qu'au pied un grand chien noir gratte l'écorce en grondant.

Lorraine brandit son fléau pour chasser l'animal. Mais loin de fuir, celui-ci ouvre la gueule, d'où jaillissent des flammes. C'est un chien d'enfer ! Il bondit sur la prêtresse.

Heureusement elle parvient à l'éviter, et lui jette un sort de lumière sur les yeux. Le monstre est ébloui et ne voit plus rien.

Lorraine frappe plusieurs fois. Mais la créature a encore son flair, et, à force de happer au hasard, finit par la mordre à travers l'armure. La prêtresse s'éloigne pour soigner sa blessure. Deux sortilèges de soins suffisent à peine pour cicatriser les brûlures dues au souffle de la bête. Puis elle retourne l'affronter.

Enfin, grâce à son courage, elle triomphe.

Lorraine contemple le corps du monstre vaincu. Quel adversaire ! Soudain l'air s'enfume, le corps s'embrase, puis disparaît. Le chien est reparti dans l'enfer d'où il provenait.

La prêtresse s'occupe du chat, qui est une chatte à y regarder de plus près. Elle la prend dans ses bras, la caresse et prononce la nouvelle formule sacrée qu'elle a apprise dans son temple cet hiver.
- Je doute que tu puisses me répondre, mais aurais-tu vu un chasseur par hasard ?
- Tu veux parler de Dalor ? lui répond la chatte, que le sortilège de Lorraine lui permet de comprendre.
- Suis-moi ! ajoute l'animal en sautant à terre et en se dirigeant au plus profond du bois.

Lorraine marche derrière elle du mieux qu'elle peut. C'est difficile à cause des branches basses. Heureusement, la chatte se retourne de temps en temps pour vérifier si elle la suit toujours. Ils s'enfoncent de plus en plus loin. Les arbres sont de plus en plus touffus, de plus en plus nombreux, de plus en plus hauts. Soudain elle débouche à la sortie de la forêt. Devant elle se dresse la montagne. Comment se fait-il ? Elle en était encore éloignée de plusieurs centaines de lieues tout à l'heure.

Elle cherche du regard la chatte. Celle-ci se tient assise sur ses pattes postérieures, fait un clin d'œil, puis son image commence à s'estomper. Elle disparaît. Lorraine comprend alors que ce fût une envoyée de sa déesse. A près une courte prière, elle décide de rester là pour la journée.

Le lendemain, elle aperçoit enfin Dalor qui sort de la forêt. Elle l'appelle. Puis Eloa, Arnus et Merle arrivent à leur tour.
- Comment se fait-il que tu sois déjà ici ? Nous avons marché vite. Il est impossible que tu nous aies dépassés.
- Je t'expliquerai. Qui sont tes nouveaux compagnons? Ne portent-ils pas les armes du prince Corn ?
Il lui relate les derniers événements, ainsi que le but de leur expédition. Après réflexion, elle approuve l'association.
- Vous êtes tous plus ou moins blessés. Il vaut mieux que nous restions ici le temps que je vous soigne.

Ils bivouaquent à l'abri de la forêt. En plus des sorts de soins que Lorraine utilise chaque jour, elle cueille quelques baies et les bénit de son symbole. Chaque fruit ainsi consacré permet de rassasier celui qui le mange pour la journée.

Après trois jours, ils décident de franchir le col. A la montagne succède une autre montagne, encore plus haute. Le soleil commence à percer la brume. C'est le début du printemps.

Soudain un troll surgit devant eux.

Lorraine utilise de nouveau sa lumière sacrée pour l'aveugler. A trois ils en viennent à bout.
- Hé ! Le troll se régénère !
Ils frappent de nouveau la créature de leur mieux.
- Comment allons-nous faire pour nous en débarrasser ?
- Merle et Eloa, allez chercher du bois, et brûlons le, dit la prêtresse.
- Mais c'est très loin, proteste Merle.
- Allons-y, je vous accompagne.

Ils reviennent après de longues minutes, tandis qu'Arnus et Dalor s'acharnent sur le monstre.
- Tout va bien ? demande Lorraine.
- Tout va bien. Cela aurait été encore plus facile si certains avaient combattu plus courageusement, répond le guerrier, dont le bras saigne.
- Ce n'est pas ma faute, explique Dalor. C'est mon épée. Elle guide ma main et semble ne vouloir frapper que lorsque ça lui chante.
Ils brûlent le corps de la créature.
- Je pense que cette épée te conserve sous son influence. Tu devrais t'en séparer, dit la prêtresse à son ami.
- Mais qu'avez-vous donc tous ? Cette épée nous sera bénéfique. J'en suis persuadé !

Lorraine n'ajoute rien, mais le lendemain, elle prépare un charme spécial, fruit de ces récentes études.
- Pour la dernière fois, au nom de ma déesse, je te conjure de jeter cette épée !
- C'est bon, puisque tu insistes, je vais le faire.
Grâce au pouvoir du sortilège, Dalor suit les exhortations de son amie. Il se dirige vers le précipice à quelques pas de là, et lance son arme dans l'abîme. Puis il revient.
- Tu es guéri maintenant, déclare la prêtresse. La malédiction est vaincue.
- Mais il a toujours l'épée ! s'exclame Merle. Je reconnais le pommeau.
Dalor tire l'arme du fourreau, et, éberlué, s'écrie :
- Je me suis trompé ! J'ai jeté l'épée de mon père !

Et tous croient entendre dans l'air comme un rire, le rire de l'épée du Chaos !

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