1. Le trésor d’Utrekt.

- Maintenant répétez après moi "Au nom de Fafir, moi, Cordi, prête allégeance corps et âme au Chaos."
- Pardon, mais n'est-ce pas un peu pompeux comme formule ? Tout ce rituel est-il vraiment nécessaire ?
- Répétez !
- Bon, bon, ne nous fâchons pas ! Moi, Cordi...
- Il faut dire "Au nom de Fafir" avant !
- Au nom de Fafir, moi, Cordi...

Le grand prêtre Barras est intransigeant : Cordi doit prêter serment d'allégeance au dieu Fafir, s'il veut que celui-ci lui accorde la faveur qu'il désire : faire repousser son petit doigt, précédemment tranché par Eldig, son ancien mentor. Tel est le marché que Diane a obtenu, et la raison de leur présence dans la grande salle du château du duc de Patatras.

- Et maintenant piquez-vous l'auriculaire droit avec cette plume, et signez ce parchemin de votre sang...
- Dois-je vous rappeler que je n'ai plus d'auriculaire droit ?
- Regardez mieux...
- Mon doigt ! Il a réapparu ! Et il bouge en plus !
- Alors ? Vous signez ?
- Quel plaisir de pouvoir de nouveau se curer l'oreille ! Bien sûr que je signe ! Au nom de Fafir...
- Parfait ! Vous pouvez aller vous restaurer maintenant ! Et même boire à la santé du prince du Chaos...
- Et comment que je vais fêter ça ! Et même boire à la santé de tout l'univers, si vous le permettez !
- A la bonne heure...
- Grand prêtre, pourrais-je vous parler seul à seul après ? intervient alors Diane.
- Oui ? Répond celui-ci après que le départ de Cordi en direction des caves du château de Patatras.
- Durant tout mon apprentissage, vous ne m'aviez jamais enseigné que Fafir exigeait de ces disciples autant de...
- Cérémonial ?
- Oui ! Cela m'intrigue...
- Je dois te révéler un secret, mais ne le révèle surtout pas tout de suite...

Le maire de la ville d'Utrekt se rend comme chaque matin de bonne heure à l'hôtel de sa bonne ville, quand soudain il est bousculé au pied des marches.
- Et bien ! Que signifie cette impertinence ! Au large manant !
- Veuillez excuser mon bon maître ! Un malheureux accident l'a privé de l'usage de la vue...
- Bon, ça va pour cette fois ! Mais vous devriez faire plus attention à l'avenir !
- La charité monseigneur ?
Le maire maugrée quelque chose sur les mendiants qu'il serait peut-être bon de ne plus tolérer dans sa ville, sors une piécette de sa poche, puis monte les marches...

- Et de une !

Le premier échevin de la ville d'Utrekt se rend comme chaque matin chez la marchande de chocolat, cette nouvelle boisson importée des Iles Anciennes, et fort prisée dans cette ville, comme d'ailleurs dans chaque ville de la province côtière de Corinthie.
- Tiens ? Vous n'êtes pas la marchande que je voie d'habitude ? Où se trouve-t-elle ?
- Elle a pris froid. Je la remplace pour la journée. Désirez-vous une tasse ?
- Oui, avec beaucoup de mousse s'il vous plaît, hé ! Attention !
- Oh ! Quelle maladroite je fais !
- C'est chaud !
- Votre bel habit ! Je suis navrée ! Venez donc dans l'arrière boutique que je le nettoie. Je suis sincèrement désolée...
- Ca va mieux ! Votre visage charmant vous fait pardonner. Allons donc nettoyer cette tâche...

- Et de deux !

Le second échevin se rend chez son tailleur avant de se rendre à l'hôtel de ville.
- C'est bien le dernier essayage ?
- Oui, n'ayez crainte messire, je pose un dernier ruban... oh !
- Qu'y a-t-il ?
- L'étoffe est tellement fine que je viens de la déchirer. Mais n'ayez crainte, je vais réparer cela pour ce soir.
- Bon, mais vous me promettez que ce sera prêt pour demain sans fautes ?
- Oui, oui. Je vous laisse aux mains de mon nouvel apprenti pour les dernières retouches... Vous verrez, il est très adroit.

- Et de trois !

Le troisième échevin de la ville d'Utrekt est un érudit. Comme chaque matin, il passe d'abord à la bibliothèque municipale qu'il a financée de ses propres deniers avant de se rendre à l'hôtel de ville.
- Avez-vous l'ouvrage "de draconis" que je vous avais demandé hier ?
- Il vous attend : à sa place sur l'étagère.
Il s'approche dans les rayons et tire le livre convoité, mais que se passe-t-il ? Patatras ! Tout le rayonnage lui tombe dessus !

Quand il se réveille, on est en train de lui passer des sels sous le nez.
- C'est bon ! Je suis sauf ! Vous pouvez arrêter !
- Veuillez nous excuser, le meuble devait être mal calé. Vous avez été assommé sous le choc !
- C'est bon vous dis-je. Mais gardez ce livre de côté. Je repasserais le prendre dans la soirée.

Et de quatre !

Le quatrième échevin de la ville d'Utrekt est une femme. Bien que d'un certain âge, elle est restée très coquette, et ne peut résister à l'envie d'essayer ce nouveau collier que lui a montré le joaillier qui s'est installé la veille en ville.
- Cette couleur devrait bien s'accorder avec vos yeux.
- Cela ne me fait pas un teint un peu terne ? demande-t-elle en se regardant dans un miroir.
- C'est votre clef en sautoir qui ne va pas avec, confiez-la-moi et admirez-vous de nouveau...

Finalement elle opte pour deux boucles d'oreilles. Le marchand lui promet le collier assorti pour le soir même.

Et de cinq !

Le cinquième échevin de la ville d'Utrekt visite l'hospice de la ville d'Utrekt comme chaque matin. Quand soudain un malade s'accroche à son habit en lui hurlant des mots incompréhensibles, puis retombe dans sa léthargie.
- Vous n'avez rien messire ?
- Ca va. Ce genre d'incident arrive malheureusement fréquemment.
- Il s'est rendormi.
- D'autres tâches m'attendent. A ce soir.

Et de six !

Le sixième échevin de la ville d'Utrekt prend son bain comme chaque matin. C'est là son seul vice, mais c'est un vice fort cher. Quel plaisir d'être propre, pense-t-il, et dire que je vais encore être assommé de discours pompeux aujourd'hui ! Mais bah ! Ce soir je retourne aux bains !

- Holà ! Maîtresse des bains ! J'ai fini de me laver ! Envoie-moi les ribaudes pour qu'elles me sèchent et m'habillent !

- Et de sept !

Le septième échevin de la ville d'Utrekt se rend comme chaque matin, à une heure fort tardive, à l'hôtel de ville...
- Quel malheur ! Je suis encore en retard! Et tout ça pour quelques minutes de sommeil en plus ! Marmonne-t-il dans sa barbe...
- Cette fatigue n'est pas normale ! Il faudrait que j'en parle à mes médecins ! Hélas ! Ce sont tous des incapables ! Hé ! Mais qu'est-ce ?
Un murmure, Deux pétales de roses, et le voilà qui vacille tout debout dans la rue !
- Quel malheur ! Je suis encore en retard ! Maugrée-t-il lorsqu'il se relève. Et tout ça pour quelques minutes de sommeil en plus... Décidément ces médecins sont bien tous des incapables !

- Et de huit ! Conclut Cordi, en examinant les huit objets dérobés au maire de la ville d'Utrekt, ainsi qu'à ses sept échevins.
- Félicitations ! Répond Viale. Bravo à votre collaboration à tous !
- Il est temps maintenant de passer à la deuxième partie du contrat, ajoute Nadia.

Ce sont huit clefs, que chaque magistrat portait sous sa tunique, attachée autour du cou par une lanière, et ne quittait sous aucun prétexte...

- Je crois que le travail revient maintenant à notre chef, dis le vieillard aveugle.
- Escalader le beffroi de jour sans être vu ne sera qu'une formalité, grâce à votre ruse, mon cher maître. Mais je me demande comment je vais faire avec ses huit clefs ?
- Regarde bien, Cordi, en passant une courroie de cette manière, lui répond Viale, tu peux...

- ... d'après le rapport mensuel de nos officiers, jamais la sécurité n'a été aussi bonne dans notre ville, et je conclurais par ces mots : ... Mais qu'est-ce que ce vacarme ?
L'assemblée réunie du maire et de ses échevins était plongée dans la torpeur d'un trop long discours, quand ils sont interrompus par des cris provenant de la fenêtre ouverte...
- Venez voir ! Il s'agit d'un ivrogne qui poursuit une femme!
- Devons-nous intervenir ?
- Regardez ! Des passants s'en chargent ! C'est une rixe générale !
- N'est-ce point vous qui parliez de la sécurité renforcée ?
- Mais...
- Hé ! Regardez ! Il y a aussi un jongleur maintenant !
- Ils sont même deux...
- C'est une farce ! On nous joue la comédie !
- Qu'ils sont drôles !

Cordi tire d'un coup sec sur la courroie, les huit clefs se mettent à tourner ensemble dans leurs serrures respectives, neutralisant pour un temps les pièges et alarmes magiques. Le voleur soulève le lourd couvercle du coffre au sommet du beffroi de la ville, et regarde :

Le trésor d'Utrekt !

Un simple parchemin !

Il le prend puis redescend du beffroi tandis que ses complices continuent d'attirer l'attention avec leur spectacle en terminant par une quête.

Une heure après, toute la bande se retrouve de nouveau dans leur repaire, autour de Viale et Nadia.

- Notre contrat me semble en bonne voie !
- Il n'est pas encore terminé, il faut maintenant passer à la troisième partie : récupérer les copies des clefs et remettre les originales en place avant que le maire ou ses échevins découvrent le vol !
- Pas de problèmes ! On reprend les mêmes stratégies que pour la première partie, mais dans l'autre sens ! Tout le monde sait ce qu'il doit faire ? Parfait ! Allons-y !
Le huitième échevin de la ville d'Utrekt revient comme chaque soir, à une heure fort précoce, à sa maison...
- Quel malheur ! Je me suis encore fait surprendre en train de dormir au conseil! Et tout ça pour quelques minutes de sommeil en plus ! Heureusement que le maire, dans sa grande bonté, m'a autorisé à partir plus tôt... Marmonne-t-il dans sa barbe.
- Cette fatigue n'est pas normale ! Il faudrait que j'en parle à mes médecins ! Hélas ! Ce sont tous des incapables ! Hé ! Mais qu'est-ce ?
Un murmure, Deux pétales de roses, et le voilà qui vacille tout debout dans la rue !
- Quel malheur ! Je me suis encore fait surprendre en train de dormir au conseil! Et tout ça pour quelques minutes de sommeil en plus ! ...Cette fatigue n'est pas normale ! Il faudrait que j'en parle à mes médecins ! Hélas ! Ce sont tous des incapables ! Hé ! Mais qu'est-ce ?
Un murmure, Deux pétales de roses, et le voilà qui vacille tout debout dans la rue !
- Quel malheur ! Je me suis encore fait surprendre en train de dormir au conseil!...

- Elinoëe, tu n'es pas très charitable, avais-tu vraiment besoin de l'endormir magiquement une nouvelle fois ?
- Il me restait un sortilège à utiliser aujourd'hui, et puis, je le trouve rigolo à marmonner ainsi...

.... Décidément ces médecins sont bien tous des incapables !

Et cetera...

Après avoir remis les clefs en place, la bande se retrouve de nouveau dans leur repaire.

- Voici la partie que je préfère ! Déclare Cordi ! La récompense, puis la fête ! Où sont nos commanditaires ?
- Ils ont un peu de retard, un peu de patience s'il te plaît, répond Viale.
- D'ailleurs, la fête, tu l'as un peu déjà commencée sans nous, il me semble ? Dis Diane.
- Farpaitement ! s'exclame Cordi. Et je vais de ce pas ouvrir une nouvelle bouteille, avec votre permission !
- Vas-y ! Tu as bien mérité un peu de repos... lui dit Nadia.
- Les voilà !

Ils sont huit, habillés de grandes robes noires, avec des masses ciselées à la ceinture.

- Vous avez le parchemin ?
- Oui, vous avez l'or ?
- Oui. Donnez-nous le parchemin...
- Elinoëe, donne-leur le parchemin, s'il te plaît.
- Un instant, j'aimerai quand même comprendre : ce parchemin n'est même pas magique. Il s'agit de la lettre patente accordant le privilège de ville franche à la ville d'Utrekt. Que comptez-vous en faire ?
- Cela ne vous regarde pas ! Donnez-nous le parchemin, et vous aurez l'or...
- Donne-leur le parchemin, dis Nadia. Puis plus bas : Fais attention : ils sont très dangereux !
- Dites mois d'abord ce que vous comptez en faire ? Par simple curiosité...
- Cela ne vous regarde pas ! Réplique le chef des hommes en robe en haussant le ton. Pour la dernière fois : donnez-nous ce parchemin !
- Ils comptent le détruire, ainsi, demain, lors de la cérémonie d'anniversaire de la création de la ville d'Utrekt en présence du prince Corn, le scandale sera si grand que la ville perdra sa franchise.

C'est un être de six pieds de haut qui vient de parler ainsi, il a les pieds fourchus, et des cornes sur le crâne.

- Qui êtes-vous ? Arrière démon !

Les huit prêtres se sont levés, et commencent des incantations. Une dizaine de gardes apparaissent dans la salle derrière eux, et menacent la bande de leurs épées.

- Je suis l'envoyé de Fafir, qui garde la ville d'Utrekt sous protection.

L'envoyé lève le petit doigt, et tous les hommes en noir s'effondrent... Puis l'envoyé disparaît derrière des tonneaux.

- Je vous maudis, vous et votre magie ! S'exclament Viale et Nadia ! Ils sont tous morts ! Nous vous avions pourtant trouvé un contrat en or !
- Bah ! L'or, ils l'ont sur eux, non ? Nous n'avons qu'à nous servir... répond Elinoëe
- Gardez cet or ! Nous n'en voulons pas ! Maintenant nous allons avoir le prince et ces sbires à nos trousses !
- Fuyons ma mie, tant qu'il en est encore temps...
- Qui d'autre veut fuir ? Demande Elinoëe.

- Je reste ! Déclare Diane.
- Moi aussi je reste, déclare le vieillard aveugle après un petit temps de réflexion. Ca devient amusant.

Tous les autres membres de la bande se retirent.

- Et Cordi ? Demande Diane.
- Il est là ! Dis Elinoëe, derrière les tonneaux, en train de dormir. Ca devait être lui l'envoyé de Fafir.
- Ah ? Demande Diane, Ce n'était pas un de tes tours ?
- Je croyais que c'était un des tiens...
- Je suppose que voici la récompense du serment de Fafir, et son prix... conclut le vieillard aveugle.
- Non, réplique Diane. En fait, d'après ce que m'a confié mon grand maître Barras, Cordi porte Fafir en lui depuis sa naissance, mais il ne le sait pas...
- Et il vaudrait mieux qu'il ne le découvre pas tout de suite... sinon il va devenir insupportable ! dit Elinoëe.
- Ce n'est pas tout, dis le vieillard, mais il faudrait remettre le parchemin en place sans que personne ne s'en rende compte. Et nous ne sommes plus que quatre maintenant.
- Bah ! Il nous reste la nuit pour ce faire, et avec l'aide de l'envoyé de Fafir...

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