1. Le secret des collines (bis).

La nouvelle de la victoire sur les armées maléfiques et de la mort du roi précède Orion sur le chemin du retour. Mais comme le prince ne prononce aucune parole, nul ne sait s'il doit se réjouir ou s'attrister. C'est donc une foule silencieuse qui accompagne le prince jusqu'aux marches du palais. Là il est accueilli par l'intendant Kirus.

- Je souhaite longue vie au vainqueur de nos ennemis, et à notre nouveau roi, dit celui-ci en s'agenouillant devant lui.
- Je respecte votre âge et votre sagesse, répond ce dernier en descendant de cheval. Relevez-vous et donnons-nous l'accolade.
- Le trône de votre père vous revient de droit. Mais vous êtes bien jeune encore pour vous opposer à Corn. Qui allez-vous nommer pour vous seconder ?
- Je dénie cet honneur. Avant de succéder à mon père, je dois d'abord trouver l'Œil de P'tha. Je n'ai que trop tardé cette noble quête. Je vous laisse donc et vous confie la régence.

Orion se retourne vers la foule, tire Excalibur de son fourreau, et la brandit au ciel.

- Au nom d'Aana, pour la Beauté et la Justice !
- Longue vie au roi ! Longue vie au régent ! répond le peuple.

Puis Orion remonte à cheval et repart comme il était venu, mais seul cette fois-ci.

Plus tard, dans une pièce connue d'eux seuls :

- Je vois que vous avez œuvré durant mon absence malgré mes conseils, dis l'Egyptien. Félicitations, depuis la disparition de Uhr et le départ d'Orion, vous voilà virtuellement maître du nouveau monde. Kirus ne pourra pas vous résister éternellement. D'ailleurs je vais lui suggérer de ne pas le faire.
- Merci, répond le prince Corn. Je prends votre compliment comme un hommage, et un ralliement à ma cause. Comme Uhr, je saurais écouter vos conseils à l'avenir.
- Alors écoutez bien celui-ci : si vous voulez véritablement régner, vous devez d'abord résoudre l'énigme de la chute de la précédente civilisation. Sinon le Mal rongera votre règne comme il a rongé celui d'Uhr.
- Comment cela ?
- Avec vos nécromanciens, comme Dreuze, vous avez réveillé les armées du Chaos. Armées dont Uhr nous a heureusement débarrassées. Mais tout n'est pas fini pour autant. D'autres forces encore plus funestes ont été alertées et attendent désormais le moment propice pour nous attaquer. Interrogez donc votre dieu si vous ne me croyez pas.

Corn sors une amulette de dessous sa chemise, et prépare des incantations, mais se ravise.

- Que se passe-t-il ? Vous n'êtes pas sûr des volontés de votre dieu. Il est vrai qu'une nouvelle vague de crimes et de désolations serait peut-être du goût de Lyr, le dieu de la Mort.
- Lyr règne sur les morts et moi sur les vivants, en son nom.
- Toutefois, une nouvelle ère pourrait bien signifier la fin de notre civilisation, et finalement le retour des anciens dieux, qui évinceraient Lyr des enfers. Alors, que décidez-vous ?
- Je... je vais suivre vos conseils.
- Et vous faites bien. Pour mener à bien notre action, nous allons avoir besoin du soutien de mon apprenti, Carali, et de votre aide de camp, Arn.
- Pourquoi eux spécialement ?
- Parce qu'ils sont chanceux.

- Refais exactement les mêmes gestes que tu avais fait la dernière foi, demande l'Egyptien à Carali, dans l'antre du géant des collines, en compagnie du prince Corn et de Arn.
- Je crois que j'ai prononcé l'enchantement d'araignée universelle, puis ai lancé mes clochettes dans la toile, avant de redresser le lutrin et de lire le livre...
- Tes clochettes?
- Oui: des petites pièces sonnantes et tintinnabulantes de ma conception...
- Je comprends mieux maintenant. Il s'agit donc d'une combinaison d'alarmes. Et il ne s'est prémuni que de la partie magique, en omettant la partie mécanique...
- Mais qui ça?
- Lui !

L'Egyptien fait un mouvement de la main, et un gnome apparaît dans la pièce, à quelques pas de là.

- Mais ? C'est Fair !
- Non, je ne suis pas Fair, et vous ne m'aurez pas comme la dernière fois !
- Tous les gnomes se ressemblent, fait remarquer le prince Corn.
- Et après, que s'est-il passé, cousin de Fair ? demande l'Egyptien au gnome.
- Le guerrier m'est tombé dessus avant que je puisse esquisser un sortilège de protection. Je n'ai donc pas eu le choix...
- Peux-tu refaire la même chose ? poursuit le magicien en usant de son charme.
- A votre guise. L'heure de votre récompense est venue, répond le gnome dans un sourire torve.

Ils se retrouvent dans une salle remplies de merveilles. En plus de coffres débordant d'or et de joailleries, il y a aussi des armes, armures et boucliers brillant de milles feux. Il y a là des armoires remplies de livres magiques aux titres prometteurs, des cornues remplies d'essences rares, et d'autres objets aussi précieux que puissants.

- Je me souviens maintenant, dit Carali. Il y a aussi une petite porte dérobée dans le fond qui se referme automatiquement. Elle donne sur le vide. Il faut se dépêcher d'y sauter avant qu'elle ne se referme complètement.
- C'est ce que tu as fait ? Sans toucher au trésor ?
- Le piège m'est apparu trop grossier.
- Toi aussi Arn ?
- J'avais pour mission de protéger le magicien, et de le suivre.
- Et tu as bien fait, explique l'Egyptien. Mais cette fois ci nous allons volontairement laisser le piège se refermer.

La pièce se referme, et tout le trésor disparaît. Ils se retrouvent dans une pièce close, éclairée magiquement sans que l'on ne discerne la source de lumière.

- C'est donc bien ce que je pensais, dit l'apprenti magicien. Il s'agissait d'une illusion. Il n'y a rien ici, à part quatre murs.
- Une illusion peut-être à plusieurs niveaux, déclare son maître l'Egyptien. Observe bien ce mur. Que vois-tu ?
- Rien ! Un mur taillé dans la roche, c'est tout !
- Pour les gens qui sont ici, il y a bien un mur. Mais la plupart des personnes qui ne connaissent pas cet endroit n'ont même pas conscience de ce mur. Est-ce à dire que pour eux il n'existe pas, et qu'il n'existe que relativement au point de vue de l'observateur ?
- Je ne vois pas très bien où vous voulez en venir ?
- Pour la plupart des gens qui se trouveraient ici, ce mur existerait. Mais qui sait ? Appelle ce mur maladie, ou mort, si cela peut t'aider à comprendre. Maintenant examine de plus près ce mur...

L'apprenti s'approche, le nez près de la paroi.

- Je vois : le grain de la roche... de plus près c'est bien un mur....

Il se recule un peu, et plisse les yeux.

- De plus loin ça occulte bien la vue... Mais...
- Oui ?
- Je vois... comme une rune magique... Il y a des inscriptions. Je ne peux hélas pas les lire...
- Sot que tu es ! As-tu déjà oublié mes enseignements ? Utilise donc ta magie !

Carali tire une pincée de sel et une autre pincée de suie de deux petites boites qu'il sort de ses poches, et les jette sur le mur en récitant une formule magique.

- C'est écrit: "Je suis le dernier rempart, et protège le faible du Chaos."

Puis, après quelques instants de réflexion :

- C'est une porte ! Et la rune la scelle!
- Parfait ! conclut l'Egyptien. Derrière cette porte se tient notre ennemi, qui menace notre monde.
- Que sait-on sur celui-ci? Demande Arn.
- Il devrait s'agir d'une sorte de prince démon, qui régnait sur la contrée avant la disparition de l'ancienne civilisation, répond L'Egyptien.
- J'ai lu qu'il avait non seulement le pouvoir de détruire ses ennemis à distance, mais qu'en plus il pouvait les effacer des mémoires, précise Carali.
- Le sort suprême de destruction : en effet la personne ne peut plus être ressuscitée, car comment souhaiter le retour de quelqu'un dont on ne connaît pas le nom ? explique Corn.
- Nous allons donc bien nous préparer au combat : Carali, tu vas poser des barrières magiques de protection : murs de feu, de glace, de terre, sans oublier mur de tempête. Puis tu ouvriras la porte par le sortilège du chemin clair. Arn aura pour mission d'arrêter tout ce qui pourrait émerger et franchir ces obstacles.
- Et vous ?
- Corn et moi attaquerons la source du mal, et tenterons de la détruire.

Une fois les préparatifs faits, l'apprenti magicien utilise son sortilège, et une ouverture sombre apparaît dans le mur. En sortent presque aussitôt des cohortes de démons en tout genre.

Le mur de feu arrête les démons ailés en leur brûlant leurs ailes.
Le mur de glace gèle les salamandres, et les démons cracheurs de feu.
Le mur de terre bloque les esprits malins de l'air, comme les effretis.
Enfin le mur de tempête disperse les âmes errantes.
Mais il reste leurs ombres...

- L'Egyptien ? Le voyez-vous ?
- Je suis en train de sonder... Ca y est ! Ca approche !

Soudain un reflux d'ombres surgit, et submerge les dernières défenses. Arn a si fort à faire que Corn est obligé de lui prêter main forte. Quand à Carali, il n'a plus de flèches magiques.

- Pour l'amour des dieux ? Qu'est-ce que c'est ?
- C'est une liche ! s'exclame l'Egyptien, et elle est plus forte que moi !
- Son nom ? Dis-moi son nom !
- Griffon rouge ! crie l'Egyptien avant de disparaître. Adieu !
- Carali ! Ferme donc cette maudite porte avant que nous ne périssions tous ! ordonne le prince.

L'apprenti prononce la formule inverse, et la porte est de nouveau close. Les ombres disparaissent.

- Qu'est-ce qu'une liche ? demande Arn.
- C'est un ancien magicien ou un ancien prêtre, ou peut-être même les deux, qui a eu connaissance des arcanes ultimes, et a choisit de sacrifier son humanité pour le pouvoir, répond Corn.
- Comment faire pour la vaincre ?
- Peut-être qu'en revenant avec toute une armée ? suggère Arn.
- Elle a déjà vaincu toute une civilisation. Je ne vois pas comment nous serions plus chanceux. Que suggérez-vous, prince ?
- Silence ! Je réfléchis !

Puis, après quelques instants, il ajoute :

- C'est bon : on va y retourner. Même disposition que tout à l'heure : Carali pose des protections magiques et ouvre la porte. Arn nous défend, et j'attaque la liche.

Le prince sort de son sac un petit sac de cendres, et commence à tracer un pentacle sur le sol.

- Ces cendres sont les restes de bûchers funéraires de héros antiques. Je comptais les utiliser pour une occasion exceptionnelle. Je crois l'occasion venue...

Puis il allume cinq bougies et les dispose aux pointes du pentacle.

- Ces bougies sont constituées de la même base mystique. Elles vont me permettre de décupler mes pouvoirs...

Il s'assoit en tailleur et commence à prier. Carali et Arn attendent en silence.

- Ca y est ! Je suis prêt ! déclare-t-il enfin. A toi de jouer Carali !

Cette fois ci rien ne sort de l'obscurité. Le prince prononce un rituel, puis s'écrie par trois fois : "Griffon Rouge !".

- Que se passe-t-il ? demande Arn.
- Le prince essaie de renvoyer la liche dans les enfers, en se servant de son nom secret.

Soudain Corn se relève, et pousse un hurlement de triomphe. Puis il s'approche de l'ouverture, et la scrute.

- Ca y est ! J'ai vaincu la menace ! Je peux enfin être le maître du nouveau monde ! s'exclame-t-il en se retournant vers ses compagnons.

Mais il est brutalement attiré par l'ouverture, et tombe au sol.

- A moi ! Je glisse !

Arn a juste le temps de le rattraper par la main.

- Que se passe-t-il ? La liche est de retour ? Carali ! Ferme la porte !
- Le prince est déjà à moitié engagé, ça le couperait en deux !

Ils tentent de le faire remonter jusqu'à eux, mais, inexorablement, celui-ci continue de glisser...

- Non, ce n'est pas la liche. Tout à l'heure, pour la vaincre, j'ai invoqué mon dieu, Lyr. Et maintenant c'est le dieu de la mort en personne qui réclame son du.
- Ne pouvons-nous rien faire ?
- C'est trop tard. Je savais que ce moment arriverait fatalement un jour ou l'autre, mais j'espérais que cela ne surviendrait pas si tôt. Carali, tu vas prendre le parchemin à ma ceinture…

Le prince a un dernier sourire, puis lâche la main d'Arn, et est précipité dans l'abîme dans un hurlement d'effroi. La porte se referme dans un grand fracas métallique.

- C'est finit ? demande Arn.
- Je crois que oui. Finalement Corn est mort en héros, en se sacrifiant pour notre civilisation. Qui l'eut cru?
- Nous sommes tous des héros : A trois, nous avons vaincu la liche.
- Trois ? Nous n'étions pas quatre tout à l'heure ?
- Quatre ?

Carali réfléchit.

- Non, je ne crois pas, nous n'étions que trois : toi, moi, et le prince Corn...

Puis il s'approche de la pièce au sol, qui est tombée en même temps que la porte se refermait. C'est un cercle de métal de deux coudées de diamètre, légèrement incurvé.

- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est la rune. Comme la porte a définitivement disparue, le sceau magique qui la fermait n'a plus d'utilité, et est tombé.
- Comment allons-nous sortir d'ici ?
- Le parchemin de Corn va nous permettre de revenir chez nous. Et regarde, ajoute-t-il en désignant le sceau à terre : en passant une lanière ici et là, tu peux t'en servir d'attache.

Carali le soulève et le lui tend.

- Fais-t'en un bouclier. Qu'il devienne le bouclier de la Loi !

Retour à l'accueil --- Livre d'or. <p><A href="../resume.php">Cliquez ici pour les browsers sans frame.</a>