1. La fin de l'enfance.

Durant cette dernière année, dame Alvina commence à enseigner des notions de haut-elfe aux enfants : cette langue ancienne des elfes mythiques tant prisée des érudits et des magiciens.

Comme les années précédentes, Mélusine se montre la plus assidue. Dale a du mal avec les déclinaisons, Poly soigne sa robe, et Guiliguili est le cancre de la classe.

L’année s’écoule ainsi, studieuse, et ponctuée des interventions du druide Merlin qui vient parfois leur parler des arbres, des animaux, et de bien d’autres choses.

Mais un poids pèse sur les enfants : c’est la dernière année qu’ils passent ensemble. Heureusement les blagues de Guiliguili sont là pour les distraire.

Hélas, c’est comme les pages d’un livre, tout a une fin, et arrive la veille des vacances. Pour leur dernière journée d'école, « grand-mère » dame Alvina a organisé une journée de lecture libre.

- Dame, on ne peut pas plutôt aller dehors ?
- Non, tu fais un effort et tu lis un peu, Poly. Tu pourras aller jouer après. Qu'est-ce que tu as choisi comme livre, Mélusine ?
- Un livre qui parle des elfes noirs des temps anciens, mais ça me fait un peu peur...
- Très bien, et toi, Dale ?
- Un livre écrit en haut-elfe, mais je ne comprends pas tout...
- Lis donc des extraits que tu ne comprends pas à la classe, s'il te plaît ?
-" ... et le damoiseau mit sa cheville au pertuis de la damoiselle, qui s'en trouvoit fort aise..."
- Où donc as-tu trouvé ce livre ? J'ai dit de ne pas prendre de livre sur l'étagère du haut !
- Dame, elle est où la cheville ?
- Dame, c'est quoi le pertuis ?
- Ce n'est pas ma faute ! C'est Guiliguili qui me l'a passé !
- Hihihi !

Le soir venu les enfants ont obtenu la permission de coucher ensemble dans la même chambre. Après les incontournables histoires, rires et batailles de polochons, Poly et Guiliguili se déclarent fatigués, et dorment.

- Et toi, Mélusine, tu ne dors pas ? demande Dale. Qu'est-ce que tu lis ?
- Toujours la même histoire d'elfe noire.
- Ca raconte quoi ?
- Les elfes noirs étaient des êtres maudits qui s’étaient réfugiés sous la terre. Ca parle des aventures de l'un d'eux, qui trahit son peuple pour l'amour d'une dame haut-elfe, et accomplit des exploits pour la séduire. Tu veux le lire ?
- Volontiers, mais tu ne le finis pas d'abord ?
- Ca me fait trop peur. Ces elfes noirs sont vraiment trop méchants ! Tiens, prends le livre, mais n'oublies pas d'aller le ranger dans la bibliothèque de dame Alvina après. Je vais essayer de dormir maintenant.

Dale reste donc le seul enfant éveillé. Tard dans la nuit, après avoir fini sa lecture, il se rappelle la recommandation de la petite fée, et va silencieusement reporter l'ouvrage.

Au retour, il passe devant la porte entrouverte de la chambre du roi.

Quelle curiosité le pique ? Il jette un coup d’œil…

Et le voici qui déboule tout affolé dans la chambre de dame Alvina un instant plus tard :

- Grand-mère ! Grand-mère ! Grand-père, il...
- Qu'y a-t-il, Dale?
- C'est un elfe noir !
- Tu es sûr ?
- Je l'ai vu ! Il était en train de se déshabiller. Il avait la peau toute noire, mais j'ai bien reconnu ses cheveux blancs et son visage !
- Et d'où sais-tu à quoi ressemble un elfe noir ?

Dale lui parle du livre qu'il a lu.

- Mon époux est effectivement l'elfe noir dont parle la légende. Et sais-tu de quelle dame haute-elfe il s'agit ?
- Non...
- Je suis cette dame haute-elfe.
- ...
- Notre magie nous permet de dissimuler notre apparence en journée. Mais le soir, il nous arrive de nous relâcher. A la fin du Grand Oubli qui vit la disparition de nos deux peuples, nous décidâmes de nous joindre aux elfes des bois.
- Ils sont au courant ?
- Le conseil des anciens l'est. Ils nous font confiance et nous ont choisi roi et reine. Mais ne le répète pas à Elinoëe : la pauvre a déjà du mal à assumer son héritage humain du côté de son père. Tu comprends ?
- Oui, répond Dale, la mine songeuse et triste.
- Tu voudrais être un elfe ?
- Je… Oui... Non!

Dale éclate en sanglots.

- Je voudrais surtout connaître ma mère ! Tata Elinoëe m'en a dit tant de bien ! Pourquoi ne revient-elle pas ?

Dame Alvina laisse pleurer le garçon, puis lui parle longuement pour le consoler.

- Je te souhaite de revoir ta mère avant tes vingt ans, lui dit-elle à la fin.

Dale connait la valeur des souhaits de dame Alvina.

Le lendemain, c'est le jour des adieux pour les enfants, qui vient clore sept années passées à l'école du village.

- Mélusine, ça va ?
- Oui, Dale. Mais pourquoi tout le monde me demande si ça va ?
- Tu n'es pas triste de changer d'école ?
- Si, mais dame Alvina et le sage Merlin m'ont décrit un peu ce matin les merveilles que j'apprendrai à l'école des fées, et j'ai aussi hâte d'y aller. Et ils m'ont aussi promis que je vous reverrai aux vacances.
- Et toi, Poly ?
- Fini pour moi l'école ! Je retourne dans ma famille. J'ai désormais ma place dans la horde.
- Et toi, Guiliguili ?
- Dame Alvina m'a trouvé si attachant qu'elle m'a autorisé à redoubler l'année prochaine
- Mais tu seras seul ?
- Le sage Merlin a prédit la naissance imminente d'un nouvel elfe.
- Mais avant qu’il ne soit en âge de suivre des leçons, il peut se passer de longues années ?
- J'ai le temps et je serais patient : un lutin reste éternellement jeune dans sa tête. Hihihi ! Et toi ? Que deviendras-tu ?
- Je vais être page à la cour de la reine et du roi des humains, à Uhr. J’y complèterai mon éducation et je m'occuperai des jumeaux princiers.
- Allons-y maintenant, Dale, dit Elinoëe. Il est temps de partir.
- Au revoir les amis… Au revoir ! Ne m’oubliez pas … Vous êtes… Vous êtes les amis les plus beaux du monde !

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