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17.1.2. Les cinq étapes de l'évolution de la peinture dans l'ontologie naturaliste additive gréco-latine :
En Grèce, pendant la phase naturaliste, la notion de matière construit progressivement son caractère global en rassemblant dans une même notion tous les aspects qui relèvent de la matière, et puisque la notion d'esprit possède déjà un caractère global rien ne se passe d'intéressant pour ce qui la concerne. Avec l'architecture on est fondamentalement à l'intérieur d'une matière, et l'on vient de voir la transformation progressive du caractère 1+1 de cette matière jusqu'à sa lecture simultanée en 1/x. Avec la peinture on est fondamentalement devant une œuvre de l'esprit, et nécessairement des peintures réalisées par un esprit qui fonctionne selon le type 1/x ne peuvent que trahir une organisation en 1/x, cela dès la première étape de la phase naturaliste. L'évolution de la peinture pendant cette phase ne devrait donc pas nous apporter de renseignement significatif, mais ce serait oublier que les artistes de cette époque sont travaillés par la mutation de leur rapport à la matière, et s'ils prennent la peine d'inventer de nouveaux styles picturaux c'est bien que, par le moyen de la peinture, ils peuvent aussi essayer de comprendre ce qui se passe en eux concernant la matière.
Cette possibilité d'utiliser la peinture réclame plus de subtilité d'analyse que pour l'architecture, mais elle résulte de deux circonstances parfaitement claires. D'une part, s'il y a des graphismes qui appellent nécessairement une lecture par l'esprit, par exemple lorsqu'il faut suivre une courbe des yeux, il existe aussi des graphismes qui se lisent avec l'ensemble de notre corps du fait que le seul déplacement de notre regard ne suffit pas à éprouver leur évolution. Cela concerne notamment les surfaces, dont on évalue l'étendue par analogie avec le ressenti de l'étendue de notre corps, donc avec la matière de notre corps et pas avec notre esprit. D'autre part, si pour des raisons de simplification l'analyse de l'architecture n'a concerné que l'effet plastique qui rend compte de la relation entre les deux notions, il n'empêche que celui-ci résulte de la combinaison de deux effets différents, le premier qui porte la notion de matière et le deuxième qui porte la notion d'esprit. Pour envisager l'évolution de la peinture il sera donc possible de renoncer à cette simplification utilisée pour l'architecture et d'envisager aussi l'effet qui dit comment cela se transforme dans la matière et celui qui dit comment cela se transforme du côté de l'esprit. Nous devrons aussi être attentifs à observer que l'effet correspondant à la notion de matière ne s'appuie pas sur les mêmes aspects de la forme que celui qui correspond à la notion d'esprit, car c'est ainsi que se manifeste lors de cette phase le caractère additif des notions : les effets s'y additionnent en s'éprouvant séparément, et donc l'un après l'autre, non pas « en couple d'effets conjoints » comme il en va pour la Chine comme nous le verrons dans un autre chapitre.
La première étape du naturalisme gréco-latin :
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À gauche, cruche athénienne (VIIIe siècle avant notre ère) À droite, détail d’un cratère du Dipylon (environ 750 avant)
Sources des images : Atlas du monde grec (Éd. du Fanal, 1986) et https://lartauxquatrevents.com/2016/10/25/comment-realiser-un-vase-rouge-a-figures-noires-a-la-maniere-des-grecs-anciens/) |
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À la dernière étape du totémisme on l'avait laissé la Grèce avec son style dit « protogéométrique », et très naturellement on commence la phase suivante avec son style dit « géométrique ». C'est un style qui a utilisé abondamment des bandes se tortillant orthogonalement sur elles-mêmes avec des retours en arrière, un type de graphisme qui est d'ailleurs communément appelé « une grecque ». On donne un détail d’un cratère du Dipylon (environ 750 avant notre ère) sur lequel des motifs de grecques plus ou moins compliqués forment des bandes qui tournent tout autour du vase, accompagnés par un motif en simples méandres. On va analyser plus spécialement une cruche de la même époque dans laquelle les motifs de grecques sont cantonnés dans des rectangles horizontaux ou verticaux. D'autres motifs ou bandes à caractère régulier occupent d'autres cases de telle sorte que l'ensemble de la surface du vase est recouverte par une texture continue.
En première approche, on peut clairement lire que cette division homogène de la surface en multiples motifs relève du type 1/x, ce qui est normal puisqu'il s'agit d'œuvres réalisées par l'esprit d'un ou une peintre qui fonctionne en 1/x. Toujours en première approche, on peut aussi constater qu'aucun des motifs utilisés sur la cruche ne peut se lire seulement en suivant des yeux leurs trajets, car il ne s'agit pas de tracés spécialement destinés à être lus par l'esprit : ce sont des trames de hachures dont nous éprouvons la densité dans notre corps, ou des suites de triangles et de losanges sur la pointe dont nous ne pouvons que lire les surfaces avec notre corps. La même chose vaut pour les motifs de grecques sur lesquels nous allons nous arrêter davantage. Même s'ils sont linéaires, ces motifs sont en fait des bandes dont nous devons éprouver dans notre corps la largeur et les tortillements successifs de sa surface. Comme on l'a vu avec l'architecture, l'effet qui porte la relation entre les deux notions est l'intérieur/extérieur : du fait des contorsions de la bande, lorsque notre esprit lit du bout des yeux le trajet du bord situé à l'intérieur d'un coude ou d'un creux, après quelques virages celui-ci devient le bord extérieur de la surface matérielle de la bande, et si l'on envisage maintenant cette surface matérielle de la bande qui ne cesse de se retourner sur elle-même, notre esprit peut repérer que l'extérieur de chacun de ses tronçons est à l'intérieur de la frise, sauf ceux sur son périmètre qui sont à l'intérieur du cadre la ceinturant.
À cette étape, c'est l'effet de ça se suit/sans se suivre qui porte la notion de matière : la surface matérielle de la bande qui se tortille se poursuit en continu, mais comme elle change sans cesse de direction elle ne suit jamais le même parcours. Avec la matière de cette bande on a affaire à des segments successifs qui ne suivent aucune régularité et que l'on doit donc considérer comme 1 segment + 1 autre segment qui va dans une tout autre direction + etc. L'organisation de la matière relève donc bien du type 1+1, même si elle participe à une décoration organisée en 1/x.
Pour sa part, l'effet qui porte la notion d'esprit est d'homogène/hétérogène : si l'on néglige la largeur de la bande ondulante et que notre esprit se contente de suivre des yeux son parcours, on peut dire en effet que l'on a affaire à un graphisme homogène, c'est-à-dire toujours dessiné de la même façon au moyen d'un hachurage oblique entre deux traits continus, mais aussi que ce graphisme homogène subit un effet d'hétérogénéité à chaque fois qu'il change de direction puisqu'il doit alors se tordre dans un sens ou dans l'autre, et ces torsions hétérogènes ont d'ailleurs un aspect homogène dès lors qu'elles se font toujours à angle droit. L'homogénéité de cette bande uniforme et se tordant toujours à angle droit permet que chacune de ses sections apparaisse comme l'une des multiples parties d'une bande unique, et qu'elle soit donc lue en 1/x malgré le caractère 1+1 de la matérialité de ces diverses sections qui ne sont jamais de même longueur et qui ne vont jamais dans la même direction, du moins si l'on néglige le retour périodique de la même combinaison de méandres, un retour périodique que lit notre esprit et qui relève lui aussi du type 1/x.
La lecture des aspects matériels et la lecture de ceux destinés à notre esprit utilisent les mêmes formes, mais l'effet de ça se suit/sans se suivre s'appuie sur les directions toujours changeantes des différents segments, par différence avec l'effet d'homogène/hétérogène qui lui s'appuie sur le contraste entre les sections droites, lesquelles sont homogènes, et les coudes entre ces sections droites, lesquels forment autant d'hétérogénéités. Utilisation des directions dans un cas, utilisation du contraste entre parties droites et parties coudées dans l'autre, il s'agit donc d'une utilisation d'aspects différents de la disposition en zigzag, et comme on a prévenu dans l'introduction de ce chapitre, cette utilisation d'aspects différents de la forme correspond au fait que, du moins dans la filière gréco-latine, les notions de matière et d'esprit sont additives, ce qui implique qu'elles sont d'emblée séparées, et donc que nécessairement elles s'expriment séparément et distinctement l'une de l'autre.
On examine maintenant les autres effets concernés. Celui qui apparaît d'emblée est le fait/défait : la continuité de la bande en grecques est toujours faite, mais constamment défaite si l'on considère la continuité de sa direction. Sa forme se répand par un effet de relié/détaché : tous les segments de la grecque sont reliés en continu, mais chacun se détache visuellement de ses voisins par un brutal changement de direction. Elle s'organise par un effet de centre/à la périphérie puisqu'elle s'équilibre par la butée de toutes ses périphéries les unes contre les autres, qu'il s'agisse des sections droites qui doivent rester à distance constante de la périphérie des méandres voisins, ou qu'il s'agisse des coudes où la bande bute contre un autre méandre ou contre le cadre extérieur en l'obligeant à changer de direction. Enfin, ces effets sont résumés par un effet d'entraîné/retenu : la bande est sans cesse retenue par les méandres voisins ou par le cadre extérieur qui l'empêchent d'aller plus loin mais relancent sans cesse l'élan de son trajet par un brusque changement de direction. Et bien sûr, un peu plus loin, ce nouvel élan qui l'entraîne sera retenu par une nouvelle rencontre qui relancera la bande dans une autre direction.
On envisage maintenant des scènes avec personnages typiques de la période géométrique, sur des cratères trouvés sur le site du Dipylon d'Athènes et datant de la deuxième moitié du VIIIe siècle avant notre ère.
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Détails de deux cratères du Dipylon (seconde moitié du VIIIe siècle avant notre ère)
Sources des images : https://www.metmuseum.org/fr/art/collection/search/248904 et L'Art Grec aux Éditions Terrail (1995)
La scène de gauche représente des personnages alternant avec des végétations. Du fait de cette alternance, l'extérieur des personnages dotés d'un esprit est autant à l'intérieur de la matière végétale que l'extérieur de cette végétation est à l'intérieur de la frise des personnages. Si l'on considère la matérialité des personnages et des végétations qui se suivent en continu, on doit constater qu'elles ne se suivent pas puisque la présence des personnages interrompt régulièrement celle de la végétation, et inversement. Si nous ne prêtons pas attention à la matérialité de ce qui est représenté mais que notre esprit s'intéresse seulement au graphisme utilisé pour les personnages, nous constatons qu'il s'agit de surfaces homogènement remplies en couleur noire et que ce noir fait un effet d'hétérogénéité sur la couleur dorée lumineuse du fond. Et la même chose vaut pour la végétation obtenue par la répétition homogène d'un même motif en zigzag qui tranche de façon hétérogène sur la couleur du fond. Les aspects matériels correspondent donc à un effet de ça se suit/sans se suivre, ceux qui impliquent l'attention de l'esprit correspondent à un effet d'homogène/hétérogène, et ces deux effets utilisent bien des aspects différents des formes ainsi que le veut le caractère additif des notions de matière et d'esprit : l'alternance des personnages et des végétation pour ce qui concerne les effets matériels, le style graphique pour la lecture par l'esprit.
La matérialité étant du type 1+1, chaque colonne végétale est obtenue par l'addition de 1+1 zigzags sans que cette addition ne fasse un morceau de végétation véritablement compacte, et de la même façon chaque partie du corps des personnages se singularise de façon très expressive mais incompatible avec leur proportion et leur forme normale dans un véritable personnage, de telle sorte que toutes ces parties corporelles s'ajoutent en 1+1 sans faire au total la matérialité d'un véritable personnage. Si l'on néglige maintenant l'aspect matériel de ces représentations, c'est-à-dire si l'on oublie qu'il s'agit de végétaux et de personnages, les formes colorées lues par notre esprit relèvent alors d'une lecture du type 1/x : de multiples zigzags pour générer des colonnes, et de multiples surfaces noires à la fois bien distinctes les unes des autres et rassemblées en continuité. Ce qui résulte du fait que, lors de cette phase, l'esprit de l'artiste fonctionne en 1/x.
La scène de droite représente des chevaux et des guerriers. Il est bien clair, là aussi, que ces surfaces noires font graphiquement des effets de 1/x tandis que la matérialité de ce qu'elles représentent ne correspond pas de façon crédible à l'apparence de véritables guerriers et de véritables chevaux. Ce qui implique que, pour ce qui concerne la matérialité représentée par les différents morceaux qui concourent à construire ces guerriers et ces chevaux, ils ne s'ajoutent qu'en 1+1.
On envisage d'abord l'effet d'intérieur/extérieur qui rend compte de la relation entre les deux notions. Dans les personnages, les deux arrondis séparant la partie basse de la partie haute de la matière de leurs vêtements génèrent des creux intérieurs que notre esprit lit comme à l'extérieur de leur corps. Pour ce qui concerne les chevaux, leurs corps et leurs poitrails semblent à l'intérieur d'une même masse matérielle, mais l'examen de leurs têtes et de leurs pattes bien distinctement séparées permet à notre esprit de les considérer à l'extérieur les uns des autres.
Si l'on s'intéresse à comprendre la matérialité des guerriers dont toutes les parties se suivent en continu, on lit qu'ils sont formés par deux jambes qui se dressent verticalement, puis d'une espèce de jupette qui forme une courbe orientée vers le haut, puis d'une épée dont la flèche part légèrement en biais, puis d'une tunique dans la courbe est orientée vers le bas, puis d'une tête qui apparaît au bout d'un cou qui monte vers le haut, et donc que toutes les parties qui forment chaque guerrier ne suivent pas les mêmes directions. Quant aux chevaux, leurs corps et leurs poitrails se suivent dans un même plan dans lequel ils se confondent, mais leurs têtes et leurs pattes sont bien détachées, de telle sorte qu'on les imagine séparés les uns des autres dans la profondeur et ne se suivant donc pas dans un même plan. Si maintenant on néglige les réalités matérielles qui sont représentées, notre esprit lit que les personnages et les chevaux correspondent tous à des taches homogènes, soit uniformément noires soit uniformément quadrillées, et que ces taches génèrent une franche hétérogénéité sur le fond uniformément lumineux sur lequel elles se détachent. Là encore, l'effet de ça se suit/sans se suivre concerne donc les aspects matériels des personnages et des chevaux représentés, tandis que l'effet d'homogène/hétérogène néglige ces aspects et concerne seulement les effets plastiques qui frappent notre esprit. Et là encore, on constate que le caractère additif des deux notions se traduit par leur utilisation d'aspects des formes très différents.
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Détail de l'Oenochoé Lévy (vers 640 à 620 avant notre ère)
Source de l'image : L'Art Grec aux Éditions Terrail (1995) |
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Dernier exemple, celui du style dit « des chèvres sauvages », qui correspond à une date plus tardive et à la fin de la première étape. L'Oenochoé Lévy date de 640 à 620 environ avant notre ère. Sur l'ensemble de sa panse il regroupe cinq rangées successives de chèvres sauvages dans des attitudes similaires. Sur son épaule, on y voit d'autres espèces animales ainsi qu'un griffon et un sphinx.
La caractéristique de toutes ces représentations est que leurs pattes sont bien écartées les unes des autres et que des motifs végétaux ou géométriques occupent avec régularité tous les espaces libres laissés entre les corps, les pattes, les têtes et les cornes des animaux et des êtres fabuleux. Dans le haut de chaque file animale ces motifs sont collés à la bande qui sépare deux étages successifs de la décoration, cela toujours avec la même régularité.
L'effet d'intérieur/extérieur rend compte de la relation entre les deux notions : les animaux en files ont leur extérieur matériel qui est pris à l'intérieur d'une frise que reconstitue notre esprit en rassemblant les multiples motifs végétaux ou géométriques séparés les uns des autres. Inversement, notre esprit lit que l'extérieur de chacun de ces motifs est pris à l'intérieur des espaces laissés libres par la présence matérielle des animaux et des bandes qui séparent deux étages successifs de la décoration.
L'effet de ça se suit/sans se suivre porte la notion de matière : si l'on considère la matérialité des animaux ou des êtres imaginaires représentés, on voit qu'ils se suivent en files continues, mais ils ne se suivent pas si l'on tient compte de la présence des motifs végétaux ou géométriques qui les séparent. L'effet d'homogène/hétérogène porte la notion d'esprit : si l'on néglige la réalité matérielle de ce qui est représenté pour s'intéresser à l'aspect visuel des frises qui captive notre esprit, on constate que chacune est faite de la répétition homogène d'un même type de forme, et que les frises d'un même étage se gênent mutuellement du fait de leurs imbrications réciproques, quelles sont donc hétérogènes l'une pour l'autre.
Sans envisager tous les autres effets plastiques, on peut spécialement attirer l'attention sur celui du centre/à la périphérie qui organise la décoration : chacun des animaux et chacun des motifs végétaux ou géométriques constitue un centre d'intérêt visuel autonome, et tous ces centres visuels sont entourés, sur toute leur périphérie, par d'autres centres visuels semblables.
La deuxième étape du naturalisme gréco-latin :
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Amphore de type corinthien avec frises animales (vers 625 à 600 avant notre ère)
Source de l'image : https://quizlet.com/543298067/orientalizing-period700-600-bc-flash-cards/ |
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Pour la deuxième étape, une amphore décorée dans le style dit « corinthien » qui correspond à une évolution du style des chèvres sauvages. Elle date de 625 à 600 avant notre ère.
On y retrouve des frises d'animaux et tous les espaces libres sont occupés par un motif végétal, mais ces motifs sont désormais tellement tassés contre les animaux qu'il ne subsiste qu'une fine coupure blanche pour les séparer. Animaux et motifs végétaux forment désormais une surface continue entrecoupée par ces cernes blancs, si bien que l'effet de continu/coupé devient celui qui rend compte de la relation entre les deux notions : matériellement, la surface est remplie de façon continue, mais notre esprit lit que les tracés blancs correspondent en fait à des contours qui cernent des formes séparées et découpent ainsi la surface en différents animaux et motifs végétaux.
Les effets qui portent séparément les notions sont décalés d'un cran d'énergie supérieure par rapport à l'étape précédente. Ainsi, ce sont les aspects matériels qui héritent désormais de l'homogène/hétérogène : si l'on prête attention à la réalité matérielle de ce qui est représenté, on voit qu'il s'agit de façon homogène de frises animales, mais les animaux en question sont de natures très hétérogènes, parfois des lions, parfois des oiseaux, parfois des chèvres, et les échelles utilisées pour les représenter sont aussi hétérogènes entre elles. La même chose vaut pour les motifs végétaux dont les formes différentes révèlent des natures de matériaux différentes. Si l'on néglige la réalité matérielle de ce qui est représenté et que l'on ne s'attache qu'aux effets visuels repérés par notre esprit, on constate cette fois que l'on a affaire à des formes bien séparées les unes des autres par des coupures blanches et que ces formes sont simultanément rassemblées dans des bandes continues, et donc que l'effet de rassemblé/séparé y est à l'œuvre. À nouveau, comme le veut le caractère additif des deux notions, les deux effets s'appuient sur des aspects différents des formes.
Si l'on s'intéresse au processus ontologique, on peut ressentir dans ce graphisme combien les effets d'affirmation individuelle des aspects matériels et celui de leur regroupement collectif sont un cran plus énergique qu'à l'étape précédente, car le regroupement matériel des formes est devenu très dense et notre esprit doit être très attentif en retour pour repérer isolément chacune des formes tellement elles sont tassées. Si maintenant nous prenons en compte les incohérences des aspects matériels, telles que les tailles incompatibles des animaux ou leur incapacité dans la réalité à se supporter sans s'entredévorer, et aussi la réalité des végétaux qui n'a rien à voir avec celle des animaux, nous devons conclure que tous ces aspects matériels ne s'ajoutent qu'en 1+1. Mais si nous ne prenons en compte que l'effet visuel qui en résulte, notre esprit lit une surface continue divisée en multiples parties, ce qui est une lecture du type 1/x.
Détail du cratère dû au potier Ergotimos et au peintre Clitias, dit Vase François (Attique, vers 570 avant notre ère)
En haut, course de chars organisée pour commémorer la mort de Patrocle. En bas, départ du char de Pélée dans le cortège des noces de Thétis et Pélée
Source de l'image : http://www.beazley.ox.ac.uk |
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Pour la peinture sur poterie, la deuxième étape correspond plus fondamentalement au style dit « à figures noires » qui apparaît vers 580 avant notre ère, spécialement dans l'Attique. Le Vase François, réalisé vers 570 par le potier Ergotimos et par le peintre Clitias, est caractéristique de ce style. Par différence avec les peintures réalisées sur les cratères du Dipylon de la première étape, désormais les figures noires ne sont pas réalisées de façon uniforme mais possèdent de nombreux détails réalisés par des traits, des hachures ou des quadrillages incisés sur leurs silhouettes, et certaines de leurs parties, tels les visages ou les bras, sont parfois de la même couleur lumineuse que celle du fond et leurs détails y sont tracés en couleur sombre.
À l'intérieur de chaque groupe, par exemple à l'intérieur de chaque groupe de chevaux, on retrouve un effet de surface continue noire coupée en multiples parties un fin trait clair, et donc un effet de continu/coupé similaire à celui de l'amphore corinthienne précédente, mais cet effet est enrichi par des surfaces qui sont elles-mêmes continues/coupées, soit parce qu'elles sont formées de hachures régulières, soit parce qu'elles sont formées par des quadrillages réguliers. À grande échelle, le brouillage des scènes par la présence d'incrustations végétales est supprimé, chacune constitue désormais une suite continue de figures espacées les unes des autres, c'est-à-dire coupées les unes des autres.
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Détail de l'amphore « Dionysos, dieu d'Athènes », du potier Amasis et du peintre dit le Peintre d’Amasis : Dionysos tenant un canthare face à deux ménades lui apportant un lièvre et un cerf (Attique, vers 540/535 AEC)
Source de l'image : https://www.pinterest.fr/pin/343610646545675736/?nic=1 |
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Pour analyser plus en détail le style des figures noires, une scène de l'amphore dite « Dionysos, dieu d'Athènes » réalisée par le potier Amasis et qui date approximativement de 540 à 535 avant notre ère. Son peintre est seulement connu comme « le Peintre d’Amasis ». Cette scène représente Dionysos tenant un canthare et faisant face à deux ménades qui lui apportent un lièvre et un cerf.
Chaque personnage ou couple de personnages est constitué de plusieurs surfaces traitées différemment et collées les unes aux autres, les trames de chacune étant traitées de façon plane, sans aucunement suivre le volume des corps. Ainsi, les bandes verticales de l'habit de Dionysos sont toutes de la même largeur et ne se rétrécissent pas sur les bords de son corps pour tenir compte des arrondis de son volume. De la même façon, les quadrillages et les trames de points ou de feuillages dessinés sur les habits des ménades ne subissent aucune des altérations qui devraient correspondre aux reliefs de leur corps. Si l'on prend en compte la matérialité du corps des personnages, cette addition de surfaces planes pour suggérer des volumes en trois dimensions est anormale et correspond donc à une addition de 1+1 surfaces inadaptées. On peut aussi en dire que chacune d'elles correspond à une trame homogène, soit uniformément noire, soit uniformément remplie par un même motif, et que toutes ces trames sont différentes les unes des autres, donc hétérogènes les unes pour les autres, ce qui correspond à l'effet d'homogène/hétérogène qui porte la notion de matière.
Si l'on néglige la matérialité des personnages et que l'on ne prend en compte que les effets plastiques qui sollicitent notre esprit, alors chaque personnage ou couple de personnages forme une unité visuelle divisée en multiples surfaces aux aspects différents, chaque surface ayant l'allure d'une trame unitaire faite de multiples détails similaires, du moins si l'on excepte celles qui sont totalement noires. Pour ce qui concerne les effets qui sollicitent notre esprit, la lecture est donc du type 1/x, et c'est un effet de rassemblé/séparé qui porte la notion d'esprit puisque ces multiples surfaces aux aspects différents sont visuellement bien séparées les unes des autres tout en étant regroupées dans un même personnage ou dans un même groupe de personnages.
Comme le veut le caractère additif des deux notions, les effets qui les portent utilisent des aspects différents des mêmes formes, pour l'un l'uniformité des trames, pour l'autre leurs différences d'aspect rassemblées dans une même forme globale. L'effet qui prend en charge la relation entre les deux notions est celui de continu/coupé : chaque personnage ou couple de personnages forme matériellement une surface continue coupée à multiples reprises par des changements d'aspect ou par de fins tracés qui captivent l'attention de notre esprit.
L'effet d'ensemble/autonomie est celui qui apparaît d'emblée : les trames des différentes surfaces aux aspects très variés, et donc très autonomes, suggèrent ensemble la représentation d'un personnage. La forme se répand par un effet d'ouvert/fermé qui correspond à la lumière irradiée par les surfaces claires qui apparaissent ainsi ouvertes à la lumière, lumière qui est par contre bloquée, enfermée, à l'endroit des surfaces noires. La forme s'organise par un effet de ça se suit/sans se suivre : les différentes surfaces qui génèrent les personnages se suivent en continu puisqu'elles se touchent parfaitement, mais leurs motifs graphiques sont chaque fois différents et ne se suivent donc pas. L'effet qui résume les précédents est celui d'homogène/hétérogène, déjà envisagé.
La troisième étape du naturalisme gréco-latin :
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Deux exemples de poteries vernissées à figures rouges sur fond noir de l'époque de la Grèce classique. À gauche, ménade versant une libation à Dionysos, du cercle du Peintre de Kléophon (vers 430 avant notre ère). À droite, vase éponyme du Peintre de la Danseuse représentant une jeune danseuse et une joueuse d’aulos (vers 440/430 avant notre ère)
Sources des images : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Libation_Dionysos_Staatliche_Antikensammlungen_2359.jpg et https://www.wikiwand.com/fr/C%C3%A9ramique_apulienne_%C3%A0_figures_rouges
L'avènement des poteries à figures noires plus réalistes que celles de l'époque géométrique a marqué le début de la deuxième étape du naturalisme. À leur tour, les poteries à figures rouges sur fond noir vont marquer le début de sa troisième étape, celle de la période dite classique de l'art grec.
On en donne deux exemples : une poterie peinte vers 430 avant notre ère dans un atelier proche du peintre de Kléophon, et une poterie peinte approximativement à la même époque par le peintre dit « le Peintre de la Danseuse », précisément à cause de ce vase.
Par rapport aux figures noires de l'étape précédente, la différence est flagrante concernant la représentation des vêtements : il ne s'agit plus de surfaces décorées de trames planes accolées les unes à côté des autres sans aucun effet de volume, mais de fins tracés qui correspondent de façon réaliste aux déformations des étoffes enveloppant le corps des personnages. Ainsi, dans l'exemple de gauche, on voit bien comment les plis de l'étoffe se déforment pour épouser l'arrondi des bras de Dionysos, tandis que, dans le cas de la danseuse, on voit bien comment les plis de sa robe suggèrent les différents volumes de son corps et se déforment pour suivre l'avancée de sa jambe droite.
Ce sont donc des personnages dotés de volumes qui nous sont donnés à voir, mais la lecture de ces volumes nous oblige à conjuguer, d'une part la perception de leur contour qui correspond à la frontière entre une surface uniformément noire et une surface uniformément rouge, d'autre part la perception des détails intérieurs de leur corps qui nous sont donnés par les circonvolutions complexes de fins tracés réalisés sur la surface en rouge. Si l'on veut comprendre la matérialité de leur corps dans l'espace, il faut donc associer ces deux types de renseignements visuels mais, comme nous ne pouvons pas percevoir simultanément des découpes de surfaces et des tracés linéaires, d'autant plus lorsqu'ils sont multiples et complexes, nous ne pouvons pas intégrer ces deux types de renseignements dans une même vision et nous devons les ajouter en 1+1. Puisque ces deux types de renseignements sont séparés dans notre perception mais que nous devons les rassembler pour comprendre la forme matérielle de chaque personnage, ce sont les aspects matériels qui se servent à cette étape de l'effet de rassemblé/séparé.
Si nous ne cherchons pas à lire la forme matérielle des personnages mais que notre esprit se concentre sur les effets visuels globaux que produisent par les figures, alors il apparaît leur vue d'ensemble combine une surface noire uniforme avec plusieurs surfaces rouges uniformes, et que chaque morceau de surface rouge est rempli d'une multitude de tracés noirs, ce qui correspond donc, à l'échelle globale comme à l'échelle des différentes figures, à une lecture du type 1/x. On l'a déjà dit, la lecture par surfaces et la lecture par traits ne peuvent se réaliser simultanément car ces deux lectures sont incommensurables pour notre perception, mais notre esprit doit néanmoins synchroniser ces deux perceptions pour les combiner dans une vision unique des scènes représentées, ce qui implique cette fois que c'est l'effet de synchronisé/incommensurable qui porte la notion d'esprit. Pour correspondre à la situation additive des deux notions, il importe de bien saisir la différence entre la façon dont l'effet matériel de rassemblé/séparé utilise les formes et la lecture synchronisée/incommensurable qui s'impose à notre esprit : le premier n'utilise que les contours qui séparent la surface rouge et la surface noire, le second utilise la surface entière en tant que telle, c'est-à-dire en tant que surface étendue dans les deux dimensions et pas seulement la ligne unidimensionnelle qui la borde.
C'est l'effet de lié/indépendant qui prend désormais en charge la relation entre les deux notions : la perception du contour global des personnages par la rencontre entre deux surfaces matérielles de couleurs différentes et la lecture attentive par notre esprit du détail des tracés réalisés sur les fonds rouges sont deux perceptions nécessairement indépendantes l'une de l'autre, mais que l'on doit lier l'une à l'autre pour lire chaque personnage.
On peut noter qu'un progrès ontologique a été réalisé depuis l'étape précédente : le rassemblement des différents aspects matériels y était encore assez lâche, correspondant seulement à l'addition côte à côte de surfaces aux aspects matériels différents, alors que maintenant nous sommes forcés de combiner dans notre vision des aspects matériels aux modes de lecture contradictoires, ce qui implique une mise ensemble de ces aspects un cran plus forcée, un cran plus énergique.
L'effet plastique qui apparaît d'emblée est le rassemblé/séparé. Nous l'avons déjà évoqué, mais nous pouvons ajouter que chaque scène rassemble des personnages et des objets qui sont visuellement bien séparés par la couleur noire du fond, une couleur noire qui unifie simultanément la scène puisqu'elle la rassemble dans une même unité visuelle. Par ailleurs, lorsque les personnages ont une chevelure noire, ce noir se rassemble visuellement avec le fond noir du vase dont il est séparé par une mince ligne rouge, et simultanément ces surfaces noires internes aux personnages sont rassemblées avec lui dans notre perception tout en restant visuellement bien séparées des surfaces traitées en rouge. La forme se répand par un effet synchronisé/incommensurable déjà traité. Elle s'organise par un effet de continu/coupé qui concerne le fond continu noir qui est plusieurs fois coupé par la présence des figures rouges, et qui concerne également ces surfaces rouges continues qui sont coupées à de multiples reprises par les fins tracés qu'elles contiennent. Des tracés qui correspondent d'ailleurs souvent à la répétition continue de traits approximativement parallèles entre eux, et donc séparés les uns des autres, et donc coupés les uns des autres. L'effet qui résume les trois précédents est celui de lié/indépendant, déjà envisagé mais qui a aussi un aspect très voisin de celui de rassemblé/séparé : à grande échelle les différents personnages et les différents objets sont liés par leur participation à une même scène, mais simultanément ce fond noir qui les rassemble les sépare en les rendant visuellement très indépendants les uns des autres.
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Lécythe funéraire à fond blanc attribué au Peintre d'Achille (Attique, vers 440/430 avant notre ère) Source de l'image : https://www.wikiwand.com/fr/Peinture_de_la_Gr%C3%A8ce_antique |
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En passant, nous pouvons également évoquer les peintures sur vase à fond blanc, spécialement réalisées sur des lécythes à fond blanc utilisés en tant qu'urnes funéraires. Dans l'exemple que l'on donne, attribué au Peintre d'Achille et réalisé vers 440/430 avant notre ère, il faut également combiner dans notre vision la perception des effets de surface colorée correspondant aux vêtements, au manche de l'instrument de musique et à la coiffe du personnage, avec les fins tracés correspondant au reste de la figure, tracés de couleur foncée lorsqu'ils sont réalisés sur le fond blanc et de couleur claire lorsqu'ils sont réalisés sur le fond rouge du vêtement.
Scène du mur nord de la tombe du Plongeur à Paestum (au sud de Naples – vers 480/470 avant notre ère)
Source de l'image : http://bluesy.eklablog.com/paestum-la-tombe-du-plongeur-au-musee-a112414166
Les destructions liées au temps ne nous permettent plus d'avoir accès aux peintures grecques réalisées à cette époque, sauf celles réalisées sur poterie, raison pour laquelle ce type de support a été privilégié dans les analyses précédentes. On a cependant retrouvé des peintures réalisées dans une tombe désormais qualifiée de « tombe du Plongeur » à Paestum. On donne l'exemple de l'une de ses scènes, peinte vers 480/470 avant notre ère. Comme pour la peinture sur fond blanc du lécythe, il faut simultanément combiner la perception du contour des personnages correspondant à des rencontres de surfaces aux teintes différentes avec la perception des graphismes linéaires qui donnent les détails de l'intérieur de leur corps et des plis de leurs vêtements.
La quatrième étape du naturalisme gréco-latin :
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Détail d'une fresque représentant une scène de chasse aux lions à l'intérieur d'une tombe lucanienne à Paestum, Italie (vers 375 à 350 avant notre ère)
Source de l'image : |
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Pour introduire cette étape nous restons à Paestum, et toujours avec des peintures réalisées à l'intérieur de tombes, mais nous sommes un siècle plus tard et le peuple lucanien s'est désormais emparé des villes fondées par les Grecs en Italie du sud.
Le style des représentations s'est complètement modifié comme le montre cet exemple d'une tombe lucanienne, et en particulier on n'y trouve plus d'effets basés sur la complémentarité entre des découpes de surfaces et de fins tracés réalisés à l'intérieur de ces surfaces. Cette scène de chasse aux lions utilise entièrement des effets linéaires combinés à des effets de petites taches, l'ensemble étant de facture très dynamique.
Ce sont les aspects matériels qui, cette fois, s'appuient sur l'effet de synchronisé/incommensurable : le corps du lion, tout comme les deux arbustes, sont obtenus par la combinaison de deux types graphiques qui ne se lisent pas de la même façon et qui sont donc incommensurables, d'une part des tracés continus qui ondulent souplement et sans aucune régularité, d'autre part des taches de couleur en forme de flammèche, de dimension régulière, d'écartements réguliers, et qui suivent les tracés irréguliers ou les surfaces irrégulières qu'elles complètent. Ces deux types graphiques incommensurables se synchronisent pour évoquer des réalités matérielles, mais on peut aussi en dire que les tracés ondulants suivent des courbes complexes allant dans tous les sens et qu'ils sont donc incommensurables entre eux, tandis que les taches colorées se caractérisent par la régularité de leurs espacements et de leurs dimensions, et donc par leur synchronisme. Ces deux registres de formes s'ajoutent en 1+1 puisqu'ils correspondent pour notre perception à des lectures simultanées impossibles, mais ils se combinent aussi pour réaliser un lion ou des arbustes, ce qui implique qu'ils ont également commencé à générer une réalité globale qui relève du type 1/x.
S'il néglige de porter attention aux réalités matérielles évoquées par ces peintures, notre esprit y voit des tracés continus/coupés les uns des autres, et aussi des taches de couleur détachée les unes des autres le long d'alignements continus de feuilles ou sur la surface continue d'une crinière : les aspects graphiques lus par notre esprit font donc des effets de continu/coupé. Par ailleurs, et notamment pour ce qui concerne les taches de couleur, leur répétition uniforme implique clairement une lecture du type 1/x.
L'effet de synchronisé/incommensurable se servait du contraste entre les différents types de formes, celui de continu/coupé se sert des relations entre les formes de même type, on retrouve donc l'autonomie des notions de matière et d'esprit liée à leur situation additive. L'effet qui rend compte de la relation entre les deux notions est le même/différent : le lion, les arbustes, et même la frise horizontale qui borde le haut de la fresque, sont réalisés par deux types de graphisme matériellement très différents que notre esprit combine pour y lire une seule et même forme.
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À gauche, cratère d'Apulie (Pouilles, Italie) : Clytemnestre essayant de réveiller les Érinyes tandis que son fils est purifié par Apollon (380/370 avant notre ère) À droite, Peintre de Suessula : Le combat des Dieux et des Géants sur l'amphore dite de Milo (détail, 410/400 avant notre ère) Sources des images : https://www.wikiwand.com/fr/Peinture_de_la_Gr%C3%A8ce_antique et https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/peintre-de-suessula_amphore-dite-amphore-de-milo-gigantomachie_ceramique-materiau |
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On en vient à l'évolution des figures sur fond noir, lesquelles ne sont plus toujours d'une couleur uniformément ocre puisque le blanc, le vert ou le rouge vif peuvent maintenant aussi bien être utilisés pour une partie des formes qui se détachent sur le fond noir. On en donne deux exemples : sur un cratère réalisé dans les Pouilles italiennes, trois figures représentant Clytemnestre essayant de réveiller les Érinyes et datant de 380 ou 370 avant notre ère, et une scène de combat entre les Dieux et les Géants sur l'amphore dite de Milo que l'on doit au Peintre de Suessula, un peintre probablement d'origine corinthienne. Cette amphore date de 410 ou 400 avant notre ère.
À la différence de l'étape précédente, la découpe du contour des personnages sur le fond noir ne joue pas un rôle important dans la lecture des formes : ce fond noir est trop morcelé, et de plus aucun personnage ne se détache isolément sur ce fond de telle sorte que l'on pourrait lire son contour en repérant la limite de la couleur noire. Le fond noir sert maintenant à limiter des îlots de couleurs uniformes et, à l'intérieur de chacun de ces îlots, des tracés très énergiques et de différentes densités forment l'essentiel de l'expression plastique. Le dynamisme de ces tracés est spécialement remarquable. Ainsi, dans le cratère d'Apulie leur agitation fait contraste à l'immobilité des figures qu'ils servent à représenter, au point que leurs tortillements dans le bas des habits et la fluidité de leurs déformations sur le reste de ces figures immobiles sont nettement plus importants que le mouvement des plis de la danseuse en plein mouvement de l'étape précédente. Cela vaut aussi pour le personnage tirant une flèche sur l'amphore de Milo dont la cape est agitée de plis tourbillonnants, et aussi pour les traînes des autres personnages qui flottent derrière eux ou sous eux. Leur variété est également remarquable : sur le cratère d'Apolie, les traits sont parfois très fins, parfois très larges lorsqu'ils forment les ceintures ou les bretelles des vêtements, parfois ils se poursuivent longuement selon des tracés bien clairs et parfois, par exemple pour faire les lacets des chaussures, ils forment des successions de petits tracés aux contorsions imprécises, et parfois ils forment des simples groupes de tracés semblables tandis que sur l'habit de Clytemnestre ils sont parsemés de petites taches correspondant aux motifs décoratifs de l'étoffe. La variété de leurs textures étant encore plus grande sur l'amphore de Milo on ne les décrira pas en détail. Pour l'essentiel, la matérialité des personnages est donc rendue par le dynamisme de traits extrêmement variés qui s'agitent en tous sens selon des trajets et des graphismes incommensurables entre eux, mais ces traits savent aussi se synchroniser pour évoquer de façon réaliste l'apparence des personnages : la notion de matière est donc portée par des effets de synchronisé/incommensurable.
Si l'on néglige la matérialité représentée par les dessins, c'est-à-dire ce qu'ils disent sur les corps ou les habits des personnages, notre esprit y repère une variété de graphismes qui font pour leur part des effets de continu/coupé, car si des graphismes sont utilisés de façon continue à l'intérieur de la découpe limitée par le fond noir, leur continuité est constamment coupée par des changements de texture. Par exemple, de fins tracés ondulants et aérés laissent brusquement place à des tracés plus denses, ou plus rigides, ou beaucoup plus larges, ou encombrés par des motifs de textiles, etc. Le dynamisme des traits correspond donc aux aspects matériels tandis que leur diversité attire spécialement l'attention de notre esprit, on retrouve bien la séparation impliquée par la situation additive des deux notions.
À cette étape, l'effet qui rend compte de la relation entre les deux notions est le même/différent : différents graphismes se combinent pour rendre compte d'une même forme matérielle, cela en captivant notre esprit par les détails de leurs évolutions et par la richesse de leur diversité.
Comme la découpe sur le fond noir n'intervient que peu dans notre lecture des formes, sauf en tant que simple trait de contour, pas en tant que confrontation de deux aplats diversement colorés, la lecture globale de ces images est fondamentalement une lecture de multiples traits. Bien qu'ils aient des types très variés qui ne peuvent pas se lire ensemble puisque leurs largeurs ou leurs dynamismes sont trop différents, leur addition en 1+1 traits de types différents se combine donc dès cette étape avec une lecture de type 1/x qui correspond au fait que les multiples tracés se marient pour faire un seul et même personnage.
L'effet qui apparaît d'emblée est le même/différent : chacun des types de graphismes correspond à différentes répétitions d'un même type de tracé ou d'un même type de remplissage. La forme se répand par un effet d'intérieur/extérieur qui résulte du fait que l'extérieur de chaque personnage est bien repérable à l'intérieur de son groupe. Dans le cas du cratère d'Apolie, parce que plusieurs personnages se distinguent à l'intérieur d'une même surface bien repérable, dans le cas de l'amphore de Milo, parce que leur groupe ne résulte que de leur entremêlement partiel, et dans ce dernier cas la couleur blanche du cheval facilite le repérage de son extérieur à l'intérieur du groupe des personnages. La forme s'organise par un effet d'un multiple. Dans le cas du cratère d'Apolie on a affaire à un groupe de multiples personnages, et l'on peut également lire que l'unité colorée de ce groupe est divisée par une multitude de tracés, notamment qu'elle est cloisonnée en multiples compartiments par les ceintures et les bretelles des deux personnages endormis. Dans le cas de l'amphore de Milo on a affaire à une scène qui regroupe plusieurs personnages assez bien séparés visuellement les uns des autres, et l'intérieur de chacun d'eux est divisé en plusieurs surfaces traitées plastiquement de façons très différentes. Enfin, les trois effets précédents sont résumés par celui de regroupement réussi/raté qui résulte de l'absence de fusion complète des différents personnages dans le groupe auquel ils appartiennent, et cela malgré la force de leur groupement : dans le cas du cratère d'Apolie, la force du groupe est due à la continuité de la couleur tandis que l'intensité très diverse des traits défait l'unité de leur groupe, dans le cas de l'amphore de Milo ce sont les actions et réactions mutuelles des différents personnages qui font et défont simultanément la force de leur groupe.
La cinquième et dernière étape du naturalisme gréco-latin :
Les aspects matériels pouvaient déjà se lire en 1/x assez facilement à l'étape précédente, et probablement aurait-il fallu le dire aussi pour la troisième étape dans la mesure où les réalités matérielles des personnages n'étaient comprises qu'en combinant la découpe de leurs contours avec les graphismes intérieurs à cette découpe. Dans l'architecture, on avait déjà remarqué qu'à l'avant-dernière étape la forme matérielle impliquait de façon assez évidente une lecture en 1/x du fait de la superposition des différentes parties d'un bâtiment sur un même axe vertical, et souvent à l'intérieur d'un même volume continu tel qu'il en allait pour le monument des Néréides à Xanthos. Comme la lecture en 1/x des aspects matériels ne devrait intervenir qu'à la dernière étape de l'ontologie naturaliste, on doit s'interroger sur ce décalage d'une ou deux étapes « en avance ».
On peut très probablement supposer que la lecture en 1/x des aspects matériels avec une ou deux étapes d'avance serait une lecture déformée qui ne permettrait pas de voir correctement l'état exact du regroupement de ces aspects matériels. À plusieurs reprises, on a déjà dit en effet que la peinture et la sculpture étaient des inventions de l'esprit, des inventions par lesquelles l'esprit réorganise imaginairement le monde, et si l'esprit fonctionne de façon globale en 1/x, il faut inévitablement s'attendre à ce que sa réorganisation imaginaire relève du type 1/x, même si les aspects matériels qu'elle engage sont perçus en 1+1. De la même façon pour l'architecture, on ne doit pas oublier que si l'on est avec elle à l'intérieur de la matière construite, cette matière est néanmoins mise en forme par l'esprit des constructeurs, ce qui implique que le fonctionnement en 1/x de leur esprit puisse trahir le caractère 1+1 ressenti de ses aspects matériels. Pour lire que les aspects matériels ne sont pas encore regroupés dans une notion globale sans que cette lecture ne soit contaminée par le caractère 1/x de la notion d'esprit, le mieux est donc de repérer comment, même s'ils se lisent en 1/x, leur addition relève toujours du type 1+1, ce que nous avons fait à chaque fois.
Mosaïque dite du Nil qui ornait le nymphée de l'ancien sanctuaire de Palestrina, Italie, (vers 100 avant notre ère)
Source de l'image : https://www.wikiwand.com/fr/Mosa%C3%AFque_du_Nil
À la dernière étape, l'effet qui porte la relation entre les deux notions est celui d'intérieur/extérieur. Un tel effet se prête bien au type 1+1 car il est incompatible d'être à la fois en situation intérieure et en situation extérieure, et si une telle situation matérielle relève aussi d'une disposition en 1/x on a là un bon indicateur du fait que les aspects matériels ont acquis le caractère global qui leur permet de s'affirmer en 1/x. C'est ce que l'on va voir maintenant avec divers exemples italiens qui datent d'avant le début de notre ère.
D'abord une mosaïque réalisée vers 100 avant notre ère sur le sol du nymphée du sanctuaire de Palestrina, en Italie. Cette mosaïque est dite « du Nil » car elle représente l'ensemble du cours du Nil, depuis sa naissance en Éthiopie jusqu'à son débouché dans la mer Méditerranée. D'un point de vue matériel, nous avons donc affaire à un fleuve continu sur lequel les diverses étapes caractéristiques de son parcours sont distinctement mentionnées, ce qui relève clairement d'un effet de continu/coupé en étapes, l'effet qui qui porte la notion de matière à la dernière étape. Outre que ces différentes vues matérielles du paysage parcouru par le Nil ne peuvent pas être représentées ensemble puisqu'elles sont beaucoup trop éloignées les unes des autres, elles ne sont même pas représentées ici depuis des points de vue compatibles : certaines sont vues de face, d'autres en perspective depuis la droite, d'autres en perspective depuis la gauche, et d'autres en vue cavalière. Ces différentes vues s'ajoutent donc l'une à l'autre en 1+1 vues incompatibles ne pouvant pas correspondre de façon crédible à une vue globale les rassemblant dans une même unité visuelle.
Pour notre esprit qui peut décider de négliger ces incompatibilités matérielles, cette mosaïque représente des scènes autonomes qui sont reliées par le déroulé continu du fleuve. S'il oublie la réalité des matérialités représentées, notre esprit accepte donc d'y voir une vue d'ensemble regroupant de multiples scènes, bâtiments et paysages, c'est-à-dire de la lire en 1/x et en utilisant pour cela l'effet de lié/indépendant qui porte la notion d'esprit à cette étape. On avait vu que l'effet de continu/coupé faisait du Nil une suite de tronçons coupés les uns des autres, et l'on vient de voir que l'effet de lié/indépendant en fait un fleuve continu sur lequel se raccordent des sites autonomes les uns des autres, ce qui correspond bien à des utilisations différentes des mêmes formes comme le veut la relation additive entre les deux notions. Comme déjà indiqué, l'effet qui rend compte de la relation entre les deux notions est celui d'intérieur/extérieur : l'extérieur de chaque réalité matérielle, scène, bâtiment ou paysage, est repéré distinctivement par notre esprit à l'intérieur de la vue d'ensemble qui les regroupe, et cela grâce à sa capacité à les séparer les unes des autres.
Si malgré son irréalisme on prend au sérieux le regroupement matériellement réalisé sur la même vue de ces différentes scènes et paysages, alors on peut dire que ces différentes réalités matérielles sont autant de parties d'un même paysage global, et qu'elles peuvent donc se concevoir en 1/x en même temps qu'elles relèvent, comme on l'a vu, de réalités incompatibles qui s'ajoutent en 1+1. Cette très franche double lecture, en 1+1 et en 1/x, relève du stade ultime de la phase naturaliste puisqu'elle correspond au caractère global maintenant acquis par les différents aspects matériels.
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Ci-dessus, fresque murale réalisée dans le 2e style pompéien dans la villa des Mystères de Pompéi, Italie (vers 60 à 50 avant notre ère) Source de l'image : http://www.grumetreisen.at/reisen/golf-von-neapel/ ou https://www.photo.rmn.fr/archive/10-515047-2C6NU0QUIL_Q.html
À gauche, jeune femme agenouillée et danseuse jouant des cymbales (détail de la fresque du mur opposé à celle représentée ci-dessus)
Source de l'image : https://www.photo.rmn.fr/archive/07-514717-2C6NU0CLFJLC.html |
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On envisage maintenant une fresque murale retrouvée dans la villa des Mystères de Pompéi, en Italie, après l'éruption du Vésuve qui détruisit la ville en l'an 79. Cette fresque date approximativement de 50 à 60 avant notre ère. On donne le déroulé complet d'un des murs de l'une des chambres de la villa, mais sans les frises décoratives situées en dessous et au-dessus. On donne aussi un détail d'une fresque particulièrement bien conservée située sur le mur opposé.
La signification exacte de ces scènes n'est pas connue et donne lieu à des interprétations contradictoires. Ainsi, pour certains la femme agenouillée est en train d'être fouettée, pour d'autres, elle est effrayée par ce qu'elle a vu et se réfugie sur les genoux d'une autre femme. Peu importe pour nous ce qui signifie ces scènes, ce qui importe est que leur enfilade, tout autour de la pièce, peut-être aussi bien lue comme une suite de scènes indépendantes les unes des autres que comme une unique scène divisée en multiples parties se complétant mutuellement. Il est à remarquer que le fond de cette la frise est régulièrement divisé par des pilastres noirs bordés de doré et de vert, et que les diverses scènes passent partiellement devant ces pilastres, ce qui renforce l'ambiguïté entre la lecture de multiples scènes autonomes et la lecture d'une scène unique faite de multiples parties.
L'apparence matérielle des personnages semble installée sur une petite estrade qui fait le tour de la pièce et qui est vue en perspective devant le mur rouge qui semble former la paroi réelle de la pièce. Du fait de ce trompe-l'œil, les personnages ne semblent pas peints sur la surface plane du mur, mais plutôt vivre sur un podium situé dans le même espace que le nôtre et seulement coupé du nôtre par le décalage de hauteur entre le sol sur lequel nous marchons et le sol sur lequel ils évoluent. Leur apparence matérielle est donc dépendante d'un effet de continu/coupé puisqu'ils sont ainsi supposés vivre dans un espace qui est à la fois continu au nôtre et coupé de lui par un décalage de hauteur.
Si l'on néglige l'aspect matériel du corps des personnages et de leurs vêtements, l'effet de lié/indépendant que peut détecter notre esprit mérite également d'être approfondi. Ainsi, bien que des ombres marquent le volume des formes et altèrent l'uniformité des surfaces colorées, chaque personnage et ses vêtements n'en est pas moins le résultat de la combinaison de plusieurs plages colorées qui restent bien autonomes l'une de l'autre, tel qu'il en va, par exemple, pour le corps de la femme agenouillée qui forme un bloc ocre clair tranchant visuellement avec la masse violacée de son vêtement. Même si le contraste entre les différentes parties d'un même personnage n'est pas toujours aussi fort, de chaque personnage on peut dire qu'il est la réunion de plusieurs surfaces visuellement autonomes, tranchées les unes des autres du fait de leurs colorations assez criardes et non fondues dans une même atmosphère. Outre la couleur, le mouvement des étoffes donne aussi l'occasion de donner une indépendance bien nette entre le vêtement et le corps du personnage. C'est le cas de l'écharpe de la joueuse de cymbales dont l'arrondi est tellement raide qu'elle semble évoluer de façon autonome du corps qui la porte tout en étant bien liée à celui-ci. Même chose pour la cape violette de la femme située à l'extrémité droite et qui lève un bras vers le ciel, et aussi pour le vêtement du personnage qui joue de la lyre dont le long pli droit ne semble pas compatible avec l'effet de la pesanteur sur l'étoffe et qui procure à celle-ci une sorte de vie propre. Dans le même esprit, le haut du vêtement violet de la femme agenouillée semble aussi tenir en l'air tout seul.
Fresques d'une chambre réalisée dans le 2e style pompéien dans la villa de Fannius Synistor à Boscoreale, reconstituées au MET de New-York (vers 50 à 30 avant notre ère). Ci-dessus, vue d'ensemble, ci-après, deux panneaux d'un même mur vus de face
Source des images : https://www.metmuseum.org/toah/works-of-art/03.14.13a-g/, https://www.famedisud.it/sono-al-met-di-new-york-gli-spettacolari-affreschi-di-una-villa-romana-di-boscoreale/ et http://www.histoiredelantiquite.net/archeologie-romaine/la-peinture-murale-domestique-dans-la-rome-antique/
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Pour finir cette étape, les fresques réalisées autour de la chambre d'une autre villa détruite par l'éruption du Vésuve, à Boscoreale, une ville proche de Pompéi. Elle appartenait à Fannius Synistor, et ses fresques datent de 50 à 30 avant notre ère. Leur style fait partie du « 2e style pompéien » qui correspond aux fresques réalisées approximativement entre 80 et 20 avant notre ère, à la toute fin de la phase naturaliste, le 3e style pompéien correspondant lui à la première étape de la phase suivante. Comme les fresques de la villa des Mystères, également du 2e style pompéien, les représentations de ces fresques sont divisées en panneaux séparés par de faux pilastres montés sur un soubassement en trompe-l'œil, et elles sont bordées en partie haute par une frise continue. À la différence de la villa des Mystères il ne s'agit pas de scènes avec des personnages mais de représentations d'architectures extérieures et de paysages extérieurs.
L'effet d'intérieur/extérieur qui rend compte de la relation entre les deux notions est spécialement évident : on est dans une chambre, et donc matériellement à l'intérieur d'une pièce seulement munie d'une petite fenêtre, mais les paysages d'architecture peints sur les murs suggèrent à notre esprit que l'on est dans un espace extérieur puisque tout est fait pour donner l'impression que les fausses colonnes qui ponctuent la fresque sont des portiques qui ouvrent sur différents paysages extérieurs.
La notion de matière est portée par un effet de continu/coupé : bien entendu on retrouve le rôle des fausses colonnes qui divisent la fresque qui se continue derrière elles, tout comme on retrouve l'impression que l'espace évoqué par les fresques est continu avec l'espace de la pièce où l'on se trouve tout en étant coupé de lui par le décalage du niveau des sols, celui des paysages extérieurs commençant au-dessus du soubassement peint sur les murs. Au premier plan, posés sur la fausse estrade sur laquelle sont posées les fausses colonnes, des fruits ou des plantes, peints de façon très réaliste, donnent l'impression que l'on pourrait les prendre ou les toucher, renforçant ainsi l'impression que le volume de la pièce que l'on occupe se prolonge dans l'espace représenté par les fresques. Plus importante toutefois pour cet effet est l'organisation des perspectives utilisées pour représenter les bâtiments : la partie centrale de chacun des murs principaux comporte une vue symétrique de bâtiments semblables disposés de part et d'autre d'un portique central fait de deux hautes colonnes rouges, au pied de ce portique se développe une espèce d'alcôve aux murs peints en rouge, et tous les bâtiments représentés, aussi bien cette alcôve que les bâtiments situés au-delà des colonnes rouges, respectent un point de fuite unique situé dans l'axe de leur couple. À côté de cette vue unique « en trois parties », en extrémité du mur, on trouve une autre vue d'architecture dont le centre est occupé par une construction ronde à colonnade entourée par une cour rectangulaire à colonnade et dont la vision est cadrée par une espèce de portique très ouvert en premier plan. Cette fois encore, toute l'architecture représentée sur cette partie de la fresque s'organise selon un point de fuite central, et l'on peut faire ainsi tout le tour de la pièce, passant d'un espace symétrique orienté vers un point de fuite central à un autre espace symétrique orienté vers un autre point de fuite central, etc., etc.
Toutes ces vues qui se succèdent sont donc autonomes puisqu'elles ont chacune leur propre point de fuite perspectif, et ces points de fuite sont incompatibles puisque notre regard ne peut pas être simultanément axé vers diverses directions. Matériellement, c'est-à-dire si l'on s'attache à la réalité matérielle que représentent ces architectures, il s'agit donc d'une suite de 1+1 vues incompatibles qui ne peuvent pas correspondre à un même espace global unifié. Cette décomposition en 1+1 vues s'accorde avec l'effet de continu/coupé qui rend compte de la notion de matière puisqu'on peut dire que l'apparence matérielle de ces architectures est continue dès lors qu'elle se poursuit sans interruption tout autour de la pièce, et qu'elle est aussi coupée en étapes dès lors que chacune de ces étapes correspond à un point de vue indépendant de celui des fresques voisines. Toutefois, cette continuité de la représentation de l'apparence matérielle d'architectures découpée en de multiples centres perspectifs indépendants s'accorde aussi à une lecture du type 1/x puisqu'on a ainsi affaire à une unique frise d'architectures qui contient de multiples points de vue. À la dernière étape, et très normalement, la matérialité du paysage architectural représenté relève donc du type 1/x en plus du type 1+1, ce qui signale la maturité acquise du caractère global de la notion de matière.
Bien entendu, la notion d'esprit fait aussi la preuve de son caractère 1/x maintenant ancien : du fait de la continuité des paysages représentés, de la compatibilité entre elles des hauteurs des différents bâtiments représentés, de la régularité du retour de bâtiments semblables et de la multi-symétrie d'ensemble de la fresque, du fait aussi du dispositif de soubassement continu et de la frise haute qui se continue tout autour de la pièce, si notre esprit néglige les incompatibilités matérielles entre les différentes perspectives et qu'il ne s'intéresse qu'à l'organisation plastique plane de la fresque, il peut ressentir facilement que ses diverses vues indépendantes sont liées les unes aux autres comme autant de parties d'une fresque unitaire continue, ce qui correspond donc à une lecture du type 1/x mais aussi l'effet de lié/indépendant qui porte la notion d'esprit à cette étape.
On examine maintenant les autres effets plastiques. Celui qui apparaît d'emblée est l'effet d'intérieur/extérieur, déjà envisagé. La forme se répand par un effet d'un/multiple, un effet déjà envisagé aussi lorsqu'on a souligné la lecture en 1/x des paysages représentés. La forme s'organise par un effet de regroupement réussi/raté : toutes les fresques sont regroupées dans une continuité de portiques, de bâtiments et de paysages qui fait le tour de nous, mais les différentes vues représentées échouent à s'organiser en une vue unique crédible du fait de l'incompatibilité de leurs points de fuite respectifs. L'effet qui résume les précédents est celui de fait/défait : l'unité de l'espace où l'on se trouve avec l'espace suggéré tout autour de la pièce par les fausses architectures est bien faite puisqu'on ressent cette unité, mais on peut également dire qu'elle est défaite par le décalage entre le sol de la pièce et le sol des scènes extérieures représentées, car ce décalage apparaît clairement comme un artifice, un trompe-l'œil qui nous rappelle que les scènes extérieures sont seulement des peintures imitant la réalité. Et l'on peut aussi dire à nouveau que la continuité fictive des paysages représentés est faite, mais qu'elle est défaite par l'incompatibilité de ses différents points de fuite.
17.1.3. Les cinq étapes de l'évolution de la sculpture dans l'ontologie naturaliste additive gréco-latine :
La première étape du naturalisme gréco-latin :
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Cheval en bronze de l'époque géométrique de l'art grec (vers 750/700 avant notre ère)
Source de l'image : https://www.metmuseum.org/art/collection/search/130011538 |
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Du VIIIe siècle avant notre ère datent de nombreux chevaux en bronze réalisés en Grèce et ressemblant plus ou moins à celui-ci.
Autant son avant-train et son arrière-train évoquent de façon assez réaliste l'apparence matérielle d'un cheval, autant le tube très mince qui relie ces deux parties de l'animal n'a rien à voir avec l'apparence matérielle d'un dos, d'un flanc et d'un ventre de cheval. Ces deux parties s'ajoutent donc en 1+1, sans produire par leur réunion l'apparence matérielle d'un véritable cheval. L'effet de ça se suit/sans se suivre qui porte à cette étape la notion de matière correspond à cette anomalie de l'aspect matériel de l'animal : l'arrière-train suit bien l'avant-train, mais l'absence du ventre, du dos et des flancs qui devraient se trouver entre ces deux parties fait qu'elles ne se suivent pas selon la transition anatomique attendue.
Si l'on néglige la réalité matérielle de ce qu'est un cheval et que l'on s'attache seulement à l'entité plastique proposée à la perception de notre esprit, on lit qu'il s'agit d'une forme unitaire continue que l'on peut facilement scinder visuellement en deux parties bien distinctes, ce qui relève d'une lecture en 1/x. Sous cet aspect de simple forme plastique, l'effet d'homogène/hétérogène qui porte la notion d'esprit est spécialement présent : cette forme est réalisée de façon continue dans un matériau homogène et à l'aspect de surface homogène, mais elle est faite de morceaux aux volumes très hétérogènes entre eux, parfois bien arrondis, parfois presque plans, parfois cylindriques. Si l'on considère cette fois la découpe de ces formes, on constate qu'elle est parfois réalisée par de longues courbes tendues et homogènes, et parfois marquée par de brusques zigzags (au niveau des genoux), ou encore par de brusques protubérances (le museau, les oreilles, le sexe) qui sont autant d'hétérogénéité qui cassent l'homogénéité de cette découpe.
Très normalement pour une étape de la phase naturaliste, cette forme montre diverses parties de l'aspect matériel d'un cheval qui cherchent à affirmer leur autonomie en se distinguant clairement l'une de l'autre tout en manifestant leur volonté de se rassembler dans un même corps global, et ici c'est le tube qui relie l'avant-train et l'arrière-train du cheval qui manifeste cette volonté. Très normalement aussi, pour correspondre au caractère additif des deux notions, l'effet qui porte les aspects matériels utilise des particularités des formes qui sont différentes de celles utilisées par l'effet qui porte la notion d'esprit : le ça se suit/sans se suivre utilise les anomalies anatomiques impliquées par un cheval aussi bizarre tandis que l'homogène/hétérogène utilise des aspects purement plastiques, tels que l'unité du matériau, l'aspect lisse de certaines surfaces ou la brutalité des décrochements qui dessinent les genoux.
L'effet qui prend en charge la relation entre les deux notions est celui d'intérieur/extérieur, un effet que l'on peut ressentir de deux façons. D'une part, l'absence de la partie centrale du corps de l'animal permet que la totalité de l'extérieur de son avant-train soit bien repérable à l'intérieur de son corps, et la même chose vaut pour la totalité de l'extérieur de son arrière-train. D'autre part, toujours du fait de l'absence de son ventre et de ses flancs, des parties qui devraient correspondre au volume le plus important du cheval, on a clairement l'impression que l'air extérieur traverse l'intérieur de l'animal de part en part pour le couper en deux.
À la première étape, l'effet qui saute d'emblée aux yeux est celui de fait/défait : on voit bien qu'est faite la représentation d'un cheval, mais ce cheval est complètement défait par l'absence de son ventre et de son dos. D'autres anomalies se repèrent également d'emblée, telle que l'inversion du sens de décalage des genoux entre les pattes avant et les pattes arrière, ou telle que l'aspect anormalement plan de son encolure et le bizarre aspect en trompette de son museau. La forme se répand par un effet de relié/détaché : l'avant-train et l'arrière-train sont bien détachés l'un de l'autre du fait de l'absence du ventre, mais ils sont reliés par le tube qui les sépare. La forme s'organise par un effet de centre/à la périphérie qui correspond au balancement visuel que nous faisons constamment entre la perception simultanée des deux extrémités de l'animal et la perception de son centre vide où manque le ventre, les flancs et le dos. Cet effet joue aussi de notre déstabilisation face à un animal auquel manque la partie centrale du corps. Enfin, ces trois effets sont résumés par celui d'entraîné/retenu : cette forme nous entraîne à lire qu'elle représente un cheval, mais nous en sommes retenus lorsque nous constatons les anomalies importantes qui l'affectent.
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La Dame d’Auxerre, exemple de sculpture de l'époque dédalique (vers 650/600 avant notre ère). À gauche, une reconstitution en plâtre peint Sources des images : https://lesavoirperdudesanciens.com/2018/06/la-dame-dauxerre-quelle-est-lhistoire-derriere-son-sourire-archaique/ et https://www.wikiwand.com/fr/Style_d%C3%A9dalique |
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« La Dame d'Auxerre » est ainsi qualifiée parce qu'elle appartenait au musée d'Auxerre lorsque son importance pour l'art grec dit « dédalique » a été reconnue, un style qui porte le nom de Daedalus car cet artisan légendaire est réputé avoir été le premier sculpteur. Par comparaison avec des statues analogues, il est estimé qu'elle a été réalisée en Crète dans la deuxième moitié du VIIe siècle avant notre ère. De 65 cm de haut elle est de petite taille, mais elle sera pour nous le point de départ de toutes les statues en pied dont on verra l'évolution dans les étapes suivantes. À côté de son état actuel, on en donne une reconstitution en plâtre, peinte de façon probablement assez similaire à son état initial.
Cette statue ressemble certainement plus à une femme que la sculpture précédente ressemble à un cheval, mais sa raideur la distingue certainement des formes souples d'un corps humain véritable. Cette raideur nous empêche de nous projeter imaginairement sur sa forme et de ressentir par analogie, dans notre propre corps, l'articulation de ses différents membres. Face a une telle statue, notre esprit se dit qu'il s'agit bien de la représentation d'un personnage entier, divisible dans les multiples parties que sont sa tête, ses cheveux, ses bras, ses mains, son torse, sa ceinture, sa longue jupe et ses pieds qui en dépassent, et donc qu'il s'agit d'une réalité du type 1/x, mais de son côté notre corps ne parvient pas à ressentir globalement la matérialité du corps de cette statue : sa jupe est trop droite et tombe avec trop de régularité pour que l'on ressente la présence de jambes et d'un bassin humain en dessous, les bras sont trop raides et la main levée est trop grande et avec des doigts trop rigides pour que l'on ressente qu'il y a bien ici l'articulation d'un coude et la présence d'une main articulée comme le sont les nôtres, les cheveux tombent de façon trop rigide pour que l'on y ressente la souplesse que l'on attend de véritables cheveux, même s'ils sont soigneusement peignés, et le visage est également trop figé pour qu'on y ressente la vivacité d'un véritable visage. Finalement, à défaut de reconnaître dans cette statue la matérialité d'un véritable corps global articulé comme le suggère pourtant notre esprit, notre corps ne la ressent que comme un assemblage de différentes formes matérielles s'ajoutant les unes aux autres en 1+1.
Parce que cette addition en 1+1 des différentes parties de la statue s'accompagne de leur lecture unitaire en 1/x par l'esprit, et parce qu'il n'est question ici que de raideur excessive, elles ne sont pas aussi contradictoires entre elles que le sont les déformations de l'Égypte pharaonique : les torsions égyptiennes imposent de ressentir un corps humain morcelé en parties contradictoires tandis que la raideur des statues grecques archaïques implique seulement de renoncer à ressentir dans notre propre corps l'articulation entre ses différentes parties, et de lire plutôt dans ces statues, comme le permet notre esprit, des signes visuels qui rappellent la façon dont les corps humains sont organisés. Cette différence est normale, puisqu'en Grèce la notion d'esprit est déjà érigée en unité quand dans l'Égypte pharaonique elle n'avait pas ce statut et n'y exigeait donc pas de pouvoir commodément repérer le caractère 1/x d'un corps humain global.
Les différentes parties de la statue se suivent en continu mais ne se suivent donc pas comme on ressent que se suivent les différentes parties articulées d'un corps global, et par conséquent les aspects matériels relèvent à la fois du type 1+1 et de l'effet de ça se suit/sans se suivre. Quant à l'esprit qui lit en 1/x une statue globale divisible en multiples parties, s'il néglige ce que représentent matériellement ces différentes parties il peut visualiser comment elles se décomposent en surfaces parfois homogènes (longue surface lisse des côtés de la jupe, longue surface lisse des bras, répétition régulière des tresses de la chevelure, etc.), et en surfaces parfois hétérogènes (motifs irréguliers du devant et du bas de la jupe, contraste violent des couleurs, du moins si celles qui ont été utilisées pour la reconstitution sont dans l'esprit des pratiques de l'époque, ce qui est très plausible compte tenu de l'existence de statues dont la peinture a été conservée et des peintures résiduelles retrouvées sur certaines). C'est donc l'effet d'homogène/hétérogène qui porte la notion d'esprit.
Celui qui prend en charge la relation entre les deux notions est l'intérieur/extérieur : notre esprit nous informe que toutes les parties de la statue sont à l'intérieur d'une même représentation de femme, mais les sensations de notre corps refusent d'y lire un corps humain global articulé et la traite comme un ensemble de formes autonomes qui sont extérieures les unes pour les autres et qui s'assemblent seulement pour donner visuellement l'apparence d'un corps de femme.
La deuxième étape du naturalisme gréco-latin :
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Corè dite Héra de Samos (vers 570/560 avant notre ère)
Source de l'image : https://collections.louvre.fr/en/ark:/53355/cl010279000 |
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C'est avec un nouveau un corps de femme très raide que nous commençons la deuxième étape. Il s'agit d'une Corè, c'est-à-dire une statue votive féminine, dite Héra de Samos, qui date d'environ 570/560 avant notre ère. Ce que l'on a dit pour la Dame d'Auxerre à propos de sa raideur vaut de la même façon pour cette Corè et ne sera pas répété, nous examinerons seulement ses effets plastiques.
Pour ce qui concerne son apparence, malgré ses brisures il est certain que sa ressemblance avec l'apparence matérielle d'une véritable femme est nettement améliorée par rapport à l'étape précédente, et la similitude de leurs attitudes aide d'ailleurs à bien repérer l'évolution intervenue. Si ce n'était sa raideur qui fige sa posture de façon non naturelle, l'apparence de cette statue est homogène avec l'apparence d'une femme normale, et c'est précisément cette homogénéité qui fait apparaître excessive sa raideur qui nous semble une hétérogénéité différenciant son apparence de celle d'une femme normale. À cette étape, ce sont donc les aspects matériels, c'est-à-dire l'identification possible de cette statue à l'apparence matérielle d'un corps humain, qui héritent de l'effet d'homogène/hétérogène.
Si l'on néglige de se référer à la matérialité de ce qui est représenté et que l'on s'intéresse seulement aux effets plastiques que peut repérer notre esprit, cette fois c'est l'effet de rassemblé/séparé qui est spécialement présent : la statue est globalement rassemblée dans une continuité compacte que sépare en deux le brutal décalage entre l'étoffe qui recouvre le torse et l'étoffe de la jupe ; la nudité lisse du bras fermement rassemblé contre le corps permet de bien le séparer visuellement du tissu plissé sur le fond duquel il se détache ; que ce soit l'espèce de châle qui lui recouvre la poitrine ou la jupe qui recouvre son bassin et ses jambes, chaque fois il s'agit d'un tissu rayé par de nombreux plis très serrés, des plis qui sont donc visuellement séparés tout en étant rassemblés dans une même continuité plissée ; quant aux doigts de pied, ils sont des formes bien séparées les unes des autres rassemblées en deux groupes symétriques, et l'ensemble de ces deux groupes est rassemblé dans une forme d'évasement qui se sépare très nettement de l'évasement du bas de la jupe.
Comme le veut la situation additive des notions de matière et d'esprit, l'effet d'homogène/hétérogène porté par les aspects matériels et l'effet de rassemblé/séparé des dispositions captivant notre esprit utilisent des aspects très différents des formes : leur relatif réalisme anatomique pour le premier, des effets purement plastiques pour le second.
À la deuxième étape, l'effet qui prend en charge la relation entre les deux notions est le continu/coupé : la forme matérielle de la statue est celle d'un grand fuseau continu dont notre esprit repère qu'il est coupé en son milieu par un net décalage de surface ; la surface matérielle plissée se continue avec régularité, mais notre esprit remarque qu'elle change brutalement de sens et de largeur de plis à l'endroit où se séparent les deux parties du vêtement, et aussi qu'elle se coupe brutalement au niveau de l'avant-bras collé contre le bassin de la femme et au niveau des pieds ; notre esprit est sensible à la continuité du bras raidi contre le corps qui descend depuis l'épaule, mais sa matière s'interrompt brutalement au niveau de la main fermée, se coupe brutalement au niveau de la main.
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Kouros de Sounion (vers 600/580 avant notre ère)
Source de l'image : https://www.wikiwand.com/fr/Kouros_de_Sounion |
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Après une Corè, un Kouros, l'équivalent masculin de ce type de sculpture. Celui de Sounion date approximativement de 600 à 580 avant notre ère. On y retrouve la même raideur, laquelle ne résulte pas d'une quelconque maladresse « archaïque » en comparaison des sculptures de l'époque classique, mais d'une intention délibérée de l'artiste de trouver un équilibre entre ce que son esprit considère l'apparence d'un corps humain rassemblant en unité l'ensemble de ses parties et ce qu'il ressent de la matérialité de sa statue : comme on l'a évoqué pour les statues précédentes, celle-ci doit être suffisamment raide pour que l'on ne sente pas passer entre ses différentes parties des articulations souples qui les mettraient en relation comme le sont les membres d'un corps humain afin qu'elle ne reste qu'une addition de pieds, de jambes, d'un torse, de bras et d'une tête.
Si bien des aspects de cette statue sont homogènes à l'apparence matérielle d'un véritable corps humain masculin, cette homogénéité est toutefois contrariée de place en place par des détails hétérogènes à cette apparence et qui sont précisément ce qui lui donne une apparence trop raide : une absence totale de flexion au niveau des genoux malgré le décalage des jambes, ce qui implique que la jambe avancée est plus longue que la jambe verticale, et aussi un manque d'articulation souple entre le bras et l'avant-bras. Indépendamment de l'effet de raideur, les rotules et ses muscles voisins ont des reliefs bizarrement très accentués, et à l'inverse celui des côtes et des muscles abdominaux ont l'aspect de tracés nets qui ne correspondent pas à la progressivité attendue pour les modifications de leur volume. Autant d'hétérogénéités par rapport à l'aspect normal d'un humain qui valent aussi pour les yeux qui forment une grosse masse globulaire dans laquelle les paupières se différencient des globes oculaires par un simple trait arrondi au lieu d'un net échelonnement de leurs plans dans la profondeur. Au total, les aspects matériels s'affirment donc ici par des effets d'homogène/hétérogène.
Comme on l'a vu avec la Corè, si l'on ne tient pas compte du fait que cette statue est censée représenter l'apparence matérielle d'un humain et que notre esprit ne s'attache qu'aux jeux plastiques produits par ses formes, c'est alors à l'effet de rassemblé/séparé que nous avons affaire. L'apparence des rotules intervient à nouveau : leur surface est rassemblée en continu avec la surface des jambes, mais les profonds sillons creusés autour d'elles les en séparent nettement, et cela tandis que leur affirmation visuelle très excessive nous force à rassembler visuellement les deux rotules pourtant bien séparées sur des jambes clairement écartées l'une de l'autre. La solution inverse utilisée pour le thorax et les yeux a le même résultat : la surface du thorax est rassemblée dans une continuité lisse tandis que les légers sillons dessinant le bas de la cage thoracique et les abdominaux séparent cette surface en multiples tronçons, tout comme le rassemblement des globes oculaires sur la même surface que celui des paupières est séparé en plusieurs parties par le tracé courbe qui dessine le contour des yeux. De la chevelure également on peut dire qu'elle rassemble en multiples files accolées les boules séparées qui forment chaque cran de sa coiffure, et de façon générale la nudité du Kouros permet de bien ressentir que tous ses membres sont rassemblés dans une même unité corporelle en même temps que quelques détails aident à repérer leurs séparations : le bras légèrement décollé du corps, le pli de l'aine bien marqué qui sépare les cuisses du tronc, le pli des seins qui sépare le bas et le haut de la poitrine, les deux jambes bien séparées l'une de l'autre par l'effet d'un pas en avant, et à nouveau la coupure des genoux qui rompt la continuité des jambes en séparant visuellement les tibias des cuisses.
L'effet qui prend en charge la relation entre les deux notions est le continu/coupé : tous les effets d'homogène/hétérogène et de rassemblé/séparé que l'on vient de décrire peuvent aussi bien se lire comme des effets de continu/coupé puisque notre esprit est spécialement attentif aux coupures visuelles qui se produisent dans la continuité matérielle des formes de la sculpture.
À la deuxième étape, l'effet qui apparaît d'emblée est l'effet d'ensemble/autonomie : toutes les anomalies corporelles que l'on a détaillées (les rotules trop saillantes, le torse trop lisse, les yeux trop globuleux, les bras trop tendus, les jambes trop raides, etc.) sont autant d'effets locaux autonomes qui génèrent ensemble l'allure anormalement rigide et anatomiquement bizarre du personnage. La forme se répand par des effets d'ouvert/fermé qui peuvent être rattachés aux effets de continu/coupé que l'on a décrits : le parcours de notre regard est ouvert puisqu'il peut circuler librement sur toute la surface lisse de la statue, mais il est arrêté à tous les endroits qui coupent visuellement cette continuité et qui tendent ainsi à fermer localement son parcours. La forme s'organise par des effets de ça se suit/sans se suivre puisqu'elle suit l'apparence d'un véritable humain sans la suivre du fait des anomalies que l'on a listées, et toute sa surface se suit en continu tout en ne se suivant pas vraiment à cause de toutes les coupures dans sa continuité que l'on a décrites. Ces trois effets sont résumés par un effet d'homogène/hétérogène dont on a déjà traité.
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Lutteurs, sculpture en marbre d'Athènes (510 avant notre ère)
Source de l'image : https://www.arretetonchar.fr/11-sculpture-grecque-archa%C3%AFque/ |
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Pour en finir avec cette étape, un exemple de sculpture athénienne en bas-relief qui représente des lutteurs et date d'environ 510 avant notre ère. L'artiste y a spécialement renoncé à donner l'apparence de corps humains bien articulés en une unité globale sur laquelle nous pourrions projeter l'unité ressentie de notre propre corps, et le résultat en est que chacun des lutteurs apparaît comme l'addition de membres qui ne vont pas vraiment ensemble.
C'est notamment sensible pour ce qui concerne les bras, celui à l'arrière-plan du lutteur de gauche semblant s'implanter sur le biceps de son bras droit, et le bras situé en arrière-plan du lutteur de droite semblant démarrer sur son thorax, ou même n'avoir aucune attache sur son corps. On ne peut pas attribuer ces impressions au procédé du haut-relief, car à l'étape suivante, avec « Niké délaçant sa chaussure », on verra que ce procédé n'empêche pas de donner l'impression d'un corps dont toutes les parties sont bien articulées entre elles et de façon réaliste. Sur cette sculpture, ce que l'on a dit pour les rotules du Kouros vaut pour tous les muscles qui forment des nodules bien détachés du reste du volume, tel qu'il en va pour les mollets et les abdominaux. Certes, la musculature propre à des athlètes se prête à une telle mise en évidence de chacun des groupes de muscles, mais ce n'est pas une raison suffisante pour transformer leur corps en une combinaison alternée d'aplats et de boules, et cette façon de traiter les muscles de façon aussi saillante n'est d'ailleurs pas sans rappeler les bas-reliefs assyriens des IXe et VIIIe siècles avant notre ère que nous envisagerons dans un chapitre ultérieur.
La troisième étape du naturalisme gréco-latin :
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Sculptures de l'Acropole d'Athènes, Grèce. À gauche, Niké délaçant sa chaussure, du temple d'Athéna Niké (vers 420/410 avant notre ère) - ci-dessus, trois déesses sculptées peut-être par Agoracritos, à l'extrémité nord du fronton est du Parthénon (vers 447/433 avant notre ère)
source des images : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:ACMA_973_Nikè_sandale_3.JPG et http://commons.wikimedia.org/wiki/File:East_pediment_KLM_Parthenon_BM.jpg |
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La troisième étape est celle de la période classique de la Grèce. Deux sculptures du Parthénon nous servirons d'exemple : celle en haut-relief de Niké délaçant sa chaussure, sculptée vers 420/410 avant notre ère pour le temple d'Athéna Niké, et trois déesses sculptées en ronde-bosse vers 447/433 à l'extrémité nord du fronton est du Parthénon. Le style de ces dernières est très proche de celui des cariatides de l'Érechthéion dont une photographie a été donnée à l'occasion du chapitre consacré l'architecture.
Les plis des vêtements ont une importance considérable dans ces sculptures dont le drapé semble peser énormément lourd. Il est habituel d'appeler cette technique le « drapé mouillé », car elle donne l'impression que les tissus qui recouvrent les corps sont mouillés, qu'ils collent à la peau sur certaines surfaces où ils laissent deviner l'anatomie des déesses par contraste avec les parties où ils forment des plis bien saillants, parfois surabondants, qui dissimulent alors les détails de la surface des corps tout en magnifiant leurs propres volumes.
Ces sculptures nous donnent donc à voir deux aspects matériels concernant ces déesses : leurs corps que l'on devine parfois avec précision et parfois de façon plus vague, et d'autre part leurs vêtements qui tantôt leur collent à la peau et tantôt forment des paquets de plis dont le volume et l'aspect est très différent du corps qui les porte. Certes, on ne peut lire simultanément les corps des déesses qui se dressent dans l'espace et les lourds plis des étoffes qui les enveloppent et qui dégoulinent vers le bas, ce qui implique deux lectures décalées s'ajoutant en 1+1, mais tellement la matérialité des corps et la matérialité des draperies sont coordonnées pour se mettre mutuellement en valeur qu'il est difficile de ressentir qu'elles sont incompatibles et ne s'ajoutent qu'en 1+1 : elles se rassemblent aussi en unités globales au caractère 1/x en tant que « personnes féminines habillées d'un drapé mouillé ». Si l'on ne peut toutefois pas ressentir ces corps complètement figés dans l'immobilité comme on ressent la vie pulser dans notre propre corps, leur fluidité apparente et l'articulation de leurs différents membres ne donne cependant aucune impression de raideur incompatible avec la souplesse que l'on ressent pour notre propre corps, et c'est bien au contraire en projetant imaginairement notre corps sur celui de ces statues que l'on peut éprouver au mieux l'articulation de leurs volumes et comment chacune de leurs parties fait partie d'un corps global qui les rassemble en unité.
Dans l'architecture de la même étape, avec l'Érechthéion, on avait vu que les différentes masses matérielles s'additionnaient seulement en 1+1, s'efforçant presque de façon forcenée à ne pas faire ensemble un bâtiment au volume unitaire clairement lisible, mais dans l'architecture on est dans le domaine de la matière, c'est-à-dire dans un domaine où s'impose le ressenti de la matière, même si sa mise en forme est pensée par l'esprit. Dans la sculpture par contre, comme dans la peinture, on est dans le domaine de l'esprit, c'est-à-dire dans un domaine où l'esprit de l'artiste peut imposer à l'œuvre d'apparaître telle que son esprit souhaite qu'elle apparaisse, et ce que l'on voit avec ces statues c'est qu'à la troisième étape la progression du rassemblement des divers aspects matériels en notion globale est suffisamment avancée pour que l'esprit de l'artiste puisse se laisser aller à sculpter une forme matérielle fusionnant franchement en 1/x ses différentes parties malgré son ressenti en 1+1 de la matière qu'il sculpte.
À la troisième étape, les aspects matériels sont portés par un effet de rassemblé/séparé, lequel correspond à ce que l'on a dit concernant les corps des déesses et leurs vêtements, clairement distincts mais également clairement réunis dans un effet de « drapé mouillé ». Il vaut aussi isolément pour chacune de ces deux matérialités : l'apparence matérielle de chaque corps de déesse apparaît bien regroupée dans un corps global mais les parties qui restent bien visibles sous l'étoffe de l'habit sont bien séparées des parties qui sont cachées sous les plis épais de cette étoffe, et symétriquement le rassemblement dans une unité bien lisible de chaque habit va de pair avec sa séparation en différents blocs de plis, lesquels rassemblent d'ailleurs eux-mêmes différents plis bien séparés visuellement les uns des autres.
Les jeux plastiques qui captivent notre esprit s'appuient sur d'autres aspects des formes et correspondent à des effets de synchronisé/incommensurable qui s'expriment de deux façons différentes. D'une part, il y a la synchronisation évidente que l'on ressent entre le volume du corps des déesses et le volume des vêtements qui les enveloppent, bien que la façon dont on perçoit ces corps, par analogie avec le ressenti de notre propre corps, est incommensurable avec la façon dont on déchiffre le volume des vêtements, cette fois par la lecture des vagues de plissements qu'ils forment, très autonomes du corps qu'elles recouvrent et allant très souvent selon des directions biaises par rapport au sens dans lequel se développent et s'allongent les membres des déesses. Et d'autre part ces plis des vêtements provoquent par eux-mêmes un effet de synchronisé/incommen-surable, car si l'on voit bien qu'ils se synchronisent pour s'adapter au volume du corps des déesses, il n'en reste pas moins qu'ils se déroulent selon des directions très complexes, multiples et souvent croisées à l'intérieur d'un même vêtement, des directions qui, pour notre perception, sont donc incommensurables entre elles.
L'effet qui prend en charge la relation entre les deux notions est le lié/indépendant : il est évident que le corps de chaque déesse et son vêtement forment deux réalités qui sont matériellement liées l'une à l'autre, puisque collées l'une à l'autre sur de grandes surfaces, mais deux réalités que notre esprit ressent comme indépendantes l'une de l'autre tellement c'est en toute indépendance par rapport au volume du corps des déesses que les amples plis des toges se regroupent localement, ou qu'ils se resserrent ou se détendent. Cet effet vaut aussi pour les vêtements considérés séparément, car chacun est formé d'un tissu dont toutes les surfaces sont nécessairement liées dans une même continuité matérielle tandis que notre esprit repère que leurs plis forment divers amoncellements autonomes par leurs types et par leurs directions, des amoncellements qui ont également un aspect très indépendant de celui des surfaces peu plissées, voire non plissées. Enfin, pour ce qui concerne les trois déesses regroupées dans la forme triangulaire laissée par l'extrémité du fronton où elles sont installées, on peut dire qu'elles sont matériellement liées ensemble dans un même groupe de figures triangulaire mais que notre esprit les considère très autonomes les unes des autres, notamment du fait de leurs attitudes : l'une est assise, l'autre accroupie, la dernière allongée.
L'analyse des autres effets plastiques peut être réalisée rapidement car ils correspondent presque tous à ceux que l'on vient d'envisager : celui qui apparaît d'emblée est le rassemblé/séparé, la forme se répand par un effet de synchronisé incommensurable et l'effet qui résume les trois autres est le lié/indépendant.
Il ne reste à traiter que l'effet de continu/coupé par lequel la forme s'organise. Pour ce qui concerne les trois déesses, elles sont rassemblées dans un groupe au volume continu, d'autant plus si l'on imagine la présence des bras qui sont maintenant cassés, mais ce volume est coupé en trois personnages bien distincts les uns des autres. Sur chacune des déesses le vêtement est ce qui donne l'occasion à l'effet de continu/coupé de s'organiser dans toutes les directions : ils font des effets de plissements qui se continuent sur toute la surface alors que chaque pli est nécessairement continu dans un sens et coupé des autres dans le sens croisé, et alors que, notamment pour ce qui concerne le groupe des trois déesses, l'écoulement des plis est plusieurs fois coupé par des changements de direction puisque l'étoffe qui tombe vers le bas se poursuit par des plissements horizontaux ou obliques. Enfin, spécialement cette fois pour ce qui concerne la Niké, on devine la continuité de son corps malgré les coupures répétées que font les plis de l'étoffe à sa surface.
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L'un des deux guerriers en bronze dits « de Riace » (Grèce, vers 460 AEC)
Source de l'image : https://www.panoramadelart.com/bronze-riace |
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Peut-être jetées d'un bateau pour l'alléger et éviter son naufrage, deux très grandes statues de guerriers en bronze ont été retrouvées au large de la ville de Riace, en Calabre, réalisées en Grèce vers 460 avant notre ère pour l'une, vers 430 pour l'autre. Il manque leur lance ou leur épée dans la main droite et leur bouclier sur le bras gauche dont il ne reste que le brassard de fixation. Leur abandon en mer a permis qu'elles soient conservées et qu'elles n'aient pas été fondues pour en récupérer le métal comme tant de statues en bronze de cette époque.
Ces guerriers étant complètement nus, rien ne fonctionne pour eux de ce qui a été dit concernant le dialogue entre le corps des déesses et leur vêtement. D'emblée, on saisit qu'il s'agit d'un corps masculin dont toutes les parties sont articulées entre elles par une cohérence squelettique et musculaire globale, exactement comme nous ressentons les différentes parties de notre corps. Rien ne subsiste plus de la raideur du kouros de l'étape précédente. Désormais, et comme il en sera pour la plupart des statues en pied des siècles suivants, le poids du corps est porté par une seule jambe tandis que l'autre, légèrement fléchie, s'avance ou se recule librement et en souplesse. Un déhanchement du torse amortit la dissymétrie impliquée par cette attitude, et usuellement cette caractéristique est dénommée contrapposto, ou hanchement.
Cependant, toute anomalie n'a pas disparu de cette statue, son matériau en bronze et sa très grande taille, de l'ordre de 2 m, plus grande que celle d'un humain courant, rendent ce corps en partie étranger à ce que nous ressentons être un corps humain. Ce n'est donc pas à l'intérieur même du corps représenté qu'il existe des anomalies matérielles, son étrangeté résulte de sa comparaison avec notre corps propre : un si grand personnage, en matériau métallique, figé dans une bizarre immobilité et dans un geste comme suspendu que nous serions bien incapables de maintenir plus que quelques instants, en voilà suffisamment pour que nous ne ressentions pas que le corps de ce guerrier et notre propre corps fait de chair et d'os forment un couple aux propriétés similaires, mais qu'ils sont deux réalités s'ajoutant en 1+1 matérialités étrangères. Et cela, bien sûr, malgré notre esprit qui reconnaît dans les formes de cette statue la forme idéalement attendue dans cette société pour celle d'un corps humain masculin.
Comme pour les déesses, les aspects matériels sont ici portés par un effet de rassemblé/séparé : l'apparence matérielle de notre corps et celle de la statue en bronze sont rassemblées quant aux dispositions et aux proportions de leurs volumes, mais elles sont séparées par leurs tailles, par leurs matériaux et par l'impossibilité pour le guerrier de prolonger son pas en avant. Ces deux apparences sont synchronisées pour notre esprit qui les considère pourtant comme deux réalités complètement autonomes l'une de l'autre, et donc incommensurables : l'effet de synchronisé/incommensurable porte ici la notion d'esprit. L'effet de lié/indépendant rend compte de la relation entre les deux notions : ces deux réalités sont indépendantes l'une de l'autre pour notre esprit bien qu'elles soient liées par leur ressemblance matérielle. Enfin, on peut constater qu'il y a une continuité d'apparence entre notre corps fait de chair et celui du guerrier fait de bronze, mais que ces deux réalités sont complètement coupées l'une de l'autre du fait de leur différence de nature.
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L'Aurige Vainqueur, consacré au sanctuaire d'Apolon de Delphes (Grèce, vers 476 avant)
source de l'image : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Delphi_charioteer_front_DSC06255.JPG |
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Pour terminer cette étape, « l'Aurige Vainqueur », une statue en bronze réalisée approximativement à la même époque, vers 476 avant notre ère. Sa raideur, celle de son corps aux bras crispés tout comme celle de ses vêtements trop régulièrement plissés sur la partie haute et trop longuement uniforme sur sa trop longue partie basse, le rend très différent du guerrier de Riace. Cette statue rappelle que, à cette étape, les aspects matériels sont toujours ressentis comme s'ajoutant en 1+1, qu'ils ne se rassemblent pas encore pleinement dans une unité globale permettant de ressentir en unités globales les corps humains imaginaires mis en forme dans les statues.
Dans cet Aurige Vainqueur, l'esprit de l'artiste ne s'est pas laissé aller complètement à son désir d'organiser les formes de telle sorte qu'elles se lisent en 1/x, il a aussi laissé parler en lui son ressenti que la réalité matérielle de ce corps imaginaire d'un conducteur de char ne pouvait pas être parfaitement articulée comme le serait un corps souple réel faisant fonctionner toutes ses parties dans une même unité fonctionnelle.
La quatrième étape du naturalisme gréco-latin :
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Mausole ? L'une des statues du mausolée d'Halicarnasse, Bodrum, Turquie (vers 350 avant notre ère)
Source de l'image : https://www.wikiwand.com/fr/Mausole |
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La quatrième étape correspond approximativement au IVe siècle avant notre ère. De cette époque datent des statues de personnages masculins complètement dénudés assez semblables au guerrier de Riace envisagé à l'étape précédente, tel l'Éphèbe d'Anticythère ou l'Éphèbe de Marathon, mais ces statues ne montrent pas d'évolution suffisamment caractéristique pour mériter ici une analyse. On préfère commencer par un personnage tout habillé, assez caractéristique des statues en marbre de cette époque et dans laquelle certains croient voir une représentation du satrape Mausole dont le nom est à l'origine du terme de mausolée. Cette statue a d'ailleurs été réalisée pour son mausolée, à Halicarnasse, aujourd'hui Bodrum en Turquie, et on peut donc la dater de 350 approximativement avant notre ère.
Cette fois encore, l'esprit du sculpteur l'emporte sur son ressenti des aspects de la matière. Ceux-ci ne sont pas encore parfaitement regroupés en notion globale, mais il est déjà possible de laisser l'esprit organiser la sculpture comme une entité globale clairement divisée en multiples parties car la matière est elle-même déjà proche d'acquérir le statut d'unité globale.
Ici, les aspects matériels du personnage sont essentiellement ceux qui correspondent à la forme de son vêtement. Celui-ci fait des plis lourds et amples se développant de manière complexe et selon des directions très variées, parfois presque verticales, parfois obliques, parfois presque horizontales, parfois très arrondies et parfois très droites, souvent très dissymétriques mais aussi parfois symétriques comme il en va sur sa poitrine. Ces mouvements sont à la fois très complexes et bien coordonnés pour se rassembler dans la forme d'un personnage, ils correspondent donc à l'effet de synchronisé/incommensurable qui rend compte à cette étape des aspects matériels.
Si l'on oublie ces aspects matériels et que l'on ne tient pas compte du fait qu'il s'agit de lourdes étoffes enroulées autour d'un corps humain, notre esprit y voit une suite continue de plis coupés les uns des autres, la présence des uns interrompant, et donc coupant, le trajet des autres : l'effet de continu/coupé porte la notion d'esprit, et ce que l'on a dit de cet effet concernant les toges des trois déesses du Parthénon vaut de la même façon pour les plis de la toge de cette statue.
Comme le veut la situation additive des deux notions, l'effet de synchronisé/incommensurable et celui de continu/coupé s'appuient sur des aspects différents des formes : la complexité de leurs évolutions pour l'un, leurs contrariétés réciproques pour l'autre.
À la quatrième étape, c'est l'effet de même/différent qui rend compte de la relation entre les deux notions : c'est le même motif de plissements qui recouvre matériellement toute la statue, mais notre esprit repère qu'ils sont tous différents d'un endroit à l'autre. On peut également faire valoir qu'un même vêtement est matériellement fabriqué par la réunion de différents plissements que notre esprit distingue les uns des autres.
Cet effet de même/différent est aussi celui qui apparaît d'emblée. La forme se répand par un effet d'intérieur/extérieur : puisque les différentes parties de l'étoffe se recouvrent plus ou moins et s'enfoncent plus ou moins les unes sous les autres, chaque pièce de tissu a une partie qui est en situation extérieure et une autre partie qui est en situation intérieure. Cet effet s'appuie aussi sur le fait que les directions très différentes prises par les différents plissements font qu'ils sont bien distinguables les uns des autres, et qu'ainsi on voit bien l'extérieur de la partie apparente de chaque plissement à l'intérieur de l'ensemble de la surface plissée. La forme s'organise par un effet d'un/multiple, évidemment obtenu par l'effet d'unité engendré par l'emploi répété de plissements eux-mêmes divisés en multiples groupes de plis, certains étant d'ailleurs eux-mêmes divisés en multiples plis élémentaires, tel qu'il en va pour les plissements qui occupent le devant de l'abdomen. Enfin, ces trois effets sont résumés par celui de regroupement réussi/raté : toute la surface de la statue est regroupée dans un effet de plissements, mais certaines surfaces échappent à cet effet, tel le visage, les sandales, le bas de la toge, et peut-être une partie des bras et des mains qui ont aujourd'hui disparu. Cet effet s'exprime aussi dans le fait que le regroupement de toutes les surfaces plissées dans une continuité parfaite n'empêche pas que chaque partie des plissements de la toge garde son originalité qui la distingue des autres, et donc que tous ces plissements ne se regroupent pas dans une continuité uniforme.
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Artémis (A) du Pirée, Grèce (vers 350 à 300 avant notre ère)
Source de l'image : https://www.wikiwand.com/en/Piraeus_Artemis |
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Autre statue habillée, cette fois féminine et réalisée en bronze, l'Artémis retrouvée au Pirée et qui porte le repère A pour la distinguer d'une autre Artémis retrouvée au même endroit. Elle aurait été réalisée vers 350 à 300 avant notre ère. À cette déesse de la chasse, il manque le carquois qui était accroché dans son dos, l'arc qu'elle tenait dans sa main gauche, et probablement une fiole rituelle qu'elle soutenait de sa main droite.
Par différence avec la statue de Mausole, les coupures des plis de son habit qui attirent l'attention de notre esprit ne sont plus réalisées par de violents changements de direction dans le plissement de l'étoffe mais par un franc changement de vêtement au niveau bas du ventre, et aussi par les lanières croisées qui étaient destinées à porter son carquois et qui coupent brutalement la surface de l'étoffe au niveau de sa poitrine. L'effet de synchronisé/incommensurable qui porte les aspects matériels s'en trouve modifié : cette fois, comme pour le guerrier de Riace, il est procuré par la synchronisation entre l'apparence matérielle de la statue et l'apparence d'une femme réelle, tandis que ces deux réalités matérielles sont mutuellement incommensurables puisque l'une est de bronze et que l'autre est de chair et d'os. Le reste des effets plastiques peut s'analyser comme pour la statue dite de Mausole.
La cinquième et dernière étape du naturalisme gréco-latin :
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La Victoire de Samothrace, Grèce du Nord (vers 190 avant notre ère)
Source de l'image : https://www.franceculture.fr/emissions/la-visite-au-louvre/victoire-de-samothrace |
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On ne peut pas complètement négliger le fait que la Victoire de Samothrace a des ailes, ce qui n'est matériellement pas compatible avec le corps d'une femme auquel elles s'ajoutent donc en 1+1, mais on peut faire valoir qu'il ne s'agit pas d'une femme mais d'une déesse, et pourquoi serait-il anormal qu'une déesse soit ailée ?
Mis à part cette bizarrerie que l'on peut donc justifier, il ne fait pas de doute que le corps féminin de cette déesse est libre de toute raideur et qu'il s'élance en mettant en relation cohérente toutes ses diverses parties dans un mouvement d'ensemble dont on ressent bien l'unité globale. Bref, c'est un corps dont les aspects matériels relèvent clairement du type 1/x, ce qui n'a rien de surprenant pour la dernière étape d'une phase dans laquelle ces aspects doivent réussir à se réunir pour faire définitivement de la matière une notion globale et non plus envisagée au cas par cas.
À cette étape, les aspects matériels s'affirment par des effets de continu/coupé. Si l'on envisage d'abord la matérialité du corps de la déesse, remontant depuis l'extrémité de sa jambe gauche jusqu'à la naissance de son cou, on perçoit bien qu'il forme une continuité qui affleure sous l'étoffe alors que celle-ci est franchement coupée par des replis au niveau de ses hanches, puis plus discrètement coupée par les plis qui se marquent au-dessus de son nombril, au niveau de ses seins, puis au niveau de son cou. Latéralement son corps se continue aussi, mais avec une franche coupure de nature puisque son aspect humain se transforme soudainement en aile animale. Pour sa part, la matérialité de son habit habille en continuité toute la surface du corps de la déesse, mais elle démarre de façon très dense sur sa jambe droite qu'elle dissimule presque totalement en y formant d'amples et lourds plis coupés les uns des autres, ensuite elle se transforme en une tunique très légère au niveau du ventre, devenant alors quasiment transparente pour montrer le ventre et le nombril, puis le tissu acquiert à nouveau une certaine présence autonome au niveau de la poitrine puis de l'encolure, chaque changement dans sa texture correspondant à une coupure dans sa continuité.
Si l'on néglige les réalités matérielles suggérées par la statue et que l'on se concentre sur le style de ses formes, tel que peut le lire notre esprit s'il n'y voit qu'un « pur effet de marbre sculpté », cette fois c'est un effet de lié/indépendant qui domine car sa surface se décompose en masses organisées de façons très autonomes d'un endroit à l'autre, parfois par grands paquets et parfois par plissements légers, et tous ces plis et replis de marbre sont reliés entre eux en continu.
Ces descriptions montrent que l'effet de continu/coupé et celui de lié/indépendant utilisent des aspects des formes très différents, comme il convient pour correspondre au type additif de la relation entre les deux notions.
À la dernière étape, c'est l'effet d'intérieur/extérieur qui rend compte de la relation entre les deux notions : aux endroits où l'étoffe se fait légère, sur le ventre et sur la cuisse gauche, on peut discerner l'extérieur du corps matériel de la déesse, mais notre esprit ne manque pas de considérer qu'il est supposé à l'intérieur du vêtement, tout comme il peut deviner la présence de sa jambe droite bien qu'elle soit matériellement enfouie à l'intérieur d'une épaisse et lourde étoffe.
L'effet d'intérieur/extérieur est également celui qui apparaît d'emblée : comme on vient de l'indiquer l'extérieur du corps de la déesse se devine à l'intérieur de son vêtement, mais on peut aussi invoquer la présence les ailes qui sont certainement à l'intérieur de la statue mais apparaissent extérieures à son corps de femme, et qui d'ailleurs s'éloignent horizontalement très loin à son extérieur. La forme se répand par un effet d'un/multiple : son unité d'ensemble peut nettement se décomposer, comme on l'a vu, en unités plastiques autonomes, chaque unité regroupant à son tour une multitude de plis séparément repérables. Elle s'organise par un effet de regroupement réussi/raté : le vêtement réussit à regrouper sous lui le corps de la déesse, mais certaines parties de son corps restent visibles, comme en l'absence de tunique. On peut aussi faire valoir que toutes les parties du vêtement sont regroupées dans une même continuité mais que, de place en place, ses modifications d'aspect ne permettent pas que ce regroupement gomme la singularité et l'indépendance de ses différentes surfaces. Ces effets sont résumés par des effets de fait/défait : la forme du corps de la déesse est bien faite aux endroits où l'étoffe se fait légère, elle est défaite aux endroits où elle est cachée par la lourde étoffe, tel qu'il en va sur la jambe droite ; de l'étoffe aussi on peut dire que son arrangement est défait tellement elle vole en tous les sens et se disperse dans le vent, mais il est simultanément bien fait puisqu'il reste enroulé au corps de la déesse sans tomber au sol ni la découvrir.
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La Vénus de Milo, Grèce (vers 130 avant notre ère)
Source de l'image : https://www.wikiwand.com/fr/V%C3%A9nus_de_Milo
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La Victoire de Samothrace date approximativement de 190 avant notre ère. La Vénus de Milo est un peu plus tardive puisqu'elle daterait d'environ 130.
La coupure entre la partie très camouflée par le vêtement et la partie dont le corps est dénudé y est nettement affirmée puisque son torse est complètement dénudé tandis que ses jambes sont presque complètement dissimulées par une étoffe. Il en résulte une lecture moins subtile des différents effets que pour la Victoire de Samothrace : on devine que le corps de la Vénus est continu, mais il est coupé entre une partie dissimulée et une partie complètement dénudée ; ces deux parties traitées de façons très indépendantes sont naturellement liées l'une à l'autre en continuité ; le haut du corps de la Vénus est exposé à l'extérieur tandis que le bas de son corps est engoncé à l'intérieur d'un vêtement ; l'unité du personnage se divise en deux parties bien distinctes, chacune rassemblant d'ailleurs de multiples détails bien distincts les uns des autres ; la perception du regroupement en continuité du corps de la Vénus ne réussit pas à faire oublier la différence de traitement entre sa partie haute et sa partie basse. Pour finir, sa nudité est complètement faite sur une partie de la statue et complètement défaite sur une autre partie, tandis que du vêtement on peut dire qu'il est en train de se défaire, de tomber au sol faute d'être bien attaché sur les hanches de la Vénus, mais qu'il n'est pas encore défait puisqu'il y est encore retenu.
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Laocoon et ses deux fils attaqués par des serpents, Grèce (IIe ou Ie siècle avant notre ère)
Source de l'image : |
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Dernier exemple de sculpture grecque relevant de l'ontologie naturaliste, le célèbre groupe de Laocoon avec ses deux fils attaqués par des serpents, généralement daté du Ier siècle avant notre ère mais qui pourrait être un peu plus ancien.
Cette fois encore, on ne décèle aucune raideur dans aucun des corps, chacun s'affirmant bien comme une unité matérielle autonome dotée de multiples parties distinctes, et cette lecture en 1/x vaut également pour l'ensemble du groupe qui s'affirme également comme une unité matérielle divisée en multiples personnages et animaux.
Du point de vue de la matérialité des corps représentés, on a affaire à une continuité de chair humaine découpée en trois personnages, et aussi à une continuité linéaire de serpents découpée en tronçons par leurs entortillements autour des membres des personnages. Ces membres coupent parfois la vue des serpents, mais on devine bien qu'ils se continuent dans les parties qui nous sont cachées. Voilà pour l'effet de continu/coupé porté par la matérialité des personnages et des serpents.
Pour ce qui concerne l'effet de lié/indépendant que lit notre esprit lorsqu'il néglige la nature matérielle de ce qui est représenté et qu'il se concentre sur la plastique de l'œuvre, il est évident que celle-ci est organisée par le cheminement tortueux du corps des serpents qui relient entre eux les corps des personnages, lesquels correspondraient à autant de volumes indépendants si l'on négligeait la présence de ces animaux serpentant entre eux. Ces deux effets de continu/coupé et de lié/indépendant s'appuient donc encore une fois sur des aspects différents des formes pour correspondre au type additif des deux notions, et à nouveau c'est l'effet d'intérieur/extérieur qui rend compte de leur relation : chaque personnage est matériellement prisonnier à l'intérieur des enroulements des serpents, mais notre esprit ne manque pas de considérer qu'il s'agit de personnages autonomes dont le corps est par conséquent tout entier à l'extérieur de celui des serpents. Par ailleurs, notre esprit repère facilement que l'extérieur de chacun des personnages et de chacun des serpents est à l'intérieur du groupe qu'ils forment matériellement tous ensemble.
> Tome 5. Vers la Renaissance – Suite du chapitre 17. Naturalisme et animisme (Suite)