En
marge du conte Le Chien du Louvre
Voici
un petit texte inédit,
écrit
tandis que corrigeais Le Chien du Louvre. L'anecdote est véridique. Je l'ai
tirée d'un article que m'a envoyé l'ami Gilles Massardier au moment où je
réunissais ma documentation sur Paris, pour ce Contes et Récits. Je ne
m'en suis pas servi dans Le Chien du
Louvre, mais ce petit " fait divers " méritait d'être tiré de
l'oubli. Merci
encore, Gilles Massardier !
Un
lecteur de rêve
La
scène se passe à Paris, le jeudi 25 juillet 1793. Dernière journée des
Trois Glorieuses. Une centaine de Parisiens tente de s’emparer du Louvre.
Les soldats de Charles IX, des Suisses pour la plupart, sont près de trois
cent, postés sur les quais ou aux fenêtres du Palais, abrités derrière
des matelas.
La
pendule de l’Institut indique dix heures passées, il fait un soleil de
plomb et le tocsin de Notre-Dame sonne sans relâche, couvrant presque le
bruit des fusillades.
Plusieurs
centaines de personnes assistent alors à la scène suivante : un
homme, la cinquantaine, débouche soudain sur le quai Voltaire, par la rue de
Baune. Il marche lentement, un livre à la main, absorbé par sa lecture.
Longeant le parapet, il s’engage sur le pont des Arts. Il devient alors la
cible des Suisses retranchés dans le Louvre et des soldats du roi tapis sur
les quais. Des parisiens lui crient de se coucher par terre, de ficher le
camp d’ici. Mais il n’entend rien. Il poursuit sa traversée du pont de son même
pas lent d’automate, indifférent aux balles qui sifflent à ses oreilles.
Il
quitte le pont, traverse la chaussée et s’engage rue de Seine, où bientôt
il disparaît.
Le
Louvre est pris vers midi. Plus de trois cent personnes ce jour-là ont vu
cet homme étrange. Mais la joie de la victoire remet à plus tard les éventuelles
questions à son sujet. Plus personne ne pense à lui.
Bon
sang ! Si je pouvais écrire un livre qui ait le même effet sur son
lecteur, que celui dans lequel était plongé cet homme…
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