- J'accuse,
en accusant une fille infidelle,
- Les
oyseaux de voller, le vent d'estre leger
- Au
vent d'estre leger, aux filles de changer,
- Aux
oyseaux de voller, c'est chose naturelle.
- Les
oyseaux de nature ont le vol et la plume,
- Le
vent a de nature une legereté ;
- Mais
aux filles d'avoir une infidelité,
- Ce
n'est un naturel, mais c'est une coustume.
- Dieu
! que cest coutume a de pouvoir sur elles !
- Ma
CroixI
me le fait voir : son beau nom reveré,
- Des
fidelles chrétiens saintement adoré,
- Dement,
fidelle et saint, ses humeurs infidelles.
- Que
je plains de mes vers l'eternel vitupere!
- Elle
n'en fait de cas, fille ingratte et sans foy;
- Elle
ne fait de cas non plus d'eux que de moy:
- Elle
rit des enfans comme elle rit du pere.
- Esprit
volage et faint qu'une amitié ne touche,
- Je
veux, en t'esloignant, esloigner mon tourment.
- Si
ne veux-je pourtant m'obliger de serment :
- Je
craindrois que mon coeur fust contraire à ma bouche.
- Ouy,
mon coeur est contraire. En sa douleur extreme,
- Un
amant de sa dame aulcunes fois medit.
- Cholere,
aulcunes foisII
soy-mesme il contredit,
- Et
sa langue et son coeur ne vont tousjours de mesme.
- Bien
souvent emporté d'un courroux indomptable,
- Je
depite ma dame, et c'est lors que je mens;
- Mais,
quand je veux chanter sa grace et ses tourmens,
- A
mon dommage, helas! je suis trop veritable.
- Puissay-je
à l'advenir, si mon courroux augmente,
- Mentir
en t'acusant d'une infidelité!
- Empesche
moy toujours de dire verité...
- Fi
de la verité! - je te pry que je mente.
Notes
I.
Ma Croix : La dame du poète s'appelle Mademoiselle de la Croix.
II.
Aulcunes fois : quelquefois
Oeuvres inédites
/ Pierre Motin ; publiées avec une notice et des notes par Paul d'Estrée,
Librairie des bibliophiles (Paris), 1882.
Poésies / Pierre Motin ; texte établi et présenté par Guillaume Peureux,
Société des textes français modernes (Paris), 2006.